Interview de Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail à CNews le 14 septembre 2018, sur la loi travail et les ordonnances et le plan anti pauvreté.

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Média : CNews

Texte intégral


CLELIE MATHIAS
C'est l'heure de l'interview de Jean-Pierre ELKABBACH. Nous sommes un an, un an après la Loi travail et les fameuses ordonnances. Alors, qu'est-ce que cette loi, qu'est-ce que ce texte a changé pour la vie des travailleurs que nous sommes ? Eh bien Muriel PENICAUD, la ministre du Travail, est l'invitée de Jean-Pierre ELKABBACH.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonjour. Le 13 septembre restera sans doute une date importante : le président de la République lance à la fois le Plan anti-pauvreté, et d'autre part il reconnaît la responsabilité de l'Etat français dans la disparition, la torture et l'exécution du mathématicien Maurice AUDIN, pendant la Guerre d'Algérie et la Bataille d'Alger, et en même temps, dans la pratique de la torture pendant cette période. Bienvenue Muriel PENICAUD.
MURIEL PENICAUD
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Bonjour. Naturellement, ce n'est pas votre sujet, on va parler du Plan anti-pauvreté, mais pourquoi tout en même temps ? Est-ce que les deux actes de la journée d'hier se cannibalisent ou se complètent ? Pour lui.
MURIEL PENICAUD
Les deux sujets sont des sujets de fond extrêmement importants, le fait que ça soit le même jour, c'est secondaire, ce qui est important c'est quand même d'abord d'un côté le devoir de mémoire. Je pense que le courage de la mémoire c'est ce qui prépare la paix, et je trouve que c'est un grand jour pour la France et pour les Français, et pour les Algériens, ce qui a été fait hier. Et par ailleurs, le plan de lutte contre la pauvreté, il était annoncé, il était attendu, c'était le moment de le lancer, eh bien je pense qu'on ne gère pas que par les informations, on gère d'abord par le fond.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais ce n'est pas une manière de montrer qu'on est un peu plus, ce qu'on entend et on lit à gauche ?
MURIEL PENICAUD
Mais, il faut arrêter avec ces histoires de gauche et de droite. Pour moi, la cohérence de ce que le président de la République et notre gouvernement, nous voulons faire, c'est brique par brique, par exemple dans mon domaine il y a eu les ordonnances, il y a eu la Loi avenir professionnel, maintenant il y a la contribution au Plan pauvreté sur tous les sujets d'insertion, sociale et professionnelle. Eh bien la cohérence…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, très bien, mais ça, brique par brique, pour faire quoi ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien pour faire quelque chose où je pense que quand on dit que l'émancipation passe par le travail, l'éducation, la formation, qu'est-ce qu'on veut dire ? On veut dire qu'il faut en finir avec le sentiment de fatalité, pour moi c'est une lutte contre la fatalité et contre la perception de la fatalité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand on est un pauvre, on peut un jour, sans attendre 80 ans, sortir de la pauvreté.
MURIEL PENICAUD
Aujourd'hui, quand on est pauvre, on a, l'espoir que ses enfants ne soient pas pauvres, c'est six générations. Mais dans la Loi avenir professionnel, c'était la même chose, on est ouvrier et l'on pense que l'on ne pourra pas aujourd'hui devenir technicien ou ingénieur. On va le permettre par la formation professionnelle. On croit, parce qu'on est une femme, que c'est normal, que l'on est résignée à être sous-payée pour le même travail, on va changer ça, grâce à la Loi avenir professionnel.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous êtes optimiste, et confiante, mais…
MURIEL PENICAUD
On est déterminé, c'est l'optimisme de l'action.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je reviens sur l'Algérie. 61 ans après les évènements, est-ce que c'est pour l'histoire, la recherche de la vérité, ou comme dit Marine LE PEN et la droite, pour diviser les Français ?
MURIEL PENICAUD
Ecoutez, je pense que tous les gens, quelle que soit leur opinion du sujet, qui ont vécu ces périodes ou qui ont ensuite vécu les commentaires sur cette période, savent que ça, ça dépasse totalement les petits commentaires, c'est vraiment un acte mémoriel qui me parait important.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et aucun de ses prédécesseurs n'avait été jusque-là, et il faut dire qu'hier il dénonce les politiques civiles et cette part de l'Armée française, qui représentait tout un système, autorisé, légalisé par les pouvoirs spéciaux qui avaient été accordés par le Parlement.
MURIEL PENICAUD
Et il faut faire la distinction entre l'Armée et les militaires. Il y avait des ordres et il y avait des décisions prises par le gouvernement. Donc je crois que là-dessus, le sujet doit être clair, c'est que tous les acteurs de l'époque, ils ont agi sur ordres, mais ils ont fait l'injustifiable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les archives sont être ouvertes, les archives françaises…
MURIEL PENICAUD
Oui.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est bien, les Algériens ont bien réagi à la décision du président de la République, maintenant il faut qu'à leur tour ils ouvrent leurs propres archives, et ça c'est autre chose.
MURIEL PENICAUD
La France s'honore d'être parmi les pays qui font le devoir de mémoire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, Emmanuel MACRON a promis hier d'éradiquer la grande pauvreté en une génération. Vous commencez quand ?
MURIEL PENICAUD
C'est commencé, ça commence maintenant. Il faut bien comprendre que pour éradiquer cette fatalité, qu'on perçoit et que beaucoup de nos concitoyens perçoivent…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez l'air de découvrir les pauvres. Hier il disait : « Le visage des pauvres, quand je vais en tournée », etc. Mais les pauvres, on les voit.
MURIEL PENICAUD
Non, franchement…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
9 millions, ça se voit.
MURIEL PENICAUD
On a pris le temps de discuter avec tous les acteurs. Les acteurs c'est aussi bien les entreprises, le secteur d'insertion, pour savoir ce qui est efficace.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous commencez par quoi, vous ? Agnès BUZYN a ses dossiers, vous les vôtres, par quoi ?
MURIEL PENICAUD
D'abord, toute son équipe interministérielle, c'est coordonné par Agnès BUZYN, mais... Alors, dans mon domaine, il y a plusieurs sujets. Il y a le sujet des jeunes. Vous savez qu'il y a 1,3 million de jeunes qui aujourd'hui ne se projettent pas dans l'avenir donc il y a des éléments très importants dans la Loi avenir professionnel, sur le développement de l'apprentissage, qui démarre là bien à la rentrée. On va aussi créer ce qu'on appelle l'obligation de formation, c'est l'obligation pour tout le monde de faire une proposition à tous les jeunes de 16 ou 18 ans, qui sont sortis du système scolaire. Aujourd'hui il y a des actions, on va les amplifier…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Parce qu'ils n'ont ni formation, ni études, ni rien.
MURIEL PENICAUD
Ils sont ni en formation, ni en emploi, ni en apprentissage, ils sont nulle part. Comment on peut aujourd'hui avoir 16 ans, ou 18 ans, et croire qu'on n'a pas d'avenir et que la fatalité c'est que vous êtes fichu. Non. Donc, on les accompagne…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous dites « il faut les accompagner », mais qui va les accompagner et les encadrer ?
MURIEL PENICAUD
Aujourd'hui, on travaille avec les Missions locales, on travaille avec les éducateurs, on va avoir un travail particulier avec les professionnels de l'aide sociale à l'enfance, parce que là c'est dramatique, beaucoup des jeunes qui sortent de l'ASE à 18 ans, ils deviennent SDF, vous vous rendez compte ? La Nation les a protégés, et puis le jour des 18 ans, on les met dehors, et du coup ils se retrouvent SDF. Donc ça, on va travailler avec les départements là-dessus, on va travailler beaucoup…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les départements et les régions. Mais vous ne regrettez pas d'avoir réduit autant les contrats aidés ? Parce que ces emplois-là vous auraient aidé pour encadrer ces jeunes.
MURIEL PENICAUD
Je pense que... ce que l'on veut c'est des solutions qui vraiment permettent aux intéressés de sortir a de la pauvreté. Les contrats aidés avaient des résultats mauvais. Aujourd'hui ils sont meilleurs, ils sont beaucoup mieux ciblés, ils commencent à avoir de meilleurs résultats, parce qu'on a exigé qu'il y ait de l'accompagnement et de la formation. Parce que si vous êtes précaire, que vous n'avez pas de qualification, qu'on vous met dans un contrat aidé, mais que ce contrat aidé personne ne vous accompagne pour le logement, la santé, ça ne marche pas, donc les nouveaux contrats aidés, les Parcours emploi compétences, là ils permettent ça. Et puis il y a des choses qu'on va beaucoup renforcer, par exemple l'insertion par l'économique. L'insertion par l'économique, c'est des associations, des structures, qui accueillent des personnes qui n'arriveraient pas à entrer directement dans le monde de l'entreprise, mais qui peuvent avoir une activité. La dignité, l'activité…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais quand ? A partir de quand et quand ?
MURIEL PENICAUD
C'est dès maintenant, puisque j'ai un budget en augmentation là-dessus pour les 4 ans qui viennent, et nous allons discuter très rapidement avec l'insertion par l'économique, comme on l'a déjà fait pour les entreprises adaptées, pour les personnes handicapées, pour augmenter cette capacité et ça donne plus espoir. Parce que vous savez, quand vous rencontrez, et moi je serai demain matin à Toulouse dans une entreprise d'insertion, j'en vois beaucoup, quand vous voyez des personnes qui sont de nouveau fières, qui peuvent rentrer chez eux, en disant : « Moi je travaille, je travaille dans l'économie circulaire, on fait du recyclage »…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien, très bien.
MURIEL PENICAUD
Et c'est de la dignité et du point de vue économique et social on avance.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais c'est pour ça que dans ce plan, que moi j'appelle anti-pauvreté, je ne sais pas pourquoi vous dites pauvreté, le slogan c'est faire plus pour les 9 millions qui ont moins. Mais est-ce que c'est simplement une question de fric, d'argent ?
MURIEL PENICAUD
Bien sûr que non. D'abord je pense que c'est une mobilisation collective, il faut d'abord qu'on croie collectivement que oui c'est possible de lutter contre le fatalisme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors, on avance, on avance.
MURIEL PENICAUD
Et deuxièmement, hier par exemple j'étais à la Fédération françaises des banques, ils font des... Les entreprises aussi ont des choses à faire, elles font des actions en matière d'inclusion, en matière sociale…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça c'est insuffisant.
MURIEL PENICAUD
... il faut qu'on change d'échelle.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Très bien.
MURIEL PENICAUD
Donc on change d'échelle.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Emmanuel MACRON a annoncé hier un projet de loi en 2020, pour créer un revenu universel d'activité, c'est-à-dire que vous allez le mettre en route, je suppose, pour une application quand ? Avant la fin du quinquennat ?
MURIEL PENICAUD
Alors, de quoi il s'agit…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non non. Avant la fin du quinquennat ? Ça va exister ou c'est un truc qu'on a lancé comme ça, pour la mode ?
MURIEL PENICAUD
Eh bien la loi va définir... Ah non, ce n'est pas le genre de la maison de lancer des trucs pour la mode. On ne fait que des réformes de fond, on peut nous accorder ça.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que ça existera avant la fin du quinquennat ?
MURIEL PENICAUD
Alors, dans la loi, vont être précisées les modalités et la date. Ce qui est important c'est quoi ? C'est qu'aujourd'hui, quand on est pauvre, on fait un parcours du combattant quotidien pour avoir toutes les aides différentes, à différentes étapes.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
RSA, prime d'activité…
MURIEL PENICAUD
RSA, APL, prime d'activité etc.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le logement etc.
MURIEL PENICAUD
C'est un parcours du combattant…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc il y aura une allocation unique.
MURIEL PENICAUD
... qui permet d'avoir l'ensemble des éléments et de garder du temps pour sa famille, pour se construire parfois, parce qu'il y a les accidents de la vie aussi, où trouver une activité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire que ça va se substituer.
MURIEL PENICAUD
Ça va fusionner…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Fusionner.
MURIEL PENICAUD
... quelque chose beaucoup plus simple, parce qu'aujourd'hui c'est tellement compliqué, que 30 % des gens qui y ont droit, n'y ont pas accès.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous ne m'avez pas répondu. Est-ce qu'on va, puisque le projet de loi c'est 2020. Est-ce que ça veut dire, là vous commencez à le bâtir, ou vous vous dites « on a le temps », ou vous commencez à le bâtir et on le verra et les intéressés le verront avant 2022 ou vous dites 2023/24…
MURIEL PENICAUD
Le calendrier sera défini dans la concertation.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
... on verra bien qui sera là.
MURIEL PENICAUD
Eh bien non, je pense qu'on n'a pas cette... Voilà…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous pensez que vous serez là.
MURIEL PENICAUD
D'abord, je pense qu'on sera là, et deuxièmement non, le sujet aujourd'hui c'est de travailler à la fois sur le calendrier, mais les modalités pour que ça marche vraiment bien, avec tous les acteurs, donc le calendrier on le définira aussi avec eux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que d'ici là vous allez augmenter un peu les minima sociaux ?
MURIEL PENICAUD
Alors oui, on augmente certains minima sociaux qui sont dans cette philosophie de l'émancipation par le travail, d'aider chacun à retourner, s'il peut, vers une activité, même minime, et donc on augmente la prime d'activité, on augmente aussi l'allocation adulte handicapé, vous savez qu'on augmente aussi le minimum vieillesse et on augmente aussi toutes les autres mais un peu moins.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Revenu universel d'activité, Benoît HAMON avait proposé ça pendant la campagne présidentielle, on avait rigolé, et aujourd'hui on entend, revenu, lui il dit : « Bande de faussaires », c'est du plagiat.
MURIEL PENICAUD
Alors, il faudrait savoir, parce qu'il dit à la fois « Ce n'est pas la même chose », et en même temps « On me copie ». Mais moi j'entends que quand il dit ça, ça veut dire qu'il va soutenir l'action du gouvernement, donc c'est très bien.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais en quoi, en quoi c'est différent de ce qu'il a proposé ?
MURIEL PENICAUD
Mais on ne compare pas, on compare nous à une logique qui n'est pas mettre les gens dans l'assistance à vie, ça c'est, franchement ce n'est pas un projet qui va dans les valeurs républicaines.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça c'est lui qui les mettait…
MURIEL PENICAUD
Si on fait juste du revenu, je pense que l'on est dans une logique où on se dit : il y a du travail pour les gens éduqués, et puis les autres, ça ne sera que l'assistanat. Ce n'est pas un projet de charité ou d'assistanat, c'est un projet d'émancipation, ça veut dire que le mot activité, c'est le mot important.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
L'assistanat s'élimine, parce qu'il faut sortir de la prison ceux qui sont, c'est une sorte de prison, ceux qui sont pauvres.
MURIEL PENICAUD
C'est un piège. C'est un piège qui se referme sur les pauvres.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et on y entre et il faut pouvoir en sortir. Les pauvres vont acquérir des droits, des aides, mais vous leur demandez en même temps des efforts de leur part, vous dites : ils ont des devoirs et des contreparties. Lesquelles ?
MURIEL PENICAUD
Mais pourquoi ? Ce qu'on appelle des devoirs, c'est parce que moi je suis profondément convaincue, par expérience, j'ai travaillé aussi dans le domaine de l'insertion avant d'être dans les entreprises, que chacun peut apporter quelque chose. L'autre jour j'étais dans un Resto du coeur, il y avait une bénévole, une personne handicapée, et les gens autour d'elle disaient : mais c'est la personne la plus importante de l'équipe, parce que c'est le rayon de soleil de l'équipe et elle donne du courage, tous les matins à tout le monde. Eh bien, quand elle fait une activité de aux Restos du coeur, et là, c'est de l'activité, elle contribue au commun. Donc chacun peut apporter quelque chose.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ecoutez ce que disait Benoît HAMON.
BENOIT HAMON
Non sommes en France, à exiger des plus pauvres, davantage de contreparties encore, pour obtenir le minimum du minimum. Et c'est d'autant plus frappant que vous n'avez jamais entendu le président de la République exiger la moindre contrepartie aux plus riches, quand il leur a accordé 3,2 milliards d'euros à travers la baisse de l'ISF.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La France a besoin de riches, sans doute, mais pas pour qu'ils deviennent plus riches, mais pour qu'ils créent, qu'ils créent des emplois, qu'ils participent et que les pauvres sortent de la pauvreté. Qu'est-ce que vous attendez des entrepreneurs, des gens du CAC 40, qui ont une année florissante, qu'est-ce que vous leur dites dans ce combat collectif contre la misère et la pauvreté ?
MURIEL PENICAUD
Alors, je crois que ce qui est très important pour réussir ce combat contre la pauvreté, il faut que tout le monde se mobilise. Je reprends l'exemple des banques, il y a ce qu'elles vont faire en matière d'inclusion, il y a le sujet de l'accès au crédit et par exemple on veut développer tout ce qui est microcrédit et il faut savoir que contrairement à l'idée reçue, les pauvres ils remboursent aussi bien que les autres leurs crédits, mais souvent on ne leur en fait pas. C'est juste un exemple, mais donc c'est pour ça que le président de la République a réuni 100 grands patrons il y a quelques semaines, et que je vais avec mes collègues, continuer ce travail avec eux, parce que je pense que dans chaque domaine, on peut faire quelque chose, sur l'alimentation…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En fait il s'agit pour vous de transformer le modèle social français, pas à pas.
MURIEL PENICAUD
Depuis le début, nous avons dit que nous transformons le modèle social, parce qu'aujourd'hui il est injuste. Il est injuste dans la formation, parce que... Il est injuste dans la formation, il est injuste dans la santé, c'est tout ça qui est en cause.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Allons vite, parce qu'il y a tellement de choses à vous demander. 8,5 milliards en 4 ans, 2 milliards par an, Edouard PHILIPPE et Gérald DARMANIN sont en train de traquer avec une certaine férocité, les dettes et les déficits. Où vous allez trouver ces 8 milliards qui sont déjà à 4 ?
MURIEL PENICAUD
Les 8 milliards sont une priorité, donc quand c'est une priorité ça veut dire qu'on fait des efforts ailleurs, et par exemple, si je prends l'exemple de mon ministère, moi je mets le paquet sur les écoles de la deuxième chance, on va en créer dix de plus. Sur l'insertion par l'économique, sur l'accompagnement par les Missions locales, pour que de 500 000 jeunes puissent bénéficier de la garantie jeunes dans les années qui viennent, et inversement des instruments moins efficaces, eh bien je les limites pour limiter la dépense publique, mais plus efficace.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez rappelé ce que disait le président : ce n'est pas un plan charité. Est-ce que ce n'est pas un plan politique, pour ne plus être, avoir cette étiquette collante, et dont on a du mal à se débarrasser, le président des riches et le président de tous, ou le président des riches, des pauvres etc. ? Ça c'est un travail sans cesse recommencé.
MURIEL PENICAUD
Bien sûr c'est un plan politique, mais au bon sens du terme, pour moi politique ça veut dire quoi, c'est la démocratie, c'est le vivre ensemble et dans le vivre ensemble il faut que chacun puisse s'élever, que chacun puisse avoir un espoir, que chacun puisse sortir de la condition dans laquelle il est né, c'est ça qui est politique.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous confirmez qu'à la fin du quinquennat, vous me l'avez dit ici, le taux de chômage sera réduit à 7 % ?
MURIEL PENICAUD
Alors, ce n'est pas une baguette magique, mais on a cette ambition-là, qui était annoncée dans la campagne présidentielle, on reste sur cette ambition c'est un combat de tous les jours, il y a quatre instruments pour ça, il y avait les ordonnances, il y a la Loi avenir professionnel, stratégie compétences, il y a la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et il y a les règles de l'assurance chômage. Donc on utilise tous les instruments dans ce domaine-là.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Justement, il y a l'évolution de l'assurance chômage, elle est en cours, les négociations se font d'abord entre syndicats et vous les recevez un à un, est-ce que vous tiendrez compte de leur avis, quelles sont les pistes ? Bien sûr vous allez tenir compte de leur avis, mais les pistes pour vous, parce que vous avez un avis.
MURIEL PENICAUD
La méthode, parce que pour moi la méthode détermine la suite, comme toujours. La méthode c'est d'abord qu'il y ait un diagnostic partagé, ils le terminent aujourd'hui, un diagnostic sur qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas, qu'est ce qui a des effets d'incitation au retour à l'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord…
MURIEL PENICAUD
Moi je tiens à deux choses. Un, c'est l'incitation au retour à l'emploi et deux, que l'emploi soit le plus durable possible, alors qu'aujourd'hui 87 % des embauches elles sont en CDD, en intérim, et d'ailleurs c'est pour ça qu'il y a des travailleurs pauvres.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
A une période de la croissance est difficile…
MURIEL PENICAUD
Oui, mais elle crée des emplois quand même, on en a créé 24 000.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Selon des députés de En Marche, les cadres au chômage gagnent trop et trop longtemps. Vous partagez leur avis ?
MURIEL PENICAUD
D'abord ce n'est les cadres…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Des cadres. Des cadres au chômage.
MURIEL PENICAUD
Ce n'est pas tous les députés qui disent ça, eh bien dans les diagnostics, les partenaires sociaux vont regarder s'il y a des sujets sur les indemnisations, mais c'est plutôt les règles. Vous savez, le problème ce n'est pas les gens, c'est les règles. Aujourd'hui on a des règles en France, de l'assurance chômage, très compliqué, il y en a 200, et qui ont comme résultat qu'il y a des personnes qui n'ont pas d'incitation au retour à l'emploi. On ne va pas demander aux personnes d'aller travailler si elles gagnent moins, c'est absurde. Et en plus elles incitent certaines entreprises à utiliser en permanence des emplois très très précaires, même parfois journaliers, et remettent les gens au chômage, ça, ça coûte 8 milliards d'euros.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il faut que ça s'arrête.
MURIEL PENICAUD
Il faut qu'on assainisse pour que les règles incitent à l'emploi durable.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Un mot encore. La dégressivité des indemnités de chômage, vous dites « ce n'est pas un tabou », donc c'est possible.
MURIEL PENICAUD
J'ai dit et je redis que lorsqu'on commence une discussion avec les partenaires sociaux, il n'y a aucun sujet que les partenaires sociaux où le gouvernement exclut a priori.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous avez votre avis.
MURIEL PENICAUD
Moi mon avis, c'est que je mesurerai à l'efficacité de la négociation, et je suis confiante sur le fait que les négociateurs vont au bout, ils l'ont montré dans le passé, on peut y arriver, eh bien ça sera plus efficace en termes de retour à l'emploi. La seule chose, après, les instruments, ce n'est pas…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les décisions qui seront prises sur l'assurance chômage, est-ce qu'elles seront audacieuses, nouvelles, ou est-ce qu'elles seront timorées ? Comme si vous avez désormais la trouille d'exercer le pouvoir, pas vous, mais l'ensemble de votre équipe.
MURIEL PENICAUD
Nous n'avons pas la trouille d'exercer le pouvoir, nous avons une responsabilité forte, nous nous sommes engagés sur le programme présidentiel, on continue, et donc sur ce sujet-là, comme sur les autres, je vous garantis que ça sera une belle réforme.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous avez vu que les Français sont à la fois parfois inquiets et mécontents, ils vous ont vu vous à l'oeuvre, pour ce que vous dites être cohérents, le Code du travail, l'apprentissage, etc., ils ont peut-être envie de vous croire, et il ne faut pas les décevoir. Merci d'être venue.
MURIEL PENICAUD
On et là pour eux, et avec eux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci d'être venue, et à bientôt, bonne journée.
MURIEL PENICAUD
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 septembre 2018