Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-irlandaises et le Brexit, à Paris le 31 octobre 2018.

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Circonstance : Point de presse conjoint avec M. Simon Coveney, ministre des affaires étrangères irlandais, à Paris le 31 octobre 2018

Texte intégral


Je suis très heureux d'accueillir Simon Coveney en ma qualité de ministre des affaires étrangères, pour la deuxième fois. Nous nous sommes rencontrés ici même en juillet 2017, quelques semaines après nos prises de fonctions respectives à la tête des diplomaties irlandaise et française.
J'ai eu le plaisir de vous rendre visite, à mon tour, en Irlande au mois de mai dernier. J'avais eu également, à cette occasion, la chance de rencontrer le président de la République, Mickael D. Higgins, avec qui j'ai des relations peu historiques parce que nous avons été, l'un et l'autre, maires de nos villes jumelées, Lorient et Galway, pendant quelques temps. Et je voudrais lui adresser ici mes félicitations autant officielles que personnelles pour sa réélection à la présidence.
Naturellement, Simon et moi-même, nous nous voyons également régulièrement dans le cadre des réunions des conseils des affaires étrangères et j'ai la prétention de croire que notre relation bilatérale, personnelle est excellente. Et je souhaite que cette relation puisse continuer à se développer.
Nous avons à coeur de bâtir ensemble un partenariat privilégié. Je me réjouis de pouvoir féliciter l'Irlande pour son entrée il y a trois semaines dans l'Organisation internationale de la Francophonie, comme membre observateur, elle y a toute sa place et son apport sera précieux.
Cet après-midi, nous avons échangé sur plusieurs grandes questions internationales à propos desquelles nous avons des analyses convergentes et développons des ambitions communes.
Je pense à notre volonté de maintenir le processus de paix au Proche-Orient à l'Agenda international. Je pense aussi aux liens entre l'Union européenne et le continent africain que nous avons tous les deux à coeur d'étoffer.
Nous avons évidemment aussi parlé du Brexit. Nous sommes à un moment de vérité dans les négociations et il est indispensable que nous obtenions des garanties du Royaume-Uni conformément aux engagements qu'il a pris en décembre 2017 et mars 2018, s'agissant du non-rétablissement de la frontière physique entre l'Irlande et l'Irlande du Nord, dans le respect du marché intérieur. Il en va de la pérennité de l'Accord du Vendredi saint. Et celui-ci n'est pas seulement une question irlandaise ou une question britannique, c'est un accord international qui compte pour l'Union européenne comme pour la France. Et je dois dire avec une grande clarté que nous continuerons à soutenir l'Irlande sur cette question cruciale.
Q - Votre homologue irlandais vient de nous dire que le temps est compté au point que la décision en fait doit intervenir la semaine prochaine. Est-ce que vous êtes optimiste sur le fait qu'on va parvenir à cet accord ou est-ce que c'est déjà trop tard ?
R - Nous souhaitons aboutir à cet accord. Le mandat qui a été confié par les Etats membres à Michel Barnier a permis d'aboutir au règlement d'une très grande partie des sujets. Nous sommes à 90% d'un accord de retrait. Mais il reste, entre autres, à régler la question de la frontière physique entre l'Irlande et l'Irlande du Nord et nous ne souhaitons pas un retour à une frontière dure. Et, pour ce faire, il y a une proposition de Michel Barnier, qui est la proposition du "backstop", qui avait été validée une première fois par les autorités britanniques et qui ne l'est plus. Il importe que cette position soit prise en compte. J'observe d'ailleurs que, lors de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement du 18 octobre, mandat a été donné à Michel Barnier de poursuivre la négociation sur ces bases, signe de l'unité des Vingt-Sept. Il faut donc poursuivre pour pouvoir aboutir à un acte de retrait et ensuite passer à une phase de transition. Il y a urgence, Simon vient de le dire, il y a une urgence de date. Mais, si je peux prendre une expression de football, la balle est dans le camp britannique.
Je voudrais aussi dire à Simon que j'accueille les propositions potentielles à venir des autorités irlandaises pour un renforcement de la relation avec la France avec beaucoup de satisfaction. Cela montre la force de notre relation qui est d'ailleurs inscrite dans l'Histoire. Et, puisque vous parliez du trafic tout à l'heure, je voulais réagir sur trois points.
D'abord, pour rappeler, mais chacun le sait, la géographie ; nous sommes voisins, il n'y a que la mer qui nous sépare, et la mer, généralement, unit les hommes, les femmes, elle ne les sépare pas ; en tout cas, c'est de cette manière que, pour ma part, né au bord de la mer, je vis ma relation avec la mer. Donc, nous sommes voisins.
Et, par ailleurs, nous avons des ports. Et, dans le cadre de la préparation d'une hypothèse, que nous ne souhaitons pas, de "no deal", la France et l'Irlande travaillent aussi sur cette relation maritime nouvelle qu'il nous faut inventer. Nous avons encore un peu de temps pour cela et j'espère que nous ne serons pas à cette hypothèse mais il faut se préparer à toutes les hypothèses. Et nous avons des ports. Nous avons même déjà des lignes régulières en Normandie et en Bretagne, à la fois françaises et irlandaises. Il y a donc des perspectives de renforcement que nous souhaitons pouvoir mener à bien ensemble dans l'hypothèse d'un "no deal".
Et puis sur la question des transits routiers par le Royaume-Uni, nous en avons parlé, nous ne sommes pas fermés à cette hypothèse et il faut maintenant définir les modalités pratiques pour ne pas porter atteinte à l'intégrité du marché intérieur. Mais cette hypothèse aussi mérite un travail ensemble que nous menons d'ailleurs de manière très confiante et très opératoire.
Q - Monsieur le Ministre, on entend beaucoup de rumeurs ces jours-ci. Le processus de paix est au point mort. Est-ce que la France pourrait reprendre une initiative lors des commémorations du 11 novembre ? Mister Coveney, you said last month, on september 22, that Ireland will consider officially recognizing Palestine and that Ireland would also like to hold a meeting in Dublin for some of the parties involved. Is there any progress on that ? Monsieur le Ministre Le Drian, est-ce que la France soutient l'initiative irlandaise ? Peut-on parler d'une initiative franco-irlandaise ?
R - Nous avons avec l'Irlande le même attachement résolu à la solution des deux Etats, qui est la pierre angulaire d'une paix juste et durable. L'Irlande a d'ailleurs pris une part active aux conférences internationales qui se sont tenues à Paris en juin 2016 et en janvier 2017. Dans ce cadre, il est non seulement utile mais il est nécessaire que nous continuions à travailler ensemble et avec d'autres partenaires, afin de renouveler le rôle que l'Union européenne doit jouer dans le processus de paix au Proche-Orient.
Nous avons longuement échangé sur la possibilité de poursuivre ces discussions sous une forme à la fois opératoire et pragmatique et on aura sans doute l'occasion d'y revenir dans quelques semaines.
Pour le reste, vous connaissez nos positions, je viens de les rappeler. Il y a une attente d'un plan de paix américain et nos discussions avec Simon de tout à l'heure portaient sur la capacité que nous avons ensemble éventuellement de faire des propositions si d'aventure il y avait une panne dans le processus de paix. Voilà ce que je peux dire à ce moment.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2018