Point de presse de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations entre la France et la République centrafricaine, à Bangui le 2 novembre 2018.

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Circonstance : Déplacement en République centrafricaine, les 1er et 2 novembre 2018

Texte intégral


J'ai renouvelé ce que j'ai déjà dit hier, en partie. Je suis très heureux d'être ici à Bangui, deux ans après ma dernière visite. J'ai été reçu ce matin longuement par le président Touadéra avec qui nous entretenons, ainsi que le président Macron, un dialogue régulier. Je me suis aussi entretenu avec mon homologue Charles Doubane. Nous avons ainsi pu échanger sur tous les aspects de notre relation bilatérale, sur la situation du pays et sur les perspectives de développement.
Ce que je peux dire, c'est que depuis ma dernière visite, des progrès ont été accomplis, la MINUSCA s'est déployée, l'EUTM s'est renforcée, mais la situation en RCA demeure fragile, comme le savent les Centrafricains qui en sont les premières victimes. J'ai dit ce matin au président Touadéra, de la part du président Macron, que la France soutient pleinement les efforts des autorités centrafricaines pour rétablir l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire et pour trouver un accord avec les groupes armés en vue de leur désarmement, de leur démobilisation, afin d'aboutir à une réconciliation nationale.
Parler de réconciliation nationale, ce n'est pas renoncer à lutter contre l'impunité. Et, à ce titre, je me réjouis que se soit tenue le 22 octobre dernier la session inaugurale de la Cour pénale spéciale. Cet événement marque le lancement officiel des enquêtes sur les graves violations des droits de l'Homme et du droit international humanitaire commises dans ce pays. Il revient aux Centrafricains, qui ont déjà longuement discuté de ces questions lors du forum de Bangui en 2015, de décider si l'exigence de justice est conciliable ou non avec une amnistie. Mais la Cour pénale spéciale doit initier et mener ces travaux.
S'agissant des négociations avec les groupes armés, j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises mais je voulais le redire ici : il y a pour la France un seul cadre qui puisse permettre de trouver un accord, c'est l'initiative africaine de paix que portent ensemble l'Union africaine et les pays de la région avec le soutien des Nations unies. J'étais à la réunion spéciale au moment de l'Assemblée générale des Nations unies sur ce sujet, en présence du président Touadéra et du secrétaire général des Nations unies, M. Gutteres, et tout cela a été bien affirmé. Il faut donc maintenant accélérer la mise en oeuvre de l'initiative africaine de paix pour aboutir à un processus sécuritaire.
Ma visite est aussi l'occasion de rappeler que la France se tient, comme elle l'a toujours fait dans les moments de sérénité comme dans les moments de drame, toujours la France a été là, toujours la France s'est tenue aux côtés de la Centrafrique et des Centrafricains. Et nous voulons renforcer notre présence dans le domaine de la sécurité, c'est l'enjeu central. La sécurité, pour qu'elle soit durable, il faut qu'elle soit assumée par les Centrafricains eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle nous participons de manière très forte à la formation des FACA, je l'ai dit ce matin en visitant le centre de formation de Kassaï. La France y contribue de manière significative et elle le poursuivra d'autant plus qu'elle assurera la responsabilité, le commandement de cette mission à partir du milieu de l'année prochaine. Et nous allons poursuivre en ce sens d'autant plus que, comme je l'ai annoncé tout à l'heure au président Touadéra, nous allons bientôt livrer des armes pour permettre aux forces africaines d'être équipées et nous allons livrer ces armes - il s'agit de fusils d'assaut -, dans le cadre strict des Nations unies, dans le cadre strict du comité des sanctions et dans une transparence totale à la fois sur l'origine, sur l'acheminement et sur l'utilisation, afin que les forces armées centrafricaines soient non seulement formées mais soient en situation de rétablir la paix et la sécurité le cas échéant.
J'ai annoncé tout à l'heure deux initiatives importantes. D'abord, le renforcement de notre coopération dans le domaine du désenclavement avec ce programme de trois cents mètres linéaires de ponts, qui sera suivi d'autres tranches de financement et d'équipements, en relation avec l'Union européenne. C'est un enjeu essentiel, dont il faut maintenant assurer la mise en oeuvre puisque les premiers éléments du pont concerné vont arriver bientôt dans un port du Cameroun. Il faut donc maintenant le mettre en oeuvre, nous y veillerons de près.
J'ai annoncé aussi l'initiative de soutien et de développement sur la partie frontalière de la République centrafricaine avec le Cameroun. Je voudrais rajouter que cette aide de la France, elle est permanente. Je constatais hier les travaux de l'équipe de l'ONG française ACTED dans la zone de Boeing, nous avons à cet égard un financement important et permanent et nous continuerons notre aide au développement.
Le président Touadéra a tout à l'heure fait référence à la réunion de mobilisation financière qui s'était tenue à Bruxelles à la fin 2016. Nous nous étions engagés à l'époque, la France, à apporter 28 millions d'euros par an au développement de la République centrafricaine. Nous sommes à 34 millions d'euros, donc nous avons tenu nos engagements financiers. Et nous souhaitons que tous ceux qui s'étaient prononcés à ce moment-là pour un engagement financier de développement à l'égard de la RCA puissent tenir ces engagements.
Voilà ce que je voulais vous dire. La France est présente, la France est là, la France souhaite continuer son partenariat historique avec la République centrafricaine. Et je dois dire que j'ai eu avec le président Touadéra un entretien d'une grande qualité qui me permet de voir l'avenir avec optimisme.
Q - Monsieur le Ministre, bonjour. Dans les propos que vous avez tenus tout à l'heure, vous avez parlé de choses concrètes pour notre pays à travers la signature des accords de développement et, ensuite, vous nous avez parlé de projets pour la paix concrets, en considérant la sécurité (inaudible). Mais je voudrais aussi dire que la (inaudible) à travers le gouvernement centrafricain, vous l'avez évoqué, au sortir du drame, a une certaine vision (inaudible) de la paix à laquelle nous aspirons de tous nos voeux. La France est là aujourd'hui, la France soutient également (inaudible). Seulement, à l'heure actuelle, on ne voit pas encore le contenu de ce dialogue qui se profile à l'horizon. Que pouvez-vous préciser à ce sujet ?
R - D'abord, merci d'avoir souligné le côté très concret de l'aide du partenariat de la France. Il ne suffit pas de faire du déclaratif, il faut que les actes soient au rendez-vous, ils le sont et ils continueront à l'être.
Je serais tenté de dire que c'est un peu la même chose pour l'initiative africaine de paix même si le concept est plus large. Il y a eu ces accords de Libreville, qui doivent être mis en oeuvre, il y a un panel de médiation que je vais rencontrer tout à l'heure. La France soutient cette initiative africaine de paix, parce que c'est de la responsabilité des Africains et nous sommes en total appui et il n'y a pas d'alternative. C'est une obligation d'aboutir, puisque l'ensemble des acteurs y est favorable, non seulement les acteurs de l'environnement de la Centrafrique, mais aussi les autorités les plus élevées de l'Union africaine, le président Kagame lui-même. Et c'est la même chose aux Nations unies.
Il faut donc maintenant mettre en oeuvre. J'ai bien noté qu'il y a eu des contacts avec les groupes armés, qu'il y a eu un inventaire de leurs observations, que cela fait l'objet d'un va-et-vient avec les autorités de Bangui et avec le président Touadéra. Très bien, maintenant passons aux actes et faisons en sorte que la rencontre, les rencontres nécessaires puissent avoir lieu dans les plus brefs délais avec l'ensemble des partenaires. Il y a de quoi conclure, il ne s'agit plus maintenant que de volonté politique et que d'un seul sujet : la sécurité et le bien-être de la République centrafricaine. Ceux qui ont d'autres pensées, ceux qui ont d'autres agendas, devront en faire les frais.
Q - Vous avez parlé d'une prochaine livraison d'armes. (Inaudible)
R - Ce sont des éléments pour permettre aux FACA d'assurer leur mission. Et il serait absurde de former des militaires et de ne pas leur donner à la suite les moyens d'assurer leurs fonctions. Je dis cela pour qu'il n'y ait pas d'interprétation sur des exportations d'armes. Il s'agit de 1400 fusils d'assaut que nous allons fournir aux FACA pour qu'ils puissent accomplir leur mission dans le cadre strict, respectueux et transparent des Nations unies et des engagements des Nations unies.
Q - Dans quels délais ?
R - Très rapidement.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2018