Texte intégral
Messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Il y a 100 ans, plus de 160 000 soldats africains venaient se battre aux côtés de la France lors de la Première Guerre mondiale. Près de 30 000 d'entre eux devaient y laisser leur vie. La France n'oublie pas le sacrifice consenti pour sa liberté. 100 ans plus tard, le Président de la République s'apprête à organiser un grand Forum pour la Paix.
Car malgré les déchirements, malgré les drames et les violences, c'est le désir d'union et de concorde qui doit toujours nous guider. Gagner une guerre n'est qu'une étape, le plus dur est de conquérir la paix.
Cette conquête de paix, nous la menons ensemble et, une nouvelle fois, le Forum de Dakar y apportera sa pleine contribution.
« Enjeux de développement et de stabilité durables » : le thème choisi pour cette cinquième édition du Forum de Dakar nous apparaît dans toute sa pertinence.
Car c'est mon premier constat : gagner la paix est une question globale. Nous ne pouvons pas voir la sécurité comme une entité séparée, un objectif à part. Ce serait une gageure, une erreur qui nous empêcherait de parvenir à une solution stable, durable.
Sans un cadre stable, sans des assurances et des craintes dissipées, les conditions du meilleur développement ne peuvent être réunies. Sans une vision ambitieuse, des meilleures conditions de vie, il n'est pas possible de mettre définitivement à terre le terrorisme, les violences et tous ceux qui croient pouvoir s'affranchir des lois.
Je pense à la santé, je pense à l'éducation, je pense à notre capacité à répondre au changement climatique. Mais le développement est bien plus large encore. Il passe par des institutions qui doivent être justes, équitables, pour être respectées et acceptées. Il passe par un Etat qui doit être présent partout et n'inspirer la crainte qu'à ceux qui en défient les lois. Il passe par la liberté, la liberté de penser, de se mouvoir, d'entreprendre.
Ne soyons pas dupes, l'instabilité se nourrit de l'injustice. La haine et la violence trouvent leur lit dans le désespoir et le dénuement.
Si un doute persiste encore, regardons en face quelques situations.
Regardons le Golfe de Guinée. Un espace de tant de possible, riche des ressources d'énergie ou de vivres dont il regorge. Une zone qui a tout pour être un épicentre du commerce et des échanges, une porte d'entrée de la prospérité. Et pourtant une zone minée par la piraterie, par la pêche illégale qui nourrit les tensions et les trafics mais affame les peuples.
Regardons la République démocratique du Congo. Au conflit armé auquel s'ajoute depuis l'été une crise sanitaire grave, avec l'épidémie d'Ebola. L'insécurité et les déplacements des populations ont interrompu certaines opérations humanitaires tandis que les conditions de vie des populations ne permettent pas d'enrayer suffisamment la propagation du virus.
Quelles réponses devons-nous apporter à ces crises ? Vouloir la sécurité sans l'aide humanitaire serait absurde, dangereux. Vouloir le respect du droit, de la propriété, l'accès à l'éducation, sans être prêt à assurer la sérénité serait vain. Sécurité et développement sont les deux faces d'une même pièce, les deux ensembles sur lesquels nous devons agir par tous moyens pour créer les conditions d'une paix durable.
Alors nous agissons. Je dis « nous », car cela doit être une action collective. Une action des Nations africaines, bien sûr. Mais une action bien plus large, des ONG, des organisations internationales, de la communauté internationale.
Vous le savez, la France est engagée dans la lutte contre le terrorisme sur le continent africain. Elle l'est militairement, avec l'opération Barkhane, qui a porté des coups victorieux contre les terroristes. Mais en tant que ministre des Armées, je suis la première convaincue que si cette action militaire ne trouve pas de relais dans le domaine du développement, dans le retour des services de l'Etat, elle ne peut être qu'une goutte d'eau versée sur le sable du désert. Barkhane et l'Alliance Sahel vont de pair. Car la paix du Sahel, c'est évidemment l'éradication des groupes armés terroristes mais c'est aussi la réparation des tissus économiques et sociaux, qui sont les premiers remparts face à la violence.
Mais je parle du Sahel. Et si je suis venue à Dakar, cette année encore, c'est pour vous livrer une conviction : la paix de l'Afrique appartient à l'Afrique.
Des initiatives se lancent, elles montrent la force de la coopération et du multilatéralisme. La force conjointe du G5 Sahel est désormais opérationnelle. Elle résiste aux assauts des djihadistes, mène ses propres opérations et emporte des victoires. La Force multinationale mixte unit les Nations et lutte avec courage et efficacité contre Boko Haram.
Ces opérations permettent plus d'audace, de prises de risques. Elles prennent notamment le risque, si délicat, si difficile, de lutter sans compter contre le terrorisme. Mais ces opérations, aujourd'hui, ne bénéficient pas toujours d'un soutien à la hauteur de la part de la communauté internationale.
Il existe un autre grand modèle d'opérations de paix en Afrique. Il s'agit des opérations de l'ONU. Ces opérations, elles, ont le plein soutien de la communauté internationale, mais malheureusement pas toujours le mandat suffisant pour prendre des risques et contrer pleinement les menaces.
Deux modèles d'opérations de paix, donc. L'un manque d'un appui ferme de la communauté internationale, l'autre d'une capacité à agir suffisamment forte. Aujourd'hui, ces deux modèles ne se complètent pas, pas assez en tous cas.
Ce constat, vous le connaissez. Vous l'avez fait depuis bien longtemps. Je veux donc vous dire que la France en est pleinement consciente et qu'elle soutiendra l'idée africaine, portée notamment par la Côte d'Ivoire, d'un nouveau modèle d'opérations africaines de paix.
Ce nouveau modèle pourra naître notamment d'une coopération plus forte entre l'Union africaine et les Nations unies. Elle trouvera sa force dans un financement plus prévisible.
Ces opérations africaines de paix accompagneront, donneront de l'ampleur à la réforme du maintien de la paix engagée par le Secrétaire général de l'ONU. Elles sont un espoir inestimable pour la sécurité de l'Afrique. Elles sont une opportunité pour donner un modèle, une voie à suivre pour des solutions efficaces à bien d'autres conflits partout dans le monde. La France soutiendra l'initiative des pays africains de pousser une résolution sur ce sujet. Elle la soutiendra avec force et détermination.
Mais voyons plus largement encore, et soutenons, comme la France le fera, la grande réforme des opérations de maintien de la paix aux Nations Unies. Cette réforme permettra des opérations mieux adaptées aux conflits comme aux besoins des pays meurtris. Cette réforme permettra une action en amont, le plus en amont possible sur les foyers de crise et de prévenir les conflits avant qu'ils ne rongent les États, les populations et les espoirs.
Elle doit donner un nouvel élan au multilatéralisme dans le traitement des crises africaines. Car, et c'est la dernière conviction que je souhaiterais partager avec vous aujourd'hui, seul un multilatéralisme fort permet une réponse efficace et durable aux crises. C'est la raison pour laquelle, que ce soit au Sahel, en RCA ou ailleurs, la France attache une importance toute particulière à la coordination de son action avec les autres acteurs qui y sont engagés : africains en premier lieu, mais également européens et plus largement internationaux.
Les enjeux sont trop importants, nous ne pouvons pas nous permettre de faire cavalier seul. Je pense notamment à la mobilisation de l'Union africaine en République Centrafricaine. Respectons-la, appuyons-la. Les violences intercommunautaires régulières nous rappellent que les équilibres restent fragiles. Toute manipulation intéressée de puissances opportunistes serait inepte, indigne ; apportons notre plein soutien à l'Union africaine pour préserver toutes les chances d'un règlement rapide et pacifique de la crise.
Mesdames et messieurs,
Le Forum de Dakar est le forum de l'espoir. Il est le forum de l'audace. Il est le forum de l'union nécessaire qui construira la paix et le développement.
Faisons vivre cet esprit, laissons-le animer nos initiatives et nos ambitions. Agissons ensemble et créons les conditions pour la paix de l'Afrique aujourd'hui et demain.
Merci à tous !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 7 novembre 2018