Interview de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations à France-Info le 15 novembre 2018, sur le climat social et le mécontentement (gilets jaunes).

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Média : France Info

Texte intégral

MARC FAUVELLE
Bienvenue aux téléspectateurs de Franceinfo télé qui nous rejoignent à l'instant. Notre invitée sur Franceinfo radio et télé réunies jusqu'à neuf heures est Secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, chargée également de la lutte contre les discriminations. C'est Renaud DELY qui vous pose la première question.
RENAUD DELY
Bonjour Marlène SCHIAPPA.
MARLENE SCHIAPPA, SECRETAIRE D'ETAT EN CHARGE DE L'EGALITE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Bonjour.
RENAUD DELY
Hier soir, le président de la République Emmanuel MACRON a accordé à TF1 une interview depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle. Un entretien au cours duquel le président de la République a esquissé un semblant d'autocritique.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Il y a de l'impatience mais il y a de la colère et cette colère, je la partage parce qu'il y a une chose que je n'ai pas vraiment réussi à faire. C'est que je n'ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants.
RENAUD DELY
Au bout de dix-huit mois au pouvoir, c'est un aveu d'échec, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Je ne dirais pas les choses comme ça. Je crois que d'abord, le bilan se fera à la fin du quinquennat mais là, le président de la République fait le constat effectivement. Il est lucide et je crois qu'on peut se réjouir d'avoir un président qui est lucide et qui voit la réalité en face. Il fait le constat qu'effectivement il y a encore une fracture entre les citoyens français et leurs dirigeants.
RENAUD DELY
Qu'est-ce qui explique cette fracture ? Qu'est-ce qui doit changer dans la méthode et dans le style d'Emmanuel MACRON pour combler cette fracture ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, moi j'ai le sentiment que ce qu'on dit, c'est qu'il n'y a pas assez d'écoute et de considération de la part du gouvernement en direction de l'ensemble des Françaises et des Français, donc je crois qu'il faut continuer et amplifier ce travail qu'on fait, que je fais personnellement et mes collègues aussi, d'aller vraiment partout en France à l'écoute en direct, à la rencontre de chaque Française et chaque Français.
RENAUD DELY
Il faut changer de ton ? Faire preuve d'un peu plus d'humilité ?
MARLENE SCHIAPPA
Je crois qu'hier soir, on a vu un président justement vraiment dans l'humilité, très humble, lucide et humble, et qui regardait la réalité en face en disant : « Il y a des choses que nous faisons que nous allons poursuivre parce que c'est notre cap. Lutter contre la pollution pour préserver le climat et cætera. Mais il y a aussi des choses sur lesquelles nous allons écouter et avancer avec les Français. »
RENAUD DELY
Mais c'est vrai qu'il a été élu il y a dix-huit mois au-delà du clivage traditionnel droite-gauche. Il était supposé plutôt rassembler le pays et il a fait le constat hier soir, Emmanuel MACRON, que le pays était plus divisé que jamais.
MARLENE SCHIAPPA
Mais vous savez, je crois que nous sommes dans une situation très particulière, la France mais dans le monde en général, et effectivement, il y avait des attentes. Nous, nous avons promis la transformation du pays. C'est sur cet engagement, sur cette promesse que le président a été élu aussi, sur un changement des pratiques et lui-même l'a rappelé. Les institutions parfois sont faites de telle manière qu'elles ralentissent un certain nombre de choses et qu'on ne peut pas transformer aussi vite qu'on le voudrait à chaque fois.
Marc FAUVELLE
EMMANUEL MACRON
Emmanuel MACRON s'est exprimé également hier soir, Marlène SCHIAPPA, bien sûr sur le mouvement des gilets jaunes. On l'écoute et on vous demandera de réagir juste après.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Moi j'entends la colère et je pense que c'est un droit fondamental de notre société de pouvoir l'exprimer. Et donc, nos concitoyens qui considèrent qu'aujourd'hui ils ne sont pas entendus, pas considérés, s'expriment et le disent d'abord il faut le respecter, il faut l'entendre et ils ont tout à fait le droit de manifester et de s'exprimer, et ils le feront samedi. Ensuite, je dis méfiance parce qu'il y a beaucoup de gens qui veulent récupérer ce mouvement.
MARC FAUVELLE
Ce n'est pas un peu facile, Marlène SCHIAPPA, d'expliquer qu'il y a de la manip', qu'il y a de la récupération, que les gilets jaunes sont infiltrés par les mouvements politiques ? C'est un mouvement qui à la base est spontané.
MARLENE SCHIAPPA
Alors à la base, il y a un mouvement spontané mais qui est aussi organisé et Marine LE PEN elle-même a concédé chez un de vos confrères que le Rassemblement national tractait pour appeler à manifester avec les gilets jaunes et qu'ils ne tracteraient pas le 17.
MARC FAUVELLE
On peut tracter sans infiltrer un mouvement.
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, il suffit de regarder les pages Facebook. Moi, je vous invite à aller faire un petit tour sur les pages Facebook des gilets jaunes, certaines sont édifiantes. Il y en a plusieurs dans lesquels il y a des propos ouvertement racistes et en très grand nombre, donc ce n'est pas un égarement. C'est vraiment quelque chose de coordonné. Donc ça, moi ça m'interpelle. Après, je crois qu'il y a aussi des gens qui, de bonne foi, s'interrogent sur la manière dont ils vont boucler leur fin de mois et leur budget personnel tout simplement, et ceux-là il faut vraiment les écouter et les entendre.
RENAUD DELY
Mais c'est d'abord une manipulation de l'extrême droite à vous écouter ?
MARLENE SCHIAPPA
Non. Je dirais qu'il y a effectivement une infiltration comme vous le disiez à l'instant…
RENAUD DELY
Une infiltration de l'extrême droite.
MARLENE SCHIAPPA
Et j'ai l'impression, oui, que l'extrême droite tente de récupérer. Vous avez vu cette affiche scandaleuse de Robert MENARD où vous avez le portrait d'un Poilu et où il y a un parallèle qui est fait entre les hommes qui sont morts dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale et les manifestants qui ont des gilets jaunes et qui vont manifester pour ne pas payer plus de taxes pour protéger la planète. Je crois qu'on a là des parallèles qui sont complètement honteux.
MARC FAUVELLE
Vous ne pensez pas qu'on peut être de gauche, automobiliste et quand même manifester après-demain ?
MARLENE SCHIAPPA
Bien sûr que si.
MARC FAUVELLE
Vous en connaissez, vous, des gens qui vont mettre des gilets jaunes dans votre entourage ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, non, pas personnellement.
MARC FAUVELLE
Aucun ?
MARLENE SCHIAPPA
Non. Moi, j'ai un entourage plutôt de gauche et même plutôt très à gauche et un entourage En Marche.
MARC FAUVELLE
Mais pas de gilets jaunes.
MARLENE SCHIAPPA
Non, ce n'est pas des gens… Parce que ce sont des gens qui sont engagées aussi pour la transition climatique. Je vais peut-être vous surprendre mais j'écoutais ce matin sur votre antenne Delphine BATHO et j'ai trouvé qu'elle disait des choses très justes sur une forme d'hypocrisie…
MARC FAUVELLE
Qui était l'invitée de Franceinfo radio, je précise pour nos amis qui nous regardent à la télé.
MARLENE SCHIAPPA
Absolument, vous avez raison de le préciser. Elle disait des choses très justes sur le fait qu'il y a quelques années des responsables du Parti socialiste, la main sur le coeur, ont voté la taxe carbone en disant que c'était un enjeu de notre siècle et qui, maintenant, se greffent aux gilets jaunes et puis disent qu'ils vont les soutenir. Ça m'interpelle.
MARC FAUVELLE
Ça, c'est pour Ségolène ROYAL en partie ce que vous dites. Vous n'avez pas digéré ses propos sur le matraquage fiscal.
MARLENE SCHIAPPA
Moi, il ne s'agit pas de Ségolène ROYAL. Il s'agit du Parti socialiste, je distingue les deux. Et d'ailleurs j'observe - ça me fait un peu sourire jaune - que le Parti socialiste a fait un communiqué de presse dans lequel il a mentionné le nom de Ségolène ROYAL récemment ; je crois que ça fait quelques années que ça ne s'est pas produit. Donc ça, ce sont des choses internes au Parti socialiste mais qu'on peut observer quand même.
RENAUD DELY
Il n'y a pas que des socialistes de gauche qui seront aussi peut-être dans la rue, il y a aussi la France insoumise.
MARLENE SCHIAPPA
Oui.
RENAUD DELY
Jean-Luc MELENCHON soutient ce mouvement, il le disait il y a encore quelques jours en meeting.
JEAN-LUC MELENCHON, DEPUTE LA FRANCE INSOUMISE DES BOUCHES-DU-RHONE
Alors le 17 novembre, qu'est-ce que vous faites ? Vous regardez en commentant ? Non ! Le 17 novembre est une auto-organisation populaire dont je souhaite le succès. On me dit : « Il y a des fachos là-dedans ». Mais oui il y en a, il y en a partout. Mais il y a aussi beaucoup de fâchés qui ne sont pas fachos.
RENAUD DELY
Vous accusez les fachos pour reprendre le terme de Jean-Luc MELENCHON, mais vous oubliez les fâchés visiblement. Il y a des fâchés de gauche nombreux.
MARLENE SCHIAPPA
Non, pas du tout. Non, non, puisque je vous ai dit tout à l'heure que je ne confondais pas les gens qui, de bonne foi, s'interrogent sur la façon dont ils vont boucler leur fin mois et ceux-là, il faut les entendre. Et d'ailleurs, c'est pour ça que le Premier ministre Edouard PHILIPPE a annoncé qu'il y aurait une surprime pour changer de véhicule jusqu'à quatre mille euros. On passe de deux mille euros à quatre mille euros. Ça veut dire que si vous achetez une voiture d'occasion, elle vous coûtera quatre mille euros de moins, donc c'est un encouragement sur l'investissement…
RENAUD DELY
On peut être de gauche et aller manifester samedi.
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, chacun est libre de manifester. Je ne délivre pas les brevets de gens de gauche ou de gens pas de gauche, mais je suis aussi interrogée par ce comportement de Jean-Luc MELENCHON. Vous savez, il y a quelques années de cela, en début de campagne présidentielle, j'ai retrouvé des déclarations dans lesquelles Jean-Luc MELENCHON disait : « Moi je prône l'amour, même si on me dit que je suis un Bisounours, je crois que prôner l'amour entre les gens, c'est quelque chose de politique et cætera. » On voit que là, il a complètement changé de discours. Et oui, effectivement, le fait de dire qu'il va y avoir une manifestation avec à la fois Robert MENARD, Jean-Luc MELENCHON et le PS qui déclarent la soutenir, je crois que c'est une forme de recomposition de la vie politique qui est très inédite.
MARC FAUVELLE
Marlène SCHIAPPA, on poursuit cet entretien, si vous le voulez bien, dans un instant, le temps de jeter un oeil et une oreille aux titres de l'actualité de ce jeudi matin. (...)
- Deuxième partie de cet entretien, toujours avec Marlène SCHIAPPA, secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes - dans cet ordre-là - chargée également de la lutte contre les discriminations. On va évoquer les tweets envoyés avant-hier par le président des Etats-Unis à Emmanuel MACRON, et à travers lui, sans doute, un petit peu aussi aux Français. Emmanuel MACRON a réagi hier soir sur TF1. Ecoutez.
EMMANUEL MACRON, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (DOCUMENT TF1)
Les Etats-Unis d'Amérique, c'est notre allié historique, et il continuera de l'être, c'est l'allié avec lequel on prend tous les risques, avec lequel on mène les opérations les plus compliquées, mais être allié, ça n'est pas être le vassal.
RENAUD DELY
Est-ce que vous avez été choquée par les tweets de Donald TRUMP, Marlène SCHIAPPA ?
MARLENE SCHIAPPA
Je crois qu'on a pris l'habitude maintenant depuis que Donald TRUMP est président des Etats-Unis de cette communication par tweets, y compris dans des termes très virulents. Donc je n'ai pas été particulièrement surprise, non.
RENAUD DELY
Mais, il a insulté la France à vos yeux ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, ce ne sont pas des tweets qui sont agréables, mais le président de la République a une réaction extrêmement digne justement en refusant de rentrer dans ce petit jeu, et en disant qu'il n'allait pas polémiquer avec le président des Etats-Unis par tweets ou commenter sur un plateau de télévision…
MARC FAUVELLE
Digne, Marlène SCHIAPPA, ou molle, la réaction d'Emmanuel MACRON ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, moi, je ne la trouve pas du tout molle, je la trouve, au contraire, très digne...
MARC FAUVELLE
On ne répond pas à ça quand un président, même d'un pays allié, explique que les Français étaient tous en train d'apprendre l'allemand, quand les troupes américaines ont débarqué, on ne répond pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Je crois que le ridicule des propos se suffit à lui-même, je crois que c'est même MENDY, le défenseur de l'Equipe de France, qui a fait une réponse sur Twitter, voilà, je pense que...
MARC FAUVELLE
Oui, il dit : je m'en occupe, je m'en occupe d'aller parler à...
MARLENE SCHIAPPA
Voilà, je pense qu'à un moment, quand on atteint ce stade, c'est la dignité du président de la République, Emmanuel MACRON, de ne pas rentrer dans ce jeu et d'avoir une prise de hauteur...
MARC FAUVELLE
Il se serait abaissé s'il avait répondu à Donald TRUMP ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais complètement, il a eu une prise de hauteur très claire en disant / écoutez, la France et les Etats-Unis ont une longue histoire qui dépasse les tweets de Donald TRUMP.
RENAUD DELY
Mais ce n'est pas parce qu'il avait un peu peur d'une réaction ultérieure encore de Donald TRUMP, ça ne donnait pas un peu le sentiment que la France a peur, ne veut pas en rajouter, remettre de l'huile sur le feu de peur d'une nouvelle réaction de Donald TRUMP, non ?
MARLENE SCHIAPPA
Je crois qu'il y a deux, trois choses qu'on peut peut-être reprocher au président de la République, mais certainement pas d'avoir peur, ce n'est pas quelqu'un qui est d'une nature peureuse de façon générale.
RENAUD DELY
Il n'a pas peur de Donald TRUMP ?
MARLENE SCHIAPPA
Ce n'est pas du tout le sentiment que j'ai, non.
MARC FAUVELLE
Ça montre en tout cas qu'il s'est trompé, Emmanuel MACRON, dans les premiers mois du quinquennat, il a essayé de faire de Donald TRUMP un allié, on se souvient des signes ostensibles d'amitié entre les hommes, ça ne marche pas ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais je crois qu'il faut regarder ce qui marche, et le président de la République l'a très bien rappelé…
MARC FAUVELLE
Qu'est-ce qui marche entre la France et les Etats-Unis ?
MARLENE SCHIAPPA
Eh bien, écoutez, comme le président l'a rappelé, en ce moment même, il y a des soldats français et des soldats américains qui sont ensemble au front en train de combattre pour défendre notamment nos valeurs. Donc, je crois que c'est vraiment ça qu'il faut avoir à l'esprit, l'histoire de la France et l'histoire des Etats-Unis, et l'histoire commune franco-américaine, elle dépasse très largement les tweets du président actuel.
RENAUD DELY
On va aborder un dossier qui est maintenant sous votre responsabilité, puisque vous avez récupéré aussi la charge de la lutte contre les discriminations, à l'issue du dernier remaniement gouvernemental, on a appris, il y a quelques jours, un scandale potentiel, en tout cas dans le football français, puisque des recruteurs du Paris-Saint-Germain auraient fiché pendant plusieurs années des jeunes joueurs adolescents selon leur couleur de peau, sur ces fiches, étaient mentionnés Français, Maghrébin, Antillais, Afrique noire, je crois que vous devez rencontrer prochainement les dirigeants du Paris-Saint-Germain. Quelle sanction préconisez-vous à l'endroit de ces discriminations ethniques ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord, nous, avec ma collègue, Roxana MARACINEANU, la ministre des Sports, nous allons écouter ce que le club a à dire, parce que je crois que, là, nous avons eu des informations par voie de presse, par enquête de presse, maintenant, il faut voir ce que le club a à dire, et surtout, le PSG a lancé une enquête interne, donc, nous, nous allons maintenant regarder les résultats de cette enquête interne, voir ce qu'il en ressort, et faire en sorte que ça ne se reproduise plus. Après, je rappelle…
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire que c'est club de faire lui-même la lumière sur ce qui s'est passé chez lui ?
MARLENE SCHIAPPA
Non, non, non, je ne dis pas cela, mais je pense que c'est la moindre des choses que d'écouter...
MARC FAUVELLE
Il n'y aura pas d'autre enquête à votre sens pour voir ce qui s'est passé ?
MARLENE SCHIAPPA
Nous verrons, pour l'instant, rien n'est fermé. Nous allons déjà avoir ce premier dialogue avec le club, je crois que c'est un fait...
MARC FAUVELLE
Le club qui – pardon de vous interrompre – n'avait rien dit avant les révélations de la presse. Donc est-ce qu'on peut encore lui faire confiance ?
MARLENE SCHIAPPA
Tout à fait. Ecoutez, il y a une relation de confiance, et à ce stade, il n'y a aucune raison de ne pas avoir confiance dans le PSG, même si je suis supportrice de l'OM, à titre personnel...
RENAUD DELY
Vous n'avez à ce stade aucune raison de ne pas avoir confiance dans le PSG ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez…
RENAUD DELY
Ça a duré cinq ans !
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, on va voir. Apparemment, c'était une initiative isolée, mais nous allons voir ce que l'enquête interne du PSG révèle ou ne révèle pas, et s'il y a des sanctions à prendre, évidemment, nous les prendrons, parce que c'est scandaleux de faire un fichage ethnique, c'est interdit par la loi, les statistiques et les fichage ethniques sont interdits, donc il peut y avoir des sanctions, mais nous allons prendre les choses étape par étape.
RENAUD DELY
Est-ce que vous pensez que c'est une pratique récurrente dans le football, on se souvient qu'il y a quelques années, il y avait eu des réunions internes à la direction technique nationale de la fédération, on avait évoqué des quotas, est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de pourri aujourd'hui dans le monde du football ?
MARLENE SCHIAPPA
De pourri, non, je ne dirais pas ça, et moi, je ne fais pas partie des gens qui tapent sur le foot, je trouve que c'est toujours un peu facile, mais je crois qu'effectivement, il y a un travail dans le sport à mener pour lutter contre les discriminations, depuis quelques semaines, c'est ma responsabilité pour la lutte contre les discriminations, la ministre des Sports est extrêmement mobilisée pour défendre aussi les valeurs de la République jusque sur les terrains. Et je crois que tous ceux qui aiment le foot savent bien que la seule couleur qui compte, en vérité, c'est la couleur du maillot, donc il faut effectivement lutter contre ce type de fichage qui a des connotations assez nauséabondes.
MARC FAUVELLE
Marlène SCHIAPPA, votre loi contre les violences sexuelles et sexistes est entrée en vigueur récemment, avec notamment une mesure, c'est le harcèlement de rue les premières amendes devaient tomber depuis le mois de septembre, on est en novembre, ça fait deux mois, est-ce que vous savez combien de personnes ont été verbalisées en France ?
MARLENE SCHIAPPA
Alors, je n'ai pas le chiffre exact, mais il y en a eu déjà quelques-unes, et pour nous, c'est encourageant parce qu'en fait, il y a eu déjà des condamnations avant même que nous ayons lancé la procédure, c'est un peu technique, mais vous savez qu'une fois que la loi est mise en œuvre, il y a ensuite des circulaires qui doivent informer ceux qui doivent mettre en œuvre cette loi. Donc la Garde des sceaux, très récemment, a adressé une circulaire aux magistrats pour rappeler que la condamnation pour outrage sexiste ou harcèlement de rue, elle ne doit pas dégrader les autres condamnations, et ça, on l'a vu, ça a été efficace, puisqu'il y a eu par exemple une condamnation pour injure publique, agression, etc., plus outrage sexiste. Et prochainement, avec Christophe CASTANER, le ministre de l'Intérieur, qui est très mobilisé là-dessus, nous rencontrons les préfets pour passer des instructions aux préfets pour faire en sorte que les policiers commencent à verbaliser en direct le harcèlement de rue...
RENAUD DELY
Et la police a les moyens humains aujourd'hui de faire appliquer cette loi ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, puisqu'il y aura 10.000 recrutements de policiers de la police de la sécurité du quotidien sur l'ensemble du quinquennat, et moi, je crois que la plupart des policières et des policiers, que j'ai rencontrés, sont très motivés pour protéger justement les femmes, et tout simplement appliquer la loi.
MARC FAUVELLE
Je voudrais vous faire entendre, Marlène SCHIAPPA, le témoignage de l'un de vos collègues au gouvernement, c'est Jean-Michel BLANQUER le ministre de l'Education nationale, qui est l'invité après-demain, je crois, sur C8, de l'émission "Au tableau", vous savez, où on est confronté à des enfants, et qui fait un aveu en quelque sorte, face à ces enfants, regardez, écoutez.
JEAN-MICHEL BLANQUER, MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE
J'ai connu moi aussi le harcèlement dans la cour de récréation, le fait de se battre, des choses comme ça, donc j'ai connu des choses agréables et des choses désagréables, c'est ce qu'il y a de pire dans la vie quotidienne que de vivre cela.
MARC FAUVELLE
Un ministre qui raconte qu'il a été victime lui-même de harcèlement scolaire, c'est ce qu'il faut faire, pour qu'on en parle ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais je crois que, oui, ça peut faire partie des discussions avec les enfants, et Mounir MAHJOUBI avait également fait état d'expériences désagréables qu'il avait vécues, et justement, quand je vous quitte, tout à l'heure, je pars avec Jean-Michel BLANQUER et avec Brigitte MACRON dans un établissement scolaire justement pour nous mobiliser contre le harcèlement scolaire. Il y a des référents qui sont nommés dans chaque établissement, il y a des formations accrues, et je crois que ce qui est important, c'est effectivement d'en parler, il y a un numéro, le : 30.20, qui permet à tous les élèves qui se posent des questions, qui se trouvent dans une situation désagréable ou de harcèlement de téléphoner, et voilà, et d'aller chercher de l'aide.
RENAUD DELY
Donc la première mesure à laquelle peut inciter le gouvernement, c'est d'inciter à libérer la parole des élèves, c'est ça l'urgence ?
MARLENE SCHIAPPA
Libérer la parole des élèves, mais après, ce n'est jamais facile quand vous êtes victime de harcèlement, vous êtes un peu en état de sidération, vous avez honte aussi, donc il n'est pas facile pour les élèves de parler, c'est pour ça qu'il faut vraiment qu'il y ait un lien avec les adultes, et moi, je suis frappée par ce discours qu'on tient toujours, de dire aux parents : parlez avec votre enfant pour voir s'il n'est pas harcelé, moi, je crois qu'en tant que parent, c'est aussi notre responsabilité de citoyen de parler avec nos enfants pour qu'ils ne harcèlent personne, et je crois qu'il faut aussi apprendre aux enfants à ne pas harceler.
MARC FAUVELLE
Sur un autre sujet, Marlène SCHIAPPA, une nouvelle proposition de loi arrive à l'Assemblée dans quelques jours pour tenter de faire interdire la fessée en France, je ne sais plus combien il y a eu des propositions de loi là-dessus, est-ce que vous allez la soutenir, est-ce que le gouvernement y est favorable, à l'interdiction, je précise ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, moi, je soutiens cette proposition de loi pour interdire ce qu'on appelle les châtiments corporels ou les violences éducatives, parce que je crois qu'il n'y a aucune violence éducative, il n'y a pas de petite claque, toute violence a des séquelles importantes, c'est maintenant démontré scientifiquement, sur les enfants, dans toute leur vie, y compris lorsqu'ils sont adultes...
MARC FAUVELLE
Ce sera la position du gouvernement ou c'est votre position à vous, ce matin ?
MARLENE SCHIAPPA
C'est ma position personnelle…
MARC FAUVELLE
Il n'y a pas encore de décision prise collectivement ?
MARLENE SCHIAPPA
Il n'y a pas encore de décision collective de la part du gouvernement, mais c'est ma position personnelle, et je crois qu'en 2018, je ne vois pas qui pourrait défendre l'usage de la fessée et des violences ordinaires éducatives. (…)
MARC FAUVELLE
Marlène SCHIAPPA, Secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, et les questions de Renaud DELY sur la PMA.
RENAUD DELY
Le gouvernement a promis de présenter le projet de loi ouvrant donc la procréation médicalement assistée à toutes les femmes avant la fin de l'année. Vous tiendrez ce calendrier ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, le texte va être envoyé d'abord au Conseil d'Etat fin 2018-début 2019 et l'idée c'est effectivement de pouvoir ouvrir la PMA à toutes les femmes dès que possible et dès que ces textes auront été validés par les différentes institutions qui font le chemin actuel des lois.
RENAUD DELY
Donc ça prend un peu de retard. On ne sera pas dans le calendrier qui avait été initialement fixé.
MARLENE SCHIAPPA
Je crois qu'on sera dans ce calendrier à ma connaissance. Je n'ai pas d'autres informations.
MARLENE SCHIAPPA
Qu'est-ce qui bloque encore ? Est-ce que vous redoutez des réactions notamment de Manif pour tous ? Est-ce que vous essayez de bâtir un consensus autour de cette réforme ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, je crois qu'il ne faut pas se voiler la face. Je ne pense pas qu'il y aura de consensus en ce qui concerne la PMA. On n'arrivera pas à faire en sorte que Bruno RETAILLEAU par exemple, avec tout le respect que j'ai pour lui - c'est pas une question ad hominem - mais on n'arrivera pas à faire en sorte que des gens comme Bruno RETAILLEAU et d'autres soient favorables à la PMA, mais néanmoins...
RENAUD DELY
Vous avez déjà réussi à faire changer d'avis Edouard PHILIPPE.
MARLENE SCHIAPPA
(rires) Mais néanmoins, il y a 64 % de la population française…
MARC FAUVELLE
Pourquoi ça vous fait sourire ?
RENAUD DELY
Vous avez eu du mal à faire changer d'avis Edouard PHILIPPE ?
MARLENE SCHIAPPA
Je n'ai personnellement pas fait changer d'avis Edouard PHILIPPE.
MARC FAUVELLE
Qui l'a fait changer d'avis ?
MARLENE SCHIAPPA
Ecoutez, je crois qu'il y a un engagement de campagne du président de la République d'ouvrir la PMA à toutes les femmes. Je n'ai pas connaissance qu'Edouard PHILIPPE ait été fermement opposé à cela dans un passé récent. Et donc, nous mettons en œuvre, le gouvernement met en œuvre les engagements de campagne du président de la République. Donc il n'y a pas de débat à cet égard.
RENAUD DELY
Il y était hostile et il a reconnu qu'il a changé d'avis, le Premier ministre.
MARLENE SCHIAPPA
Chacun a le droit d'évoluer. Mais 64 % de la population française est favorable à l'ouverture de la PMA pour toutes les femmes. Il faut rappeler que la PMA existe déjà en France. Simplement, elle est interdite pour les femmes qui sont mariées avec des femmes ou les femmes qui sont célibataires. C'est une discrimination parce que ça veut dire que, du fait de votre vie amoureuse ou sexuelle, vous êtes discriminé. Nous voulons simplement mettre fin à cette discrimination, ce n'est pas non plus une révolution.
MARC FAUVELLE
Elle sera remboursée par la Sécu, la PMA ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui, sera remboursée par la Sécurité sociale.
MARC FAUVELLE
Il n'y aura rien à payer ?
MARLENE SCHIAPPA
On ne remplace pas une discrimination par une autre discrimination, et s'il y avait des systèmes de remboursement différents selon que vous êtes hétérosexuel ou homosexuel, ce serait quand même assez scandaleux. Donc oui, elle sera remboursée bien évidemment.
RENAUD DELY
Un des autres dossiers auxquels vous êtes attachée, c'est évidemment la recherche de l'égalité salariale entre les hommes et des femmes. On sait que depuis le 6 novembre à 15 h 35 pour être précis, les femmes françaises travaillent pour rien puisqu'aux mêmes postes, elles gagnent en effet en moyenne à peu près 15 % de moins que les hommes. Qu'est-ce que vous allez faire pour qu'elles soient rémunérées au même niveau ?
MARLENE SCHIAPPA
Oui. D'abord il faut rappeler que c'est même 9 à 27 % d'écart, 9 % à poste et compétences égales, et 27 % en moyenne au global si on inclut dedans les interruptions de carrière type congé maternité et cætera. Donc il y a énormément de choses à faire, je ne vais pas tout détailler, mais d'abord en agissant...
RENAUD DELY
C'est quoi l'urgence ? La première mesure à prendre ?
MARLENE SCHIAPPA
D'abord en agissant à l'amont sur les congés maternité et c'est pour ça qu'on sécurise le congé maternité pour toutes les femmes. Mais l'urgence, je crois que c'est de s'attaquer aussi à ce 9 % de différence entre les femmes et les hommes à poste égal. Donc nous, nous avons voté et fait voter la transparence dans les écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Donc maintenant, les entreprises devront publier leurs écarts de salaires et auront trois ans pour les résorber. Jusqu'à présent...
MARC FAUVELLE
Uniquement les grosses entreprises.
MARLENE SCHIAPPA
Alors les plus grosses, oui, à partir de 50 salariés. Mais jusqu'à présent, vous étiez sanctionné si vous n'aviez pas mis de moyens. On passe d'une obligation de moyens à une obligation de résultat. Maintenant, vous serez sanctionné si même vous avez mis en place...
MARC FAUVELLE
Donc à partir de quel écart par exemple ?
MARLENE SCHIAPPA
Tout écart. Il n'y a aucun écart qui soit acceptable.
MARC FAUVELLE
S'il y a un pour cent d'écart entre les hommes et les femmes dans une entreprise, il y aura amende ? Il y aura quoi ?
MARLENE SCHIAPPA
Mais même un pour cent. L'écart, il existe à partir du moment où on est au-delà de zéro.
MARC FAUVELLE
Et donc, il y aura quoi ?
MARLENE SCHIAPPA
Même 2 % d'écart, c'est inacceptable, donc il y a une amende qui sera mise à ces entreprises. Mais ce qu'il faut préciser, c'est que nous augmentons les contrôles de l'inspection du travail. Actuellement, on est à mille sept cents par an sur l'égalité entre les femmes et les hommes.
MARC FAUVELLE
C'est-à-dire rien, pas grand-chose.
MARLENE SCHIAPPA
Voilà. Et on va passer à sept mille contrôles par an, parce que ce n'est pas tout de faire voter la loi. La loi, ça fait quarante ans que c'est interdit de moins payer une femme qu'un homme, il faut encore la faire appliquer donc c'est ce que nous allons faire.
RENAUD DELY
Avant même le salaire, l'inégalité entre les hommes et les femmes au travail se produit souvent, elle se concrétise dès le recrutement. La Fondation des femmes a organisé une opération de testing qui a démontré que les femmes avaient 22 % de chances de moins que les hommes d'obtenir un entretien d'embauche sur les mêmes postes. La Fondation des femmes préconise le CV anonyme. Vous y êtes favorable au CV anonyme ?
MARLENE SCHIAPPA
Personnellement, je ne suis pas favorable au CV anonyme mais je crois que cette étude néanmoins est très intéressante.
RENAUD DELY
Pourquoi vous êtes hostile au CV anonyme ? Ça serait…
MARLENE SCHIAPPA
Non, ce n'est pas que je sois hostile, c'est je n'y suis pas favorable.
RENAUD DELY
Ce n'est pas loin, ça ressemble. Entre hostile et pas favorable…
MARLENE SCHIAPPA
Non, non. Voilà, je ne militerais pas pour le CV anonyme. Je pense que quand on recrute quelqu'un, il y a un moment où, de toute façon, on se retrouve face à cette personne. Ça ne fait que repousser cette forme de discrimination. Mais j'ai eu une séance de travail avec le défenseur des droits, comme je suis aussi maintenant chargée de la lutte contre les discriminations. Ce que l'on observe, c'est que quand vous vous appelez Julie, vous avez moins de chances d'être rappelés que quand vous vous appelez Thomas. Mais quand vous vous appelez Fatima, vous avez encore moins de chances d'être rappelée que quand vous vous appelez Thomas et que quand vous vous appelez Julie. Donc on a un certain nombre de discriminations à l'embauche notamment croisées sur lesquelles on a un travail très important à mener et je crois qu'on a un retard à rattraper à cet égard.
MARC FAUVELLE
Chez les marcheurs aussi, Marlène SCHIAPPA, c'est plus difficile de s'appeler Julie ou Marlène que Stanislas par exemple.
MARLENE SCHIAPPA
C'est un joli prénom, Stanislas.
MARC FAUVELLE
Oui, c'est un très joli prénom. Je vous pose la question parce qu'on a désormais les candidats pour la présidence du parti de La République en Marche.
MARLENE SCHIAPPA
Oui, il y a une Juliette aussi.
MARC FAUVELLE
C'est très probablement un homme, très probablement un homme, Stanislas GUERINI, qui va être élu même si, vous avez raison, il y a un trinôme de femmes qui candidate également. La présidence de l'Assemblée, on nous avait dit une femme peut-être, finalement c'est un homme. La présidente du groupe à l'Assemblée, on nous avait dit une femme peut être, finalement c'est un homme. Est-ce que les Marcheurs ne devraient pas d'abord balayer devant leur porte ?
MARLENE SCHIAPPA
Si, bien sûr. Mais moi, je crois que quand on milite...
MARC FAUVELLE
Vous l'avez dit à Emmanuel MACRON au moment où vous avez décidé de ne plus être candidate ?
MARLENE SCHIAPPA
Je l'ai dit à tout le monde puisque ça fait partie de ce que j'ai dit dans la lettre que j'ai envoyée aux Marcheurs et que j'ai rendue publique. J'ai consacré une grande partie à la féminisation de la vie politique en disant que la question de la féminisation de La République en Marche, elle dépasse ma personne et elle concerne tout ce qu'on va faire pour agir là-dessus.
MARC FAUVELLE
Alors pourquoi vous n'y êtes pas allée, vous, avec ce discours-là, Marlène SCHIAPPA, pour diriger le parti ?
MARLENE SCHIAPPA
Je porte ce discours-là et Stanislas GUERINI s'est engagé sur le fait que le programme « Elle Marche » serait doté d'un budget en propre pour soutenir des femmes. On a un enjeu important…
MARC FAUVELLE
C'est un homme qui va veiller à l'application de la parité.
MARLENE SCHIAPPA
Non, c'est moi qui vais m'en occuper. On a une échéance importante avec les élections municipales. Il n'y a que 16 % des maires en France qui sont des femmes. Je crois qu'on doit arriver à la parité dans les investitures pour changer cela et faire émerger encore une nouvelle génération de femmes, comme nous l'avons fait à l'Assemblée nationale en instaurant la parité. C'est La République en Marche qui l'a fait.
MARC FAUVELLE
Merci Marlène SCHIAPPA d'être venue ce matin sur le plateau de Franceinfo.
MARLENE SCHIAPPA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 novembre 2018