Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019 (nos 1255, 1302).
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la mission « Travail et emploi », ainsi que du compte spécial « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (no 1302, tome III, annexe 43 ; no 1305, tome III).
(...)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les députés, c'est avec plaisir que je vous retrouve ici, dans le cadre de l'examen et du vote des crédits de la mission budgétaire « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2019.
Je ne pourrai pas répondre à toutes les questions que vous avez posées, mais nous aurons l'occasion d'évoquer les sujets abordés lors de l'examen des amendements. J'aimerais au préalable expliciter le sens des priorités que j'ai inscrites dans le projet de budget. Lors de l'examen de celui-ci en commission, j'ai indiqué qu'il devait accompagner la transformation profonde des politiques de l'emploi et de la formation professionnelle que j'ai engagée dès ma prise de fonctions, en sus des ordonnances pour le renforcement du dialogue social.
Je signale en passant à M. Ruffin que le sujet qu'il a évoqué fait partie du champ de la concertation qui s'ouvre avec les partenaires sociaux. Je respecte trop le dialogue social pour préempter le sujet avant que celle-ci ait eu lieu. Je confirme néanmoins que je présenterai bel et bien en 2019 un projet de loi relatif à la santé au travail.
S'agissant des réformes structurantes que nous avons entamées, nous avons d'emblée fait un choix clair : refuser tout traitement statistique du chômage et ne pas faire semblant, mais mener des réformes de fond permettant d'améliorer durablement la situation de l'emploi et de faire reculer le chômage de masse.
Depuis un an, nous avons dénombré 244 000 créations nettes d'emplois. Le taux de chômage est passé de 9,7 % à 9,1 %. Certes, c'est encore bien trop ; mais nous ne pouvons pas, en seulement un an, remédier à vingt ans de politiques de l'emploi n'ayant pas abouti à réduire le chômage de masse. Il faut donc poursuivre les réformes structurelles et les traduire dans le budget. C'est ainsi que nous réussirons dans les années à venir.
Après la publication des ordonnances sur le renforcement du dialogue social et l'adoption de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous nous sommes concentrés cette année sur le plan d'investissement dans les compétences.
D'ores et déjà, 1,5 milliard d'euros ont été engagés en 2018 en vue d'accompagner les jeunes et les demandeurs d'emploi de longue durée vers les métiers en tension, les savoir-être professionnels et les opportunités d'emploi auxquelles ils n'ont pas accès. En effet, les entreprises recherchent certaines compétences et les demandeurs d'emploi de longue durée ainsi que les jeunes n'accèdent pas au marché du travail faute de les avoir.
En 2018, nous avons initié une approche renouvelée de la politique d'inclusion dans l'emploi - par le biais des parcours emploi compétences, lesquels ont d'ores et déjà abouti à l'amélioration qualitative que nous espérions -, une approche responsable, aussi, car elle repose sur la formation et l'accompagnement et pas simplement sur des emplois temporaires qui renvoient leurs titulaires, au bout de quelques mois, à la précarité et au chômage.
Par ailleurs, j'ai signé le 12 juillet dernier un accord avec les entreprises adaptées, qui permettra à 40 000 personnes en situation de handicap supplémentaires d'accéder à ce tremplin vers l'emploi d'ici 2020.
Enfin, le projet de transformation de l'AFPA, annoncé il y a quelques semaines, permettra de la sauver de la mort lente qui la ronge depuis une quinzaine d'années délétère. Il nous semble nécessaire que l'Agence soit forte et recentrée sur des missions d'intérêt général.
M. Gérard Cherpion. À nous aussi !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Nous accompagnerons cette évolution.
S'agissant de l'année 2019, le budget de la mission « Travail et emploi », à périmètre comparable, est de 12 milliards d'euros, soit deux de moins qu'en 2018, ce qui n'est en rien un obstacle à la stratégie nationale de compétences et d'inclusion dans l'emploi que traduit ce budget. En effet, cette baisse s'explique, à hauteur de 1 milliard d'euros, par l'achèvement de l'extinction des dispositifs d'aide ponctuelle destinés aux TPE et aux PME, supprimés par le précédent gouvernement, ainsi que par le choix assumé de la réduction en volume des contrats aidés.
En somme, nous ajustons le budget pour 2019 à la taille de ce que les collectivités locales et les associations sont en mesure de faire, de façon qualitative. En effet, celles-ci ont démontré cette année qu'elles n'utilisaient pas la totalité des crédits alloués, faute de pouvoir proposer aux demandeurs d'emploi un accompagnement de qualité.
Le projet de budget poursuit un objectif affirmé : oeuvrer en priorité à la stratégie nationale de compétences et à l'inclusion dans l'emploi, en cohérence avec le plan de lutte contre la pauvreté présenté par le Président de la République le 13 septembre dernier.
C'est en allant en permanence sur le terrain, à la rencontre des acteurs de l'insertion par l'activité économique, de l'entreprise adaptée, du monde de l'inclusion et de l'apprentissage, que nous avons bâti le projet de budget, lequel prévoit la montée en puissance du plan d'investissement dans les compétences grâce à un nouvel engagement de 3 milliards d'euros, financé pour moitié par des crédits budgétaires et pour moitié par la contribution de France compétences prévue par la loi.
Les crédits seront investis dans quatre directions. S'agissant des parcours de formation inscrits dans le cadre des pactes régionaux pluriannuels d'investissement dans les compétences, nous sommes en discussion avec les régions, qui ont presque toutes confirmé leur accord et leur volonté de s'investir auprès de l'État sur ces sujets. Un budget de 1,5 milliard d'euros est provisionné à cet effet. Mentionnons également le renforcement du volet formation des politiques de l'emploi, notamment l'insertion par l'activité économique, qui bénéficiera de 60 millions d'euros supplémentaires consacrés à un volet formation qui lui manquait.
Le PIC permettra également de renforcer le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie PACEA dont la garantie jeunes constitue la version intensive. Celle-ci a bénéficié l'année dernière à environ 75 000 jeunes. Nous approchons progressivement de 100 000.
Il permettra également de renforcer les capacités d'accueil des écoles de la deuxième chance et des EPIDE, qui ont prouvé leur efficacité ; de consacrer 200 millions d'euros à l'appel à projets « 100 % inclusion » les premiers projets, que nous avons labellisés il y a quelques jours, sont très prometteurs en matière d'innovation sociale ; et de financer la préparation à l'apprentissage, qui ouvrira massivement l'accès à l'apprentissage aux jeunes qui n'y ont pas accès.
Le budget alloué à la mission « Travail et emploi » pour 2019 procède d'un engagement important en faveur des publics qui en ont le plus besoin. Ainsi, 10 000 personnes supplémentaires auront accès à l'insertion par l'activité économique, grâce à une augmentation du budget de 50 millions d'euros à cet effet.
La réforme des entreprises adaptées atteindra son plein déploiement : 400 millions d'euros seront consacrés à cette ambition afin que 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées en 2019. Ces efforts seront complétés par la création de 100 000 parcours emplois compétences, en sus des 30 000 transférés au ministère de l'éducation nationale en vue de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.
L'expérimentation des emplois francs, lancée au mois d'avril dernier, a mis quelques mois à atteindre son plein régime, car les acteurs ont dû s'approprier le nouveau dispositif. Depuis quelques semaines, un régime de croisière très intensif est atteint. Nous comptons poursuivre cette expérimentation en vue d'évaluer la possibilité de sa généralisation pour 2020.
La réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage se traduit par une mesure de simplification : dès le 1er janvier 2019, nous mettons en place une aide unique pour certaines entreprises de moins de 250 salariés. Nous créons aussi un nouvel opérateur, France compétences : il ne s'agit pas d'un processus de centralisation, puisque cette institution regroupe trois instances nationales actuelles ; de plus, l'État n'aura pas la majorité des sièges. Pour piloter tout ce dispositif, nous aurons ainsi un vrai quadripatrisme. Nous simplifions également le paysage des exonérations, avec la bascule de certains allégements vers le droit commun, parfois plus favorable - je pense notamment aux allégements de charge pour l'apprentissage.
Enfin, 3,8 milliards d'euros, soit un tiers de mon budget, viendront soutenir l'emploi dans le secteur des services à la personne et la création d'entreprises.
De nouvelles pistes pour une meilleure efficacité du service public de l'emploi sont inscrites dans ce budget. Ainsi, à la demande des collectivités locales, et à leur demande seulement, le rapprochement entre les missions locales et Pôle Emploi pourra être expérimenté.
Dans le cadre d'Action publique 2022, nous agirons aussi pour faire travailler mieux et plus efficacement notre service public de l'emploi.
Enfin, je vous proposerai d'adopter plusieurs amendements ; je vous prie de m'excuser de ces dépôts tardifs. L'un porte sur 25 millions d'euros et vise à permettre à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées AGEFIPH d'accompagner l'évolution des entreprises adaptées. Le deuxième propose, pour 65 millions d'euros, une exonération pour les services à la personne, en cohérence avec le PLFSS. Enfin, nous vous proposons de porter le plafond d'emploi de France compétences à 70 ETP travaillés, contre 44 inscrits aujourd'hui.
Ce budget est cohérent et extrêmement ambitieux. Nous voulons intensifier l'effort d'inclusion des plus vulnérables, favoriser l'émancipation grâce au travail et par les compétences, et enfin stimuler la création d'emplois, notamment par la libération de l'apprentissage et un renforcement de l'effort de baisse du coût du travail. Le projet de loi de finances accompagne les réformes structurelles que nous menons. C'est pourquoi je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. Mme Michèle de Vaucouleurs applaudit également.)
M. le président. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour une question du groupe Socialistes et apparentés.
M. Jean-Louis Bricout. Madame la ministre, au fil des missions budgétaires et de vos décisions, vous continuez d'accabler les territoires ruraux.
Vous accablez les hommes en supprimant les contrats aidés. Vous accablez les petites villes et leurs commerces en supprimant des dispositifs de soutien à leur développement : le FISAC, terminé ; l'appel à manifestation d'intérêt des centres-bourgs, terminé ; les contrats de ruralité, en extinction.
Et vous vous attaquez maintenant aux structures territoriales de développement de l'emploi et d'accompagnement des publics vers l'emploi : restructuration du réseau des chambres de commerce et d'industrie - CCI ; arrêt du financement des MDE ; fusion de Pôle emploi et des missions locales.
Je rappelle que ces dernières interviennent auprès des jeunes de seize à vingt-cinq ans. Elles sont chargées d'accueillir, d'informer, d'orienter et d'aider les jeunes dans leur démarche d'insertion professionnelle et sociale : chacun d'entre eux bénéficie d'un suivi à la fois personnel - point crucial - et professionnel, d'un accompagnement à long terme dans leur apprentissage des comportements adéquats au travail. C'est d'ailleurs là une revendication fréquente du monde de l'entreprise. Leur mission est distincte de celle assignée à Pôle emploi : plus de 30 % du public des missions locales n'est pas connu de Pôle emploi.
Ce dispositif de soutien a fait ses preuves. Alors que nous traversons une période d'incertitude économique et sociale, il est invraisemblable de vouloir fusionner des entités aux rôles si distincts. Si, face aux interpellations de l'Union nationale des missions locales et des élus de nos territoires, vous avez été obligée de revenir sur une partie de vos projets, des doutes subsistent sur ces souhaits de fusion.
Madame la ministre, pouvez-vous rassurer la jeunesse et les territoires en vous engageant à protéger les missions locales ?
M. le président. Merci de conclure, cher collègue.
M. Jean-Louis Bricout. Vous confiez également le financement des maisons de l'emploi aux collectivités. Vous sous-estimez, je crois, le rôle d'accompagnement joué par ces réseaux en termes d'ingénierie de projet et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, grâce à leurs relations très étroites tant avec les collectivités qu'avec les entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LT.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. L'État est largement impliqué dans le financement des missions locales, puisqu'il participe à hauteur de 52 % à leur budget, et que cette participation est très dynamique. Les missions locales sont financées de plusieurs façons : à titre structurel ; au titre des missions d'accompagnement exercées pour la garantie jeunes - pour chaque jeune accompagné, la mission locale reçoit un financement ; au titre, enfin, du développement du parrainage.
Si l'on considère l'ensemble de ces enveloppes, le financement global des missions locales par mon ministère, tel qu'il est prévu pour 2019, est en très légère baisse puisqu'il diminue de 1,1 % : nous passons de 360 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2018 à 356 millions dans le projet de loi de finances pour 2019. En plein processus d'informatisation des tâches administratives, je peux vous dire qu'en réalité, les moyens des missions locales vont s'accroître ! (Sourires sur les bancs du groupe SOC.)
Par ailleurs, une réflexion est engagée sur l'évolution du financement des missions locales. C'est un sujet que j'évoque souvent avec les présidents des conseils régionaux ou départementaux, les maires, les présidents d'intercommunalités, qui président fréquemment les missions locales : beaucoup d'entre eux considèrent, comme l'État, que nous pouvons faire mieux, que nous pouvons mieux choisir nos objectifs et mieux cibler les moyens, que nous pouvons réussir à aller chercher plus de jeunes invisibles qui ne viennent pas aux missions locales, que nous pouvons mieux articuler l'action de celles-ci avec celle de Pôle emploi pour le volet emploi, qui n'est pas seul, puisqu'il y a aussi une prise en considération globale des problèmes, avec des volets santé et logement.
Nous souhaitons qu'en 2019, les circuits financiers soient globalisés pour avoir une vraie discussion avec les collectivités territoriales, afin que les missions locales tiennent encore mieux leur rôle. Je ne dis pas qu'elles ne le remplissent pas ; mais nombre de jeunes ne sont pas aujourd'hui couverts par les missions locales, et cela montre que des approches différentes sont nécessaires, en particulier une approche budgétaire plus contractuelle, plus centrée sur les objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour une question du groupe La France insoumise.
M. Alexis Corbière. Madame la ministre, votre action se situe dans une continuité parfaite avec celle des gouvernements précédents. Depuis des années, le même raisonnement est répété en boucle : le problème du chômage serait à vous entendre d'abord celui des chômeurs. Cette affirmation est étendue aux salariés dont vous dénoncez régulièrement dans cet hémicycle, sur les plateaux télé et dans les colonnes des journaux le manque de flexibilité ; hier encore, le Président de la République expliquait d'ailleurs qu'il fallait être « plus exigeant » avec les chômeurs qui, à l'en croire, ne chercheraient pas vraiment du travail.
Les mêmes remèdes sont donc appliqués, avec les mauvais résultats que l'on connaît, mais sans qu'à aucun moment ces postulats de départ ne soient remis en cause. Ainsi réduit-on chaque année les droits des chômeurs pour « les inciter à retrouver un emploi ». On exonère les entreprises de cotisations sociales pour « faciliter la création d'emploi ». On diminue le nombre d'inspecteurs et de médecins du travail pour « alléger les contraintes qui freinent l'activité économique ».
Les missions budgétaires dont nous discutons ce matin illustrent ce que je dénonce. Le chômage stagne ? Vous supprimez 800 postes à Pôle emploi plutôt que d'élargir significativement le dispositif « territoires zéro chômeur ». Le burn-out et la souffrance au travail sont en augmentation ? Vous baissez de 63 % les crédits visant à améliorer la qualité de l'emploi en protégeant notamment la santé des salariés. Le travail illégal continue à prospérer ? Vous baissez les moyens alloués à l'inspection du travail chargée de le sanctionner. Tout cela est incompréhensible. Vous-même, j'en suis sûr, ne serez pas capable de nous l'expliquer. Mais peu importe, vous vous entêtez, et vous répétez que vous allez « libérer les énergies », « personnaliser les parcours », « moderniser le monde du travail » et « entrer enfin dans l'économie de demain ». La liste des expressions de cette novlangue que vous ressassez est longue, et comme on chante les aventures de la souris verte dans les maternelles, ou le Notre Père dans les églises, vous les reprenez en chœur.
Mais répéter n'est pas convaincre, alors voilà mes questions : pourquoi baisser le budget de l'inspection du travail ? Pourquoi développer si timidement l'expérimentation « territoires zéro chômeur » ? Pourquoi, enfin, ne pas se donner les moyens nécessaires à une amélioration ambitieuse de la santé au travail ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Corbière, j'ai entendu une bonne nouvelle dans vos propos : selon vous, M. Vallaud devrait voter cette mission ; je l'encourage à le faire. (Sourires.)
S'agissant de Pôle emploi, vous avez compris que les ressources globales de cet organisme sont en augmentation. Nous aurons donc les moyens de continuer les actions très innovantes menées sur le terrain. Les agences de Pôle emploi savent s'adapter au marché local du travail, pour agir de façon très ciblée. C'est important, car certains bassins d'emploi connaissent aujourd'hui ce que l'on appelle le plein-emploi, c'est-à-dire un taux de chômage autour de 5 % : leur problème est donc de trouver les compétences recherchées ; ailleurs, inversement, le taux de chômage est extrêmement élevé, et l'accompagnement des demandeurs d'emploi les plus en difficulté doit être plus important. Nous voulons donc personnaliser.
Le budget global de Pôle emploi dépasse 5 milliards d'euros en 2019, puisque la contribution UNEDIC augmente mécaniquement de plus de 100 millions d'euros : plus de personnes ayant trouvé un emploi, la masse salariale augmente.
Pôle emploi comme les missions locales peuvent aujourd'hui être plus efficaces, accroître leur productivité, grâce aux plateformes de support et à la numérisation. Les travaux administratifs sont importants dans ces agences, ces évolutions doivent permettre un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d'emploi. Pour certains, une mise en relation avec de potentiels employeurs suffit : ils ont la qualification, la confiance et les réseaux, mais ils ont besoin de savoir quels sont les emplois disponibles. D'autres, plus en difficulté, ont besoin d'un accompagnement beaucoup plus important. C'est le sens de notre action.
Nous aurons l'occasion, lors de l'examen des amendements, d'évoquer les autres sujets que vous avez abordés.
M. le président. La parole est à M. Xavier Paluszkiewicz, pour une question du groupe La République en marche.
M. Xavier Paluszkiewicz. J'associe à ma question ma collègue Valérie Petit, députée du Nord.
L'entreprise adaptée emploie au moins 80 % de travailleurs handicapés ; elle leur permet d'exercer une activité professionnelle dans des conditions qui conviennent à leurs capacités. Ces travailleurs handicapés ont le statut de salariés, et sont soumis aux mêmes règles que les autres.
La réforme des entreprises adaptées qui entre en vigueur le 1er janvier prochain opère des évolutions majeures ; l'objectif est de recruter 40 000 personnes supplémentaires à l'horizon 2022. Tout en confirmant la vocation économique et sociale de ces entreprises, elle fait évoluer leur modèle, dans une optique plus inclusive, avec une plus grande mixité, une plus grande diversité des publics accueillis. Elle permet aussi l'expérimentation de nouvelles formes d'accompagnement des personnes handicapées vers l'emploi, en facilitant les passerelles entre les entreprises adaptées et les autres. Elle doit enfin assurer un meilleur accès à ces emplois des personnes les plus éloignées du marché du travail, et notamment les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés - dont je rappelle au passage qu'elle a été augmentée.
Des questions subsistent tout de même chez les dirigeants d'entreprises adaptées, comme AlterEos à Tourcoing. Elles portent notamment sur l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés dans les entreprises ordinaires : il y a un changement des règles de calcul des équivalences d'emploi, ces unités bénéficiaires résultant de contrats de sous-traitance avec les entreprises adaptées ou les établissements et services d'aide par le travail, les ESAT - je pense notamment à des établissements situés dans ma circonscription, par exemple à Briey, à Pienne ou encore Villers-la-Montagne. Les travailleurs handicapés indépendants ne seront plus comptabilisés pour le calcul du taux d'emploi direct. Cependant, les dépenses engagées pourront être déduites du montant de la contribution AGEFIPH.
Madame la ministre, comment cela se passera-t-il ? Ces nouvelles règles ne risquent-elles pas de démobiliser des entreprises qui jugeraient préférable de payer leur complète contribution à l'AGEFIPH ? Quel intérêt auront-elles à travailler avec le secteur adapté et protégé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Merci, monsieur le député, d'appeler l'attention sur ce point très important. Il y a 500 000 personnes en situation de handicap inscrites à Pôle emploi : toutes, elles veulent travailler, elles peuvent apporter des choses aux entreprises, et elles veulent pouvoir le prouver. Cette population connaît un taux de chômage supérieur à 18 %, c'est-à-dire un taux deux fois plus élevé que la moyenne.
Avec Sophie Cluzel, nous avons, dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, prévu une transformation de la politique d'emploi des travailleurs handicapés qui va bien au-delà de la dimension budgétaire. L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés en est un élément essentiel ; notre logique est d'aller vers l'entreprise inclusive. Nous voulons notamment agrandir le périmètre des postes ouverts aux personnes en situation de handicap en révisant des listes qui remontent à 1987, qui ont aujourd'hui pour effet d'exclure des personnes de nombreux postes. Enfin, la comptabilisation par entreprise et non par établissement permettra d'ouvrir plus de 100 000 postes à des personnes en situation de handicap.
La transformation du système de calcul en cas de sous-traitance permet une grande simplification, qui était attendue du secteur, mais aussi de toutes les entreprises que l'ancienne complexité finissait par décourager. Désormais, le décret prévoira qu'il est tenu compte pour le calcul de la déduction de tous les salaires des personnes employées par des structures de type ESAT ou entreprise adaptée. Ce sera plus simple et tout aussi efficace.
Sur le plan budgétaire, nous accompagnons cette évolution, notamment en soutenant les entreprises adaptées, qui sont un vrai tremplin vers l'emploi ordinaire. L'accord que j'ai signé le 12 juillet avec l'Union nationale des entreprises adaptées permettra, grâce aux augmentations budgétaires, de disposer plus de 5 000 ETP supplémentaires, soit 10 000 personnes de plus, dès 2019. Cette mesure est très attendue par le secteur. Ensemble, nous pouvons faire progresser l'entreprise inclusive. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Saïd Ahamada, pour le groupe La République en marche.
M. Saïd Ahamada. Je voudrais évoquer les emplois francs, une mesure promise par le Président de la République durant sa campagne, puis rendue applicable par Mme la ministre ce dont je la remercie.
Les emplois francs, je le rappelle, sont expérimentés depuis avril 2018. Ils concernent 194 quartiers prioritaires de la politique de la ville répartis sur sept territoires. Les critères permettant d'en bénéficier sont assez simples : résider dans un QPV et être inscrit à Pôle emploi. Sous réserve de répondre à ces critères, on peut être recruté par toutes les entreprises de France. La signature d'un CDI conduit au versement d'une prime de 5 000 euros par an, et celle d'un CDD d'au moins six mois, d'une prime de 1 500 euros par an. Ces conditions sont particulièrement intéressantes pour les entreprises, que j'encourage à recourir à ce dispositif, si elles le peuvent.
Contrairement à ce que j'ai pu entendre dans ma circonscription, les emplois francs ne sont pas des contrats aidés. Dès lors que les personnes concernées satisfont aux conditions requises, aucun label, aucune autorisation des services de l'État n'est nécessaire pour que l'aide soit accordée aux entreprises.
Il s'agit donc d'un formidable outil même si je le précise en réponse à des remarques qui m'ont été faites les emplois francs ne résoudront pas le chômage dans les quartiers prioritaires de la ville. L'intérêt de cette mesure est de lutter contre une seule discrimination, celle liée à l'adresse. Elle n'a pas pour objectif de mieux former ceux qui habitent ces territoires c'est le rôle du PIC ni de corriger les effets d'autres types de discriminations.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quels sont les premiers résultats de ce dispositif ? Envisagez-vous de communiquer auprès des entreprises qui, aujourd'hui, malheureusement, ne connaissent pas suffisamment son existence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. Avec les emplois francs, nous avons lancé un véritable plan de lutte contre les discriminations territoriales à l'embauche. En effet, à niveau d'expérience ou de diplôme égal, les habitants des quartiers prioritaires de politique de la ville ont deux à trois fois moins de chances que les autres d'être embauchés. C'est insupportable dans une République qui doit donner à tous les mêmes droits.
L'enjeu est d'aider ces personnes sans les assigner à résidence. Le dispositif est appliqué de façon expérimentale depuis le 1er avril dans près de 200 quartiers. D'ici à un an, nous en évaluerons les résultats pour décider de son éventuelle généralisation.
Je vous informe que 2 300 contrats ont d'ores et déjà été signés, une très forte accélération ayant été observée depuis quelques semaines. Du point de vue qualitatif, il est intéressant de noter que 80 % d'entre eux sont des CDI, dont un tiers bénéficient à des demandeurs d'emploi résidant en Seine-Saint-Denis et rejoignant une entreprise située hors du département. Par ailleurs, 33 % des bénéficiaires ont un niveau de qualification égal ou inférieur au certificat d'aptitude professionnelle. Cela étant, vous l'avez dit, monsieur le député, les emplois francs ne peuvent être le seul instrument contre les discriminations.
Maintenant que l'envol du dispositif se confirme, je suis confiante dans un premier temps, les agences de Pôle emploi, y compris celles situées en dehors des QPV, avaient du mal à le promouvoir. Cette étape a été franchie : tout un réseau s'est développé, qui transmet l'information aux entreprises.
En parallèle, j'ai nommé Patrick Toulmet délégué interministériel au développement de l'apprentissage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C'est en effet une autre discrimination que subissent les habitants des QPV : ils ont moins accès à l'apprentissage.
Enfin, le plan d'investissement dans les compétences accorde une place très importante aux QPV. Parmi les premiers dossiers labellisés « 100 % inclusion », plus de la moitié concernent d'ailleurs ces quartiers.
Nous allons continuer dans cette voie. Un seul instrument ne permettra pas de réussir, mais en actionnant tous les leviers, nous pouvons progresser significativement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 14 novembre 2018