Extraits d'un entretien de Mme Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes, avec France Info le 13 novembre 2018, sur la Défense européenne et les Etats-Unis et sur l'accord concernant le Brexit.

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Média : France Info

Texte intégral

Q - Bonsoir Nathalie Loiseau, "Make France great again", un nouvel exemple de la diplomatie Tweeter de Donald Trump qui étrille son homologue français, deux jours seulement après son passage à Paris. Le président américain pointe la faible popularité d'Emmanuel Macron, le niveau de chômage et la force du nationalisme en France. Comment réagissez-vous à ces propos ?
R - C'est sûr que 140 caractères et Twitter n'aident pas à la pensée complexe, nous en avons une démonstration ce soir.
Q - Pensez-vous que c'est un incident diplomatique entre la France et les Etats-Unis, Comment qualifiez-vous ces tweets ?
R - Nous travaillons tous les jours, tout le temps avec les Etats-Unis.
Q - Avec les Etats-Unis ou avec le président Trump ?
R - Avec les Etats-Unis et avec par exemple tous ceux qui étaient présents au forum de la paix, avec tous ceux qui étaient présents au sommet sur la gouvernance d'internet, c'est-à-dire des représentants de la société civile et des grandes entreprises. Nous avons beaucoup de choses à faire, il y a beaucoup de défis à relever, cela me fait être encore plus favorable à la souveraineté européenne, ce que je lis et ce que j'entends.
Q - Ce n'est pas la première fois qu'il critique ses partenaires, est-ce une habitude diplomatique pour vous ?
R - Il a un style particulier, je crois que on a tous eu le temps de s'en apercevoir. Ce que je voudrais dire, c'est qu'au moment du 13 novembre, où l'on commémore les victimes des attentats de Paris, qui peut contester la nécessité, pour l'Europe, de prendre encore mieux en charge sa sécurité, de se prendre en main pour faire en sorte que, contre ceux qui la menacent, elle soit capable de répondre ? Personne, objectivement.
Q - Sur le fond, Donald Trump critique à nouveau l'idée d'une armée européenne avancée par Emmanuel Macron la semaine dernière, une idée également défendue - c'est nouveau - par Angela Merkel au parlement européen à Strasbourg. Pourquoi cette idée d'armée européenne, Nathalie Loiseau, comprenez-vous les critiques de Donald Trump, pour qui c'est une offensive anti-OTAN ?
R - Ce n'est évidemment pas une offensive anti-OTAN, mais nous avons besoin aujourd'hui d'avoir davantage de moyens, des armées qui travaillent mieux ensemble. Il faut voir par exemple que l'on a tout juste commencé, cette année, en 2018, à faire en sorte que nos armées européennes puissent circuler sans entrave à travers l'espace européen. Cela n'avait pas été fait jusqu'à présent. Il faut un pilier européen de l'OTAN solide. Je rappelle que dans la charte de l'OTAN, il y a l'article V qui indique que l'on est solidaire de celui qui est attaqué. Cet article a été utilisé une fois, et dans quel sens ? Quand les Européens sont venus soutenir les Etats-Unis en Afghanistan après le 11 septembre. Les Etats-Unis ont tout à gagner à un pilier européen de l'OTAN solide, motivé et capable d'agir.
Q - Concernant le Brexit, un projet d'accord a manifestement été trouvé, Theresa May le soumettra à son gouvernement demain, êtes-vous confiante ?
R - D'abord, c'est une avancée très positive et je voudrais saluer, comme je le fais régulièrement, le travail du négociateur européen, Michel Barnier, qui avec ses équipes n'a pas ménagé ses efforts depuis des mois pour aller vers un bon accord. C'est ce que nous souhaitons, c'est ce que nous voulons. Michel Barnier reviendra vers les pays européens, de la même manière que le négociateur britannique reviendra vers le gouvernement de Londres, et nous regarderons tous le détail de cet accord.
Q - Derrière ces mots prudents, êtes-vous confiante ? Pouvez-vous nous dire, par exemple, qu'à 90% la perspective d'un "no deal" s'éloigne ?
R - Nous sommes à la fois prudents et confiants.
Q - Plus prudents ou plus confiants ?
R - Nous allons regarder ce qu'il y a dans l'accord. Ce que nous voulons, c'est un départ ordonné du Royaume-Uni ; nous l'acceptons, même si nous le regrettons, mais nous voulons pleinement protéger les intérêts des Européens. Nous n'avons jamais décidé d'affaiblir l'Union européenne, ce sont les Britanniques qui ont décidé de partir. Nous allons donc regarder les détails de l'accord qui sollicite un peu le futur de notre relation avec le Royaume-Uni, si cette relation future correspond pleinement à nos intérêts. Nous avons des intérêts très clairs, par exemple qu'il y ait une concurrence loyale demain entre entreprises britanniques et européennes, que des secteurs qui sont pour nous très importants et qui pourraient être impactés - je pense aux pêcheurs européens, aux pêcheurs français - soient pleinement protégés. C'est tout cela que nous allons regarder et c'est dans cet esprit - aller vers un accord - parce que c'est ce que nous souhaitons, un bon accord, en ayant en tête qu'il faudra, si nous parvenons à le signer, qu'il soit ratifié notamment par le parlement britannique. C'est la raison pour laquelle, je continue de mon côté à nous préparer à une absence d'accord, au cas où. Je ne peux pas dire aux citoyens français, aux entreprises françaises, que nous ne serions pas prêts. Il faut donc faire les deux en même temps.
Q - Un élément de calendrier important, certaines sources diplomatiques évoquent un conseil européen extraordinaire le 25 novembre, confirmez-vous ?
R - Rien n'est encore arrêté. Si demain, il s'avère que le gouvernement britannique se dit prêt à aller de l'avant, si nous pouvons prendre le temps de voir ce qu'il y a dans ce qui a été négocié par les équipes, nous ferons un sommet le moment venu, quand ce sera utile de le faire. Le temps presse, dès que c'est possible nous le ferons, mais je ne peux pas vous répondre ce soir.Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2018