Interview de M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, avec France Inter le 21 novembre 2018, sur la contestation concernant le prix des carburants, la lutte contre le changement climatique et sur la politique de l'énergie.

Prononcé le

Média : France Inter

Texte intégral


NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME, nous recevons ce matin, dans "Le Grand entretien du 7-9", le ministre de la Transition écologique et solidaire. Vous êtes, depuis le début de la semaine, amis auditeurs, très nombreux à intervenir, que ce soit au standard ou sur l'application France Inter. Continuez, vous aurez la parole dans une dizaine de minutes. François de RUGY, bonjour.
FRANÇOIS DE RUGY
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Beaucoup de sujets à aborder avec vous ce matin. Commençons par les gilets jaunes, la crise n'est pas finie. Ils prévoient – les gilets jaunes – une nouvelle journée de mobilisation samedi, notamment à Paris, place de la Concorde. S'il y a à nouveau du monde sur les routes et dans les rues, question simple : que pouvez-vous faire de plus ?
FRANÇOIS DE RUGY
Avant de parler du fond, je veux quand même rappeler que chacun doit prendre ses responsabilités au vu de ce qui s'est passé samedi dernier et depuis, je le rappelle, deux mots sur les routes, plus de 500 blessés, c'est un mode d'action que l'on peut tout à fait comprendre, c'est une nouvelle forme de manifestation, mais c'est un mode d'action qui présente des dangers et des risques particuliers, pour ceux qui y participent comme pour les autres automobilistes. Et nous, je crois que tout le monde, c'est notre responsabilité partagée, nous devons tout faire pour éviter des affrontements entre automobilistes, entre Français sur les routes…
NICOLAS DEMORAND
Donc vous dites déjà, samedi, attention, attention…
FRANÇOIS DE RUGY
Attention à ce mode d'action, encore une fois, qui présente un risque et un danger particulier.
LEA SALAME
Y voyez-vous une forme de poujadisme contemporain comme l'a dit Emmanuel MACRON ?
FRANÇOIS DE RUGY
Vous savez, les comparaisons historiques, ça renvoie toujours à des choses qui sont différentes, le mouvement de Poujade, c'était en 1956, c'était dans les années 50. Non, ce qui est sûr, c'est qu'en France, il y a toujours eu des mouvements de protestation de rue, des mouvements de protestation que l'on ne voyait pas venir en quelque sorte, tous les gouvernements ont connu cela. Et donc, il faut toujours à la fois être clair et ferme sur la sécurité, et moi, j'insiste sur cet aspect de sécurité, mais également, être à l'écoute, être dans la compréhension par rapport à la colère. C'est une forme de colère qui s'exprime, on l'a bien vu. Moi, j'ai discuté avec des gilets jaunes en direct, sur le bord de la route, non pas samedi, mais lundi, il y a dix jours. J'ai bien vu que la discussion, très vite, elle débordait de la question des carburants. C'est la question de la fiscalité en général, c'est la question de tout ce qu'on appelle les dépenses contraintes, c'est-à-dire que quand vous additionnez dans un budget d'une famille le logement, l'énergie, les différentes factures, il y a un certain nombre de Français qui ont l'impression qu'ils n'ont plus de marge de manoeuvre, et qui pourtant travaillent, et qui gagnent leur vie avec leur travail. Et nous, nous avions dit cela en 2017 d'ailleurs, que nous voulions que les Français retrouvent de la capacité, de la marge de manoeuvre dans leur budget grâce au travail. Et nous avons pris des mesures d'ailleurs dans ce sens. Après, est-ce qu'elles sont suffisantes, est-ce que…
NICOLAS DEMORAND
Est-ce qu'elles sont entendues…
FRANÇOIS DE RUGY
Que tout le monde en profite, c'est aussi ça les sujets que nous devons traiter maintenant.
NICOLAS DEMORAND
En tout cas, la question, François de RUGY, pour l'exécutif maintenant est de trouver un scénario de sortie de crise. Pascal CANFIN, à ce micro hier, disait qu'il fallait faire, comme pour les accords sur la Nouvelle-Calédonie, les accords de Matignon à l'époque de Michel ROCARD, on donne peu de temps de négociations, et à la fin, interdit de sortir de la pièce tant qu'un accord n'est pas trouvé. Est-ce qu'une formule de ce type ou une autre, quels dispositifs avez-vous en tête maintenant pour en sortir ?
FRANÇOIS DE RUGY
Vous voyez bien que le mouvement des gilets jaunes, ce n'est pas un mouvement organisé avec des porte-paroles, avec des représentants désignés par ceux qui participent aux manifestations. Nous ne sommes pas du tout dans ce champ-là…
NICOLAS DEMORAND
Mais il va bien falloir faire quelque chose…
FRANÇOIS DE RUGY
Donc ça n'est en rien comparable à d'autres modes de résolution de conflits sociaux. Parce que c'était souvent pour des conflits sociaux, même si l'exemple de la Nouvelle-Calédonie me paraît assez, en l'occurrence, incomparable et déplacé. Mais ce qui est vrai, c'est que l'on peut travailler avec les organisations syndicales, j'ai entendu la CFDT, Laurent BERGER, qui propose de travailler, il n'a pas une recette miracle…
LEA SALAME
C'était une mauvaise…
FRANÇOIS DE RUGY
Il n'a pas une réponse toute faite…
LEA SALAME
Oui, mais c'était une mauvaise idée la proposition de Laurent BERGER, parce que le Premier ministre l'a balayée d'un revers de main, dimanche soir, est-ce que c'était une mauvaise idée sa proposition d'un Grenelle de l'Environnement en disant : parlez aux corps intermédiaires, sinon, vous aurez une révolte qui est brute, brutale, et s'il n'y a pas d'intermédiaires, enfin…
FRANÇOIS DE RUGY
On ne va pas refaire le Grenelle de l'Environnement, c'est évident, mais en revanche, je crois que c'est intéressant de voir qu'un syndicat comme la CFDT, qui peut-être, dans ses rangs, a des gens qui sont allés manifester samedi dernier, eh bien, ce syndicat dit être disponible pour travailler sur l'accompagnement économique et social de la transformation écologique. La CFDT, en général, n'a pas contesté le principe même de la transformation écologique, y compris de la fiscalité écologique, mais dit : il faut travailler sur l'accompagnement économique et social. Peut-être que des organisations patronales sont également disponibles, donc si c'est le cas, moi, je suis prêt à travailler...
NICOLAS DEMORAND
Et vous allez mettre ce monde-là autour…
FRANÇOIS DE RUGY
Et nous allons en parler évidemment au sein du gouvernement…
NICOLAS DEMORAND
Vous allez mettre ce monde-là autour de la table, il va bien falloir trouver une forme pour en sortir ?
FRANÇOIS DE RUGY
Et peut-être qu'il faut d'ailleurs trouver des formes nouvelles, décentralisées, parce qu'on voit bien qu'il y a une dimension territoriale forte. La situation des Français n'est évidemment pas la même selon que vous habitez en ville, en centre ville, dans une banlieue proche de la ville, où il y a des transports en commun, où vous ne travaillez pas très loin de votre domicile, et quand vous êtes dans ce qu'on appelle les zones périurbaines, dans ces secteurs urbains, qui ne sont ni vraiment ruraux ni vraiment urbains, et que, sans doute, c'est de là que part cette colère des gilets jaunes. Et donc il faut trouver des solutions, des réponses qui soient adaptées à la diversité des territoires…
NICOLAS DEMORAND
Ça pourrait être une conférence de consensus, parce qu'il existe des formes hybrides qui ne sont pas nécessairement des Grenelles.
FRANÇOIS DE RUGY
Il y a en effet des formes à inventer, y compris qui impliquent les citoyens, parce que les corps intermédiaires, comme on dit parfois, pour les syndicats, pour les associations, c'est important, moi, j'ai toujours fait partie de ceux qui disent : c'est quelque chose qui participe à la vie démocratique d'un pays. Mais il y a aussi des gens qui ne se sentent pas représentés par les syndicats ou les associations, et c'est sans doute le cas pour ceux qui sont sur les routes avec des gilets jaunes.
LEA SALAME
François de RUGY, on a appris hier que le gouvernement a pris la décision de transférer 577 millions d'euros de recettes de la taxe écologique sur les carburants pour les réaffecter au budget général en 2018, pardon, mais vous avez conscience que cette décision, c'est-à-dire, d'allouer les recettes de la taxe écologique pour renflouer le budget de l'Etat, au lieu que ça aille à la transition écologique, que cette décision peut sembler incompréhensible dans le contexte ?
FRANÇOIS DE RUGY
Non, mais c'est une présentation qui a été faite par un sénateur Les Républicains, qui est une présentation complètement biaisée de quelque chose qui se fait tous les ans, en fin d'année, c'est-à-dire le réajustement du budget en cours, c'est-à-dire le budget 2018, on ne parle pas du budget pour 2019. Donc on est aussi en train de discuter en même temps, ça, c'est la petite difficulté, et donc…
LEA SALAME
Mais pourquoi ce surplus, ces 600 millions d'euros, pourquoi vous ne les mettez pas à la transition écologique ?
FRANÇOIS DE RUGY
Parce qu'il y a une bonne nouvelle, c'est que c'est de l'argent qui devait être dépensé pour le soutien aux énergies renouvelables, et comme le coût des énergies renouvelable baisse dans notre pays, eh bien, on n'a pas besoin de subventionner autant que ce qu'on avait prévu, les énergies renouvelables. Donc c'est une bonne nouvelle. Mais je suis conscient qu'en termes de présentation, évidemment, ça crée un trouble, ça crée une réaction d'incompréhension. Et moi, je dis que sur d'ailleurs le budget, la fiscalité, qu'est-ce qu'on collecte comme recettes, qu'est-ce que l'on dépense pour la transition écologique notamment, pour la transformation écologique de notre économie, pour les investissements en matière d'écologie, il faut que l'on soit meilleur, nous ne sommes pas bons, je suis le premier à le reconnaître, sur la présentation de nos données budgétaires, et c'est un sujet qui a émergé, là, plus dans le débat politique…
LEA SALAME
Vous en avez parlé avec Gérald DARMANIN ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, et nous allons y travailler ensemble. Et d'ailleurs, il a également fait un certain nombre d'annonces dans ce sens. Nous y travaillons ensemble, et nous allons y travailler ensemble pour que dans les prochains budgets, ce soit beaucoup plus clair sur, à la fois : qu'est-ce que la fiscalité écologique, parce que je n'entends jamais deux chiffres comparables, et qu'est-ce qu'on entend par fiscalité écologique, ça ne se résume pas à la fiscalité sur les carburants par exemple, et puis aussi, qu'est-ce que l'on dépense pour l'écologie. Il y a une députée, Bénédicte PEYROL, qui a fait déjà un rapport parlementaire, c'est son rôle de contrôler l'exécution du budget du point de vue des députés, eh bien, elle dit : en fait, il y a des dépenses pour l'écologie qui se trouvent dans d'autres lignes budgétaires que celles du ministère de l'Ecologie.
NICOLAS DEMORAND
François de RUGY, Nicolas HULOT s'exprimera demain soir sur France 2 pour la première fois depuis sa démission, vous lui avez succédé, attendez-vous de lui qu'il assume la taxe carbone ?
FRANÇOIS DE RUGY
Ah, mais je ne doute pas qu'il assumera, comme il a assumé, c'est d'ailleurs une petite victoire qu'il a remportée au début du mandat d'Emmanuel MACRON, lorsqu'il était ministre de la Transition écologique et solidaire, que la trajectoire – comme on dit, c'est-à-dire, une hausse prévisible, une hausse qui est annoncée aux Français, cartes sur table, pour que les uns et les autres puissent progressivement s'adapter – de la taxe carbone a été votée à l'automne 2017, notamment à l'initiative de Nicolas HULOT…
NICOLAS DEMORAND
Ça vous donnerait un peu d'oxygène politique s'il disait clairement : oui, bon, il faut assumer, c'est compliqué, c'est difficile, mais il faut absolument continuer…
FRANÇOIS DE RUGY
Ah, mais moi, je n'ai aucun reproche à faire à Nicolas HULOT. Il a démissionné, ce n'est pas évidemment, j'imagine, dans ces cas-là, ce n'est pas pour passer son temps à continuer à faire de la politique. Il a pris du recul, il est en retrait, c'est tout à fait normal…
LEA SALAME
Parce que certains ont dit dans votre camp…
FRANÇOIS DE RUGY
Il s'exprime à la télévision, et là, il aura l'occasion de dire sans doute beaucoup de choses, y compris sur ce qu'il a fait…
LEA SALAME
Certains ont dit : il se planque, il faut qu'il s'exprime, il faut qu'il assume, la taxe carbone, c'est lui, est-ce que vous entendez ça ? Parce qu'on l'a entendu dans vos rangs…
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, mais enfin, moi, je rencontre beaucoup de députés de La République En Marche, de la majorité en général, je n'ai pas entendu cela. Ce que j'ai entendu, oui, c'est que nous n'avons pas fait encore assez la pédagogie, nous ne la faisons jamais assez sur ce que nous faisons en général, et sur ce que nous faisons en matière d'écologie en particulier. Et si nous avons quelque chose à améliorer notamment, y compris dans le dialogue direct avec les Français, nous, les ministres, et là, je prends évidemment ma part de responsabilité en tant que ministre, même si ça fait deux mois et demi pour ce qui me concerne, nous devons être davantage au contact des Français pour expliquer ce que nous faisons. Vous savez, je me suis rendu compte en discutant avec des gens qu'il y a encore plein de gens en France qui croient que la voiture électrique, c'est fait pour la ville, c'est fait pour les centres villes. C'est l'inverse. C'est plus adapté quand on habite à la campagne, aujourd'hui, ce n'était pas le cas il y a dix ans. Il y a beaucoup de français qui croient que pour avoir une voiture électrique, il faut avoir une borne de recharge chez soi, mais non, il suffit d'une simple prise de courant, et vous n'avez qu'à laisser la charge se refaire pendant la nuit. Et ainsi de suite. Il y a énormément de choses qui ne sont pas encore assez expliquées.
NICOLAS DEMORAND
François de RUGY, à la Une du Monde daté d'aujourd'hui, comment le chaos climatique va affecter nos vies, je pense que, au Monde, ils ne doivent même plus savoir en quel corps de caractère il faut écrire ça à la Une pour que ça ait…
FRANÇOIS DE RUGY
... Sur fond rouge…
NICOLAS DEMORAND
Voilà, pour que ça ait un impact. Donc comment le chaos climatique va affecter nos vies, de 400…
FRANÇOIS DE RUGY
Mais on pourrait dire, Monsieur DEMORAND, comment le dérèglement climatique affecte déjà nos vies…
NICOLAS DEMORAND
Oui, voilà, alors…
FRANÇOIS DE RUGY
Regardez ce qui se passe en Californie, des incendies qui font des dizaines de morts et des centaines de disparus…
NICOLAS DEMORAND
On est d'accord. Ils listent 467 façons différentes, santé, alimentation, habitat, eau, pollution, j'en passe. Le constat est absolument terrifiant, mais il faut le lire. On va à grands pas vers la catastrophe climatique en faisant des petits pas pour l'éviter. Est-ce que ce sera suffisant ?
FRANÇOIS DE RUGY
Mais en tout cas, on voit bien la contradiction dans laquelle certains discours se trouvent, les mêmes parfois nous disent : nous n'allons pas assez vite, pas assez fort, pas assez loin dans l'action contre le dérèglement climatique, y compris à l'échelle française, chez nous, et d'autres nous disent au contraire : oh, là, là, il faut tout arrêter, il faut tout arrêter à la première difficulté, ce n'est pas devant les manifestations, mais devant les difficultés, oui, c'est difficile de mener cette transformation écologique en faveur du climat, mais aussi en faveur de la qualité de l'air, vous savez, j'étais en Chine lundi, la pollution de l'air, elle est trois fois supérieure à celle de la France, à Pékin, c'est trois fois supérieur à Paris. Et pourtant, à Paris, on trouve que c'est déjà trop. Et on veut agir. Donc voilà ce qui nous guette si nous ne faisions rien. Et par ailleurs, je le dis aussi, la facture serait extrêmement lourde si nous ne faisions rien, regardez dans l'Aude, ce n'est pas à l'autre bout du monde, c'est dans notre pays. La facture humaine, d'abord, le drame humain de perdre des vies à cause des inondations qui sont liées à l'aggravation des pluies dans des secteurs comme l'Aude, comme le Var, comme les Alpes-Maritimes, mais en plus de ça, les dégâts monumentaux qu'il faut ensuite payer.
LEA SALAME
Pour la première fois, un maire, le maire Europe-Ecologie-les Verts de Grande-Synthe, attaque l'Etat, c'est une procédure qui est totalement inédite, on l'a appris ce matin, il attaque l'Etat pour inaction climatique. Damien CAREME…
FRANÇOIS DE RUGY
C'est le comble…
LEA SALAME
Ah oui, c'est le comble, alors, je vous le cite…
FRANÇOIS DE RUGY
Eh bien oui, mais c'est le comble au moment où nous sommes en plein débat sur la taxe carbone…
LEA SALAME
Damien CAREME, je vais préciser. Si vous permettez, Damien CAREME, soutenu par Corinne LEPAGE, estime que sa commune, qui est classée, qui a été classée en 2012, en 2010, capitale française de la biodiversité avec 62 espèces d'oiseaux et 250 espèces végétales, est menacée par le réchauffement climatique, et que vous, l'Etat, vous ne faites pas assez pour réduire ce réchauffement climatique. On rappelle que vous n'avez pas respecté les engagements de l'accord de Paris, que la France n'a pas respecté les engagements de l'accord de Paris l'an dernier, puisqu'on est à plus 6,7 % de ce qu'on devait faire. Qu'est-ce que vous lui répondez à ce maire Europe-Ecologie-Les Verts de Grande-Synthe ?
FRANÇOIS DE RUGY
Mais je suis tout à fait prêt à le rencontrer, d'abord, pour comprendre sa démarche, parce que vous voyez bien que faire des démarches dans les tribunaux, franchement, vous croyez que c'est dans les tribunaux qu'on va régler le problème du dérèglement climatique, bon, alors, on va dire que c'est symbolique, c'est une façon symbolique de dire : on n'en fait pas assez, mais alors, là, justement, eh bien, on revient au début de notre discussion, et discutons-en avec pas simplement les gilets jaunes, mais enfin monsieur CAREME, je ne sais pas s'il y en a eu des discussions avec les gilets jaunes, mais là, j'imagine qu'il y a une grande incompréhension quand même entre... et j'emploie un mot très soft, comme on dit maintenant, mais avec les syndicats, avec... il est dans une zone, dans la banlieue de Dunkerque, c'est une zone industrielle qui est en transformation depuis longtemps, c'est la première ville de France d'ailleurs où il y a eu des éoliennes…
LEA SALAME
Vous trouvez ça aberrant ce qu'il fait, là ?
FRANÇOIS DE RUGY
Je ne dis pas que c'est aberrant, mais je dis que…
LEA SALAME
Avec Corinne LEPAGE, qui a soutenu Emmanuel MACRON…
FRANÇOIS DE RUGY
Voyez un peu la contradiction dans laquelle nous sommes, et moi, je veux la dépasser, je ne suis pas, là, en train de dire : oh, il y a une contradiction, on ne fait rien, oh, voyez comme c'est compliqué, on ne fait rien, moi, je suis là pour agir, je l'ai dit à votre micro d'ailleurs peu de temps après ma nomination, le lendemain de ma nomination, j'ai dit : l'écologie qui agit, mais l'écologie qui agit, ce n'est pas facile, alors si monsieur CAREME a des idées pour que ce soit plus facile, pour que beaucoup plus de Français encore y participent, des entreprises y participent, et disent : on va plus vite, on va plus loin, on va plus fort, moi, je serais le premier à en être évidemment satisfait, vous savez, dans tous les domaines, y compris dans les domaines d'action d'une collectivité locale.
NICOLAS DEMORAND
La semaine prochaine est cruciale, François de RUGY, vous allez avec le gouvernement rendre publique la PPE, la programmation pluriannuelle de l'énergie, le terme est barbare, mais le sujet est très simple, c'est fixer l'avenir énergétique du pays pour les quinze, vingt ans qui sont devant nous. La promesse du candidat MACRON…
FRANÇOIS DE RUGY
C'est même plus précis que ça, c'est la stratégie française pour l'énergie pour les dix ans qui viennent, 2018-2028, et en étant aussi concret que possible...
NICOLAS DEMORAND
Mais les choix sont structurants, et devraient à mon avis dépasser ces bornes, alors, on va le voir. La promesse du candidat MACRON, c'était de réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025. Elle a été abandonnée. Alors à quelle date désormais cette promesse sera-t-elle tenue, 2030, 35, 40, point d'interrogation.
FRANÇOIS DE RUGY
La promesse, comme vous dites, du candidat Emmanuel MACRON, c'était de se situer dans le cadre donné par la loi de Transition énergétique votée en 2015, alors que d'autres candidats, François FILLON, madame LE PEN, proposaient d'abroger purement et simplement cette loi. Nous nous situons toujours dans ce cadre, mais il y a eu une opération vérité en quelque sorte qui a été faite dès le début d'ailleurs du mandat d'Emmanuel MACRON, qui a été faite d'ailleurs par Nicolas HULOT et qui était de dire : l'objectif de 2025, de réduire la part du nucléaire à 50 % d'ici 2025…
NICOLAS DEMORAND
N'est pas tenable…
FRANÇOIS DE RUGY
On n'y arrivera pas…
LEA SALAME
Alors quand ?
NICOLAS DEMORAND
Donc !
FRANÇOIS DE RUGY
Donc ça, et d'ailleurs, il faudra y compris modifier la loi sur ce point pour dire les choses de la façon la plus claire…
LEA SALAME
Alors quand ? Est-ce que vous pouvez nous dire ce matin quand ?
FRANÇOIS DE RUGY
Et donc, nous, nous disons que notre échéance de travail, sans dévoiler tout le contenu de cette stratégie française pour l'énergie, c'est 2035.
LEA SALAME
En 2035, la France aura réduit sa part du nucléaire dans la production d'énergie de 50 % ?
FRANÇOIS DE RUGY
Et vous savez, Madame SALAME, ça ne se décrète pas, c'est comme dans le domaine du climat, ce que nous voulons, c'est nous donner les moyens, c'est fixer des orientations, y compris pour que les Français, et notamment les entreprises, pas simplement les entreprises du secteur de l'énergie d'ailleurs, mais, puissent se dire : voilà quelle est la direction que l'on emprunte. Nous, nous sommes volontaristes, vous savez, on pourrait laisser faire le marché, on pourrait dire : on verra bien qu'est-ce qui est le plus cher, qu'est-ce qui est le moins cher, est-ce que c'est le nucléaire, est-ce que c'est le charbon, pendant longtemps, le charbon était le moins cher, est-ce que c'est le fuel, on va fermer des centrales à charbon, quatre centrales à charbon, est-ce que c'est l'éolien, le solaire, et le prix de l'éolien du solaire n'arrête pas de baisser, tant mieux. Nous, nous sommes volontaristes, nous voulons avoir une stratégie et le dire pour les dix ans qui viennent, pour que les acteurs du secteur puissent s'y inscrire.
LEA SALAME
Est-ce que vous nous confirmez ce chiffre qui a été donné par l'AFP, par un document que l'AFP s'est procuré, que vous allez fermer six réacteurs, plus les deux de Fessenheim d'ici 2028 ?
FRANÇOIS DE RUGY
Alors, l'AFP, l'Agence France-Presse, a eu, je ne sais comment, pas par moi en tout cas, un certain nombre de documents de travail, et notamment le fait qu'il y avait trois scénarios sur la table, et il y a un de ces scénarios qui est celui que vous venez de dire…
LEA SALAME
Ce n'est pas vrai ?
FRANÇOIS DE RUGY
Donc je confirme qu'il y a trois scénarios sur la table, ça, oui, je peux vous le confirmer, et je vous confirme que nous continuons à y travailler et que nous sommes vraiment aux derniers arbitrages, que tout cela devrait d'ailleurs être présenté la semaine prochaine.
LEA SALAME
Est-ce que vous nous confirmez que c'est Emmanuel MACRON qui le présentera le 27 novembre prochain ?
FRANÇOIS DE RUGY
Je vous confirme qu'Emmanuel MACRON a bien l'intention de s'engager et de se positionner en tant que président de la République sur ce sujet, ô combien important, qui est le défi énergie-climat, je le rappelle, ce n'est pas simplement la question du nucléaire…
LEA SALAME
Pardon, parce que les calendriers…
FRANÇOIS DE RUGY
C'est la question énergie-climat…
LEA SALAME
J'entends…
FRANÇOIS DE RUGY
Baisse des consommations d'énergie…
LEA SALAME
Mais vous avez reporté plusieurs fois ces annonces, est-ce que c'est bien le 27 prochain ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, c'est vrai que ça a été reporté en gros d'un mois, puisqu'on avait dit fin octobre, et que, maintenant, ce sera fin novembre.
LEA SALAME
C'est bien le 27 ?
FRANÇOIS DE RUGY
Ce sera très probablement le 27, mais, vous savez, ce n'est pas une question de jour ou d'heure ou de lieu, c'est une question de fond, parce que, en effet, comme l'a dit Nicolas DEMORAND, ensuite, c'est pour tracer la voie dans laquelle la France s'engage, de le faire de façon la plus transparente possible, vous savez que la France s'est engagée sur la voie du nucléaire dans les années 70 sans qu'il y ait le moindre débat, sans qu'il y ait la moindre loi...
LEA SALAME
Non, c'était une fierté, c'était une fierté nationale. C'était notre fleuron…
FRANÇOIS DE RUGY
Et aujourd'hui, nous sommes dans l'idée que ça doit être quelque chose qui est partagé avec tous les Français.
NICOLAS DEMORAND
Encore un mot, Léa…
LEA SALAME
Voilà, encore un mot, et puis, on prend les questions d'auditeurs. Donc vous ne pouvez pas nous dire combien de réacteurs vont fermer, est-ce que c'est possible que ce soit plus que ce chiffre de six réacteurs, puisque Pascal CANFIN hier à votre place nous disait pour arriver à l'objectif de 50 %, il faut en fermer seize en tout, en plus des deux de Fessenheim ?
FRANÇOIS DE RUGY
Oui, à l'horizon 2035, mais la question, c'est de savoir, vous savez très bien, c'est toujours la même question, à quel rythme, avec quelle trajectoire, quelles années, quels endroits, et vous savez bien, comme dans tous les domaines, il y a toujours beaucoup de gens qui se disent : oui, mais ce serait bien que ce soit les autres, que ce soit l'autre endroit, que ce soit l'autre réacteur, et je comprends cette réaction, d'abord de l'entreprise EDF, qui se dit quel est le niveau de transformation, y compris de son modèle économique, de son modèle de production, quel est le niveau de transformation dans lequel cette entreprise doit s'engager, mais il y a aussi d'autres entreprises, qui elles ont envie de développer les énergies renouvelables, qui ont envie, par exemple, ENGIE, qui est un spécialiste du gaz, a envie de développer le gaz renouvelable…
NICOLAS DEMORAND
Mais entre huit et seize, ce n'est quand même pas exactement la même chose…
FRANÇOIS DE RUGY
Eh bien, ce ne sera pas la même chose…
NICOLAS DEMORAND
C'est du simple au double…
FRANÇOIS DE RUGY
Non, non, mais... non, parce qu'il n'y a pas tellement de débats sur le nombre d'ici 2035, le débat, il est sur le rythme…
LEA SALAME
Oui, mais d'ici 2028…
FRANÇOIS DE RUGY
Il est sur le moment et le rythme.
LEA SALAME
Mais c'est ça, c'est d'ici 2028 combien vous allez en fermer, c'est ça la grande question.
FRANÇOIS DE RUGY
Eh bien, ça, vous aurez la réponse dans une semaine.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2018