Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les dispositifs existants d'aide aux producteurs de fruits et légumes, Paris le 29 novembre 2001.

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Circonstance : Congrès de la Fédération nationale des producteurs de légumes à Paris le 29 novembre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui et au-delà de m'adresser à tous les producteurs de légumes de France. En réponse à l'intervention du Président SALES, je voudrais vous faire part de mon analyse de la situation et de vous indiquer comment je compte travailler avec vous sur les projets que vous avez indiqués.
Je dois dire que depuis plus de trois ans que je suis rue de Varenne, nous avons travaillé ensemble dans un climat de confiance qui nous a permis d'enregistrer quelques points positifs. Ces avancées doivent encore être renforcées et s'inscrire dans la durée pour améliorer la situation des producteurs et créer des emplois.
Si je me suis impliqué à vos côtés, c'est, peut être, que vos filières avaient été un peu délaissées auparavant. Pourtant elles présentent de formidables potentialités en matière d'emploi, d'aménagement du territoire, de qualité et de " naturalité " des produits. En ce sens, elle répond à l'image que je me fais d'une agriculture moderne, respectueuse des hommes et des terroirs.
C'est ainsi qu'une communication active auprès de nos concitoyens a été lancée sur la nécessité d'une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes, première condition d'une vie saine. Je me réjouis qu'après les déclarations du Premier ministre, des efforts de communication importants soient entrepris dans le cadre du "plan national nutrition santé" qui viennent conforter ceux de votre interprofession. Un travail important s'engage en liaison avec le ministre de l'éducation nationale pour favoriser la consommation de fruits et légumes dans les écoles.
Par ailleurs, le consommateur est de plus en plus attentif aux vertus des aliments qu'il consomme et aux garanties qui peuvent lui être apportées. De telles attentes donnent tout leur sens à la réflexion sur l'agriculture raisonnée dont les orientations finales seront arrêtées lors du CSO du 8 janvier 2002. Il s'agit d'un enjeu important pour votre filière. Elle doit être en mesure d'y faire face pour garantir sur le long terme la solidité économique de vos exploitations.
Encore faut-il que s'exprime une ferme volonté collective des producteurs dans un cadre réglementaire sécurisé. En la matière, permettez-moi de vous rappeler, Monsieur le Président, quelques avancées.
Au plan communautaire tout d'abord. Je suis convaincu que l'OCM fruits et légumes est désormais adaptée aux besoins de votre filière en encourageant l'organisation de l'offre, la modernisation des entreprises et le respect de l'environnement.
La réforme que j'ai obtenue en novembre 2000 offre aux organisations de producteurs françaises un potentiel supplémentaire de crédits communautaires de près de 200 MF ; utilisons le ! D'autant plus que les modalités de gestion des fonds opérationnels ont été simplifiées.
Bien sûr, beaucoup peut encore être fait sur ce sujet, notamment pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de rejoindre l'organisation économique : les seuils exigés pour la reconnaissance des organisations de producteurs ne sont pas toujours compatibles avec certaines réalités économiques, notamment en " ceinture verte ". Travaillons ensemble à des solutions nationales ou communautaires pour permettre à tous ceux qui souhaitent s'organiser de rejoindre l'organisation économique sans que des barrières, des seuils ou des exclusions ne les frappent. Portons une attention particulière aux exploitations les plus fragiles, souvent les plus petites afin de les aider à tenir.
Mais il faut aller plus loin. En particulier, la sensibilité du consommateur concernant la sécurité sanitaire des produits qu'il consomme rend indispensable une meilleure prise en considération de la prévention et de la gestion des risques phyto-sanitaires à l'échelle communautaire. Sur ce point, dans le cadre du comité mixte franco-espagnol, nous venons de convaincre les autorités et les producteurs espagnols d'engager une réflexion approfondie dès le début de l'année prochaine.
De même, l'équité des conditions de concurrence entre producteurs des Etats membres suppose que l'effort de réduction des coûts de production s'effectue dans le respect le plus strict des règles sociales de chaque Etat membre. Les organisations de producteurs qui n'auraient pas respecté le droit social de leur pays d'établissement doivent pouvoir être exclues des aides communautaires. L'éco-conditionnalité existe pour encourager la prise en compte de l'environnement. Je demande l'introduction de la socio-conditionnalité pour inciter à la mise en uvre d'une véritable Europe sociale dans ce secteur.
Enfin, la nouvelle orientation de l'OCM fruits et légumes ne doit pas occulter la fragilité des productions fruitières et légumières, leur dépendance vis-à-vis des aléas du climat et de la conjoncture. Pour cela, de nouveaux outils comme l'assurance/récolte et l'assurance/revenu doivent pouvoir être cofinancés par les programmes opérationnels.
Socio-conditionnalité, assurance-récolte, je saisirai par écrit le Commissaire FISCHLER sur ces sujets dans les jours qui viennent afin d'améliorer encore l'OCM fruits et légumes.
L'appui aux investissements individuels des entreprises constitue un autre volet de l'engagement de l'Etat au service de votre filière. Sur ce plan, je viens d'obtenir l'accord de la Commission européenne pour un co-financement communautaire des investissements de modernisation des serres. Concrètement, cela permettra de doubler les moyens financiers consacrés à ces investissements et de limiter les files d'attente dont vous pâtissez. A nous d'optimiser ces crédits en organisant au mieux leur attribution.
De même, en partenariat avec vos représentants, nous venons d'obtenir les moyens d'intégrer les préoccupations de vos entreprises dans un CTE - type " productions sous serres ". Les exploitants pourront avoir accès dans les meilleures conditions possibles à des financements nationaux et communautaires importants. A vous désormais de tirer parti de ces opportunités nouvelles pour faire profiter votre secteur de la dynamique du CTE dont la montée en puissance est aujourd'hui rapide. Déjà, dans votre filière, Denis ONFROY a su tirer parti de cet instrument : 180 CTE légumiers ont été signés dans la Manche. Cet exemple doit être suivi et je suis convaincu que les ouvertures obtenues pour les productions sous serre sont des avancées importantes qui permettront de répondre à votre objectif : créer de la valeur.
Sur un plan global, je me réjouis de votre souhait de vous inspirer de la démarche conduite en Basse Normandie. Elle m'apparaît exemplaire sur ses objectifs, consolider les exploitations par la valorisation des productions, comme sur la méthode, mobiliser tous les financements communautaires et nationaux existants.
En effet, les concours publics à votre filière ne peuvent plus être appréciés en fonction des seules lignes budgétaires de l'office alors même que des sources de financement nouvelles, nationales ou européennes (CTE, OCM, DOCUP), sont apparues et vont monter en puissance : vous devez vous saisir de ces outils qui sont des instruments d'avenir. Et ce d'autant plus que vos produits sont consommés directement, permettant de valoriser ainsi leur origine et leur lien au terroir.
Le véritable défi auquel votre fédération me paraît confrontée consiste à faciliter la mise en cohérence de l'ensemble de ces outils de financement pour le mettre à disposition des producteurs dans le cadre de projets collectifs afin de leur conserver au maximum la valeur ajoutée.
Cette approche structurelle ne signifie pas la fin des outils destinés à gérer les crises dont certains pourront être pris en charge au plan européen. Par ailleurs, le débat prochainement organisé à l'Assemblée nationale sur la base du rapport établi par Monsieur Christian BABUSIAUX fournira l'occasion d'évoquer une meilleure prise en compte des risques assurance qui vous concernent directement.
En outre, dans le cadre de la discussion budgétaire, le Gouvernement a accepté le 19 novembre un amendement du député Gilbert MITTERRAND créant un régime d'épargne professionnelle de précaution défiscalisée. Il s'agit d'aider les exploitants agricoles à faire face à des investissements futurs ou à des aléas d'ordre climatique, économique, sanitaire ou familial affectant la conduite de l'exploitation. Cette mesure prendra la forme d'une déduction du bénéfice imposable des sommes épargnées, selon des modalités qui favoriseront les petites exploitations. Voilà un outil moderne et concret, au plus près des préoccupations des exploitants.
C'est vrai que pour les instruments conjoncturels de gestion des crises, nous avons dû " réduire la voilure " Mais d'autres auraient voulu que nous supprimions les voiles, voire que nous sciions les mâts !. Nous avons pu préserver une dotation significative sur le budget de l'ONIFLHOR. Sachons anticiper et faire émerger des instruments plus acceptables et plus efficaces. Dans l'immédiat, utilisons-le au mieux des intérêts des producteurs et sachons innover pour être efficace. Je suis très ouvert à vos suggestions.
En cas de coups durs, vous savez que j'ai toujours répondu " présent ", par exemple, lors de la hausse exceptionnelle du coût de l'énergie. Des propositions constructives pour la mise en place du volet structurel de cette mesure, intégrant notamment les aspects d'audit des entreprises et de formation viennent de m'être faites dont les modalités seront arrêtées rapidement.
Je connais l'importance pour votre filière du coût de l'énergie et vous pouvez compter sur moi pour appuyer vos efforts auprès de mon collègue Christian PIERRET comme auprès du Président de Gaz de France.
Enfin, la gestion du marché suppose une relation construite et loyale entre les producteurs et leurs acheteurs : c'est l'objectif de la loi sur les Nouvelles régulations économiques. A vous de faire vivre ce texte, sans concession, mais sans agressivité avec le souci du plus grand bénéfice pour la filière. La commission de contrôle des pratiques commerciales sera mise en place rapidement et j'ai proposé à mon collègue des Finances le nom de Jean Claude LEJOB qui m'apparaît à même de faire valoir vos préoccupations dans un esprit constructif.
Le mode normal des relations interprofessionnelles est le dialogue tel qu'il est conçu au sein d'Interfel dont je salue le Président, François LAFFITE, qui a su défendre le principe d'une segmentation stratégique qui m'apparaît très intéressante.
Bien évidemment, une stratégie de consolidation des exploitations suppose par ailleurs une démarche de promotion ambitieuse et adaptée. Tel est le sens de l'effort de promotion de l'ONIFLHOR et d'INTERFEL, dont l'effet sera amplifié par des crédits communautaires nouveaux.
Vous avez également mis l'accent sur la richesse qu'apportent les hommes aux entreprises de votre secteur. Nous savons tous le poids qu'y représente la main d'uvre dans les coûts de production. Le gouvernement a réalisé des efforts importants en réduisant les cotisations sociales pesant sur l'emploi des travailleurs occasionnels de 150 MF par an. Plutôt qu'une réduction systématique de ces coûts, vous préférez la valorisation des hommes et de leurs compétences, facteur essentiel du dynamisme et de l'innovation nécessaires à la réussite économique de l'entreprise.
Vous choisissez d'aborder ici la question des ressources humaines de façon globale et cohérente. Plutôt que de se focaliser sur les difficultés concernant le recrutement de main d'uvre saisonnière, vous préférez traiter ce problème à la racine : que représente la main d'uvre dans la valorisation de l'entreprise ? de quelle main d'uvre a-t-on besoin ? qu'apporte-t-elle ? comment la gérer ?
Votre fédération est prête à des investissements importants pour répondre à de tels enjeux, et cela modifierait profondément la gestion des ressources humaines au sein des entreprises, le recrutement, la formation des employeurs et des responsables d'équipes, la gestion des carrières des salariés. Mais vous savez que c'est à ce prix que vos entreprises, fortement employeurs de main d'uvre, trouveront les moyens de résoudre de façon durable les problèmes posés.
Vous faites plusieurs propositions, dont je citerai les principales :
- valoriser la main d'uvre et les métiers. Je partage votre objectif : présenter de vos métiers une image attrayante, notamment auprès des jeunes, mieux les faire connaître, développer la qualification professionnelle, la polyvalence des travailleurs saisonniers, améliorer l'encadrement des équipes et la reconnaissance des qualifications.
- lier la qualité des produits à celle du travail. Cela englobe aussi bien les conditions de travail, que la sécurité et la qualification.
- s'appuyer sur l'expérience acquise tant dans la formation que dans le travail des réseaux. La FNPL est consciente depuis longtemps de l'importance des ressources humaines pour les entreprises, et a su développer, à partir du centre de formation de Théza, un travail en réseau : réseau de formation (Théza/Saint Illan), réseau d'entreprises accueillant des publics en insertion (RELIE). Cette expérience constitue une base qu'il faut mettre à profit.
L'Etat s'est aussi mobilisé. Pour faire face aux difficultés de recrutement de la main d'uvre saisonnière, j'ai sollicité M. Van HAECKE qui m'a remis un rapport en début d'année. J'ai retenu parmi les propositions la nécessité de mobiliser plus efficacement l'action de mon ministère avec le ministère de l'emploi et l'ANPE. Un accord est en cours de finalisation qui vise à optimiser la diffusion et le rapprochement des offres et des demandes d'emploi saisonniers au niveau national. Au niveau local, les partenaires s'engagent à élaborer des plans d'action pour améliorer le placement et valoriser l'emploi. Cet accord sera conclu pour 3 ans.
Tels sont, Monsieur le Président, les commentaires que m'inspire votre réflexion stratégique. Je suis à vos côtés pour accompagner vos filières dans leur démarche de modernisation et je continuerai à l'être demain.
Je souhaitais également, Monsieur le Président, vous souhaiter "bon vent" dans vos prochaines fonctions à la tête du Conseil de direction de l'ONIFLHOR. Je salue le travail que vous avez réalisé à la FNPL et je souhaite que vos nouvelles responsabilités vous permettent de servir d'une autre manière la filière légumière française en ayant le souci de tous les partenaires.
Je souhaite ne pas oublier dans ce congrès Michel LANERET qui est absent aujourd'hui car il est souffrant. Je souhaite que nous ayons une pensée pour lui et je forme le vu qu'il puisse être très vite rétabli et de retour à l'ONIFLHOR pour continuer sa tache.
Je voudrais également remercier Guy GEOFFROY, inspecteur général de l'agriculture, d'avoir accepter d'assumer son intérim à la tête de l'ONIFLHOR. Je lui suis très reconnaissant d'avoir accepté cette mission pour assumer la direction d'un établissement essentiel au service de l'Etat et des professionnels de vos filières. Je sais qu'il saura remplir cette mission avec efficacité car il a été un grand directeur de l'ONIFLHOR qui a laissé de bons souvenirs aux professionnels comme aux personnels.
Pour conclure, je voudrais à nouveau souligner que votre filière, malgré ses difficultés, est l'un des secteurs qui a le plus d'opportunités devant lui. Vous bénéficiez d'instruments nouveaux qu'il convient d'optimiser. Certains l'ont déjà fait avec bonheur, ce qui montre que c'est possible. De nouveaux chantiers sont devant vous et je tiens à vous dire que si vous avez des projets à me présenter, s'ils sont fondés sur la qualité, la dynamique collective et l'ancrage au terroir, je serai toujours à vos côtés pour vous aider à les porter.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 3 décembre 2001)