Texte intégral
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Bonjour à tous. Mon invitée ce matin est la Secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire, bonjour Emmanuelle WARGON.
EMMANUELLE WARGON, SECRETAIRE D'ETAT A LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Bonjour.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Auprès du Ministre de l'Ecologie François de RUGY. On est à un moment-clef, charnière puisqu'à l'Elysée on nous dit ce matin : « Nous avons reçu le message des citoyens. Il nous invite à aller plus loin. » Vous allez donc nous dire quels sont les gestes du Gouvernement ou du Président mardi, qu'avez-vous entendu. On va justement commencer par écouter ce que nous dit le terrain. Derrière vous, vous avez le Champ de Mars. Normalement, c'est là que vous voulez assigner les gilets jaunes demain samedi, ils ne sont pas d'accord. On écoute l'une de leurs porte-parole Laëtitia DEWALLE dans le Val-d'Oise.
LAËTITIA DEWALLE, REPRESENTANTE DES GILETS JAUNES DU VAL-D'OISE
Nous ne préconisons pas le Champ de Mars puisque nous n'avons pas l'intention de faire un pique-nique géant en famille sur un grand terrain de football. Nous sommes là pour nous faire entendre, pour nous faire voir et ce n'est pas parqués au milieu des arbres que ça va être le cas.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Que lui répondez-vous ? Pourquoi le Champ de Mars ?
EMMANUELLE WARGON
Le choix de l'organisation de la manifestation, c'est d'abord un choix de sécurité. Donc c'est normal, les manifestations doivent être déclarées. Ensuite, c'est une discussion avec la préfecture de police de Paris sous l'égide du ministère de l'Intérieur pour savoir quelle est la bonne manière de faire.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le problème, c'est qu'on ne sait pas trop avec qui discuter parce qu'il y a tellement de porte-parole et de représentants des gilets jaunes qu'on ne sait pas trop avec qui on doit négocier.
EMMANUELLE WARGON
C'est l'une des difficultés ou l'une des questions posées par ce mouvement. C'est un mouvement populaire, c'est un mouvement citoyen. C'est un mouvement qui est sorti du cadre normal de la représentation. Il exprime quelque chose d'important et, vous le disiez, c'est la raison pour laquelle le Président de la République a dit mardi, devant la représentation des organisations syndicales, des organisations patronales, des organisations environnementales : « Nous aurons une discussion ça s'appelle le Conseil national de la transition écologique, c'était issu des débats précédents -, nous aurons une discussion pour voir comment aller plus loin avec - il l'a dit - de l'argent, une méthode, des débats. »
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous n'êtes pas en train d'essayer de démobiliser les gilets jaunes à la veille de leur rassemblement ?
EMMANUELLE WARGON
On n'est pas en train d'essayer de démobiliser, on est en train de dire : la question qui est posée par le mouvement des gilets jaunes, c'est une question importante, légitime, qu'il faut écouter, qu'il faut comprendre et à laquelle il faut apporter des réponses concrètes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est quoi la question que vous avez entendue de la part des gilets jaunes ?
EMMANUELLE WARGON
La question que moi j'entends, sachant que bien sûr le mouvement des gilets jaunes est très divers, mais la question que moi j'entends c'est : oui, tout le monde est d'accord pour faire la transition écologique, mais comment est-ce qu'on la rend possible sans injonctions contradictoires, sans peser toujours plus sur ceux dont les revenus sont modestes, ceux qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, ceux que les politiques publiques ont incité pendant les quinze, vingt, trente dernières années à aller se loger plus loin des villes et qui ont besoin de leur voiture dans leur mode de vie quotidien ? Cette question, ce n'est pas la question de la légitimité de la transition écologique, parce que quand on discute, les gens savent que le changement climatique est là. C'est la question du comment. En fait, Nicolas HULOT le disait hier : c'est comment concilier, lutter contre la fin du monde sans toucher aux fins de mois.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Puisque vous parlez de Nicolas HULOT, il s'est donné un peu le beau rôle même s'il a dit qu'il fallait continuer, effectivement, à imposer cette taxe carbone et à changer nos comportements. Il a expliqué qu'il avait senti le mouvement venir et c'est pour ça qu'il était parti. On l'écoute.
NICOLAS HULOT, ANCIEN MINISTRE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Je me suis battu, notamment les semaines qui ont précédé mon départ, pour qu'on change complètement d'échelle dans l'accompagnement social de la transition énergétique et écologique avec des propositions concrètes. Je n'ai pas été entendu, on m'a opposé des raisons budgétaires, j'en ai tiré des leçons. Et cette crise était évitable.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous êtes d'accord avec lui ? C'est votre avocat du coup ?
EMMANUELLE WARGON
Est-ce que la crise était évitable ? C'est toujours très difficile, en pleine crise ou en pleine sortie de crise, de faire le retour de l'histoire. Peut-être que si Nicolas HULOT était resté Ministre, les choses se seraient passées différemment. Difficile à dire. En tout cas, je pense qu'il a raison sur le fait que la pire des choses qu'on puisse faire, c'est opposer social et écologique. L'accompagnement social, il a été mis en place avec la prime à la conversion, avec le chèque énergie. Ce sont aussi les mesures de pouvoir d'achat, la baisse des cotisations sociales, la baisse de la taxe d'habitation. Est-ce que c'est suffisant ? Est-ce que ces mesures sont connues ? Est ce qu'elles sont utilisées ? Est-ce qu'il faut faire différemment ? Je pense que ça fera l'objet des débats que nous aurons mardi.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc vous êtes en train nous dire qu'au fond, vous avez apporté des réponses il y a une dizaine de jours, le Premier ministre notamment, mais ça n'allait pas assez loin.
EMMANUELLE WARGON
Ce que je suis en train de dire, c'est qu'autour de la crise des gilets jaunes se pose la question de la transformation de notre modèle économique. Une transformation lourde, économique, sociale
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ça, vous n'allez pas y renoncer. Vous voulez changer notre modèle.
EMMANUELLE WARGON
Le modèle, il change tout seul. Le développement économique change, les entreprises changent, l'industrie change. Il faut aussi réindustrialiser différemment la France et quand on la réindustrialise, quand on remet de l'activité économique, quand on la rend possible, il faut que cette activité économique rende aussi la transition écologique possible. Donc cette crise, c'est un révélateur de la question qui est posée finalement depuis plusieurs années, depuis la campagne, sur laquelle Emmanuel MACRON s'était exprimé pendant sa campagne : comment est-ce qu'on accompagne une transition très profonde ? Donc c'est l'objet, ce sera l'objet des débats mardi. C'est important qu'on les ai.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Pourquoi avoir mis autant de temps ? Parce que ce que vous nous dites semble frappé du bon sens, mais il a fallu des semaines de mobilisation pour que le Gouvernement se rende compte que, oui effectivement, il allait sans doute trop vite, sans avoir pris conscience des difficultés que cela posait à bon nombre de nos compatriotes.
EMMANUELLE WARGON
D'abord, on est à un moment, enfin on est à la fin d'une période longue, pas à la fin d'une période courte. L'OFCE a sorti - c'est l'un des observatoires - a sorti une étude il y a deux, trois jours disant que le pouvoir d'achat, le revenu disponible net des ménages avait baissé assez significativement de 2008
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Quatre cent quarante euros par an.
EMMANUELLE WARGON
Exactement, quatre cent quarante euros par an.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
En moyenne.
EMMANUELLE WARGON
En moyenne entre 2008 et 2016. Donc ce dont on parle, c'est un sujet de longue période, pas un sujet de courte période.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce n'est pas que de votre faute, c'est ce que vous êtes en train de nous dire.
EMMANUELLE WARGON
Ce que je veux dire, c'est que
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est que les gouvernements avant vous aussi.
EMMANUELLE WARGON
C'est que tous les gouvernements successifs ont été confrontés à ces difficultés. Le débat, il a commencé à être posé. Probablement que les mesures que nous avons proposées, ce sont des mesures techniques, ciblées, pas toujours très connues.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Trop techniques, vous voulez dire.
EMMANUELLE WARGON
La baisse des cotisations sociales, elle arrive maintenant ; d'une certaine manière, elle est arrivée déjà au moment de la crise, elle n'a pas forcément été perçue alors qu'elle est là concrètement sur les feuilles de paye, sur les comptes en banque. Il faut reprendre un débat global et rediscuter de tout ça avec toutes les parties prenantes, et puis s'il y a des ajustements à faire, on les fera.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On reçoit des ministres tous les jours quasiment sur ce plateau. C'est la première fois que j'entends une ministre qui reconnaisse aussi spontanément et aussi franchement que, peut-être effectivement, tout n'a pas été pris en compte et qu'il faut peut-être tout remettre sur le sur la table et c'est ce que va faire le Président mardi. C'est ce que vous nous dites.
EMMANUELLE WARGON
Ce que je vous dis, c'est que ce sont des sujets compliqués dans lesquels il faut entendre ce que nous disent les gens. Moi, j'ai travaillé avec
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Quel un changement de discours par rapport à ce qu'on a entendu les jours derniers !
EMMANUELLE WARGON
Je ne crois pas. Je crois que ç'a été dit. Je crois que le Président l'a dit lorsqu'il s'est exprimé sur le Charles-de-Gaulle. Je crois que le Premier ministre l'a dit donc je ne crois pas
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le Premier ministre a dit : « On ne change pas de cap et on a déjà proposé des mesures. » Là ce que dit l'Elysée ce n'est pas que vous ce que dit l'Elysée et ce que vous dites ce matin : « On va discuter mardi. On va ouvrir une phase de discussion. »
EMMANUELLE WARGON
Pour moi, c'est indispensable et il faut entendre ce qui se dit. Je pense qu'on ne peut pas être en surplomb. On ne peut pas dire : « Nous avons raison, vous avez tort. » Ça n'existe pas. Il faut comprendre et ce qui s'exprime, c'est quelque chose qui vient de loin, qui est profondément ancré, qui a été créé pendant des années et des années de politiques publiques, et c'est à ça qu'il faut que nous répondions tous ensemble.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vous, là pour le coup, vous ouvrez une espérance de dialogue mardi ? Vous serez à la hauteur de ce que vous dites-là ? C'est-à-dire que le Président sera à la hauteur ? Il va effectivement rouvrir le champ et le dialogue pour aider les Français à vivre cette transition sur plusieurs mois, plusieurs années ?
EMMANUELLE WARGON
Encore une fois, je pense que depuis quelques jours le Gouvernement a toujours dit, le Président, le Premier ministre, les membres du Gouvernement qui se sont exprimés : « Nous devons entendre, ils s'expriment. Une colère s'exprime, une souffrance s'exprime, un sentiment d'abandon. » Je ne crois pas dire des choses très différentes de ce que mes collègues, de ce que le Premier ministre et le Président ont dit. Mais c'est important que cette discussion ait lieu. L'Elysée l'a annoncée, elle a lieu mardi devant toutes les parties prenantes.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Vous évoquiez des membres du Gouvernement qui sont exprimés. On a entendu Jean-Yves LE DRIAN aussi qui disait qu'il fallait peut-être prendre en compte cette colère. On a vu François BAYROU, membre de la majorité, hier matin dans Le Figaro. Il revient sur cette taxe de trois centimes sur l'essence et six centimes sur le diesel qui, une nouvelle fois, va être augmentée au 1er janvier. Il dit : « Une nouvelle augmentation est prévue au mois de janvier. Cela mérite que nous y réfléchissions. » Est-ce que cette hausse prévue au 1er janvier, ça fait partie de la réflexion dont vous nous parlez ? Est-ce que ça aussi c'est sur la table comme le souhaite François BAYROU ?
EMMANUELLE WARGON
Je pense que ce qui caractérise ce Gouvernement, c'est aussi la volonté d'être cohérent et d'être constant. Le dernier rapport du GIEC nous dit qu'on a quelques années pour agir. Il nous dit que le scénario d'atteinte d'un réchauffement limité à deux degrés ou même 1,5 degré, il est quasiment inatteignable et qu'il faut arrêter tout de suite, là maintenant, d'utiliser les énergies fossiles parce que nous n'avons plus de temps. Le discours du Président CHIRAC sur « la maison brûle et on regarde ailleurs », c'était il y a plusieurs dizaines d'années. Donc s'il faut que nous réussissions, c'est continuer la transition écologique parce que nous en avons besoin individuellement et collectivement, mais trouver la manière de la faire pas contre nos concitoyens mais avec nos concitoyens.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que ça, les taxes sur les hydrocarbures, on ne va pas y revenir. On peut réfléchir à comment on accompagne, comme on aide les Français à supporter ça et avoir peut-être d'autres ressources, mais ça on ne va pas revenir dessus. François BAYROU a tort.
EMMANUELLE WARGON
Ce que je suis en train de vous dire, c'est que nos grands objectifs vont être détaillés à ce moment-là parce que la stratégie de ce qu'on appelle la programmation de l'énergie - en fait, c'est la stratégie de comment est-ce qu'on veut consommer et vivre pendant les dix prochaines années ce sera un objectif très fort de baisse de la consommation d'énergie en particulier fossile, d'augmentation des énergies renouvelables et donc ça le cap ne change pas. Nous avons besoin de garder une capacité à sortir de l'énergie fossile en France.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Exact.
EMMANUELLE WARGON
Moi, je suis en charge de la transition écologique territoriale. Je vais travailler avec tous les territoires. Les territoires qui sont frappés, notamment les territoires qui accueillent aujourd'hui des centrales à charbon - on en a quatre - et ça ne sera pas facile de fermer des centrales à charbon parce que c'est de l'activité
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Elles sont où ces centrales à charbon d'ailleurs ?
EMMANUELLE WARGON
On en a une à Saint-Avold, une à Gardanne, une au Havre et une à Cordemais en Loire-Atlantique.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Et elles polluent évidemment beaucoup.
EMMANUELLE WARGON
Bien sûr, c'est ce qui pollue le plus dans notre mix énergétique. Mais ce sont aussi les territoires qui ré accueillent des activités de façon différente. Moi j'ai été très frappée ; j'étais à Fourmies il y a quelques semaines dans le département du Nord, dans la Sambre : c'était un fleuron industriel Fourmies. Du textile, de l'électroménager. Ces industries ont disparu, c'était d'ailleurs aussi parfois des industries très polluantes. Fourmies se réinvente un nouvel avenir industriel plus propre, à la fois industriel et écologique. C'est ça que nous devons faire. Mais il faut aussi qu'on questionne nos modèles de consommation. Aujourd'hui, on est le jour du Black Friday.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Où on est tous poussé à consommer davantage.
EMMANUELLE WARGON
Moi aujourd'hui, je vais voir une des petites entreprises qui s'est associée au mouvement du Green Friday. Ce n'est pas un jour où on pousse à la consommation, c'est un jour où on réfléchit à la consommation. L'une des entreprises les plus emblématiques, c'est la CAMIF. Son patron Emery JACQUILLAT a dit : « Moi, je ferme mon site Internet aujourd'hui à la place de ça. Ce n'est pas que je veux faire plus de ventes, je ne fais pas de ventes mais je fais des débats sur la consommation. » Je vais voir une des entreprises à Paris qui est dans cette même mouvance. C'est toute notre vision, tout notre mode de vie qui doit changer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mardi donc, ces annonces du Président. Est-ce que ça sera des annonces concrètes ou ce sera l'ouverture d'un processus selon vous ?
EMMANUELLE WARGON
Comme l'Elysée l'a dit, c'est d'abord un débat, une méthode, une manière de co-construire. C'est plutôt ça qui se jouera mardi.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est dans le cadre des premiers débats sur la PPE, la programmation pluriannuelle de l'énergie. Vous nous avez parlé de la nécessité de fermer les centrales à charbon, vous nous avez dit qu'il fallait développer les énergies renouvelables et le nucléaire. Quelle place du nucléaire dans le mix énergétique ? Est-ce que vous êtes pour la construction de nouveaux réacteurs, notamment d'EPR ? Et puis sur le fait que Fessenheim sera la seule centrale qu'on ferme finalement pour l'instant ?
EMMANUELLE WARGON
D'abord fermer Fessenheim, c'est comme les centrales à charbon. C'est une décision qui a été prise. Ce Gouvernement s'y est attelé alors que les précédents avaient posé la décision mais pas du tout démarré les travaux.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc elle sera fermée quand ?
EMMANUELLE WARGON
Ça sera entre 2020 et 2022. Il y a 2 réacteurs.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Avant la fin du quinquennat.
EMMANUELLE WARGON
Moi, je suis aussi.et en charge de l'accompagnement de la fermeture de Fessenheim. J'ai commencé à rencontrer les élus. Je me rendrai là-bas. C'est très important là aussi de trouver des réponses concrètes à : c'est moins de revenus, c'est moins de richesses pour le territoire, comment on reconstruit, qu'est-ce qu'on reconstruit.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais vous allez construire de nouvelles centrales, des EPR.
EMMANUELLE WARGON
Pour le reste, d'abord les annonces seront faites mardi. Deuxièmement, l'objectif
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc je vous le dis : vous allez annoncer la construction de nouveaux EPR.
EMMANUELLE WARGON
Alors, vous êtes extrêmement bien renseigné. L'objectif, c'est 50 % de nucléaire dans la production électrique, c'est-à-dire nettement moins qu'aujourd'hui. Cet objectif, François de RUGY l'a dit, il sera posé à 2035. Il était initialement posé à 2025 et, ça, ce n'est juste pas physiquement possible.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Mais ce n'est pas dangereux, le nucléaire ? Notamment le traitement des déchets, leur stockage ? Ça ne vous inquiète pas pour l'avenir ?
EMMANUELLE WARGON
C'est bien la raison pour laquelle, alors que la France était en quasiment tout nucléaire dans les dernières années, on dit : pour des raisons de souveraineté, pour des raisons de sécurité, pour des raisons d'équilibre, il faut revenir à un équilibre raisonnable. Et cet équilibre raisonnable, c'est 50 % donc ça ne veut pas dire
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Il y a des pays qui décident de fermer toutes leurs centrales comme l'Allemagne.
EMMANUELLE WARGON
Oui. Mais l'Allemagne qui ferme toutes ces centrales revient massivement aux centrales à charbon et les centrales à charbon, c'est l'un des producteurs majeurs des gaz à effet de serre.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Le nucléaire, c'est mieux que le charbon.
EMMANUELLE WARGON
Le nucléaire, c'est de l'énergie décarbonée. Néanmoins en équilibre, nous sommes trop dépendants du nucléaire et c'est la raison pour laquelle nous allons revenir à 50 %. Le rythme des fermetures fait l'objet des derniers débats et c'est ce qui sera annoncé mardi.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que vous êtes parfois découragée ? Est-ce que vous aussi vous subissez la pression de certains lobbies comme l'avait regretté à l'époque Nicolas HULOT ?
EMMANUELLE WARGON
Je ne suis pas du tout découragée. Moi je suis convaincue de l'importance de ce qui se joue actuellement, extrêmement motivée pour le faire. Après, je pense que dans la question des lobbies, il faut séparer la discussion et la décision. Je pense que c'est important de discuter avec toutes les parties prenantes, parce que tous ces sujets, jamais l'Etat tout seul ou même la puissance publique avec les collectivités locales toutes seules, n'arriveront à les régler.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Donc on doit discuter avec les lobbies.
EMMANUELLE WARGON
Ça se règle avec le secteur privé et toutes les composantes de la société.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
C'est une vision très américaine de l'intérêt général. On discute entre parties prenantes, avec les lobbies et ont trouvé un compromis.
EMMANUELLE WARGON
C'est ce que je vous disais. Il faut séparer la discussion et la décision. La discussion, il faut l'avoir avec tout le monde. La décision en revanche, c'est une prérogative de puissance publique et la décision, elle doit être prise en toute indépendance.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Alors on a le droit de changer d'avis dans la vie, mais vous étiez à un moment donné à la direction d'un grand groupe industriel agroalimentaire. Je suis obligé de vous passer cet extrait de juillet 2018 aux Rencontres économiques d'Aix-en-Provence où vous défendiez l'huile de palme. On vous écoute et puis on voit si vous avez changé d'avis depuis.
EMMANUELLE WARGON PROPOS DE JUILLET 2003
C'est un ingrédient qui fait l'objet de plus en plus de méfiance, à la fois pour des raisons environnementales à cause des ravages que ça peut causer dans certaines parties du Sud-est asiatique, et aussi pour une forme de défiance, d'absence de naturalité. Et pourtant, l'huile de palme est le meilleur ingrédient pour les laits infantiles, et donc on en a besoin et on est tout à fait capable d'expliquer pourquoi.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce que l'huile de palme c'est bon pour les enfants comme vous le disiez ?
EMMANUELLE WARGON
Je n'ai pas du tout changé d'avis, et si vous me laissez trois minutes, je vais essayer de vous l'expliquer.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Peut-être pas trois mais une.
EMMANUELLE WARGON
Alors une. L'huile de palme ne pose pas de problème de santé. C'est même un ingrédient utile pour le lait infantile ; je ne développe pas pourquoi. La question posée par l'huile de palme, c'est comment on la produit et en la produisant, quels sont les dégâts qui sont faits.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu'on a besoin de détruire des forêts pour planter
EMMANUELLE WARGON
D'abord, l'huile de palme dans les laits infantiles, en pourcentage c'est extrêmement limité comme volume d'exploitation. La question qui nous est posée, c'est : est-ce qu'il existe de l'huile de palme durable ? Et la réponse est aujourd'hui, pas complètement. Aujourd'hui, les labels qui garantissent la qualité environnementale, la manière dont on exploite pour ne pas aggraver la déforestation, pour ne pas détruire les grands singes, et cætera, ça ne suffit pas. Dans les pays qui exploitent massivement l'huile de palme - la Malaisie, l'Indonésie - certaines exploitations sont durables mais on ne sait pas bien faire la différence entre celles qui exploitent correctement et celles qui déforestent massivement.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Est-ce qu'il y a un label qui est mondial ?
EMMANUELLE WARGON
Le Gouvernement a sorti il y a environ deux semaines ce qu'on a appelé une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Déforestation importée, ça veut dire que quand on fait venir des matières premières en France
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
On vérifie.
EMMANUELLE WARGON
Est-ce qu'on déforeste à l'autre bout du monde ? Et on a dit : label, transparence, critères plus forts au plan communautaire. Donc on est très cohérent et je n'ai pas changé d'avis.
CHRISTOPHE JAKUBYSZYN
Merci beaucoup, Emmanuelle WARGON, d'avoir répondu à nos questions et de nous avoir confirmé que, oui, d'ici mardi, le Gouvernement allait bouger, allait ouvrir le dialogue pour compenser cette hausse inéluctable du prix des hydrocarbures. Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
EMMANUELLE WARGON
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2018