Texte intégral
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M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de la mission « Sécurités » représentent 13,6 milliards d'euros, soit près de 80 % des crédits du ministère de l'intérieur.
Pour 2019, la sécurité intérieure bénéficie, comme en 2018, d'un budget sincère, solide et réaliste. En effet, la sécurité est pour le Gouvernement, comme elle l'est pour nos concitoyens, une priorité absolue.
Les événements d'une extrême gravité que notre pays a récemment traversés le montrent encore une fois. Fortement sollicitées par la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la délinquance, la lutte contre l'immigration irrégulière tout au long de ces derniers mois, nos forces ont aussi été très fortement mobilisées ces dernières semaines, comme vous l'avez rappelé, sur le terrain de l'ordre public. Je veux donc de nouveau et à mon tour leur rendre solennellement hommage.
Les événements récents soulignent, si cela était nécessaire, toute l'importance des crédits qui sont discutés aujourd'hui. L'importance des enjeux, le Gouvernement en a pleinement conscience. C'est bien pourquoi les moyens de la police et de la gendarmerie seront en 2019 de nouveau en hausse très significative, de 33 milliards d'euros, soit une progression de 2,6 %.
Si l'on prend un peu de recul, par rapport à 2015, dans les deux forces, on constate que les crédits sont globalement en hausse de près de 12 %. Cela représente plus de 1,4 milliard d'euros de crédits supplémentaires. Le message est donc clair : non seulement nous consolidons les efforts passés, mais nous les accentuons. Non seulement les mesures qui étaient hier exceptionnelles et limitées dans le temps je veux parler des différents plans de remise à niveau du budget des forces de sécurité sont pérennisées et inscrites dans la durée, mais le Gouvernement a encore accentué cet effort.
L'effort budgétaire en faveur de la sécurité est donc confirmé, ce qui traduit bien il faut en avoir conscience une orientation très forte de ce quinquennat.
Avec ces moyens, les engagements pris ceux du Président de la République, lors de la campagne, ceux du Gouvernement, devant le Parlement, mais aussi vis-à-vis des femmes et des hommes qui oeuvrent chaque jour à la sécurité de tous seront tenus.
Le budget pour 2019 de la sécurité intérieure est donc dépourvu de toute surprise. Il est en tout point conforme aux annonces faites et aux engagements pris en matière d'effectifs, d'immobilier, de moyens de fonctionnement des forces ou encore de politique indemnitaire, sociale et salariale.
Concernant les effectifs, nous bénéficierons de l'affectation dans les unités opérationnelles de tous les personnels recrutés en 2018 au titre du plan de 10 000 recrutements ; ils étaient, je vous le rappelle, au nombre de 2 000. Mais nous bénéficierons aussi du recrutement des 2 500 emplois supplémentaires prévus en 2019 et du concours des réservistes de la garde nationale. En 2019, le budget pourra nous permettre de consacrer jusqu'à 130 millions d'euros dans les deux forces à la réserve de la garde nationale, qui concerne désormais un vivier de 37 000 volontaires.
Après la suppression entre 2007 et 2012 de 12 519 emplois de policiers et de gendarmes, nous avons inversé la tendance avec ce plan de recrutement, pour permettre le renforcement de l'effectif des forces de sécurité sur le terrain. Ce n'est qu'à la fin de l'année 2019 que nous aurons reconstitué le vivier du corps d'encadrement et d'application, le CEA, dans la police nationale, tel qu'il était en 2007.
J'entends parfois dire que le budget d'équipement et de fonctionnement n'a pas été conçu pour aller de pair avec ce renforcement humain. Je veux, mesdames, messieurs les sénateurs, vous rassurer : il n'en est rien. Ce n'est pas la méthode de ce gouvernement et ce n'est pas la manière dont ce plan de recrutement a été conçu.
J'en veux pour preuve le fait qu'il y a, dans ces crédits, deux mesures bien identifiées représentant le « sac à dos des recrutements », c'est-à-dire 26 millions d'euros de crédits dans les deux forces. Les policiers et les gendarmes que nous recrutons sont donc bel et bien, mesdames, messieurs les sénateurs, armés, équipés et installés : les forces disposent des budgets nécessaires pour cela.
Concernant les questions d'immobilier et d'équipement, les travaux de la commission d'enquête sénatoriale sur l'état des forces de sécurité intérieure l'ont montré : l'effort doit aussi porter sur le budget d'équipement, d'investissement et de fonctionnement des forces de sécurité. C'est précisément ce que nous avons entrepris en 2018, comme en 2019.
Concernant l'immobilier, des orientations claires ont été données pour la programmation immobilière jusqu'en 2020. En effet, il faut agir résolument, comme vous l'avez souligné, sur la situation des commissariats de police et des casernes de gendarmerie, qui sont parfois très dégradées, faute d'entretien régulier et suffisant par le passé. C'est un axe très important de notre politique : il faut améliorer les conditions de travail des policiers, en intervenant sur la qualité de leurs lieux de travail.
Comme cela a été annoncé, le budget de l'immobilier de la police nationale est donc maintenu à un niveau historiquement élevé, tout comme dans la gendarmerie : 196 millions d'euros seront accordés à la police, soit 5,4 % de plus qu'en 2017, et 105 millions d'euros à la gendarmerie, soit une hausse de 9 % par rapport à 2017.
Cette priorité donnée à l'entretien, à la rénovation et à des constructions neuves quand elles sont nécessaires n'exclut pas de mettre en place des projets ambitieux. Je veux ici rappeler les opérations immobilières qui concernent la DGSI, dont a parlé François Grosdidier : 20 millions d'euros seront consacrés à des travaux programmés d'aménagement dans une commune dont je tairai le nom, puisque tout cela est mis sous le tapis.
L'objectif est de lancer en 2019 les premières études concernant le futur site unique pour la DGSI, plus que jamais d'actualité. Il s'agit clairement du projet immobilier le plus important du ministère pour les années qui viennent et en faveur duquel 450 millions d'euros de crédits sont budgétés dans la trajectoire financière du ministère d'ici à 2022.
En matière d'équipement, le niveau atteint par le budget pour 2019 permettra de donner corps à une police et à une gendarmerie aux ambitions renouvelées, respectées et tirant parti des progrès de la technologie. Il est donc prévu de commander 5 800 véhicules neufs dans les deux forces en 2019, pour un budget total de 137 millions d'euros.
Ce faisant, nous réaliserons l'investissement le plus important depuis huit ans, avec plus de 1 600 véhicules de plus que la moyenne de ces dernières années. C'est ainsi que nous pourrons véritablement améliorer l'état du parc, faire baisser l'âge moyen des véhicules, qui dépasse aujourd'hui, comme certains d'entre vous l'ont rappelé, sept ans, et organiser la montée en gamme du parc automobile.
Pour ce qui concerne l'équipement, le budget pour 2019 atteindra 143 millions d'euros. Sont bien évidemment concernés, aussi bien dans la police que dans la gendarmerie, des équipements technologiques : tablettes et smartphones. À la fin du premier trimestre de 2019, 50 000 tablettes et smartphones « NEOPOL » dans la police et 67 000 équipements « NEOGEND » dans la gendarmerie auront été déployés. Ce sont autant d'équipements qui moderniseront l'activité de nos policiers et de nos gendarmes.
Par ailleurs, 10 000 équipements supplémentaires seront acquis dans la police en 2019, comme en 2020, pour un investissement de 5,4 millions d'euros. De la même manière, je souhaite que la diffusion des caméras-piétons se poursuive activement en 2019.
Enfin, nous lancerons en 2019 deux programmes importants qui méritent d'être soulignés. Tout d'abord, un plan d'investissement en matière d'équipement technologique pour le renseignement, dont bénéficiera la DGSI en accompagnement de la montée en puissance d'un autre grand service, à savoir la DGSE.
Par ailleurs, 22,5 millions d'euros seront débloqués pour entrer dans la phase opérationnelle du réseau radio du futur. Des efforts importants en termes d'équipement sont donc consentis dans les deux forces.
En complément de ces projets de modernisation, l'année 2019 marquera la conduite des premières expérimentations de la procédure pénale numérique dans le ressort des TGI d'Amiens et de Blois.
Ce programme porté conjointement avec le ministère de la justice est complémentaire de la simplification de la procédure pénale en cours, qui nous conduira à rétablir un certain nombre de mesures prévues dans le dispositif initial, mais supprimées par le Sénat. Il s'agit de mesures visant à alléger la tâche des policiers et des gendarmes, ce que nous souhaitons tous ardemment.
Vous avez été nombreux à aborder les tâches indues, c'est bien notre priorité. La procédure pénale en fait partie je le souligne et j'y insiste , mais il y en a d'autres. En réponse à la question de Jean-Pierre Sueur, je confirme que le plan concernant les extractions, et non les transfèrements,
M. Jean-Pierre Sueur. Au temps pour moi !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. sera mis en oeuvre. L'objectif est bien d'y parvenir en 2019.
De la même façon, de nombreux allégements de tâches indues sont prévus, je pense notamment aux gardes statiques. Comptez sur nous pour agir de manière déterminée.
J'en viens maintenant aux moyens de la sécurité civile, qui augmentent de 1,5 %, pour s'établir à 486 millions d'euros. L'objectif, dans ce domaine, c'est que le budget de la sécurité civile permette de maintenir et de renforcer les termes du contrat opérationnel avec la Nation.
L'an passé, vous vous en souvenez, nous avions engagé l'acquisition de six avions multirôles DASH, pour un budget de 380 millions d'euros. L'ensemble du marché a aujourd'hui été lancé et les premières dépenses réalisées. Le premier DASH sera livré dans le courant du premier semestre 2019 et pourra être engagé dès la saison de feux de l'an prochain. Les cinq autres avions seront livrés chaque année jusqu'en 2022.
L'année 2019 sera consacrée à la poursuite de la modernisation des moyens nationaux, avec 4,8 millions d'euros de crédits supplémentaires, au profit, d'une part, du service du déminage, et, d'autre part, des formations militaires de la sécurité civile.
Enfin, nous engagerons en 2019 la phase opérationnelle du chantier du système unifié de gestion des appels d'urgences NexSIS, en mobilisant pour cela 10 millions d'euros en provenance de la dotation de soutien à l'investissement des SDIS, dont l'existence est confortée.
Ce projet est emblématique de la transformation que nous souhaitons impulser au ministère. C'est un projet de mutualisation, gage d'économies pour les SDIS et leurs financeurs. C'est aussi un projet de modernisation, qui assurera l'interopérabilité des systèmes d'information des services de secours avec ceux des SAMU et de la sécurité publique.
L'État prendra donc toute sa part dans cet investissement stratégique, en créant en 2019 une « agence du numérique de la sécurité civile », qui lancera les premiers développements applicatifs et procédera à l'acquisition des infrastructures nécessaires à la conduite du projet.
Pour répondre à une question qui m'a été posée, je confirme, en ce qui concerne la directive relative au temps de travail et la jurisprudence de la Cour européenne, que le Gouvernement a engagé plusieurs chantiers sur des terrains divers et variés, dont celui d'exploiter les dérogations offertes par cette directive. Le cas échéant, nous envisageons de demander la modification du texte européen.
Quoi qu'il en soit, notre volonté reste intacte, comme nous l'avons exprimé plusieurs fois devant vous. Je souligne également que nos partenaires européens ne nous reprochent rien pour l'instant. Par ailleurs, le Gouvernement est en train d'examiner le pourcentage de sapeurs-pompiers volontaires concernés par ce texte ; nous sommes en train d'affiner les chiffres.
Comptez sur nous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour exploiter tous les champs des possibles pour contourner cette jurisprudence, afin qu'elle ne remette pas en cause le modèle des sapeurs-pompiers volontaires tel qu'il existe dans notre pays.
Je conclurai mon propos en évoquant les moyens des politiques de sécurité routière. L'importance humaine de cette politique est grande, à la hauteur de la fragilité des résultats obtenus, année après année. Voilà pourquoi il est important, en ce domaine également, de disposer d'un budget à la hauteur des enjeux.
À cet égard, le PLF pour 2019 permettra d'assurer le financement des mesures décidées lors du comité interministériel de sécurité routière du 9 janvier dernier, mesures qui visent à nous permettre de faire passer la mortalité routière sous les 2 000 morts par an.
Nous augmenterons de 32 millions d'euros le plafond des crédits du compte d'affectation spéciale utilisé pour financer les structures et dispositifs de sécurité routière, et nous assurerons à hauteur de 36 millions d'euros le financement des mesures d'accompagnement, décidées par le Premier ministre, à la diminution de la vitesse autorisée sur le réseau national secondaire.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je retiens du budget de la mission « Sécurités ». C'est en tout point un bon budget, et même un très bon budget, matérialisant combien la sécurité compte, pour la seconde année consécutive, parmi les priorités du Gouvernement.
Nombre d'entre vous connaissent les politiques de sécurité, à force de travail parlementaire, de rapports et d'analyses. Vous saurez donc mesurer combien l'effort est grand et combien il est également important que le niveau de crédits atteint en 2019 soit une base pérenne et consolidée, sur laquelle nous appuyer pour mettre en oeuvre les politiques de sécurité.
Je dirai quelques mots rapides en réponse à certaines de vos préoccupations. Je pense notamment à ce qui a été dit sur les agressions de pompiers. Je rappelle qu'il existe dans tous les départements des protocoles. Nous veillons à leur application avec les services de police et les services de gendarmerie afin que ces derniers puissent accompagner les sapeurs-pompiers lorsque ceux-ci interviennent sur des terrains difficiles. Nous veillerons également à mettre en oeuvre l'expérimentation des caméras-pitons, qui est un dispositif très attendu par la profession.
Mme Éliane Assassi a semblé dire que nous n'avons pas de doctrine. Mais un budget, c'est aussi une doctrine ! Ce gouvernement a élaboré un certain nombre de doctrines, j'en ai été le premier témoin dans mes fonctions précédentes en matière de lutte antiterroriste avant d'entrer au Gouvernement. C'est aussi vrai en matière de police de sécurité du quotidien.
Oui, notre objectif est bien de rapprocher la police et la population. C'est ce que nous faisons au quotidien. Par rapport à ce qui s'est fait dans le passé, nous laissons beaucoup plus d'initiative aux échelons territoriaux, pour construire ce partenariat entre nos forces de sécurité et l'ensemble des acteurs de la sécurité sur le territoire. M. Guillaume Arnell a d'ailleurs parfaitement rappelé les différentes doctrines et je ne reviendrai pas sur le continuum de sécurité.
Je ne peux donc laisser dire qu'il n'y a pas de doctrine derrière la volonté du Gouvernement de faire augmenter nos budgets.
Monsieur François Grosdidier, je vous confirme que le suicide est bien l'une de nos préoccupations. Un plan d'action et de suivi des suicides a été mis en place dans la police nationale et dans la gendarmerie. Croyez bien que nous sommes très attentifs à cette question. Toutefois, je ne souhaite pas qu'il soit dit à cette tribune que l'Inspection générale de la police nationale, l'IGPN, est mêlée à cela.
L'IGPN a une mission très claire, celle de veiller au respect de la déontologie au sein de la police nationale, et les policiers le savent. Il est vrai que ceux-ci sont soumis dans l'exercice de leur mission à une contrainte forte et que, dans ce contexte, il se peut que l'IGPN intervienne.
Toutefois, encore une fois, je ne souhaite pas qu'un lien ou un raccourci soit fait entre les suicides dans la police nationale et le fait que l'IGPN diligente un certain nombre de missions. Je puis vous assurer, quoi qu'il en soit, que la prévention du suicide dans la police nationale et dans la gendarmerie est bien l'une de nos priorités.
Pour ce qui concerne la formation, un point évoqué par plusieurs d'entre vous, l'investissement dans ce domaine est stable ; je ne sais pas d'où sortent les chiffres que certains ont cités à cette tribune ! Ainsi, pour la police nationale, le plan de formation sera stable en 2019 par rapport à 2018.
M. François Grosdidier. Il était insuffisant en 2018 !
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. S'agissant des tâches indues, je me permets de revenir sur le sujet de la procédure pénale. Nous avions un projet ambitieux et audacieux, qui a été quelque peu détricoté. Il faudra le retricoter, si j'ose dire, à l'Assemblée nationale.
La procédure pénale est importante pour les policiers. Vous accordez beaucoup d'attention, et je vous en remercie, au travail et aux tâches indues des policiers nationaux. Mais lorsque Christophe Castaner et moi-même leur rendons visite dans les commissariats, ce que nous faisons très souvent, ils insistent à chaque fois sur le sujet de la procédure pénale.
Mme Catherine Troendlé, rapporteur pour avis. Et le décret sur les péages, monsieur le secrétaire d'État ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d'État. Je crains que ce décret, qui est à l'étude, ne soit entaché de quelques points d'illégalité, mais je ne voulais pas en parler pour ne pas vous vexer, madame la sénatrice. (Sourires.) Nous continuons cependant à creuser cette piste.
Source http://www.senat.fr, le 13 décembre 2018