Déclaration de Mme Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes, sur la modification de l'acte portant élection des membres du Parlement européen, à l'Assemblée nationale le 19 décembre 2018.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d'un projet de loi, à l'Assemblée nationale le 19 décembre 2018

Texte intégral


Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct (nos 1355, 1462).
- Présentation -
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.
Mme Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes. Les élections européennes sont un moment clé de la vie démocratique européenne. Pourtant, le niveau de participation des citoyens de l'Union a connu une érosion systématique à chacune de ces élections.
M. Jean-Paul Lecoq. Pas que la participation des citoyens, si l'on en croit le nombre de députés présents aujourd'hui !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Inverser cette tendance lors des élections européennes qui se tiendront entre le 23 et le 26 mai dans les États membres – le 26 mai en France – constitue un enjeu démocratique majeur. C'est aussi un enjeu fondamental eu égard au fonctionnement même du Parlement européen : sur quelle majorité, demain, le prochain président de la Commission européenne et son collège de commissaires pourront-il s'appuyer ? C'est à chaque citoyen européen d'en décider et je mesure que, légitimement, les opinions sont variées dans cet hémicycle.
Je gage néanmoins que nous nous réunirons au moins sur un point : personne ne peut se satisfaire de ce que nous avons connu trop souvent par le passé – une campagne politique peu mobilisatrice et, au fond, bien plus nationale qu'européenne, une participation faible et une forme de cogestion entre le PPE – Parti populaire européen – et le PSE – Parti socialiste européen – qui n'a peut-être pas toujours été très stimulante pour les électeurs.
Le Président de la République a souhaité, vous le savez, redynamiser le projet européen. Cela passe par un renforcement de la légitimité, de la représentativité et de la visibilité du Parlement européen. C'est dans cet esprit que la loi française du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen a été modifiée en juin 2018, notamment par le rétablissement d'une circonscription électorale unique.
C'est également dans cet esprit que les États membres ont entrepris, un an avant les élections européennes, de finaliser les négociations sur la modification de l'acte électoral de 1976 qui avaient été lancées en 2015 par le Parlement européen. L'objectif de cette réforme était de rendre le processus électoral plus transparent pour les citoyens, mais aussi plus « européen », en renforçant les principes communs qui régissent les élections au Parlement européen. Comment, en effet, expliquer à nos concitoyens que les élections européennes obéissent à des règles aussi différentes d'un État membre à l'autre ?
Dans son rapport d'initiative législative adopté le 11 novembre 2015, le Parlement européen avait formulé des propositions ambitieuses pour renforcer les principes communs pour les élections européennes. Cela n'allait pas de soi, si l'on considère une grande diversité de traditions électorales au sein des États membres, tout comme la sensibilité forte de ces questions.
De fait, les négociations au Conseil ont été difficiles et plusieurs propositions du Parlement européen particulièrement parlantes ont été rejetées comme, par exemple, l'instauration d'une date commune pour la tenue du scrutin ou la mise en place de mesures visant à permettre à l'ensemble des citoyens européens résidant à l'étranger de participer aux élections européennes.
Les négociations au Conseil ont toutefois repris après que les débats sur l'avenir de l'Union ont mis en lumière l'urgence de donner un nouvel élan démocratique à l'Union européenne.
M. Jean-Paul Lecoq. Chiche !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Elles ont permis d'aboutir à un accord entre le Conseil et le Parlement européen en juin dernier. La décision modifiant l'acte électoral de 1976 a été adoptée par le Conseil des ministres le 13 juillet à Bruxelles. Il revient à présent aux États membres d'approuver cette décision selon leurs procédures constitutionnelles respectives.
Cette réforme de l'acte électoral prévoit des modifications qui visent à renforcer les principes communs régissant les élections européennes. Je les regrouperai de façon à distinguer ce qui concerne, d'une part, les députés européens eux-mêmes, d'autre part, ce qui touche à la préparation et aux modalités du vote et, enfin, ce qui relève d'un meilleur contrôle.
S'agissant des députés européens eux-mêmes, l'article 1er de l'acte électoral est remplacé par un nouveau texte précisant que les membres du Parlement européen sont élus « représentants des citoyens de l'Union ». Cette modification, qui reprend les termes du traité de Lisbonne et s'inspire des parlements nationaux, vise à souligner la légitimité des membres du Parlement européen, qui représentent les citoyens de l'ensemble de l'Union européenne et non les citoyens du seul État membre dans lequel ils sont élus.
M. Jean-Paul Lecoq. L'Union européenne n'est pas un État !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Dans un nouvel article 3 ter, les États membres sont encouragés à prendre des mesures pour que l'affiliation des candidats à un parti politique européen puisse apparaître sur les bulletins de vote, ce qui est d'ores et déjà possible en droit français, même si cette disposition n'a pas de caractère obligatoire.
Là encore, il s'agit d'aider le citoyen à faire le lien entre son vote et l'action de ses députés au Parlement européen.
L'article 3 de l'acte électoral est également modifié, afin de rendre obligatoire la création d'un seuil électoral, compris entre 2 et 5 % des suffrages exprimés, dans les circonscriptions de plus de trente-cinq sièges. Ce seuil permet de favoriser l'émergence de groupes politiques d'une taille significative et de faciliter ainsi le processus législatif au Parlement européen. Cette obligation doit intervenir pour les élections au Parlement européen de 2024, si la décision entre en vigueur avant les élections de mai 2019. Je rappelle cependant qu'en France, la loi du 7 juillet 1977 fixe d'ores et déjà le seuil électoral à 5 % des suffrages exprimés.
L'acte électoral révisé précise les dispositions à retenir pour la préparation et les modalités mêmes du vote. Il permet d'abord de mieux harmoniser le calendrier du dépôt des candidatures dans les États membres en prévoyant, dans un nouvel article 3 bis, une date limite – pour autant que la législation de l'État membre en prévoie une –, au plus tard trois semaines avant le début de la période électorale. Cette disposition est cohérente avec ce que nous faisons en France, puisque la loi du 7 juillet 1977 fixe la date limite pour le dépôt des candidatures au quatrième vendredi précédant le jour du scrutin. Les États membres sont également encouragés à prévoir le vote par correspondance, le vote électronique ou le vote par internet aux élections européennes, et à prendre des mesures destinées à permettre à leurs citoyens résidant dans un pays tiers de participer à ces élections. En France, la loi du 7 juillet 1977 permet déjà aux citoyens français résidant à l'étranger de voter, lors des élections européennes, par procuration ou dans des bureaux de vote installés dans le réseau diplomatique et consulaire.
Enfin, la décision qui vous est présentée prévoit que les sanctions contre le double vote seront renforcées, afin de s'assurer que les citoyens européens ne votent pas dans plusieurs États membres à la fois. Par ailleurs, afin de faciliter l'échange de données relatives aux électeurs et aux candidats entre les États membres, ceux-ci devront désigner une autorité qui en sera chargée. En France, le décret du 28 février 1979 charge l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE– et le ministère de l'intérieur de transmettre aux autres États membres les informations relatives respectivement aux électeurs et aux candidats. La France prévoit également, en cas de vote multiple, des peines pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et une amende de 15 000 euros.
Je regrette que le Parlement européen n'ait pas donné suite à la proposition, qu'il avait initialement formulée dans son avis de novembre 2015, visant à la création d'une circonscription électorale commune dans laquelle les candidats auraient été élus sur la base de listes transnationales emmenées par le chef de file de chaque famille politique. La France avait défendu cette idée, qui aurait pu être appliquée pour un nombre limité de sièges, mais qui aurait contribué à une approche plus européenne de ces élections, qui apparaît indispensable. Le Conseil européen a dû faire le constat que cette disposition ne pouvait être mise en oeuvre dès 2019 ; il a néanmoins souhaité que les travaux se poursuivent dans la perspective des élections européennes de 2024. La France reste mobilisée et continuera à défendre cette idée.
M. Jean-Paul Lecoq. Le chef de l'État, pas la France !
Mme Constance Le Grip. Bonne remarque !
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Voilà les grandes lignes de la révision de l'acte électoral. Celle-ci représente au total une avancée européenne, permettant une harmonisation progressive par le haut, qui entrera en vigueur lorsque l'ensemble des États membres l'aura autorisée. Je souligne que compte tenu des normes du droit français, l'approbation de la décision du Conseil n'appelle pas de modification des règles applicables aux prochaines élections européennes dans notre droit interne. La France, comme l'ensemble des États membres, est fermement attachée à ce que cette décision entre en vigueur avant les prochaines élections européennes. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 30 octobre dernier ; c'est pourquoi je vous demande d'autoriser l'approbation de la décision du Conseil du 13 juillet 2018. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 21 décembre 2018