Texte intégral
J'ai trouvé cet après-midi fort intéressant, compte tenu de ce qui a été
éclairci. C'est ma première rencontre de ce type. Si j'ai bien compris, c'est
une rencontre informelle qui n'est pas là pour conclure ni pour proclamer des
résultats mais pour permettre de discuter plus en profondeur que dans le
Conseil Affaires générales habituel des positions des uns et des autres. Sous
cet angle, j'ai trouvé cela très intéressant et utile. Mais, par nature, cela
ne peut pas être conclusif. Sur ce sujet de maîtrise du processus
d'élargissement avec ses composantes, sur l'idée de la Conférence qui est
importante pour nous, sur sa fonction, son contenu et ses participants
éventuels, sur tous ces points, j'ai trouvé cela utile. J'ai une vision plus
complète, beaucoup plus détaillée des positions de chacun et je crois que cela
est vrai dans tous les sens.
D'autre part, sur le lien qui, pour nous, est étroit, comme l'avaient relevé
d'ailleurs les conclusions d'Amsterdam, entre le processus d'élargissement et
l'ensemble des questions de l'Agenda 2000, - nous ne pouvons pas avancer à
l'aveugle sur tous ces différents points. Nous y voyons nettement plus clair.
Sur la question de la Conférence, nous ne sommes pas encore à une conclusion.
Nous avons du temps devant nous. Je le répète, de plus, cette rencontre n'est
pas faite pour cela. Je trouve cela adapté à l'exercice. On n'attend pas de
conclure sur des sujets de ce type mais il me semble que, entre les pays qui
sont très favorables à la Conférence et les pays qui pensent qu'elle n'est pas
absolument indispensable sauf pour régler tel ou tel problème, je crois que la
proposition est bien comprise. Cela bloque encore sur deux ou trois points,
mais je serai étonné que nous n'arrivions pas à conclure, soit dans les jours,
soit dans les semaines qui viennent et en tout cas, pour le Conseil européen.
Q - Cela bloque sur deux ou trois points ou deux ou trois pays ?
R - Il y a des points qui sont des pays ou des sujets car il y a des sujets de
contenu, les deux sont imbriqués. C'est une vraie discussion et justement,
lorsque je vous dis que c'est intéressant, ce n'est pas une formule. Certains
pays prennent par exemple le problème en disant : voyons d'abord de quoi nous
parlerons dans cette conférence et nous verrons ensuite quels seront les
participants. En tout cas, dans l'approche générale de la question
d'élargissement, l'idée centrale est qu'il faut bien maîtriser le processus de
l'élargissement, c'est-à-dire le choix des pays avec lesquels on va négocier.
Il reste une option d'ailleurs entre ceux qui pensent qu'il faut ouvrir la
négociation avec tous, et d'autre part, ceux qui acceptent la liste de la
Commission même si, sur tel ou tel point, elle ne leur plaît pas.
Il y a une première nuance déjà sur ce point. Les pays qui défendent l'idée
qu'il faut négocier avec nous disent en même temps : si on décide de ne
commencer qu'avec certains, il faut voir ce que l'on fera avec ceux avec
lesquels on ne va pas négocier. Ce ne sont pas des points de vues arc-boutés en
réalité.
Q - Quels sont ces pays ?
R - Demandez-leur, je ne vais pas faire un compte rendu trop détaillé. Je
trouve déjà que l'on parle trop car cela pèse sur les discussions. Les
positions ne me paraissent pas figées et c'est cela qui est intéressant.
Q - Aucune ?
R - Le ministre grec dit qu'il n'est pas demandeur de la Conférence parce qu'il
voudrait que l'on négocie avec tout le monde. Donc, c'est logique. Et quand on
leur dit que si l'on ne négocie pas avec tout le monde, au bout du compte, il
faut quand même avoir une façon intelligente de traiter le problème des autres,
là il y a une autre discussion, les lignes bougent à ce moment-là. Ce sont des
positions assez mobiles.
Q - On a l'impression que l'Allemagne sur la Turquie est très figée ?
R - Non, pas figée. C'est un mauvais mot. Précisément, Klaus Kinkel met en
avant des arguments dans les deux sens. En oubliant cette affaire immédiate de
Conférence, lorsque l'on prend le problème dans un autre sens, en se disant que
notre politique générale par rapport à la Turquie doit être d'avoir un type de
relations avec la Turquie qui, à la fois leur maintient une espérance
mobilisatrice et renforce en Turquie les modernisateurs, les démocrates, les
Occidentaux pro-européens, personne ne conteste frontalement cela. Peut-être le
ministre grec, mais il ne le conteste pas frontalement. Sur cette idée, avoir
une politique intelligente et utile par rapport à la Turquie est une idée assez
générale quand même. Quant à la forme, il faut voir, cela peut bouger, c'est
assez ouvert tout cela.
Q - M. Kinkel avait dit que si la Turquie participait à la Conférence, ce ne
serait même pas la peine de la réunir ?
R - Non, il n'a pas dit cela. Klaus Kinkel parle souvent assez longtemps. C'est
de toute façon toujours mensongé d'extraire les phrases de leur contexte, même
quand ce sont des discours très écrits. Méfiez-vous, il n'a pas dit cela ainsi
d'autant qu'il est d'accord pour qu'il y ait une politique intelligente par
rapport à la Turquie. Je pense que cela va évoluer.
Q - Selon vous, cette Conférence va-t-elle être une antichambre à l'adhésion ?
R - La question de savoir si la Turquie a vocation à devenir membre a été
tranchée en 1963.
Q - Est-ce que cet accord d'association de 1963 est encore d'actualité ? Est-ce
vraiment un engagement actuel ?
R - Vous allez dire cela pour le Traité de Rome de 1957, que nous ne sommes
plus engagés par ce traité ! Ce ne sont pas des traités qui se suppriment les
uns les autres. Les Etats sont engagés par leur signature aussi longtemps que
ce n'est pas dénoncé ou abrogé. Sur la Turquie, cela fait 34 ans. Ce n'est pas
un problème que l'on découvre aujourd'hui à Mondorf. Cela fait 34 ans qu'il y a
des engagements, des accords d'associations douaniers ou autres qui réaffirment
ainsi la vocation européenne de la Turquie. C'est un fait qui s'impose à tout
le monde, quels que soient les problèmes politiques, économiques que peut poser
un rapprochement accru de la Turquie par rapport à l'Union européenne. Cela ne
se transforme pas automatiquement en droit à adhérer. Il y a quelques années,
la Commission avait émis un avis négatif sur ce point en constatant que les
conditions n'étaient pas du tout remplies c'est donc autre chose. Je veux dire
par là que les approches sont très différentes, il y a beaucoup de nuances,
chacun a ses propres soucis sur cette question mais, je ne trouve pas qu'il y
ait des approches fondamentalement différentes et figées.
C'est très divers, ce n'est pas encore convergent sur tous ces points mais
encore une fois, c'est très ouvert et cela me paraît mobile.
Q - Pourquoi la France insiste-t-elle tellement pour l'institution d'une
conférence européenne ?
R - Le raisonnement français est très simple. A partir du moment où on choisit
certains pays avec lesquels nous allons ouvrir les négociations, se pose un
problème avec les autres pays. Il ne faut pas être obsédé par le problème de la
Turquie. Il y a un certain nombre de pays en Europe, la Lituanie, la Bulgarie,
etc qui ont orienté ces dernières années leur politique extérieure, leur
politique économique et sociale vers l'Europe et ils ont fait plus ou moins de
réformes. Ils ont plus ou moins avancé. Ils ont encore plus ou moins des
problèmes politiques. Cela dépend des cas. L'Union européenne exerce un effet
d'attraction qui est positif et qui amène, en général les pays à régler leurs
problèmes par des moyens pacifiques, qui les amènent à faire telle et telle
réforme. Il y a une orientation qui est heureuse et qu'il faut garder. Notre
position n'est pas d'ouvrir des négociations avec tout le monde car
manifestement, beaucoup de pays ne sont pas encore au point sur le plan
économique et politique. Ce serait un leurre en réalité et cela n'aurait pas de
substance. Il faut dire des choses plus vraies, plus respectueuses des pays en
question, en leur disant : il semble que vous ne soyez pas prêts aujourd'hui,
mais vous allez le devenir un jour. C'est là où il y a une politique de l'Union
européenne qui doit aider les pays à se préparer à cela. Klaus Kinkel a une
bonne métaphore. Il dit : c'est un stade, les gens arrivent sur le stade, il y
en a qui sont déjà prêts à jouer et les autres s'entraînent et se renforcent.
La métaphore est intéressante parce qu'elle est progressive et évolutive. La
question du contenu vient ensuite en réalité. Le point de départ est cette idée
politique qui est que l'Union européenne ne peut pas se permettre, compte tenu
de l'attente, de l'attirance, de l'influence qu'elle a dans la vie intérieure
de tous ces pays, de commencer à négocier avec, par exemple, 5 pays plus 1 et
puis nous verrons plus tard. Il faut qu'il se passe quelque chose. Sinon, même
si c'est une décision rationnelle et logique, elle va avoir des effets négatifs
dans certains pays. L'idée est simple, il faut créer une occasion qui n'est pas
une institution. Il y en a assez comme cela, il faut créer quelque chose qui
est ce rendez-vous que nous appelons Conférence où nous allons réunir tous les
pays membres et tous les pays candidats pour parler des problèmes qui nous sont
communs. Mais, cela ne peut pas être une façon déguisée de commencer à
négocier. Je vous ai dit pourquoi. On ne peut pas commencer à négocier avec des
pays qui ne sont pas prêts pour cela. Ce n'est humiliant pour personne, ce sont
des faits de l'Histoire, de l'économie, de la société. Chacun est prêt à son
rythme, mais il faut une structure dans laquelle tous ces pays européens se
réunissent et regardent ensemble de quoi ils peuvent parler. Cela peut être des
questions de sécurité en Europe, des questions de politique étrangère au sens
le plus large, de la coopération économique, la progression de l'Etat de droit
dans les différents pays. Il y a toute sorte de sujets possibles. Il ne faut
pas que ce soit détourné et que cela devienne une façon d'ouvrir la négociation
alors que l'on a décidé de ne pas ouvrir encore. C'est un processus qui ne
s'arrête pas. Un jour, d'autres pays que ceux de la première liste seront prêts
et nous dirons : nous pouvons commencer la négociation avec celui-là etc...
Pendant ce temps-là, les négociations qui auront commencé avec les premiers,
dans certains cas, auront été très vite, dans d'autres cas, ce sera plus
compliqué. Et d'ailleurs, je n'ai pas d'idée précise quand je dis cela, mais
ceci ne m'étonnerait pas. On peut même imaginer la situation d'un pays qui
aurait commencé à négocier plus tard et qui rattraperait ceux d'avant. Il faut
voir cela comme un processus et non pas comme un paquet et puis plus rien.
Q - Cherche-t-on à diluer les idées ?
R - Aujourd'hui, nous avons discuté mais nous n'avons pas conclu. Il faut que
vous admettiez le fait. C'est une discussion, ce n'est pas un sommet avec
conclusion.
La position française que j'ai réexprimée est une réunion des pays membres et
des pays candidats. C'est la logique de la chose.
Q - Il faut un suivi. Qui assurerait la coordination ?
R - On verra, il y a toutes sortes d'idées dont il ne faut pas faire un
préalable.
Q - Sur le lien entre les problèmes internes et les problèmes d'élargissement,
vous avez dit que l'on y voyait plus clair. C'est-à-dire ?
R - Je veux dire que je suis content. J'espère que l'on y voit plus clair, dans
la mesure où j'ai pu rappeler la position française là-dessus.
Q - Et voyez-vous plus clair sur la position des autres ?
R - Ce n'est pas une négociation technique. Tout cela est discuté tous les
jours. Qu'est-ce qui était important au niveau des ministres des Affaires
étrangères aujourd'hui ?
Il y avait deux approches possibles : soit, nous ne nous concentrons que sur la
question de l'élargissement. Nous discutons la liste des pays, la conférence,
les problèmes que l'on vient d'évoquer, les stratégies de pré-adhésion, le
calendrier etc... et seulement cela.
Ou bien alors, c'est ce que nous souhaitions, j'avais écrit à Jacques Poos pour
le lui rappeler : on rappelle que cela forme un tout et je suis heureux d'avoir
eu l'occasion cet après-midi d'exposer calmement pourquoi à notre avis, on ne
peut pas s'engager à l'aveugle dans l'affaire de l'élargissement ou d'ailleurs
dans l'affaire de l'Agenda 2000 sur les autres aspects, parce que tout cela est
évidemment lié. J'ai donc expliqué pourquoi, ne serait-ce que pour y voir
clair, pour savoir sur quoi on négocie ou sur quoi on peut négocier, pour
savoir quel sera l'impact des différentes mesures. J'ai rappelé des principes
importants pour nous, qui ne sont pas des conclusions de discussions. Cela va
durer encore longtemps, mais nous pensons que l'on ne peut pas arriver à
Luxembourg en disant simplement : voilà nos décisions sur l'élargissement,
point final.
Q - Voilà un sentiment que l'on retrouve chez votre partenaire allemand, qui
n'avait pas l'air de vouloir accepter que l'on aille, à Luxembourg, au-delà de
la question de l'élargissement.
R - Ce n'est pas un dialogue entre la France et l'Allemagne, c'est un dialogue
à Quinze. C'est assez ouvert, certains prennent la parole plusieurs fois,
modifient leurs positions. C'est une vraie discussion.
Q - On a l'impression que c'est l'Allemagne qui en a le plus à dire. C'est pour
cela que l'on pose la question.
R - Ce qui m'a frappé c'est que le tour de table a été plus rapide car nous
sommes restés longtemps sur la question de la Conférence et d'une façon ou
d'une autre, même ceux qui disent qu'il serait souhaitable de ne pas faire un
lien trop étroit, établissent un lien quand même. Il n'y a quasiment aucun pays
qui n'établit pas de lien, car chaque pays a un souci et une demande
particuliers, une préoccupation, une inquiétude qui se raccrochent au reste,
soit au cadre financier global, soit à l'avenir de la PAC, soit à l'avenir des
fonds structurels. Quand nous disons qu'il faut une double programmation,
c'est-à-dire qu'il faut être capables de bien distinguer entre nous la façon
dont se présentent les problèmes financiers pour les années couvertes par
l'Agenda 2000 à Quinze, financement de nos activités à Quinze, de nos
politiques communes qui continuent, qui éventuellement s'adaptent, sont
réformées s'il le faut. Mais à Quinze. Combien cela coûte-t-il, comment cela
marche-t-il, comment s'adapte-t-on, comment finance-t-on cela compte tenu du
fait que certains pays veulent payer moins et en général, les pays ne veulent
jamais payer plus.... Donc, il y a déjà un problème en soi. A côté de cela,
comment mesurer l'impact des conclusions éventuelles bien que l'on ne connaisse
pas le moment exact de la conclusion des négociations d'élargissement. Mais il
faut essayer de mesurer l'impact sur une évaluation, en tout cas commencer à se
poser la question. Ce ne sera pas sans conséquence sur tout le reste. Sur la
PAC par exemple, et donc sur nos capacités à la financer etc...
Lorsque l'on fait des remarques de ce genre, il me semble que c'est tellement
évident en soi, ce ne sont pas des astuces, des tactiques, des postures
diplomatiques, c'est tellement évident qu'il y ait quand même une sorte de lien
et même pour les pays qui disent qu'il faut se concentrer sur l'élargissement.
Q - Dans quel cadre va se poursuivre la discussion sur l'Agenda 2000 ?
R - On en discute tout le temps. Cela n'arrête pas car, lorsque ce ne sont pas
les ministres des Affaires étrangères, ce sont des ministres par spécialité, ou
c'est le représentant permanent. C'est une discussion continue.
Q - La France ne pourra pas imaginer qu'il n'y ait pas quelque chose de précis
dans les conclusions du Sommet de Luxembourg en terme de chiffres ?
R - Sur le plafond de ressources, sur la politique agricole, sur les fonds
structurels, je ne sais pas jusqu'où il faut aller mais en tout cas, on ne peut
pas prendre et lancer des décisions sur l'élargissement sans avoir indiqué dans
quel cadre va s'engager cette négociation sur l'Agenda 2000, dont vous savez
très bien vous-mêmes, parce que vous êtes tous des spécialistes ici, que cela
va durer très longtemps et que c'est très compliqué.
Q - Trouvez-vous qu'il y a une menace sur le financement de la Communauté ?
R - Non, pas de menace sérieuse. Simplement, il y a des problèmes à traiter
comme il y en a eu dans toute l'histoire de la Communauté ou de l'Union, à tout
moment. Je ne me pose pas la question de savoir si c'est une menace ou pas. Il
y a un pays qui paie en effet beaucoup, qui veut payer moins. On peut
comprendre pourquoi mais, à ce moment-là, il faut voir ce que cela rend
possible ou impossible. C'est pour cela que nous disons qu'il faut y voir
clair.
C'est au Conseil Affaires générales de faire des propositions et un rapport au
Conseil européen de Luxembourg à partir de quoi la Commission ira plus loin.
Q - N'avez-vous pas peur, à la fin de l'année, d'arriver avec des positions
complètement contradictoires et intenables ?
R - Je ne me pose jamais la question de savoir si on a peur ou si on est
préoccupé. La seule question qui m'intéresse, c'est de savoir ce que l'on fait
dans la situation où l'on se trouve. La situation est objectivement compliquée.
Ce n'est la faute de personne, ni des Allemands, ni des Français, ni de la
Commission. Elle est compliquée parce que l'Union européenne se développe et
qu'elle a les problèmes compliqués d'un organisme qui réussit. Si l'Union
européenne avait échoué, il y a "belle lurette" que l'on ne serait plus devant
ces difficultés-là. Il y a des problèmes de développement, d'expansion, de
croissance. Quelque part, c'est positif. Mais, c'est vrai qu'à chaque fois,
c'est un peu plus compliqué, et plus il y a des politiques communes, plus il y
a de participants, plus il y a de négociations que l'on a besoin d'ouvrir, plus
c'est compliqué. Alors que fait-on ? Sur le plan pratique, nous disons qu'il
faut clarifier le paysage, parce que l'on ne peut pas prendre des orientations
claires et nettes dans un des domaines concernés, que ce soit le cadre
financier, l'élargissement... On ne peut pas avancer là-dedans, si nous n'avons
pas une vision d'ensemble. Ces derniers temps, ces arguments étaient un peu
oubliés par certains. Il me semble que cette rencontre permet au moins de
renforcer les liens entre les différents pays. Maintenant, nous sommes
réalistes, nous n'allons pas demander que le Conseil européen de décembre ait
tranché dans le détail toutes ces questions sur la politique agricole ou les
fonds structurels. Là, pour le coup, ce serait artificiel d'établir ce lien. On
ne revient évidemment pas sur l'accord donné pour que les négociations
d'élargissement démarrent l'an prochain. On dit qu'il faut une conférence parce
qu'il faut s'occuper des pays qui ne sont pas dans les premiers. Nous rappelons
que la conférence, dans notre esprit, va de pair avec le début des négociations
d'élargissement. Mais cela ne complique rien. C'est une façon d'essayer de bien
gérer l'ensemble du problème que nous avons devant nous.
Q - Etes-vous prêts à bloquer l'élargissement s'il n'y a pas d'accord sur les
grandes lignes de l'une des réformes de politique commune ?
R - Chaque chose en son temps. Nous verrons. Cette situation très hypothétique
que vous avez à l'esprit, nous ne serons pas devant elle avant longtemps car
vous vous placez dans l'hypothèse où l'on serait en fin de négociations sur
l'élargissement d'un pays donné et nous n'aurions rien obtenu.
Q - On peut commencer les négociations d'élargissement sans être d'accord sur
les grandes lignes d'une réforme de la PAC, par exemple ?
R - Nous ne cherchons pas à réinventer une conditionnalité artificielle au-delà
des engagements que nous avons déjà pris puisque nous avons donné notre accord
pour que les négociations d'élargissement commencent. Mais, il y a quand même
les conclusions d'Amsterdam qui montrent qu'il faut avoir une vue d'ensemble du
sujet. Nous ne voulons pas être en deçà, mais nous ne pouvons pas être au-delà
non plus. Nous sommes tout à fait loyaux par rapport à nos partenaires
européens. Nous ne sommes pas en train de fabriquer des conditionnalités qui ne
sont pas là. Il s'agit simplement d'avancer en maîtrisant bien l'ensemble de
l'exercice, aussi bien la dimension élargissement, car cela peut être fait bien
ou mal. Cela peut être raté. Dans le passé, il y a eu des élargissements qui
ont été bien négociés et aisément gérés par la suite, d'autres qui ont été mal
négociés et qui ont pesés sur le fonctionnement de la Communauté pendant des
années. Les élargissements à venir doivent être bien maîtrisés.
Q - Vous pensez à qui ?
R - Je ne pense à rien de précis.
Q - La solution intermédiaire à l'élargissement, qu'en pensez-vous ?
R - Comme solution intermédiaire, il y avait quelques pays qui disaient que ce
serait mieux de commencer à négocier avec tout le monde. Il y a une grande
majorité de pays qui disent que l'on va négocier à partir de la liste de la
Commission parce qu'il n'y a pas de liste parfaite mais pourquoi pas celle-là.
La solution intermédiaire, je ne vois pas bien ce que c'est.
Q - La présidence luxembourgeoise semble avoir parlé d'un chemin intermédiaire
entre l'ouverture d'une négociation avec quelques pays et l'ouverture de la
négociation avec tous les pays ?
R - Plusieurs sont intervenus pour dire : attention, il ne faut pas se servir
du terme "négocier" parce qu'il prête à confusion. Dans l'attitude que l'Union
européenne adoptera par rapport aux pays avec lesquels la négociation n'aura
pas commencé, il peut y avoir en effet dans les attitudes des stratégies de
pré-adhésion, ou simplement des politiques adaptées à chaque cas particulier.
Q - Pourquoi la France a-t-elle proposé la Conférence européenne ?
R - Nous avons proposé cette Conférence parce qu'il faut apporter une réponse à la demande de l'ensemble des pays candidats qui ne seront pas concernés par les premières négociations d'élargissement. C'est une réponse politique au sens le plus fort du terme sur le cadre et l'avenir de leurs relations avec les pays de l'Union européenne et pour nous, cette idée de Conférence concerne naturellement tous les pays candidats. C'est là où ils se rencontreront pour discuter de questions d'intérêts communs, les pays membres et les autres pays candidats.
Je le répète, je l'ai indiqué hier : pour nous, cette Conférence devrait se tenir avant l'ouverture des négociations d'élargissement. La Turquie est concernée et a sa place dans ce cadre.
Certains ont parlé d'une façon différente de traiter le sujet, mais ce n'est pas encore assez précis, je ne peux donc pas réagir sur ce point. Je ne sais pas en quoi cela consisterait.
Q - Mais les Quinze ne sont-ils pas très divisés sur cette question de la Conférence européenne ?
R - Ce n'est pas aussi net car cela dépend du contexte. Il y a une majorité de pays membres qui acceptent l'idée de la Conférence. Certains pays trouvent que la Conférence est inutile, parce qu'eux préféreraient que l'on ouvre les négociations avec tous les pays candidats. Dans cette hypothèse-là, nous n'avons pas besoin de Conférence. Certains des pays, qui sont favorables à l'ouverture des négociations avec tous les candidats, ajoutent aussitôt que si on ne le fait pas, à ce moment-là, la Conférence leur paraît une bonne idée. Voilà le contour de cette majorité. Ensuite, parmi ceux qui sont réticents devant l'idée de la Conférence, certains le justifient en disant que la Turquie n'y a pas sa place pour telle et telle raison ou que l'on ne peut pas mettre tout à fait sur le même plan la Turquie qui pose des problèmes compliqués et par exemple, la Bulgarie, la Roumanie ou la Lituanie. A ce moment-là, il y a des réflexions qui portent sur le contenu de la Conférence, on entre dans le détail ensuite pour trouver des ajustements. Je vous dis cela pour dire que les lignes ne sont pas fixées. Je l'ai dit hier : on ne peut pas dire de façon très nette qu'il y a tant de pays pour et tant de pays contre. Ce n'est pas ainsi que le problème se pose. Il y a une nette majorité pour cette idée de Conférence. A l'intérieur de cette majorité, il y a des nuances entre les conceptions des uns et des autres. Donc, cela dépendra aussi de la décision qui sera prise finalement d'ouvrir les négociations avec tout le monde ou avec quelques-uns. Et les positions ne sont pas absolument figées sur aucun des points.
Q - Imaginons que cette Conférence se mette en place, à terme vous n'aurez qu'un seul pays dans cette Conférence, que va-t-on faire alors ? N'a-t-on pas mis le doigt dans l'engrenage qui fait que l'on va être obligé de commencer de négocier avec la Turquie ?
R - S'il y a un engrenage, pour reprendre votre terme - je ne dis pas que c'est mon terme, c'est le vôtre -, s'il y en a un, il remonte à 1963, à l'accord dans lequel la Communauté européenne de l'époque a reconnu la vocation européenne de la Turquie. La création de ce rendez-vous appelé Conférence et le fait que la Turquie en soit membre, parce que c'est un pays candidat, ne change rien à cette situation. D'autre part, vous posez des problèmes qui concernent l'après après-demain. Nous avons le temps de réfléchir.
Q - Pourquoi les Allemands sont-ils réticents sur la participation de la Turquie à la Conférence ?
R - Puisque vous me demandez les raisons des réticences allemandes, il faut le demander aux Allemands. D'autre part, comme je vous le disais, aucune des positions n'est totalement figée car cela dépend à chaque fois de plusieurs paramètres. S'ils étaient inspirés par ce souci, ils devraient se soucier plus de l'Accord de 1963 que de la Conférence.
De toute les façons, il ne faut pas se concentrer uniquement sur ce sujet. Je regretterai que cette idée de Conférence, qui correspond à un raisonnement qui porte sur l'ensemble des pays candidats, sur la façon de maintenir un lien étroit et un lieu d'échanges politiques et de coopérations entre l'ensemble des pays membres et l'ensemble des pays candidats, est une idée globale, est un concept géopolitique important pour l'ensemble de ces groupes. Il ne faut pas ramener cela uniquement à une difficulté turque. Ce serait dommage car je crois que c'est une idée qui a un contenu plus large que cela.
Q - Il y a donc un double problème : celui de la Conférence et celui de la participation de la Turquie à la Conférence ?
R - Oui, mais il y a aussi les réflexions sur le type de sujets qui seraient traités dans la Conférence. Il n'y a pas que l'aspect turc. Certains pays disent sans parler de la Turquie, qu'ils sont pour la Conférence à condition que, dans cette Conférence, on ne commence pas à négocier. Il y a une série d'indications. Il n'y a pas que les questions turques. Je crois que l'on est dans le vrai si on dit qu'il y a une nette majorité de pays favorables à cette idée de Conférence mais que les uns et les autres maintiennent des conditions et ont besoin de certains éclaircissements, de certaines discussions qui auront lieu dans les semaines à venir pour que l'on arrive à une idée de Conférence qui fasse vraiment consensus.
Q - Sur le Moyen-Orient, quelle est votre réaction sur la demande de M. Arafat que l'Union européenne fasse des pressions sur le gouvernement israélien ?
R - Vous faites allusion à ce qu'il a déclaré en Allemagne. Je ne réponds pas en terme de pression mais je réponds en terme d'efforts. L'Union européenne est, je l'ai dit tout à l'heure, tout à fait déterminée à continuer toutes les actions qu'elle peut mener à travers sa présidence luxembourgeoise pour le moment, à travers l'action de son envoyé spécial M. Moratinos, à travers les visites sur place qui ont eu lieu, qui sont prévues ou envisagées par de très nombreux ministres de l'Union européenne, à travers les instruments dont disposent l'Union européenne. Il y a une volonté de présence, d'être persévérant malgré les difficultés rencontrées. C'est cela le message principal de l'Union européenne. Elle reste présente dans ce dossier et active.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)
éclairci. C'est ma première rencontre de ce type. Si j'ai bien compris, c'est
une rencontre informelle qui n'est pas là pour conclure ni pour proclamer des
résultats mais pour permettre de discuter plus en profondeur que dans le
Conseil Affaires générales habituel des positions des uns et des autres. Sous
cet angle, j'ai trouvé cela très intéressant et utile. Mais, par nature, cela
ne peut pas être conclusif. Sur ce sujet de maîtrise du processus
d'élargissement avec ses composantes, sur l'idée de la Conférence qui est
importante pour nous, sur sa fonction, son contenu et ses participants
éventuels, sur tous ces points, j'ai trouvé cela utile. J'ai une vision plus
complète, beaucoup plus détaillée des positions de chacun et je crois que cela
est vrai dans tous les sens.
D'autre part, sur le lien qui, pour nous, est étroit, comme l'avaient relevé
d'ailleurs les conclusions d'Amsterdam, entre le processus d'élargissement et
l'ensemble des questions de l'Agenda 2000, - nous ne pouvons pas avancer à
l'aveugle sur tous ces différents points. Nous y voyons nettement plus clair.
Sur la question de la Conférence, nous ne sommes pas encore à une conclusion.
Nous avons du temps devant nous. Je le répète, de plus, cette rencontre n'est
pas faite pour cela. Je trouve cela adapté à l'exercice. On n'attend pas de
conclure sur des sujets de ce type mais il me semble que, entre les pays qui
sont très favorables à la Conférence et les pays qui pensent qu'elle n'est pas
absolument indispensable sauf pour régler tel ou tel problème, je crois que la
proposition est bien comprise. Cela bloque encore sur deux ou trois points,
mais je serai étonné que nous n'arrivions pas à conclure, soit dans les jours,
soit dans les semaines qui viennent et en tout cas, pour le Conseil européen.
Q - Cela bloque sur deux ou trois points ou deux ou trois pays ?
R - Il y a des points qui sont des pays ou des sujets car il y a des sujets de
contenu, les deux sont imbriqués. C'est une vraie discussion et justement,
lorsque je vous dis que c'est intéressant, ce n'est pas une formule. Certains
pays prennent par exemple le problème en disant : voyons d'abord de quoi nous
parlerons dans cette conférence et nous verrons ensuite quels seront les
participants. En tout cas, dans l'approche générale de la question
d'élargissement, l'idée centrale est qu'il faut bien maîtriser le processus de
l'élargissement, c'est-à-dire le choix des pays avec lesquels on va négocier.
Il reste une option d'ailleurs entre ceux qui pensent qu'il faut ouvrir la
négociation avec tous, et d'autre part, ceux qui acceptent la liste de la
Commission même si, sur tel ou tel point, elle ne leur plaît pas.
Il y a une première nuance déjà sur ce point. Les pays qui défendent l'idée
qu'il faut négocier avec nous disent en même temps : si on décide de ne
commencer qu'avec certains, il faut voir ce que l'on fera avec ceux avec
lesquels on ne va pas négocier. Ce ne sont pas des points de vues arc-boutés en
réalité.
Q - Quels sont ces pays ?
R - Demandez-leur, je ne vais pas faire un compte rendu trop détaillé. Je
trouve déjà que l'on parle trop car cela pèse sur les discussions. Les
positions ne me paraissent pas figées et c'est cela qui est intéressant.
Q - Aucune ?
R - Le ministre grec dit qu'il n'est pas demandeur de la Conférence parce qu'il
voudrait que l'on négocie avec tout le monde. Donc, c'est logique. Et quand on
leur dit que si l'on ne négocie pas avec tout le monde, au bout du compte, il
faut quand même avoir une façon intelligente de traiter le problème des autres,
là il y a une autre discussion, les lignes bougent à ce moment-là. Ce sont des
positions assez mobiles.
Q - On a l'impression que l'Allemagne sur la Turquie est très figée ?
R - Non, pas figée. C'est un mauvais mot. Précisément, Klaus Kinkel met en
avant des arguments dans les deux sens. En oubliant cette affaire immédiate de
Conférence, lorsque l'on prend le problème dans un autre sens, en se disant que
notre politique générale par rapport à la Turquie doit être d'avoir un type de
relations avec la Turquie qui, à la fois leur maintient une espérance
mobilisatrice et renforce en Turquie les modernisateurs, les démocrates, les
Occidentaux pro-européens, personne ne conteste frontalement cela. Peut-être le
ministre grec, mais il ne le conteste pas frontalement. Sur cette idée, avoir
une politique intelligente et utile par rapport à la Turquie est une idée assez
générale quand même. Quant à la forme, il faut voir, cela peut bouger, c'est
assez ouvert tout cela.
Q - M. Kinkel avait dit que si la Turquie participait à la Conférence, ce ne
serait même pas la peine de la réunir ?
R - Non, il n'a pas dit cela. Klaus Kinkel parle souvent assez longtemps. C'est
de toute façon toujours mensongé d'extraire les phrases de leur contexte, même
quand ce sont des discours très écrits. Méfiez-vous, il n'a pas dit cela ainsi
d'autant qu'il est d'accord pour qu'il y ait une politique intelligente par
rapport à la Turquie. Je pense que cela va évoluer.
Q - Selon vous, cette Conférence va-t-elle être une antichambre à l'adhésion ?
R - La question de savoir si la Turquie a vocation à devenir membre a été
tranchée en 1963.
Q - Est-ce que cet accord d'association de 1963 est encore d'actualité ? Est-ce
vraiment un engagement actuel ?
R - Vous allez dire cela pour le Traité de Rome de 1957, que nous ne sommes
plus engagés par ce traité ! Ce ne sont pas des traités qui se suppriment les
uns les autres. Les Etats sont engagés par leur signature aussi longtemps que
ce n'est pas dénoncé ou abrogé. Sur la Turquie, cela fait 34 ans. Ce n'est pas
un problème que l'on découvre aujourd'hui à Mondorf. Cela fait 34 ans qu'il y a
des engagements, des accords d'associations douaniers ou autres qui réaffirment
ainsi la vocation européenne de la Turquie. C'est un fait qui s'impose à tout
le monde, quels que soient les problèmes politiques, économiques que peut poser
un rapprochement accru de la Turquie par rapport à l'Union européenne. Cela ne
se transforme pas automatiquement en droit à adhérer. Il y a quelques années,
la Commission avait émis un avis négatif sur ce point en constatant que les
conditions n'étaient pas du tout remplies c'est donc autre chose. Je veux dire
par là que les approches sont très différentes, il y a beaucoup de nuances,
chacun a ses propres soucis sur cette question mais, je ne trouve pas qu'il y
ait des approches fondamentalement différentes et figées.
C'est très divers, ce n'est pas encore convergent sur tous ces points mais
encore une fois, c'est très ouvert et cela me paraît mobile.
Q - Pourquoi la France insiste-t-elle tellement pour l'institution d'une
conférence européenne ?
R - Le raisonnement français est très simple. A partir du moment où on choisit
certains pays avec lesquels nous allons ouvrir les négociations, se pose un
problème avec les autres pays. Il ne faut pas être obsédé par le problème de la
Turquie. Il y a un certain nombre de pays en Europe, la Lituanie, la Bulgarie,
etc qui ont orienté ces dernières années leur politique extérieure, leur
politique économique et sociale vers l'Europe et ils ont fait plus ou moins de
réformes. Ils ont plus ou moins avancé. Ils ont encore plus ou moins des
problèmes politiques. Cela dépend des cas. L'Union européenne exerce un effet
d'attraction qui est positif et qui amène, en général les pays à régler leurs
problèmes par des moyens pacifiques, qui les amènent à faire telle et telle
réforme. Il y a une orientation qui est heureuse et qu'il faut garder. Notre
position n'est pas d'ouvrir des négociations avec tout le monde car
manifestement, beaucoup de pays ne sont pas encore au point sur le plan
économique et politique. Ce serait un leurre en réalité et cela n'aurait pas de
substance. Il faut dire des choses plus vraies, plus respectueuses des pays en
question, en leur disant : il semble que vous ne soyez pas prêts aujourd'hui,
mais vous allez le devenir un jour. C'est là où il y a une politique de l'Union
européenne qui doit aider les pays à se préparer à cela. Klaus Kinkel a une
bonne métaphore. Il dit : c'est un stade, les gens arrivent sur le stade, il y
en a qui sont déjà prêts à jouer et les autres s'entraînent et se renforcent.
La métaphore est intéressante parce qu'elle est progressive et évolutive. La
question du contenu vient ensuite en réalité. Le point de départ est cette idée
politique qui est que l'Union européenne ne peut pas se permettre, compte tenu
de l'attente, de l'attirance, de l'influence qu'elle a dans la vie intérieure
de tous ces pays, de commencer à négocier avec, par exemple, 5 pays plus 1 et
puis nous verrons plus tard. Il faut qu'il se passe quelque chose. Sinon, même
si c'est une décision rationnelle et logique, elle va avoir des effets négatifs
dans certains pays. L'idée est simple, il faut créer une occasion qui n'est pas
une institution. Il y en a assez comme cela, il faut créer quelque chose qui
est ce rendez-vous que nous appelons Conférence où nous allons réunir tous les
pays membres et tous les pays candidats pour parler des problèmes qui nous sont
communs. Mais, cela ne peut pas être une façon déguisée de commencer à
négocier. Je vous ai dit pourquoi. On ne peut pas commencer à négocier avec des
pays qui ne sont pas prêts pour cela. Ce n'est humiliant pour personne, ce sont
des faits de l'Histoire, de l'économie, de la société. Chacun est prêt à son
rythme, mais il faut une structure dans laquelle tous ces pays européens se
réunissent et regardent ensemble de quoi ils peuvent parler. Cela peut être des
questions de sécurité en Europe, des questions de politique étrangère au sens
le plus large, de la coopération économique, la progression de l'Etat de droit
dans les différents pays. Il y a toute sorte de sujets possibles. Il ne faut
pas que ce soit détourné et que cela devienne une façon d'ouvrir la négociation
alors que l'on a décidé de ne pas ouvrir encore. C'est un processus qui ne
s'arrête pas. Un jour, d'autres pays que ceux de la première liste seront prêts
et nous dirons : nous pouvons commencer la négociation avec celui-là etc...
Pendant ce temps-là, les négociations qui auront commencé avec les premiers,
dans certains cas, auront été très vite, dans d'autres cas, ce sera plus
compliqué. Et d'ailleurs, je n'ai pas d'idée précise quand je dis cela, mais
ceci ne m'étonnerait pas. On peut même imaginer la situation d'un pays qui
aurait commencé à négocier plus tard et qui rattraperait ceux d'avant. Il faut
voir cela comme un processus et non pas comme un paquet et puis plus rien.
Q - Cherche-t-on à diluer les idées ?
R - Aujourd'hui, nous avons discuté mais nous n'avons pas conclu. Il faut que
vous admettiez le fait. C'est une discussion, ce n'est pas un sommet avec
conclusion.
La position française que j'ai réexprimée est une réunion des pays membres et
des pays candidats. C'est la logique de la chose.
Q - Il faut un suivi. Qui assurerait la coordination ?
R - On verra, il y a toutes sortes d'idées dont il ne faut pas faire un
préalable.
Q - Sur le lien entre les problèmes internes et les problèmes d'élargissement,
vous avez dit que l'on y voyait plus clair. C'est-à-dire ?
R - Je veux dire que je suis content. J'espère que l'on y voit plus clair, dans
la mesure où j'ai pu rappeler la position française là-dessus.
Q - Et voyez-vous plus clair sur la position des autres ?
R - Ce n'est pas une négociation technique. Tout cela est discuté tous les
jours. Qu'est-ce qui était important au niveau des ministres des Affaires
étrangères aujourd'hui ?
Il y avait deux approches possibles : soit, nous ne nous concentrons que sur la
question de l'élargissement. Nous discutons la liste des pays, la conférence,
les problèmes que l'on vient d'évoquer, les stratégies de pré-adhésion, le
calendrier etc... et seulement cela.
Ou bien alors, c'est ce que nous souhaitions, j'avais écrit à Jacques Poos pour
le lui rappeler : on rappelle que cela forme un tout et je suis heureux d'avoir
eu l'occasion cet après-midi d'exposer calmement pourquoi à notre avis, on ne
peut pas s'engager à l'aveugle dans l'affaire de l'élargissement ou d'ailleurs
dans l'affaire de l'Agenda 2000 sur les autres aspects, parce que tout cela est
évidemment lié. J'ai donc expliqué pourquoi, ne serait-ce que pour y voir
clair, pour savoir sur quoi on négocie ou sur quoi on peut négocier, pour
savoir quel sera l'impact des différentes mesures. J'ai rappelé des principes
importants pour nous, qui ne sont pas des conclusions de discussions. Cela va
durer encore longtemps, mais nous pensons que l'on ne peut pas arriver à
Luxembourg en disant simplement : voilà nos décisions sur l'élargissement,
point final.
Q - Voilà un sentiment que l'on retrouve chez votre partenaire allemand, qui
n'avait pas l'air de vouloir accepter que l'on aille, à Luxembourg, au-delà de
la question de l'élargissement.
R - Ce n'est pas un dialogue entre la France et l'Allemagne, c'est un dialogue
à Quinze. C'est assez ouvert, certains prennent la parole plusieurs fois,
modifient leurs positions. C'est une vraie discussion.
Q - On a l'impression que c'est l'Allemagne qui en a le plus à dire. C'est pour
cela que l'on pose la question.
R - Ce qui m'a frappé c'est que le tour de table a été plus rapide car nous
sommes restés longtemps sur la question de la Conférence et d'une façon ou
d'une autre, même ceux qui disent qu'il serait souhaitable de ne pas faire un
lien trop étroit, établissent un lien quand même. Il n'y a quasiment aucun pays
qui n'établit pas de lien, car chaque pays a un souci et une demande
particuliers, une préoccupation, une inquiétude qui se raccrochent au reste,
soit au cadre financier global, soit à l'avenir de la PAC, soit à l'avenir des
fonds structurels. Quand nous disons qu'il faut une double programmation,
c'est-à-dire qu'il faut être capables de bien distinguer entre nous la façon
dont se présentent les problèmes financiers pour les années couvertes par
l'Agenda 2000 à Quinze, financement de nos activités à Quinze, de nos
politiques communes qui continuent, qui éventuellement s'adaptent, sont
réformées s'il le faut. Mais à Quinze. Combien cela coûte-t-il, comment cela
marche-t-il, comment s'adapte-t-on, comment finance-t-on cela compte tenu du
fait que certains pays veulent payer moins et en général, les pays ne veulent
jamais payer plus.... Donc, il y a déjà un problème en soi. A côté de cela,
comment mesurer l'impact des conclusions éventuelles bien que l'on ne connaisse
pas le moment exact de la conclusion des négociations d'élargissement. Mais il
faut essayer de mesurer l'impact sur une évaluation, en tout cas commencer à se
poser la question. Ce ne sera pas sans conséquence sur tout le reste. Sur la
PAC par exemple, et donc sur nos capacités à la financer etc...
Lorsque l'on fait des remarques de ce genre, il me semble que c'est tellement
évident en soi, ce ne sont pas des astuces, des tactiques, des postures
diplomatiques, c'est tellement évident qu'il y ait quand même une sorte de lien
et même pour les pays qui disent qu'il faut se concentrer sur l'élargissement.
Q - Dans quel cadre va se poursuivre la discussion sur l'Agenda 2000 ?
R - On en discute tout le temps. Cela n'arrête pas car, lorsque ce ne sont pas
les ministres des Affaires étrangères, ce sont des ministres par spécialité, ou
c'est le représentant permanent. C'est une discussion continue.
Q - La France ne pourra pas imaginer qu'il n'y ait pas quelque chose de précis
dans les conclusions du Sommet de Luxembourg en terme de chiffres ?
R - Sur le plafond de ressources, sur la politique agricole, sur les fonds
structurels, je ne sais pas jusqu'où il faut aller mais en tout cas, on ne peut
pas prendre et lancer des décisions sur l'élargissement sans avoir indiqué dans
quel cadre va s'engager cette négociation sur l'Agenda 2000, dont vous savez
très bien vous-mêmes, parce que vous êtes tous des spécialistes ici, que cela
va durer très longtemps et que c'est très compliqué.
Q - Trouvez-vous qu'il y a une menace sur le financement de la Communauté ?
R - Non, pas de menace sérieuse. Simplement, il y a des problèmes à traiter
comme il y en a eu dans toute l'histoire de la Communauté ou de l'Union, à tout
moment. Je ne me pose pas la question de savoir si c'est une menace ou pas. Il
y a un pays qui paie en effet beaucoup, qui veut payer moins. On peut
comprendre pourquoi mais, à ce moment-là, il faut voir ce que cela rend
possible ou impossible. C'est pour cela que nous disons qu'il faut y voir
clair.
C'est au Conseil Affaires générales de faire des propositions et un rapport au
Conseil européen de Luxembourg à partir de quoi la Commission ira plus loin.
Q - N'avez-vous pas peur, à la fin de l'année, d'arriver avec des positions
complètement contradictoires et intenables ?
R - Je ne me pose jamais la question de savoir si on a peur ou si on est
préoccupé. La seule question qui m'intéresse, c'est de savoir ce que l'on fait
dans la situation où l'on se trouve. La situation est objectivement compliquée.
Ce n'est la faute de personne, ni des Allemands, ni des Français, ni de la
Commission. Elle est compliquée parce que l'Union européenne se développe et
qu'elle a les problèmes compliqués d'un organisme qui réussit. Si l'Union
européenne avait échoué, il y a "belle lurette" que l'on ne serait plus devant
ces difficultés-là. Il y a des problèmes de développement, d'expansion, de
croissance. Quelque part, c'est positif. Mais, c'est vrai qu'à chaque fois,
c'est un peu plus compliqué, et plus il y a des politiques communes, plus il y
a de participants, plus il y a de négociations que l'on a besoin d'ouvrir, plus
c'est compliqué. Alors que fait-on ? Sur le plan pratique, nous disons qu'il
faut clarifier le paysage, parce que l'on ne peut pas prendre des orientations
claires et nettes dans un des domaines concernés, que ce soit le cadre
financier, l'élargissement... On ne peut pas avancer là-dedans, si nous n'avons
pas une vision d'ensemble. Ces derniers temps, ces arguments étaient un peu
oubliés par certains. Il me semble que cette rencontre permet au moins de
renforcer les liens entre les différents pays. Maintenant, nous sommes
réalistes, nous n'allons pas demander que le Conseil européen de décembre ait
tranché dans le détail toutes ces questions sur la politique agricole ou les
fonds structurels. Là, pour le coup, ce serait artificiel d'établir ce lien. On
ne revient évidemment pas sur l'accord donné pour que les négociations
d'élargissement démarrent l'an prochain. On dit qu'il faut une conférence parce
qu'il faut s'occuper des pays qui ne sont pas dans les premiers. Nous rappelons
que la conférence, dans notre esprit, va de pair avec le début des négociations
d'élargissement. Mais cela ne complique rien. C'est une façon d'essayer de bien
gérer l'ensemble du problème que nous avons devant nous.
Q - Etes-vous prêts à bloquer l'élargissement s'il n'y a pas d'accord sur les
grandes lignes de l'une des réformes de politique commune ?
R - Chaque chose en son temps. Nous verrons. Cette situation très hypothétique
que vous avez à l'esprit, nous ne serons pas devant elle avant longtemps car
vous vous placez dans l'hypothèse où l'on serait en fin de négociations sur
l'élargissement d'un pays donné et nous n'aurions rien obtenu.
Q - On peut commencer les négociations d'élargissement sans être d'accord sur
les grandes lignes d'une réforme de la PAC, par exemple ?
R - Nous ne cherchons pas à réinventer une conditionnalité artificielle au-delà
des engagements que nous avons déjà pris puisque nous avons donné notre accord
pour que les négociations d'élargissement commencent. Mais, il y a quand même
les conclusions d'Amsterdam qui montrent qu'il faut avoir une vue d'ensemble du
sujet. Nous ne voulons pas être en deçà, mais nous ne pouvons pas être au-delà
non plus. Nous sommes tout à fait loyaux par rapport à nos partenaires
européens. Nous ne sommes pas en train de fabriquer des conditionnalités qui ne
sont pas là. Il s'agit simplement d'avancer en maîtrisant bien l'ensemble de
l'exercice, aussi bien la dimension élargissement, car cela peut être fait bien
ou mal. Cela peut être raté. Dans le passé, il y a eu des élargissements qui
ont été bien négociés et aisément gérés par la suite, d'autres qui ont été mal
négociés et qui ont pesés sur le fonctionnement de la Communauté pendant des
années. Les élargissements à venir doivent être bien maîtrisés.
Q - Vous pensez à qui ?
R - Je ne pense à rien de précis.
Q - La solution intermédiaire à l'élargissement, qu'en pensez-vous ?
R - Comme solution intermédiaire, il y avait quelques pays qui disaient que ce
serait mieux de commencer à négocier avec tout le monde. Il y a une grande
majorité de pays qui disent que l'on va négocier à partir de la liste de la
Commission parce qu'il n'y a pas de liste parfaite mais pourquoi pas celle-là.
La solution intermédiaire, je ne vois pas bien ce que c'est.
Q - La présidence luxembourgeoise semble avoir parlé d'un chemin intermédiaire
entre l'ouverture d'une négociation avec quelques pays et l'ouverture de la
négociation avec tous les pays ?
R - Plusieurs sont intervenus pour dire : attention, il ne faut pas se servir
du terme "négocier" parce qu'il prête à confusion. Dans l'attitude que l'Union
européenne adoptera par rapport aux pays avec lesquels la négociation n'aura
pas commencé, il peut y avoir en effet dans les attitudes des stratégies de
pré-adhésion, ou simplement des politiques adaptées à chaque cas particulier.
Q - Pourquoi la France a-t-elle proposé la Conférence européenne ?
R - Nous avons proposé cette Conférence parce qu'il faut apporter une réponse à la demande de l'ensemble des pays candidats qui ne seront pas concernés par les premières négociations d'élargissement. C'est une réponse politique au sens le plus fort du terme sur le cadre et l'avenir de leurs relations avec les pays de l'Union européenne et pour nous, cette idée de Conférence concerne naturellement tous les pays candidats. C'est là où ils se rencontreront pour discuter de questions d'intérêts communs, les pays membres et les autres pays candidats.
Je le répète, je l'ai indiqué hier : pour nous, cette Conférence devrait se tenir avant l'ouverture des négociations d'élargissement. La Turquie est concernée et a sa place dans ce cadre.
Certains ont parlé d'une façon différente de traiter le sujet, mais ce n'est pas encore assez précis, je ne peux donc pas réagir sur ce point. Je ne sais pas en quoi cela consisterait.
Q - Mais les Quinze ne sont-ils pas très divisés sur cette question de la Conférence européenne ?
R - Ce n'est pas aussi net car cela dépend du contexte. Il y a une majorité de pays membres qui acceptent l'idée de la Conférence. Certains pays trouvent que la Conférence est inutile, parce qu'eux préféreraient que l'on ouvre les négociations avec tous les pays candidats. Dans cette hypothèse-là, nous n'avons pas besoin de Conférence. Certains des pays, qui sont favorables à l'ouverture des négociations avec tous les candidats, ajoutent aussitôt que si on ne le fait pas, à ce moment-là, la Conférence leur paraît une bonne idée. Voilà le contour de cette majorité. Ensuite, parmi ceux qui sont réticents devant l'idée de la Conférence, certains le justifient en disant que la Turquie n'y a pas sa place pour telle et telle raison ou que l'on ne peut pas mettre tout à fait sur le même plan la Turquie qui pose des problèmes compliqués et par exemple, la Bulgarie, la Roumanie ou la Lituanie. A ce moment-là, il y a des réflexions qui portent sur le contenu de la Conférence, on entre dans le détail ensuite pour trouver des ajustements. Je vous dis cela pour dire que les lignes ne sont pas fixées. Je l'ai dit hier : on ne peut pas dire de façon très nette qu'il y a tant de pays pour et tant de pays contre. Ce n'est pas ainsi que le problème se pose. Il y a une nette majorité pour cette idée de Conférence. A l'intérieur de cette majorité, il y a des nuances entre les conceptions des uns et des autres. Donc, cela dépendra aussi de la décision qui sera prise finalement d'ouvrir les négociations avec tout le monde ou avec quelques-uns. Et les positions ne sont pas absolument figées sur aucun des points.
Q - Imaginons que cette Conférence se mette en place, à terme vous n'aurez qu'un seul pays dans cette Conférence, que va-t-on faire alors ? N'a-t-on pas mis le doigt dans l'engrenage qui fait que l'on va être obligé de commencer de négocier avec la Turquie ?
R - S'il y a un engrenage, pour reprendre votre terme - je ne dis pas que c'est mon terme, c'est le vôtre -, s'il y en a un, il remonte à 1963, à l'accord dans lequel la Communauté européenne de l'époque a reconnu la vocation européenne de la Turquie. La création de ce rendez-vous appelé Conférence et le fait que la Turquie en soit membre, parce que c'est un pays candidat, ne change rien à cette situation. D'autre part, vous posez des problèmes qui concernent l'après après-demain. Nous avons le temps de réfléchir.
Q - Pourquoi les Allemands sont-ils réticents sur la participation de la Turquie à la Conférence ?
R - Puisque vous me demandez les raisons des réticences allemandes, il faut le demander aux Allemands. D'autre part, comme je vous le disais, aucune des positions n'est totalement figée car cela dépend à chaque fois de plusieurs paramètres. S'ils étaient inspirés par ce souci, ils devraient se soucier plus de l'Accord de 1963 que de la Conférence.
De toute les façons, il ne faut pas se concentrer uniquement sur ce sujet. Je regretterai que cette idée de Conférence, qui correspond à un raisonnement qui porte sur l'ensemble des pays candidats, sur la façon de maintenir un lien étroit et un lieu d'échanges politiques et de coopérations entre l'ensemble des pays membres et l'ensemble des pays candidats, est une idée globale, est un concept géopolitique important pour l'ensemble de ces groupes. Il ne faut pas ramener cela uniquement à une difficulté turque. Ce serait dommage car je crois que c'est une idée qui a un contenu plus large que cela.
Q - Il y a donc un double problème : celui de la Conférence et celui de la participation de la Turquie à la Conférence ?
R - Oui, mais il y a aussi les réflexions sur le type de sujets qui seraient traités dans la Conférence. Il n'y a pas que l'aspect turc. Certains pays disent sans parler de la Turquie, qu'ils sont pour la Conférence à condition que, dans cette Conférence, on ne commence pas à négocier. Il y a une série d'indications. Il n'y a pas que les questions turques. Je crois que l'on est dans le vrai si on dit qu'il y a une nette majorité de pays favorables à cette idée de Conférence mais que les uns et les autres maintiennent des conditions et ont besoin de certains éclaircissements, de certaines discussions qui auront lieu dans les semaines à venir pour que l'on arrive à une idée de Conférence qui fasse vraiment consensus.
Q - Sur le Moyen-Orient, quelle est votre réaction sur la demande de M. Arafat que l'Union européenne fasse des pressions sur le gouvernement israélien ?
R - Vous faites allusion à ce qu'il a déclaré en Allemagne. Je ne réponds pas en terme de pression mais je réponds en terme d'efforts. L'Union européenne est, je l'ai dit tout à l'heure, tout à fait déterminée à continuer toutes les actions qu'elle peut mener à travers sa présidence luxembourgeoise pour le moment, à travers l'action de son envoyé spécial M. Moratinos, à travers les visites sur place qui ont eu lieu, qui sont prévues ou envisagées par de très nombreux ministres de l'Union européenne, à travers les instruments dont disposent l'Union européenne. Il y a une volonté de présence, d'être persévérant malgré les difficultés rencontrées. C'est cela le message principal de l'Union européenne. Elle reste présente dans ce dossier et active.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2001)