Texte intégral
Mesdames, messieurs, Chers collègues
Véritable drame humain, problème majeur de santé publique, le Sida est devenu un enjeu fondamental de développement.
Chacun ici connaît ces chiffres terribles qui finissent par masquer les réalités humaines qu'ils représentent :
40 millions de personnes touchées par le virus du Sida, dont 90 % dans les pays en développement ; la plupart en Afrique.
Dans certaines villes de ce continent, une femme sur deux qui vient accoucher est séropositive.
Dans bien des pays le Sida représente déjà la première cause de mortalité chez les adultes.
Quant à la mortalité infantile, elle retrouve ses niveaux des années 60.
Comme si 30 années d'efforts et de progrès étaient effacés d'un trait par l'épidémie.
Comme si tout ce que nous avons accompli ensemble s'était évanoui.
Je suis désolé de devoir commencer par dire clairement ma surprise devant les formulations retenues par l'OMS pour introduire cette table ronde dans son document en date du 22 février dernier.
Il est utile bien sûr que la vigueur des débats soient à la mesure des enjeux majeurs de santé et de développement que représente aujourd'hui le SIDA.
Je peux aussi comprendre le recours à quelques phrases visant à stimuler le débat.
Mais faut-il pour autant ouvrir cette discussion avec des phrases pour le moins étonnantes.
Il est déjà surprenant de lire celle-ci pour résumer le défi posé par le SIDA: "doit-on suspendre l'investissement à long terme dans les systèmes de santé au profit de mesures d'urgence destinées à contenir le VIH? ".
Comme si l'une s'opposait nécessairement à l'autre.
Le SIDA est déjà aujourd'hui la première cause de mortalité en Afrique, comme vient de le montrer la dernière étude d'ONUSIDA.
Combien de temps encore faudra-t-il attendre pour prendre conscience que, tout en poursuivant nos efforts à long terme, nous devons aujourd'hui déclarer l'extrème urgence face au SIDA.
Au risque sinon que beaucoup de pays ne connaissent pas de long terme.
Mais que dire de la suite ? Je cite toujours le même document qui nous invite ensemble à répondre à une question dont j'ai eu du mal, je dois vous l'avouer, à croire qu'elle ait pu être rédigée par les services de l'OMS et appouvée par ses instances:
"Comment freiner la demande croissante en thérapeutiques antirétrovirales?"
On attendrait de cette organisation, avec le mandat qui est le sien, qu'elle nous propose de réfléchir à la façon dont la communauté internationale doit tenter de répondre à cette demande des malades du Sud de bénéficier de traitements qui, dans nos pays nantis, sauvent des vies d'enfants, en réduisant significativement la transmission verticale; mais également améliorent de façon très notable la durée et la qualité de vie des personnes atteintes.
J'espère que la position de l'OMS est mieux reflétée dans les termes utilisés par Madame Bruntland qui souhaitait en septembre dernier à Harare, New Delhi ou à Manille que soit rendu plus équitable l'accès à la prévention et aux traitements, y compris aux traitements antirétroviraux.
Je l'approuve totalement lorsqu'elle affirme que, je cite "la question n'est plus de savoir si ces médicaments sophistiqués et coûteux doivent être distribués mais plutôt comment?"
Car voilà le vrai défi auquel nous devons collectivement avoir le courage de nous affronter.
C'est de celà je crois que nous devons parler ce matin.
Pour ma part, je vois au moins deux axes complémentaires sur lesquels travailler.
Le premier concerne les dispositions conventionnelles internationales permettant d'aller vers un accès plus large et plus équitable aux médicaments.
Faut-il à ce sujet rappeler que le groupe de travail qui a permis de sortir de la situation de blocage dans laquelle nous étions l'an dernier, a été présidé par la France en la personne du Professeur Jean-François Girard.
La nouvelle version de résolution concernant la stratégie pharmaceutique révisée doit permettre d'avancer concrètement dans cette direction.
C'est la raison pour laquelle la France soutien pleinement ce texte et souhaite qu'il soit très largement approuvé lors du vote qui aura lieu durant cette Assemblée Mondiale.
Ce sera une étape importante dans le chemin qui doit nous conduire vers ce tryptique auquel nous devons parvenir :
· plus grande accessibilité
· renforcement ou maintien de la qualité et de la sécurité des médicaments
· usage rationnel des médicaments, qui en aucun cas ne doit signifier usage rationné
La deuxième piste, et j'en finirai là pour cette introduction, concerne la mobilisation internationale que la France a appelée de ses voeux pour la création d'une initiative internationale de solidarité thérapeutique.
Pour faire face à la déferlante du Sida, l'information, la communication, la prévention sont, bien sûr, plus que jamais nécessaires.
Elles doivent même être renforcées.
La recherche sur le vaccin doit aussi être intensifiée.
Mais cela n'est pas suffisant.
L'ampleur du défi dont nous étions bien sûr conscients devait-elle continuer à justifier l'immobilisme ?
Faut-il, parce que l'on ne peut faire pour tout le monde tout de suite, ne rien faire pour personne, ne rien commencer.
Certains le pensent. Ce n'est pas notre avis.
Bien sûr, nous savons les difficultés, l'immensité de la tâche, la modestie de ce premier pas, de cette voie que nous ouvrons ensemble.
Mais pouvions-nous accepter que ceux qui vivent avec le Sida dans le pays du Sud viennent grossir les rangs des oubliés de l'histoire ?
Pouvions-nous accepter que les nouvelles ressources thérapeutiques, préventives ou curatives, bénéficient aux seuls malades du Nord ?
Nous étions quelques uns à refuser ces morts par indifférence chez nos frères d'Afrique, d'Asie et d'ailleurs, au nom d'un principe simple :
"la souffrance de l'autre appartient à chacun d'entre nous".
Que n'a t-on dit alors de cette utopie qu'ensemble nous partagions ?
Qu'importe désormais, puisque qu'elle a commencé à prendre corps à Abidjan, il y a quelques semaines.
Par l'effort conjugué de la volonté nationale et de la solidarité internationale.
La Côte d'Ivoire a tenu les engagements qu'elle s'était fixés avec la constitution d'un fonds national pour l'accès aux traitements des personnes touchées par le Sida.
Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de saluer cette initiative.
La France, quant à elle, avait appelé la communauté internationale à se mobiliser.
Proposition initialement française, accueillie avec espoir au Sud et scepticisme au Nord, elle a reçu au fil des mois un écho de plus en plus favorable.
Recommandations du sommet de Luxembourg en décembre 1997.
Conclusions du G8 de Birmingham en mai de l'année suivante.
Vote en séance plénière du Parlement Européen en novembre 1998.
Initiative au Congrès Américain il y a quelques semaines.
La France n'est plus isolée dans ce combat qu'elle sait juste.
Et pour lequel elle est la première à s'être engagée financièrement.
La première mais pas la seule, comme en témoigne la mise en oeuvre du premier programme du Fonds de Solidarité Thérapeutique International ici à Abidjan.
Quel symbole, quelle espérance suscitée par ce programme qui unit fonds national et Fonds international ; bilatéraux et multilatéraux avec ONUSIDA ; Français pour le programme PAC-CI et Américains au travers du projet RETRO-CI soutenu par les CDC d'Atlanta ; financement publics et contributeurs privés avec la Fondation Glaxo Wellcome, d'autres encore.
Qu'avons-nous décidé de faire ensemble ?
D'une part, améliorer le dispositif d'accès aux traitements antirétroviraux mis en place par le Gouvernement Ivoirien en partenariat avec ONUSIDA.
Dans ce cadre, 250 millions de francs CFA sont mis à disposition par la Fondation de l'Avenir pour couvrir 80 % de ce qui reste à la charge du patient, et constitue souvent un obstacle insurmontable pour de trop nombreuses personnes.
D'autre part, nous nous sommes associés pour mettre en oeuvre un programme que je n'hésite pas à qualifier d'exemplaire et de novateur pour ce qu'il refuse cette opposition stérilisante entre prévention et prise en charge, qu'au contraire il associe pour qu'elles ne renforcent mutuellement.
Un programme cohérent de prévention et de prise en charge de l'infection à VIH chez les femmes enceintes, pour lequel le Fonds International contribue à hauteur de 750 millions de francs CFA.
Ici ce sont 20 000 femmes enceintes, leurs enfants et autant que possible leurs compagnons qui auront la possibilité d'accéder au dépistage, au counselling, au soutien psychosocial, au substitut de l'allaitement maternel, ainsi qu'aux traitements médicaux y compris les plus récents lorsque cela est nécessaire.
Au total le Fonds International consacre un milliard de francs CFA à ces volets.
Je suis, vous le savez, un ardent promoteur du droit et du devoir d'ingérence.
Je suis heureux que l'ingérence thérapeutique, se mette en oeuvre, grâce à l'action commune de l'engagement national et de la mobilisation internationale.
Demain, d'autres pays, d'autres institutions, très vite, nous rejoindront, pour contenir cet effort indispensable ou pour en bénéficier.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 mai 1999)
Véritable drame humain, problème majeur de santé publique, le Sida est devenu un enjeu fondamental de développement.
Chacun ici connaît ces chiffres terribles qui finissent par masquer les réalités humaines qu'ils représentent :
40 millions de personnes touchées par le virus du Sida, dont 90 % dans les pays en développement ; la plupart en Afrique.
Dans certaines villes de ce continent, une femme sur deux qui vient accoucher est séropositive.
Dans bien des pays le Sida représente déjà la première cause de mortalité chez les adultes.
Quant à la mortalité infantile, elle retrouve ses niveaux des années 60.
Comme si 30 années d'efforts et de progrès étaient effacés d'un trait par l'épidémie.
Comme si tout ce que nous avons accompli ensemble s'était évanoui.
Je suis désolé de devoir commencer par dire clairement ma surprise devant les formulations retenues par l'OMS pour introduire cette table ronde dans son document en date du 22 février dernier.
Il est utile bien sûr que la vigueur des débats soient à la mesure des enjeux majeurs de santé et de développement que représente aujourd'hui le SIDA.
Je peux aussi comprendre le recours à quelques phrases visant à stimuler le débat.
Mais faut-il pour autant ouvrir cette discussion avec des phrases pour le moins étonnantes.
Il est déjà surprenant de lire celle-ci pour résumer le défi posé par le SIDA: "doit-on suspendre l'investissement à long terme dans les systèmes de santé au profit de mesures d'urgence destinées à contenir le VIH? ".
Comme si l'une s'opposait nécessairement à l'autre.
Le SIDA est déjà aujourd'hui la première cause de mortalité en Afrique, comme vient de le montrer la dernière étude d'ONUSIDA.
Combien de temps encore faudra-t-il attendre pour prendre conscience que, tout en poursuivant nos efforts à long terme, nous devons aujourd'hui déclarer l'extrème urgence face au SIDA.
Au risque sinon que beaucoup de pays ne connaissent pas de long terme.
Mais que dire de la suite ? Je cite toujours le même document qui nous invite ensemble à répondre à une question dont j'ai eu du mal, je dois vous l'avouer, à croire qu'elle ait pu être rédigée par les services de l'OMS et appouvée par ses instances:
"Comment freiner la demande croissante en thérapeutiques antirétrovirales?"
On attendrait de cette organisation, avec le mandat qui est le sien, qu'elle nous propose de réfléchir à la façon dont la communauté internationale doit tenter de répondre à cette demande des malades du Sud de bénéficier de traitements qui, dans nos pays nantis, sauvent des vies d'enfants, en réduisant significativement la transmission verticale; mais également améliorent de façon très notable la durée et la qualité de vie des personnes atteintes.
J'espère que la position de l'OMS est mieux reflétée dans les termes utilisés par Madame Bruntland qui souhaitait en septembre dernier à Harare, New Delhi ou à Manille que soit rendu plus équitable l'accès à la prévention et aux traitements, y compris aux traitements antirétroviraux.
Je l'approuve totalement lorsqu'elle affirme que, je cite "la question n'est plus de savoir si ces médicaments sophistiqués et coûteux doivent être distribués mais plutôt comment?"
Car voilà le vrai défi auquel nous devons collectivement avoir le courage de nous affronter.
C'est de celà je crois que nous devons parler ce matin.
Pour ma part, je vois au moins deux axes complémentaires sur lesquels travailler.
Le premier concerne les dispositions conventionnelles internationales permettant d'aller vers un accès plus large et plus équitable aux médicaments.
Faut-il à ce sujet rappeler que le groupe de travail qui a permis de sortir de la situation de blocage dans laquelle nous étions l'an dernier, a été présidé par la France en la personne du Professeur Jean-François Girard.
La nouvelle version de résolution concernant la stratégie pharmaceutique révisée doit permettre d'avancer concrètement dans cette direction.
C'est la raison pour laquelle la France soutien pleinement ce texte et souhaite qu'il soit très largement approuvé lors du vote qui aura lieu durant cette Assemblée Mondiale.
Ce sera une étape importante dans le chemin qui doit nous conduire vers ce tryptique auquel nous devons parvenir :
· plus grande accessibilité
· renforcement ou maintien de la qualité et de la sécurité des médicaments
· usage rationnel des médicaments, qui en aucun cas ne doit signifier usage rationné
La deuxième piste, et j'en finirai là pour cette introduction, concerne la mobilisation internationale que la France a appelée de ses voeux pour la création d'une initiative internationale de solidarité thérapeutique.
Pour faire face à la déferlante du Sida, l'information, la communication, la prévention sont, bien sûr, plus que jamais nécessaires.
Elles doivent même être renforcées.
La recherche sur le vaccin doit aussi être intensifiée.
Mais cela n'est pas suffisant.
L'ampleur du défi dont nous étions bien sûr conscients devait-elle continuer à justifier l'immobilisme ?
Faut-il, parce que l'on ne peut faire pour tout le monde tout de suite, ne rien faire pour personne, ne rien commencer.
Certains le pensent. Ce n'est pas notre avis.
Bien sûr, nous savons les difficultés, l'immensité de la tâche, la modestie de ce premier pas, de cette voie que nous ouvrons ensemble.
Mais pouvions-nous accepter que ceux qui vivent avec le Sida dans le pays du Sud viennent grossir les rangs des oubliés de l'histoire ?
Pouvions-nous accepter que les nouvelles ressources thérapeutiques, préventives ou curatives, bénéficient aux seuls malades du Nord ?
Nous étions quelques uns à refuser ces morts par indifférence chez nos frères d'Afrique, d'Asie et d'ailleurs, au nom d'un principe simple :
"la souffrance de l'autre appartient à chacun d'entre nous".
Que n'a t-on dit alors de cette utopie qu'ensemble nous partagions ?
Qu'importe désormais, puisque qu'elle a commencé à prendre corps à Abidjan, il y a quelques semaines.
Par l'effort conjugué de la volonté nationale et de la solidarité internationale.
La Côte d'Ivoire a tenu les engagements qu'elle s'était fixés avec la constitution d'un fonds national pour l'accès aux traitements des personnes touchées par le Sida.
Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de saluer cette initiative.
La France, quant à elle, avait appelé la communauté internationale à se mobiliser.
Proposition initialement française, accueillie avec espoir au Sud et scepticisme au Nord, elle a reçu au fil des mois un écho de plus en plus favorable.
Recommandations du sommet de Luxembourg en décembre 1997.
Conclusions du G8 de Birmingham en mai de l'année suivante.
Vote en séance plénière du Parlement Européen en novembre 1998.
Initiative au Congrès Américain il y a quelques semaines.
La France n'est plus isolée dans ce combat qu'elle sait juste.
Et pour lequel elle est la première à s'être engagée financièrement.
La première mais pas la seule, comme en témoigne la mise en oeuvre du premier programme du Fonds de Solidarité Thérapeutique International ici à Abidjan.
Quel symbole, quelle espérance suscitée par ce programme qui unit fonds national et Fonds international ; bilatéraux et multilatéraux avec ONUSIDA ; Français pour le programme PAC-CI et Américains au travers du projet RETRO-CI soutenu par les CDC d'Atlanta ; financement publics et contributeurs privés avec la Fondation Glaxo Wellcome, d'autres encore.
Qu'avons-nous décidé de faire ensemble ?
D'une part, améliorer le dispositif d'accès aux traitements antirétroviraux mis en place par le Gouvernement Ivoirien en partenariat avec ONUSIDA.
Dans ce cadre, 250 millions de francs CFA sont mis à disposition par la Fondation de l'Avenir pour couvrir 80 % de ce qui reste à la charge du patient, et constitue souvent un obstacle insurmontable pour de trop nombreuses personnes.
D'autre part, nous nous sommes associés pour mettre en oeuvre un programme que je n'hésite pas à qualifier d'exemplaire et de novateur pour ce qu'il refuse cette opposition stérilisante entre prévention et prise en charge, qu'au contraire il associe pour qu'elles ne renforcent mutuellement.
Un programme cohérent de prévention et de prise en charge de l'infection à VIH chez les femmes enceintes, pour lequel le Fonds International contribue à hauteur de 750 millions de francs CFA.
Ici ce sont 20 000 femmes enceintes, leurs enfants et autant que possible leurs compagnons qui auront la possibilité d'accéder au dépistage, au counselling, au soutien psychosocial, au substitut de l'allaitement maternel, ainsi qu'aux traitements médicaux y compris les plus récents lorsque cela est nécessaire.
Au total le Fonds International consacre un milliard de francs CFA à ces volets.
Je suis, vous le savez, un ardent promoteur du droit et du devoir d'ingérence.
Je suis heureux que l'ingérence thérapeutique, se mette en oeuvre, grâce à l'action commune de l'engagement national et de la mobilisation internationale.
Demain, d'autres pays, d'autres institutions, très vite, nous rejoindront, pour contenir cet effort indispensable ou pour en bénéficier.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 25 mai 1999)