Déclaration de M. Charles Josselin, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur la recherche française en faveur du développement et sur la création du laboratoire Ermès, au sein de l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, à Orléans le 1er décembre 1997.

Prononcé le 1er décembre 1997

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Circonstance : Inauguration du laboratoire Ermès à Orléans le 1er décembre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires et Elus,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président de l'Université d'Orléans,
Monsieur le Président de l'ORSTOM,
Mesdames et Messieurs, chers Amis universitaires et Chercheurs,
Il n'est pas si fréquent que ma charge me conduise à parler en France même, de Coopération, donc des investissements de la France en faveur du développement. Je pense même que c'est la première fois depuis que j'ai en charge ce portefeuille que l'occasion m'est donnée de parler devant la communauté française des universitaires-chercheurs, et chez elle, de recherche appliquée
au développement.

C'est une belle occasion. D'autant plus qu'elle nous rassemble autour d'une initiative d'un des éléments de la recherche française auxquels j'ai le plus d'attention, je veux parler de l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération. Pour commencer à ne plus dire l'ORSTOM puisque mon collègue, Claude Allègre, et moi-même, mais vous-mêmes, Monsieur le
Président, Monsieur le Directeur Général, et beaucoup des chercheurs de votre Institut, nous entendons à penser que ce sigle a vécu et doit maintenant s'effacer.

Lorsqu'un nouveau laboratoire naît, c'est à mes yeux un signe de bonne santé de la recherche française. C'est par conséquent un bon signe que nous adressons ensemble à la recherche au Sud, je peux même dire à la recherche dans le monde. Elle en a besoin, nous en avons fort besoin, et le développement encore plus.

Il est presque superflu de vous dire d'abord que dans les défis qui sont lancés à l'influence française sur la planète, celui-ci vient au tout premier plan. Car tant vaudra dans les multiples enjeux actuels notre capacité à organiser nos outils de recherche, seuls quand nous le pouvons -mais est-ce souhaitable ?- avec les autres quand la complexité des phénomènes l'exige - et c'est, me semble t-il, une règle presque constante -, tant vaudra notre capacité à y répondre. Et par conséquent, la place que nous continuerons à tenir, avec le bénéfice qu'on peut en tirer, pour le rayonnement de notre communauté scientifique comme pour le succès de pans entiers de notre économie.

Le ministre Claude Allègre dont c'est, nous le savons tous, la plus grande passion et une toute première préoccupation, s'est déjà souvent exprimé sur le sujet ; il veut une recherche française remobilisée pour la France.

Laissez-moi vous dire combien je partage ce point de vue dans mes propres responsabilités. Il y a trois raisons à cela : la première tient à la pertinence de nos réponses en matière de Coopération. La seconde, je l'ai évoquée à l'instant : c'est l'avenir de notre influence dans le monde au moment où s'avive comme jamais la concurrence. Quant à la troisième, elle va de soi, mais cela va mieux en le rappelant sans relâche : la France a eu, et continue d'avoir, un crédit immense auprès de beaucoup de pays du fait même de sa recherche et de la présence, un peu partout, d'une communauté universitaire
forte et engagée.

En Asie du Sud-Est d'où je reviens puisque nous venons de clore à Hanoï le Sommet de la Francophonie, notre médecine est respectée. En Afrique, dont la ressource et le progrès sont si étroitement liés à la gestion de la terre et au revenu agricole, notre recherche agronomique est estimée et recherchée. L'épidémie du VIH/SIDA nous a ces dernières années rappelé la vigueur et la richesse du potentiel français, que nous aidons à agir dans la meilleure rationalité. Et je ne puis passer sous silence d'autres réseaux, comme celui des juristes et des économistes, qui contribuent hautement à la réflexion engagée sur l'Etat, le droit des affaires et les ensembles régionaux.

Pardonnez-moi de céder aux exemples qui n'ont que le défaut d'exclure ceux qu'on ne mentionne pas. Ils me viennent à l'esprit parce que ce sont des domaines que j'ai à connaître chaque jour ; des domaines où la vie nous presse et appelle de notre part toujours plus d'intelligence, plus de mobilité, plus de remise en question de nos stratégies.

Je le dis tout simplement : la France et la recherche sont attendus, elles ont proposé une vision du monde, elles ont forgé une confiance, un respect qui sont un vrai capital. Il ne s'agit pas d'en dilapider les intérêts, il est question bien au contraire de le régénérer et de l'augmenter.

A due proportion de cette conviction, il y a un doute, car de tout cela, je ne suis pas certain que ces dernières années la France ait toujours eu pleine conscience.

Notre potentiel est peut-être immense, encore faut-il le mobiliser, l'organiser et le solliciter de sorte qu'il donne le meilleur de lui-même. Surtout, son management, pour reprendre un terme de gestion maintenant bien français, doit être suffisamment précis et efficace pour qu'il ne cesse de se reconstituer, de se qualifier et d'entrer en bonne émulation avec celui de nos partenaires : qu'ils soient co-batisseurs de notre espace commun quotidien, je pense à l'Europe ; qu'ils soient nos concurrents, mais dans la recherche la concurrence est un puissant moteur de dépassement, je songe au monde anglo-saxon et surtout américain ; qu'ils soient enfin des pays en développement ou émergents,
d'Afrique, d'Asie du Sud-Est, d'Amérique latine, d'Europe de l'Est même, toute proche.

A l'adresse de ces derniers, le message est un peu particulier mais profond : pour que le développement ne soit ni un fardeau, ni une fatalité immédiate, il est question de convenir qu'il revient d'abord aux pays et aux régions considérées et à nul autre. Cela par conséquent ne saurait se faire sans des capacités nationales et régionales fortes, sans des seuils de réflexion et d'intelligence rapidement atteints et non importés de l'extérieur. Si nous ne faisons pas cela, d'autres eux le feront et n'hésiteront pas. Car la recherche est une des portes du développement et pas la moindre. Notre culture de la recherche doit par conséquent porter avec elle une certaine conception, celle d'un développement assumé et du respect de ses destinataires, et aucun faux pas n'est permis, nous le savons bien. D'ailleurs, les pays avec lesquels nous nous sentons en convenance n'auraient aucune peine à nous le faire sentir aujourd'hui.

Il faut en conclure immédiatement que la France et ses instituts de recherche doivent porter une attention très particulière à l'accueil des étudiants chercheurs, à leur formation, à leur intégration dans les grands réseaux de recherche, chez elle et dans les coopérations que l'Europe, la Francophonie,
les grandes institutions s'entendent à développer et entretenir.

Cela n'est certainement pas exclusif de l'exigence de qualité, bien au contraire. Pour les deux raisons que je viens d'indiquer, si nous n'avions pas cette rigueur, exprimée dans des contrats clairs, nous perdrions même sur les deux tableaux : la recherche française ne se mobiliserait pas, ou mal, et nos
concurrents, on le sait bien, prendraient la place, car chacun fait parfaitement le lien dans ce domaine entre la qualité, les résultats, l'influence et les produits qu'on en tire : sociaux, économiques, culturels,
politiques aussi.

J'ai de ces éléments si pleine conscience qu'il m'est apparu essentiel de plus parfaitement coordonner notre dépense et notre investissement dans la recherche dans deux cadres qu'on ne peut plus se permettre de disjoindre, et dont j'ai la responsabilité : je veux parler de notre coopération bilatérale avec le Sud et de la coopération multilatérale francophone dont mon Département est dans le domaine le tout premier contributeur au travers de l'AUPELF-UREF. Parce que les messages sont de même nature et les attentes identiques quoique distribuées dans des programmes qui ne nous engagent pas selon les mêmes modalités, j'ai demandé à ce que l'on veille avec beaucoup de soin à une étroite
complémentarité entre les deux et qu'ainsi on adresse à la communauté scientifique française et francophone des signes clairs, qu'elle sache comment se mobiliser, où sont nos enjeux, où sont nos valeurs, dont la façon de travailler donnera mieux le reflet.

Ce sentiment est d'ailleurs totalement partagé par le ministre des Affaires étrangères et celui de la Recherche et de la Technologie. Nous le faisons donc ensemble et en parfaite communauté de vue.

Pourquoi enfin se mobiliser sur la recherche et ses moyens si ce n'est pour trouver une bonne articulation entre notre capacité nationale et les grandes questions qui sollicitent aujourd'hui l'humanité ? La recherche doit être libre de ses mouvements pour être au meilleur d'elle-même. Cela ne signifie pas qu'on ne doive pas lui adresser les questions que l'Etat, la société se posent et qu'on veille ensemble à leur bonne traduction. Cela ne signifie pas non plus qu'on l'entrave lorsqu'on améliore avec elle ses formes d'organisation de sorte qu'elles soient au service des principes auxquels nous tenons : plus de mobilité pour plus d'intelligence dans la concurrence ; plus d'accueil pour construire les réseaux qui conforteront notre image ; plus de sollicitations pour innerver le réseau engagé dans la recherche fondamentale et appliquée.

Vous qui prenez vos fonctions, Monsieur le Président, et dont je salue aujourd'hui la récente nomination, je sais votre volonté de donner à l'institut l'élan dont nous avons besoin. Je sais que vous partagez nos convictions. Déjà un gros travail a été accompli. Il reste à lui donner sa cadence, son sens, et je dirai l'âme dont il a besoin pour que ce projet élaboré ces deux dernières années passe du schéma aux faits, de la structure au terrain et aux projets.

Le laboratoire que nous inaugurons aujourd'hui donne justement la dimension de cette entreprise, et je veux finir par là.

Car je n'ai pas parlé d'un constat qui me paraît dicter notre changement de stratégie. L'usure de notre dispositif de recherche pourrait bien venir au fond, si nous n'y prenions garde, de la négligence d'un fait pourtant d'évidence. Aucune problématique aujourd'hui n'est simple. La complexité est dans la nature des phénomènes. Et l'environnement, le développement durable, l'interaction entre milieux et sociétés dont traitera ERMES en sont un remarquable exemple. J'ai même le sentiment que depuis des années nous sommes dans cet écheveau, nous en connaissons les fils, nous devinons les relations qu'ils entretiennent entre eux, mais jusqu'ici à ma connaissance, on n'avait pas dit combien était indispensable une forte capacité interdisciplinaire pour augmenter notre compréhension. C'est chose faite. Et je rends hommage aux partenaires qui n'ont pas hésité à se joindre à l'Institut pour répondre à
cette urgence : la Région Centre et la Ville d'Orléans.

A elle deux et d'abord, elles consentent un investissement lourd qui dépasse celui de l'institut lui-même. C'est un geste extraordinairement significatif dont la contrepartie est claire : cette université et sa région en attendent un vrai rayonnement, une valorisation de leur site, une dimension internationale et je dirai même, les dividendes de ce que le laboratoire et son école doctorale produiront. L'implication de nos collectivités me parait dans ce cas adresser à l'Etat et aux établissements publics un message d'importance, qu'il faudra faire connaître à l'extérieur, De toute façon, il augmente considérablement ce que seule la puissance publique ne pourrait faire et
qu'elle ne veut plus faire seule.

L'action internationale de la France et j'y tiens, c'est maintenant un projet partagé par toute la communauté nationale.

Il me plaît de souligner que cette nouvelle unité est conçue à partir du principe d'ouverture et de partenariat auquel nous sommes attachés puisque l'habilitation qu'elle délivrera se fera en co-gestion de quatre universités, du Muséum national d'Histoire naturelle, de l'Ecole normale supérieure de
Fontenay St Cloud et de l'INPAG, aux côtés de l'institut.

ERMES, c'est donc un vrai contrat d'association. A lui seul, il montre que nous trouvons la bonne économie de forces intellectuelles, et d'institutions réunies pour produire face à des problématiques complexes qui nous intéressent éminemment, une pensée, une approche originale, une dynamique d'action à la mesure de l'enjeu et de nos ambitions internationales.

Je ne verrais, moi, que des avantages à l'ouvrir encore, vers des partenaires essentiels à notre action au Sud : l'Amérique latine par exemple, l'Asie du Sud-Est ont à connaître des questions d'environnement et de développement durable. Il faut leur répondre et nous le ferons, de manière pertinente si leurs chercheurs travaillent avec vous sur ces thèmes d'intérêt commun.

Pour ma part, j'étudierai, dans le droit fil des partenariats que nous avons commencé d'édifier avec le Sud, les modalités d'investissement qui permettront à ERMES de remplir sa mission, notamment en soutenant le flux de chercheurs du Sud dont les projets entreront en résonance avec lui.



Voilà mes convictions. Cette inauguration est une étape heureuse pour la recherche française et c'est une bonne nouvelle pour le Sud. Plein succès à ERMES donc, et ... bon vent à notre Institut.

Je vous remercie./.
( source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 février 2002)