Texte intégral
Bonjour, avec Charles Pasqua ce matin nous allons parler du quinquennat puisque c'est aujourd'hui qu'a lieu le débat à l'Assemblée Nationale. Charles Pasqua, bonjour.
Bonjour.
Alors on a compris que vous étiez franchement contre le quinquennat
Oui, cela me paraît évident.
Les Français, eux, sont plutôt pour. Comment vous l'expliquez ?
Parce que pour le moment le débat n'a pas eu lieu, qu'on ne leur a pas expliqué de quoi il s'agissait, que finalement la réduction d'un mandat, cela paraît logique, cela peut aller de soi, mais naturellement, on n'en mesure pas toutes les conséquences.
Le propre du référendum, s'il a lieu, ce que je souhaite, ce à quoi le président de la République s'est engagé, c'est justement de permettre ce débat. Or, la réduction du mandat du Président de la République à cinq ans va changer complètement la nature des choses.
C'est vrai, il y a une certaine hypocrisie à dire : on se contente de réduire la durée du mandat, on sait que c'est disons un premier pas vers la présidentialisation.
L'évolution peut se faire dans deux sens différents. Ceux qui sont logiques sont ceux qui disent : nous sommes pour la présidentialisation du régime donc la réduction du mandat à cinq ans, suppression du poste de Premier Ministre, on retire au Président le droit de dissolution, le Gouvernement n'est plus responsable devant l'Assemblée.
C'est ce que dit, par exemple, Philippe Séguin qui est contre la formule actuelle.
Oui et ce n'est pas seulement Philippe Séguin, c'est aussi Monsieur Chevènement et quelques autres.
Je ne crois pas du tout que ce système, que ce régime qui est un régime directement inspiré du système américain puisse convenir au peuple français.
Les institutions de la cinquième République ont fait la preuve de leur souplesse, de leur capacité d'adaptation, mais en même temps, elles assurent la stabilité du pouvoir exécutif et quel est le problème réel ?
C'est qu'en élisant le Président de la République pour sept ans, en déconnectant cette élection de l'élection des députés, on donne au Président de la République une assise beaucoup plus large, il devient l'élu d'une majorité absolue de Français et c'est de cela qu'il tire sa légitimité.
Oui, mais cela a aussi des inconvénients, puisque précisément cela fabrique de la cohabitation et que la cohabitation vous dites que ce n'est pas bien.
Oui, mais ce n'est pas cela qui fabrique de la cohabitation. Ce qui fabrique de la cohabitation, c'est le refus des présidents de la République de ne pas appliquer l'esprit de la Constitution.
C'est-à-dire qu'il aurait fallu qu'ils se retirent à chaque fois
Si le Président de la République est désavoué lors d'une élection législative, la logique c'est qu'il démissionne, qu'il remette son mandat en jeu devant les Français
Ce qu'aurait dû faire François Mitterrand et ce qu'aurait dû faire Jacques Chirac.
Oui bien sûr, est ce que c'est bien ce que vous avez voulu ? Bon, à ce moment-là, le peuple souverain est libre de faire ce qu'il veut.
Mais les Français sont peut-être attachés justement à la cohabitation.
Divers sondages ont eu lieu, moi je n'accorde aux sondages que l'importance qu'ils méritent, ce qui est intéressant, ce sont les enquêtes d'opinion qui vont un peu plus en profondeur.
Les Français savent, parce que les Français sont gré à Jacques Chirac et à Lionel Jospin de ne pas s'affronter en permanence, mais dans le même temps, ils savent bien que ce système est détestable parce qu'il conduit à une dyarchie de l'exécutif et à un compromis permanent, ce qui ne permet pas de traiter les grands problèmes.
Mais Charles Pasqua franchement, cette Constitution, il faut la garder en état, il n'y a rien à y retoucher, elle est parfaite ?
La Constitution, ce n'est pas les tables de la loi, ce n'est pas gravé dans le marbre, mais avant de toucher à la Constitution, il faut y réfléchir à deux fois.
En tous les cas, la mesure qui nous est proposée ouvre la porte à l'aventure, soit une présidentialisation des régimes, soit un retour à la prédominance de l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire au régime des partis. Et en ce sens, ça n'est pas bon pour la France.
Vous êtes choqué quand Jacques Chirac dit, " voilà le texte, on discute à l'Assemblée mais de toute façon, il ne faut pas qu'il y est d'amendement et il y aura peut-être un référendum après " ?
Je crois que Jacques Chirac se rend compte qu'en acceptant la réduction du mandat à cinq ans, il a ouvert la boîte de Pandore, alors dans le même temps il essaye de la refermer, et pour la refermer il ne faut pas qu'il y ait d'amendement, etc, ce qui ne peut que heurter les parlementaires, ce qui verrouille le système, ce qui a comme conséquence de donner le sentiment que tout est fait à l'avance entre Jospin et Jacques Chirac.
Il faut une grande campagne, il faut effectivement qu'il y ait une grande campagne au-delà de l'Assemblée, avec les Français et un référendum.
Tout à fait, c'est indispensable, c'est ce qu'on appelle la démocratie.
Je note d'ailleurs au passage que Jacques Chirac, dont une des premières mesures, lorsqu'il a été élu Président de la République, a été d'élargir le champ de compétences du référendum, mais on ne l'a jamais fait. Alors voilà une bonne occasion de consulter les Français.
Si ces conditions là sont réunies, si effectivement il y a débat à l'Assemblée, donc opinion publique et référendum, évidemment vous, vous respecterez le jugement des urnes si je puis dire.
Bien entendu, cela va de soi, mais je ferais tout ce que je peux et je ne serais pas le seul d'ailleurs, parce qu'on parles de la position que je prends, mais je ne suis pas le seul à prendre cette position quand je dis que je suis contre le quinquennat sec, quand je dis que je suis contre cette réforme, c'est aussi la position de Raymond Barre, c'est celle de Jacques Delors, c'est celle de Pierre Mauroy, c'est celle d'un certain nombre de députés UDF, c'est ce que pensent au fond de leur cur beaucoup de parlementaires RPR dont je voudrais bien, que pour une fois, ils se déterminent en fonction de l'intérêt général, de ce qu'ils pensent réellement et pas seulement en fonction de leur allégeance envers Jacques Chirac, ce qui est bien mais qui n'est pas suffisant pour justifier une attitude qui, en définitive, ne va pas dans le sens de l'intérêt national.
Merci Charles Pasqua d'avoir été avec nous ce matin, très bonne journée à vous.
Merci à vous.
(source http://www.rpfie.org, le 15 juin 2000)
Bonjour.
Alors on a compris que vous étiez franchement contre le quinquennat
Oui, cela me paraît évident.
Les Français, eux, sont plutôt pour. Comment vous l'expliquez ?
Parce que pour le moment le débat n'a pas eu lieu, qu'on ne leur a pas expliqué de quoi il s'agissait, que finalement la réduction d'un mandat, cela paraît logique, cela peut aller de soi, mais naturellement, on n'en mesure pas toutes les conséquences.
Le propre du référendum, s'il a lieu, ce que je souhaite, ce à quoi le président de la République s'est engagé, c'est justement de permettre ce débat. Or, la réduction du mandat du Président de la République à cinq ans va changer complètement la nature des choses.
C'est vrai, il y a une certaine hypocrisie à dire : on se contente de réduire la durée du mandat, on sait que c'est disons un premier pas vers la présidentialisation.
L'évolution peut se faire dans deux sens différents. Ceux qui sont logiques sont ceux qui disent : nous sommes pour la présidentialisation du régime donc la réduction du mandat à cinq ans, suppression du poste de Premier Ministre, on retire au Président le droit de dissolution, le Gouvernement n'est plus responsable devant l'Assemblée.
C'est ce que dit, par exemple, Philippe Séguin qui est contre la formule actuelle.
Oui et ce n'est pas seulement Philippe Séguin, c'est aussi Monsieur Chevènement et quelques autres.
Je ne crois pas du tout que ce système, que ce régime qui est un régime directement inspiré du système américain puisse convenir au peuple français.
Les institutions de la cinquième République ont fait la preuve de leur souplesse, de leur capacité d'adaptation, mais en même temps, elles assurent la stabilité du pouvoir exécutif et quel est le problème réel ?
C'est qu'en élisant le Président de la République pour sept ans, en déconnectant cette élection de l'élection des députés, on donne au Président de la République une assise beaucoup plus large, il devient l'élu d'une majorité absolue de Français et c'est de cela qu'il tire sa légitimité.
Oui, mais cela a aussi des inconvénients, puisque précisément cela fabrique de la cohabitation et que la cohabitation vous dites que ce n'est pas bien.
Oui, mais ce n'est pas cela qui fabrique de la cohabitation. Ce qui fabrique de la cohabitation, c'est le refus des présidents de la République de ne pas appliquer l'esprit de la Constitution.
C'est-à-dire qu'il aurait fallu qu'ils se retirent à chaque fois
Si le Président de la République est désavoué lors d'une élection législative, la logique c'est qu'il démissionne, qu'il remette son mandat en jeu devant les Français
Ce qu'aurait dû faire François Mitterrand et ce qu'aurait dû faire Jacques Chirac.
Oui bien sûr, est ce que c'est bien ce que vous avez voulu ? Bon, à ce moment-là, le peuple souverain est libre de faire ce qu'il veut.
Mais les Français sont peut-être attachés justement à la cohabitation.
Divers sondages ont eu lieu, moi je n'accorde aux sondages que l'importance qu'ils méritent, ce qui est intéressant, ce sont les enquêtes d'opinion qui vont un peu plus en profondeur.
Les Français savent, parce que les Français sont gré à Jacques Chirac et à Lionel Jospin de ne pas s'affronter en permanence, mais dans le même temps, ils savent bien que ce système est détestable parce qu'il conduit à une dyarchie de l'exécutif et à un compromis permanent, ce qui ne permet pas de traiter les grands problèmes.
Mais Charles Pasqua franchement, cette Constitution, il faut la garder en état, il n'y a rien à y retoucher, elle est parfaite ?
La Constitution, ce n'est pas les tables de la loi, ce n'est pas gravé dans le marbre, mais avant de toucher à la Constitution, il faut y réfléchir à deux fois.
En tous les cas, la mesure qui nous est proposée ouvre la porte à l'aventure, soit une présidentialisation des régimes, soit un retour à la prédominance de l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire au régime des partis. Et en ce sens, ça n'est pas bon pour la France.
Vous êtes choqué quand Jacques Chirac dit, " voilà le texte, on discute à l'Assemblée mais de toute façon, il ne faut pas qu'il y est d'amendement et il y aura peut-être un référendum après " ?
Je crois que Jacques Chirac se rend compte qu'en acceptant la réduction du mandat à cinq ans, il a ouvert la boîte de Pandore, alors dans le même temps il essaye de la refermer, et pour la refermer il ne faut pas qu'il y ait d'amendement, etc, ce qui ne peut que heurter les parlementaires, ce qui verrouille le système, ce qui a comme conséquence de donner le sentiment que tout est fait à l'avance entre Jospin et Jacques Chirac.
Il faut une grande campagne, il faut effectivement qu'il y ait une grande campagne au-delà de l'Assemblée, avec les Français et un référendum.
Tout à fait, c'est indispensable, c'est ce qu'on appelle la démocratie.
Je note d'ailleurs au passage que Jacques Chirac, dont une des premières mesures, lorsqu'il a été élu Président de la République, a été d'élargir le champ de compétences du référendum, mais on ne l'a jamais fait. Alors voilà une bonne occasion de consulter les Français.
Si ces conditions là sont réunies, si effectivement il y a débat à l'Assemblée, donc opinion publique et référendum, évidemment vous, vous respecterez le jugement des urnes si je puis dire.
Bien entendu, cela va de soi, mais je ferais tout ce que je peux et je ne serais pas le seul d'ailleurs, parce qu'on parles de la position que je prends, mais je ne suis pas le seul à prendre cette position quand je dis que je suis contre le quinquennat sec, quand je dis que je suis contre cette réforme, c'est aussi la position de Raymond Barre, c'est celle de Jacques Delors, c'est celle de Pierre Mauroy, c'est celle d'un certain nombre de députés UDF, c'est ce que pensent au fond de leur cur beaucoup de parlementaires RPR dont je voudrais bien, que pour une fois, ils se déterminent en fonction de l'intérêt général, de ce qu'ils pensent réellement et pas seulement en fonction de leur allégeance envers Jacques Chirac, ce qui est bien mais qui n'est pas suffisant pour justifier une attitude qui, en définitive, ne va pas dans le sens de l'intérêt national.
Merci Charles Pasqua d'avoir été avec nous ce matin, très bonne journée à vous.
Merci à vous.
(source http://www.rpfie.org, le 15 juin 2000)