Interview de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle de 2002, à La Chaîne info le 15 octobre 2001, sur sa cinquième campagne comme candidate à l'élection présidentielle, et sur le terrorisme.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral


A. Hausser En lançant votre campagne ce week-end, vous avez disputé la vedette à N. Mamère. Vous avez dit : "Chez nous, il n'y a pas besoin de référendum". Vous êtes la candidate naturelle de Lutte ouvrière. Quand vous voyez ce qui s'est passé chez les Verts, qu'est-ce que cela vous inspire comme réflexion ? Que trop de démocratie nuit ?
- "Non, il faut la démocratie et d'ailleurs, à Lutte ouvrière, ce n'est pas seulement lors de rencontres ou de référendum, mais c'est toute l'année que mes camarades auraient pu, s'ils l'avaient souhaité, dire qu'ils ne voulaient pas de moi comme candidate. Et comme vous le dites, cela s'est fait assez naturellement et sans problème."
On n'a pas voté ?
- "Nous avons des congrès tous les ans et c'était déjà décidé depuis un petit moment que je serai à nouveau candidate."
Alors, N. Mamère est-il un bon concurrent ?
- "Je n'ai pas à m'immiscer dans le fonctionnement des Verts. Ce Parti a ses règles. Pour moi, que ce soit Lipietz ou Mamère, ce que j'ai envie de juger, c'est la politique des Verts. Or, les Verts participent au gouvernement Jospin, au gouvernement de la gauche plurielle, et à ce titre-là, finalement, ils cautionnent ce que j'appelle "une politique anti-ouvrière et pro-patronale" de ce Gouvernement, qui ne fait absolument rien pour protéger les travailleurs des milliers de licenciements qui ont cours en ce moment dans ce pays."
Point à la ligne, c'est tout ?
-"C'est tout ce que j'ai à dire sur les Verts. Pour le reste, je ne sais pas si des électeurs Verts partagent mon souci par rapport à cette situation, qui est faite au monde du travail. Je n'en sais rien. Ce que sais en tout cas, c'est que je ne mettrai pas d'eau dans mon vin, et que si je fais un bon score, cela sera sur mes positions, sur ma politique."
Leurs préoccupations - les OGM, tout cela... - ne sont pas les vôtres ?
- "Bien sûr que ce sont des préoccupations qui touchent tout le monde. La place des transports en commun dans la ville, les OGM, la situation de la petite paysannerie, beaucoup de choses, bien sûr, nous préoccupent aussi."
Pour en revenir à votre candidature, pensez-vous parfois à votre succession ? C'est votre cinquième campagne...
- "Non, je n'y pense pas, parce que je sais que si la maladie ou quelque chose devait m'empêcher d'être le porte-parole et là, en l'occurrence, la candidate de Lutte ouvrière, la relève est assurée. Elle est assurée depuis longtemps, en ce sens que des dizaines de camarades, hommes ou femmes..."
On ne les connaît pas...
-"Mais si, on les connaît."
On connaît un peu les députés européens...
- "Oui, les députés européens, beaucoup sont des élus régionaux, dans les conseils régionaux, qui sont aussi bien souvent les porte-parole de LO au niveau local et qui pourraient tout à fait l'être au niveau national, si la nécessité s'en faisait sentir. Mais je crois et je l'ai vu, lors de mon meeting à la Mutualité, où nous avons rassemblé 2.000 militants et sympathisants, je crois que mes camarades sont partants pour me soutenir à fond et je suis aussi partante pour relayer leurs efforts. Parce qu'on peut pas être candidate aux élections présidentielles sans avoir, bien sûr, des relais dans tout le pays."
Vous parlez de votre candidature, de vos relais. Avez-vous des inquiétudes pour vos 500 signatures cette année ?
- "Pas d'inquiétudes, je ne les ai pas encore, c'est un travail qui demande du temps. Mes camarades sont sur le terrain vont discuter avec les maires, longuement."
Mais vous les aurez, vous en êtes sûre, il n'y a pas de problème ?
- "J'en suis sûre. Je les ai eues, ces 500 signatures, à chaque scrutin. Et comme je disais, effectivement, jamais quatre sans cinq, je suis sûre de les avoir."
A propos de scrutin, vous êtes élue des Lilas, en Seine-Saint-Denis...
- "Je ne me suis pas représentée comme conseillère municipale, puisque je suis élue de la Seine-Saint-Denis, au Conseil régional d'Ile-de-France."
Que pensez-vous de l'arrivée d'E. Guigou dans votre département ?
- "D'une certaine façon, après tout, qu'elle entende de près ce que les habitants de Seine-Saint-Denis ont à reprocher au Gouvernement, cela lui fera peut-être du bien, parce que c'est un département qui souffre beaucoup. Non seulement pour le problème de l'emploi, pour le problème aussi des cités populaires, où il y a des difficultés de vivre énormes. D'ailleurs, souvent, c'est lié à des taux de chômage importants. Donc, qu'elle aille donc voir cela de près."
Très bien. Vous condamnez à la fois le terrorisme et les bombardements. Que dites-vous lorsque vous voyez que les Français sont en majorité favorables à un engagement militaire plus important de la France ?
- "Je pense qu'ils ont tort. Je suis tout à fait contre les frappes qui sont menées par les Etats-Unis actuellement sur le peuple afghan."
Vous avez manifesté pour le dire.
- "Oui, j'ai manifesté pour le dire. Evidemment, je condamne le terrorisme, tous les terrorismes et en particulier celui de Ben Laden, qui emploie des méthodes absolument abjectes, pour une cause complètement réactionnaire et moyenâgeuse. Mais lorsque monsieur Bush envoie des bombes sur la population afghane, qui tuent des femmes qui pourtant subissent l'oppression des taliban, qui tuent les hommes, des enfants, c'est une forme de terrorisme d'Etat. Je ne crois pas que ce soit de nature à vaincre le terrorisme. Je crois, au contraire, que cela va créer encore plus de haine dans un certain nombre de pays, en particulier pauvres, contre l'impérialisme américain. Il ne faut absolument continuer ces frappes. J'ai tout autant de compassion pour les morts afghans que pour les morts américains, anglais ou autres qui étaient dans les tours du World Trade Center."
Avez-vous peur du terrorisme biologique, biochimique ?
- "Il ne faut pas céder à la psychose. D'abord, même le gouvernement américain se garde bien de faire un lien entre le terrorisme de Ben Laden et..."
Les liens se précisent quand même...
- "Oui, mais vous savez, des fous qui ont utilisé ce genre d'armes, il y en a toujours eus malheureusement - des lettres piégées, des lettres qui contiennent des produits dangereux. Donc, il faut là aussi se garder de toute psychose à cet égard, même s'il faut être, bien sûr, vigilants. Mais cette psychose finalement, c'est une espèce de contrecoup de ces frappes en Afghanistan. Parce que la population américaine va vivre maintenant, c'est vrai, dans l'angoisse, dans l'insécurité. Pas seulement la population américaine, mais dans toutes les grandes puissances..."
Vous voulez dire que c'est bien fait pour elle ?
- "Non, certainement pas ! Je n'ai jamais confondu les peuples avec leurs dirigeants."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 24 octobre 2001)