Texte intégral
Q - Charles Josselin, bonjour. Trois cents soldats français sont déjà sur place à Kaboul, cinq cents prévus au total, ce n'est pas beaucoup quand même ?
R - Nous sommes dans une phase de montée en puissance et le contingent français, au total, va être plus important dans les forces internationales prévues pour la sécurité de Kaboul.
Q - Est-ce que les soldats français ne vont pas faire surtout de la figuration dans les rues de Kaboul ?
R - Les Afghans en attendent un appui au gouvernement transitoire, à la sécurité des institutions internationales, des lieux publics, pas la police dans les rues. C'est en tout cas ce que le ministre de la Défense me rappelait avec quelque insistance lorsque je suis allé là-bas.
Q - C'est l'Angleterre qui pilote, pour l'instant, cette force internationale d'assistance à la sécurité. On dit que la Turquie pourrait prendre la suite. Pourquoi la France n'est-elle pas candidate à diriger cette force ?
R - Parce que l'Angleterre s'est spontanément portée candidate. Je pense que la question des langues a un peu joué et puis la Turquie, tout naturellement, parce qu'il semblait important que des pays de la zone puissent s'y impliquer davantage. La France continuera à suivre de près la situation et notre présence va durer au-delà des trois mois dont il était question.
Q - On a vu Tony Blair se rendre sur place, à Kaboul. Est-ce que Lionel Jospin ira, à son tour, rendre visite aux soldats français ? Est-ce que vous lui conseillez ?
R - Je pense que si son agenda le lui permet, ce serait bien. Reste que nous sommes à cent jours maintenant d'une échéance importante et s'il se confirme qu'il est candidat, il risque d'avoir un programme hexagonal très chargé.
Q - Le lycée français a rouvert ses portes, lundi, à Kaboul. Est-ce un simple symbole ou un vrai retour de la coopération française ?
R - C'est un lycée dont la première pierre avait été posée par Georges Pompidou, dont l'inauguration avait été faite en présence de M. Haby, ministre de l'Education nationale avec M. Giscard d'Estaing comme président. Le français y est important et nous avons, je l'ai dit lorsque je suis passé à Kaboul, l'obligation d'être acteur de cette réouverture. Je suis heureux qu'on ait pu déjà, dans les courants d'air, commencer à y accueillir à nouveau les garçons qui le fréquentaient, heureux aussi qu'une mission d'expertise française, comprenant des spécialistes de l'éducation, soit sur place en ce moment même. Il reste à faire revenir dans ce lycée les enseignants qui lui manquent encore et là, c'est également la responsabilité de la diaspora afghane. Une partie de celle-ci est en France et nous nous employons à l'identifier pour l'aider au retour. Dans ce domaine comme dans quelques autres, ce sont les Afghans qui reconstruiront ce pays.
Q - L'avenir de l'Afghanistan va se jouer aussi dans une dizaine de jours à Tokyo, avec un sommet dont on ne sait pas trop s'il va parler de politique ou simplement de reconstruction économique.
R - On imagine bien qu'il puisse y avoir un aspect politique du fait de la personnalité des participants. Je pense non seulement à M. Karzaï, le nouveau président du gouvernement de transition ; je pense à MM. Kofi Annan, Colin Powell, à plusieurs autres. Mais, on va y reparler beaucoup de reconstruction, puisque aussi bien les pays bailleurs de fonds mais aussi les grandes institutions internationales, la Banque mondiale, la Banque islamique de développement, la Banque asiatique de développement, le PNUD, les grandes organisations onusiennes, seront présentes. Et c'est là que nous allons prendre connaissance du plan que les Afghans eux-mêmes sont en train de préparer.
Q - Charles Josselin, après Tokyo, vous partirez à la fin du mois au Brésil, à Porto Alegre, pour le Sommet de l'Antimondialisation. Le gouvernement français serait-il opposé à la mondialisation ?
R - Ce forum se décline en plusieurs séquences : il y a une séquence avec les élus qui va cibler leur rôle dans le développement.
Q - C'est à celle-là que vous vous rendez ?
R - C'est à celle-là laquelle je vais participer. Il y aura le forum social proprement dit. On y attend soixante mille personnes, ce qui est tout à fait considérable. Il y aura par ailleurs un forum pour les parlementaires. Dans ce forum social, il y a sans doute les radicaux qui remettent en cause le principe même de la mondialisation, ce qui est aussi vain que de vouloir s'opposer au cours d'un fleuve et de vouloir l'inverser. Et il y a surtout un nombre important, et là je m'y retrouve totalement, de militants qui entendent maîtriser cette mondialisation, la réguler, l'humaniser comme on dit. C'est sur ces créneaux-là que nous allons nous situer. Je suis heureux d'aller à Porto Alegre, quelques mois avant une conférence très différente, qui se tiendra celle-là au Mexique, sur le financement du développement, car il y a là un continuum qui me paraît tout à fait essentiel.
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Q - Selon un sondage IPSOS pour l'organisation non-gouvernementale "Equilibre et population", neuf parlementaires sur dix, en France, trouvent insuffisante l'aide de la France aux pays en voie de développement. Vous les entendez ?
R - C'est une bonne nouvelle. Cela veut dire que l'on n'oppose plus la Corrèze au Zambèze, pour reprendre une expression célèbre. Je crois, en effet, qu'il y a un intérêt croissant pour l'international de la part de notre population, peut-être parce que les gens se rendent bien compte que c'est à l'international qu'il y a des réponses à quelques grandes questions qui sont posées, y compris des questions de sécurité. Il reste que nous avons dû, pour faire l'euro, répondre à un certain nombre de contraintes budgétaires et financières. J'espère bien que nous allons pouvoir reprendre une augmentation de l'aide publique au développement, qui est nécessaire, même si ce n'est pas seulement une question de volume mais aussi d'efficacité.
Q - Demain s'ouvre à Paris un Sommet de la Francophonie. S'agit-il de remplacer celui de Beyrouth qui avait été annulé en octobre ?
R - Non, ce n'est pas un sommet. Demain, c'est une conférence ministérielle mais qui va devoir, en quelque sorte, prendre des décisions en lieu et place d'un sommet. Celui-ci n'a pas pu se tenir à Beyrouth, pour les raisons que vous savez. On va prendre acte du prolongement du mandat du Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali. On va élire pour quatre ans le directeur de l'Agence. On va prendre un certain nombre de décisions budgétaires. On va enfin décider de la réforme du Haut Conseil de la Francophonie. Mais je ne vais pas entrer dans le détail. Nous aurons sans doute d'autres occasions ; c'est en tout cas une rencontre importante où cinquante et un représentants des pays membres de la Francophonie vont pouvoir parler. C'est important actuellement, du dialogue des cultures dans lequel la Francophonie entend prendre toute sa place.
Q - Charles Josselin, merci
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2002)
R - Nous sommes dans une phase de montée en puissance et le contingent français, au total, va être plus important dans les forces internationales prévues pour la sécurité de Kaboul.
Q - Est-ce que les soldats français ne vont pas faire surtout de la figuration dans les rues de Kaboul ?
R - Les Afghans en attendent un appui au gouvernement transitoire, à la sécurité des institutions internationales, des lieux publics, pas la police dans les rues. C'est en tout cas ce que le ministre de la Défense me rappelait avec quelque insistance lorsque je suis allé là-bas.
Q - C'est l'Angleterre qui pilote, pour l'instant, cette force internationale d'assistance à la sécurité. On dit que la Turquie pourrait prendre la suite. Pourquoi la France n'est-elle pas candidate à diriger cette force ?
R - Parce que l'Angleterre s'est spontanément portée candidate. Je pense que la question des langues a un peu joué et puis la Turquie, tout naturellement, parce qu'il semblait important que des pays de la zone puissent s'y impliquer davantage. La France continuera à suivre de près la situation et notre présence va durer au-delà des trois mois dont il était question.
Q - On a vu Tony Blair se rendre sur place, à Kaboul. Est-ce que Lionel Jospin ira, à son tour, rendre visite aux soldats français ? Est-ce que vous lui conseillez ?
R - Je pense que si son agenda le lui permet, ce serait bien. Reste que nous sommes à cent jours maintenant d'une échéance importante et s'il se confirme qu'il est candidat, il risque d'avoir un programme hexagonal très chargé.
Q - Le lycée français a rouvert ses portes, lundi, à Kaboul. Est-ce un simple symbole ou un vrai retour de la coopération française ?
R - C'est un lycée dont la première pierre avait été posée par Georges Pompidou, dont l'inauguration avait été faite en présence de M. Haby, ministre de l'Education nationale avec M. Giscard d'Estaing comme président. Le français y est important et nous avons, je l'ai dit lorsque je suis passé à Kaboul, l'obligation d'être acteur de cette réouverture. Je suis heureux qu'on ait pu déjà, dans les courants d'air, commencer à y accueillir à nouveau les garçons qui le fréquentaient, heureux aussi qu'une mission d'expertise française, comprenant des spécialistes de l'éducation, soit sur place en ce moment même. Il reste à faire revenir dans ce lycée les enseignants qui lui manquent encore et là, c'est également la responsabilité de la diaspora afghane. Une partie de celle-ci est en France et nous nous employons à l'identifier pour l'aider au retour. Dans ce domaine comme dans quelques autres, ce sont les Afghans qui reconstruiront ce pays.
Q - L'avenir de l'Afghanistan va se jouer aussi dans une dizaine de jours à Tokyo, avec un sommet dont on ne sait pas trop s'il va parler de politique ou simplement de reconstruction économique.
R - On imagine bien qu'il puisse y avoir un aspect politique du fait de la personnalité des participants. Je pense non seulement à M. Karzaï, le nouveau président du gouvernement de transition ; je pense à MM. Kofi Annan, Colin Powell, à plusieurs autres. Mais, on va y reparler beaucoup de reconstruction, puisque aussi bien les pays bailleurs de fonds mais aussi les grandes institutions internationales, la Banque mondiale, la Banque islamique de développement, la Banque asiatique de développement, le PNUD, les grandes organisations onusiennes, seront présentes. Et c'est là que nous allons prendre connaissance du plan que les Afghans eux-mêmes sont en train de préparer.
Q - Charles Josselin, après Tokyo, vous partirez à la fin du mois au Brésil, à Porto Alegre, pour le Sommet de l'Antimondialisation. Le gouvernement français serait-il opposé à la mondialisation ?
R - Ce forum se décline en plusieurs séquences : il y a une séquence avec les élus qui va cibler leur rôle dans le développement.
Q - C'est à celle-là que vous vous rendez ?
R - C'est à celle-là laquelle je vais participer. Il y aura le forum social proprement dit. On y attend soixante mille personnes, ce qui est tout à fait considérable. Il y aura par ailleurs un forum pour les parlementaires. Dans ce forum social, il y a sans doute les radicaux qui remettent en cause le principe même de la mondialisation, ce qui est aussi vain que de vouloir s'opposer au cours d'un fleuve et de vouloir l'inverser. Et il y a surtout un nombre important, et là je m'y retrouve totalement, de militants qui entendent maîtriser cette mondialisation, la réguler, l'humaniser comme on dit. C'est sur ces créneaux-là que nous allons nous situer. Je suis heureux d'aller à Porto Alegre, quelques mois avant une conférence très différente, qui se tiendra celle-là au Mexique, sur le financement du développement, car il y a là un continuum qui me paraît tout à fait essentiel.
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Q - Selon un sondage IPSOS pour l'organisation non-gouvernementale "Equilibre et population", neuf parlementaires sur dix, en France, trouvent insuffisante l'aide de la France aux pays en voie de développement. Vous les entendez ?
R - C'est une bonne nouvelle. Cela veut dire que l'on n'oppose plus la Corrèze au Zambèze, pour reprendre une expression célèbre. Je crois, en effet, qu'il y a un intérêt croissant pour l'international de la part de notre population, peut-être parce que les gens se rendent bien compte que c'est à l'international qu'il y a des réponses à quelques grandes questions qui sont posées, y compris des questions de sécurité. Il reste que nous avons dû, pour faire l'euro, répondre à un certain nombre de contraintes budgétaires et financières. J'espère bien que nous allons pouvoir reprendre une augmentation de l'aide publique au développement, qui est nécessaire, même si ce n'est pas seulement une question de volume mais aussi d'efficacité.
Q - Demain s'ouvre à Paris un Sommet de la Francophonie. S'agit-il de remplacer celui de Beyrouth qui avait été annulé en octobre ?
R - Non, ce n'est pas un sommet. Demain, c'est une conférence ministérielle mais qui va devoir, en quelque sorte, prendre des décisions en lieu et place d'un sommet. Celui-ci n'a pas pu se tenir à Beyrouth, pour les raisons que vous savez. On va prendre acte du prolongement du mandat du Secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali. On va élire pour quatre ans le directeur de l'Agence. On va prendre un certain nombre de décisions budgétaires. On va enfin décider de la réforme du Haut Conseil de la Francophonie. Mais je ne vais pas entrer dans le détail. Nous aurons sans doute d'autres occasions ; c'est en tout cas une rencontre importante où cinquante et un représentants des pays membres de la Francophonie vont pouvoir parler. C'est important actuellement, du dialogue des cultures dans lequel la Francophonie entend prendre toute sa place.
Q - Charles Josselin, merci
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2002)