Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, on parle beaucoup ici de la dette extérieure, il y a même un tribunal qui va être organisé ici ; la France est-elle favorable à l'effacement de la dette des pays pauvres ?
R - Non seulement elle y est favorable, mais elle a déjà commencé à mettre en oeuvre l'effacement de la dette. Parallèlement à l'effacement de la dette multilatérale (initiative PPTE qui concerne les pays pauvres très endettés), que la France a porté, nous avons fait le choix d'effacer la dette bilatérale avec les pays en question. Nous avons commencé avec le Mozambique, qui est le premier à avoir atteint le point d'achèvement, bientôt ce sera le Cameroun et la Mauritanie. Nous avons même imaginé une procédure particulière qui consiste à passer un contrat que nous appelons le désendettement-développement. Ce contrat est placé sous la responsabilité de notre ambassadeur dans le pays en question, et au terme duquel la France efface la totalité de sa dette bilatérale avec les pays en question. La question de la dette, pour autant, ne sera pas réglée, même lorsqu'on aura réglé la question des PMA, parce-qu'en fait, il s'agit des pays très pauvres et très endettés. Il y en a d'autres qui sont un peu moins pauvres, mais qui sont aussi très endettés...
Q - Comme l'Argentine par exemple
R - ... et pour ceux-là, il va falloir inventer d'autres procédures, souvent les sommes en question sont considérables.
L'autre interpellation est la suivante : dès lors qu'un pays voit ses dettes effacées, la question est de savoir s'il peut à nouveau en contracter. Certains, d'ailleurs, ont hésité à se lancer dans la procédure que je décrivais à l'instant, en craignant que, bénéficiant de l'effacement de la dette, ils n'aient plus le droit d'avoir accès aux crédits, ce qui est quand même un obstacle pour leur développement. Nous sommes en train de réfléchir à un système qui permettrait tout à la fois d'effacer la dette, mais de ne pas interdire à ces pays d'avoir accès, à des taux évidemment très préférentiels, à certains crédits. Je ne suis pas surpris que Porto Alegre soit l'occasion de poser avec force la question de l'endettement des pays pauvres.
Q - Combien ça coûte à la France d'effacer la dette de ces pays ?
R - Ecoutez, dans le cas de l'initiative que j'évoquais, ça va nous coûter 10 milliards d'euros, pour les 10 ans qui viennent. Je disais tout à l'heure, pour commencer avec le Mozambique, bientôt le Cameroun, ensuite la Mauritanie, et d'autres pays qui vont progressivement atteindre le point d'achèvement dans le cadre de cette procédure que je décrivais à l'instant.
Q - Quant à un autre grand thème ici, c'est celui de la taxation des transactions financières, la fameuse taxe Tobin qui est défendu par ATTAC. La France s'y dit maintenant favorable mais il parait difficile de convaincre au niveau international.
R - Il est clair que cette taxation internationale revient en quelque sorte pour le monde à s'assurer. Le monde est-il prêt à payer le prix de sa sécurité ? C'est un peu comme cela que nous jugeons le problème. Il me semble que pour assurer un financement durable du développement, et notamment des biens publics mondiaux, il faudrait une taxation internationale assise sur des éléments de fait, et non plus seulement sur des appréciations politiques. Nous préconisons en effet une taxation qui ne serait pas seulement assise sur les transactions financières, mais pourquoi pas aussi sur la pollution, pourquoi pas sur le commerce des armes ? Nous ne pensons pas que ceci va être évidemment mis en oeuvre instantanément ; il va falloir du temps pour réfléchir, regarder quels moyens de contrôle nous devons mettre en oeuvre pour y arriver. Le principal obstacle à la taxe Tobin, c'est le blanchiment d'argent, parce que la taxe Tobin revient en quelque sorte à taxer les transactions visibles, officielles, légales, et à encourager en quelque sorte les transactions occultes à se développer. Il faut donc des moyens de contrôle importants mais il faut aussi que tout le monde y aille. On ne peut pas imaginer que les Européens soient les seuls à s'imposer de nouvelles contraintes, invitant en quelque sorte les capitaux à aller ailleurs. Ce n'est pas non plus satisfaisant, et il y a un acteur important auquel beaucoup pensent ici à Porto Alegre, ce sont les Etats-Unis d'Amérique.
Q - La France va porter prochainement ce message dans un forum international ?
R - Il y a deux moments dans le calendrier 2002 qui sont propices à débattre de ces questions : c'est la Conférence de Monterrey sur le financement du développement, qui va se tenir au mois de mars prochain, et il y aura le Sommet sur le développement durable à Johannesburg, Rio + 10 comme on dit. S'agissant de Monterrey, ceci me paraît représenter la sortie politique par le haut de la contestation de la mondialisation, si je puis dire. Il faut passer de l'imprécation à la proposition, il faut justement identifier quelques solutions très politiques, et qui sont directement en résonance avec la question de la mondialisation. Je crois que cette taxation internationale peut être portée par le Forum mondial justement, comme étant une sortie politique à la contestation de la mondialisation, et c'est aussi pour ça, qu'il faut s'y attacher./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2002)
R - Non seulement elle y est favorable, mais elle a déjà commencé à mettre en oeuvre l'effacement de la dette. Parallèlement à l'effacement de la dette multilatérale (initiative PPTE qui concerne les pays pauvres très endettés), que la France a porté, nous avons fait le choix d'effacer la dette bilatérale avec les pays en question. Nous avons commencé avec le Mozambique, qui est le premier à avoir atteint le point d'achèvement, bientôt ce sera le Cameroun et la Mauritanie. Nous avons même imaginé une procédure particulière qui consiste à passer un contrat que nous appelons le désendettement-développement. Ce contrat est placé sous la responsabilité de notre ambassadeur dans le pays en question, et au terme duquel la France efface la totalité de sa dette bilatérale avec les pays en question. La question de la dette, pour autant, ne sera pas réglée, même lorsqu'on aura réglé la question des PMA, parce-qu'en fait, il s'agit des pays très pauvres et très endettés. Il y en a d'autres qui sont un peu moins pauvres, mais qui sont aussi très endettés...
Q - Comme l'Argentine par exemple
R - ... et pour ceux-là, il va falloir inventer d'autres procédures, souvent les sommes en question sont considérables.
L'autre interpellation est la suivante : dès lors qu'un pays voit ses dettes effacées, la question est de savoir s'il peut à nouveau en contracter. Certains, d'ailleurs, ont hésité à se lancer dans la procédure que je décrivais à l'instant, en craignant que, bénéficiant de l'effacement de la dette, ils n'aient plus le droit d'avoir accès aux crédits, ce qui est quand même un obstacle pour leur développement. Nous sommes en train de réfléchir à un système qui permettrait tout à la fois d'effacer la dette, mais de ne pas interdire à ces pays d'avoir accès, à des taux évidemment très préférentiels, à certains crédits. Je ne suis pas surpris que Porto Alegre soit l'occasion de poser avec force la question de l'endettement des pays pauvres.
Q - Combien ça coûte à la France d'effacer la dette de ces pays ?
R - Ecoutez, dans le cas de l'initiative que j'évoquais, ça va nous coûter 10 milliards d'euros, pour les 10 ans qui viennent. Je disais tout à l'heure, pour commencer avec le Mozambique, bientôt le Cameroun, ensuite la Mauritanie, et d'autres pays qui vont progressivement atteindre le point d'achèvement dans le cadre de cette procédure que je décrivais à l'instant.
Q - Quant à un autre grand thème ici, c'est celui de la taxation des transactions financières, la fameuse taxe Tobin qui est défendu par ATTAC. La France s'y dit maintenant favorable mais il parait difficile de convaincre au niveau international.
R - Il est clair que cette taxation internationale revient en quelque sorte pour le monde à s'assurer. Le monde est-il prêt à payer le prix de sa sécurité ? C'est un peu comme cela que nous jugeons le problème. Il me semble que pour assurer un financement durable du développement, et notamment des biens publics mondiaux, il faudrait une taxation internationale assise sur des éléments de fait, et non plus seulement sur des appréciations politiques. Nous préconisons en effet une taxation qui ne serait pas seulement assise sur les transactions financières, mais pourquoi pas aussi sur la pollution, pourquoi pas sur le commerce des armes ? Nous ne pensons pas que ceci va être évidemment mis en oeuvre instantanément ; il va falloir du temps pour réfléchir, regarder quels moyens de contrôle nous devons mettre en oeuvre pour y arriver. Le principal obstacle à la taxe Tobin, c'est le blanchiment d'argent, parce que la taxe Tobin revient en quelque sorte à taxer les transactions visibles, officielles, légales, et à encourager en quelque sorte les transactions occultes à se développer. Il faut donc des moyens de contrôle importants mais il faut aussi que tout le monde y aille. On ne peut pas imaginer que les Européens soient les seuls à s'imposer de nouvelles contraintes, invitant en quelque sorte les capitaux à aller ailleurs. Ce n'est pas non plus satisfaisant, et il y a un acteur important auquel beaucoup pensent ici à Porto Alegre, ce sont les Etats-Unis d'Amérique.
Q - La France va porter prochainement ce message dans un forum international ?
R - Il y a deux moments dans le calendrier 2002 qui sont propices à débattre de ces questions : c'est la Conférence de Monterrey sur le financement du développement, qui va se tenir au mois de mars prochain, et il y aura le Sommet sur le développement durable à Johannesburg, Rio + 10 comme on dit. S'agissant de Monterrey, ceci me paraît représenter la sortie politique par le haut de la contestation de la mondialisation, si je puis dire. Il faut passer de l'imprécation à la proposition, il faut justement identifier quelques solutions très politiques, et qui sont directement en résonance avec la question de la mondialisation. Je crois que cette taxation internationale peut être portée par le Forum mondial justement, comme étant une sortie politique à la contestation de la mondialisation, et c'est aussi pour ça, qu'il faut s'y attacher./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2002)