Texte intégral
- LA SITUATION EN ARGENTINE -
FRANÇOIS BAYROU :
() Je crois qu'il faut reprendre les éléments que Jean-Claude CASANOVA vient d'indiquer et en tirer une leçon. Reprendre les éléments, peut-être en les enrichissant d'une petite chose, c'est que le déficit argentin, ou l'endettement extérieur de l'Argentine, sont tout à fait dans les eaux qui lui permettraient de se qualifier pour Maastricht, 3 % de déficit, 50 % de dettes par rapport au PIB, c'est la France, c'est exactement les ratios de la France. Et donc, on ne peut pas dire non plus aussi rapidement que ça a été une gestion de gabegie. Il y a eu sûrement des détournements, de la corruption, toutes ces affaires sont connues de vous, mais simplement pour rappeler ces chiffres-là qui, tout de même, renvoient une image différente. Alors quelle est la leçon à tirer, à mes yeux, de cette aventure et de ce drame argentin ? C'est que lorsqu'on a une monnaie commune, vous êtes obligé d'avoir un gouvernement économique commun, parce que si ça n'est pas le cas, le peso et le dollar formaient une monnaie commune puisqu'un peso valait un dollar garanti par l'Etat. Si ça n'est pas le cas, la peur commence à cheminer parmi les agents économiques de la région ou du pays le plus faible et va se réfugier vers la monnaie du pays fort, c'est ce qui est arrivé, il y a des milliards et des milliards de pesos qui ont fui, pour aller se réfugier, tant qu'il était encore temps, en dollars, alors même qu'un peso et un dollar étaient garantis. Et donc, si vous avez une monnaie commune, vous êtes obligé d'avoir un gouvernement économique commun, autrement vous aurez des drames et ce sera le cas de la même manière en Europe. Le fait que nous ayons une monnaie commune, l'euro qui a été si bien accueilli, ça entraîne inéluctablement, si nous voulons éviter les drames avec des régions en surchauffe ou des régions, au contraire, en dépression, que nous ayons le courage de construire un gouvernement économique commun et - allons à l'étape ultérieure - naturellement, il n'y a pas de gouvernement économique, s'il n'y a pas de politique derrière. Et donc, j'ai essayé de résumer ça en une formule " nous avons les billets, maintenant, il nous faut le bulletin de vote ". ()
Jean-Claude CASANOVA a raison, je veux le redire. Quand vous avez une zone monétaire unique, il vous faut une autorité politique et Max GALLO et moi tombons d'accord sur ce terme, il vous faut une autorité politique capable de créer une confiance identique ou homogène en tous points de la zone monétaire unique, autrement c'est la fuite des endroits fragiles vers les endroits sûrs et c'est exactement ce à quoi on a assisté en Argentine. Alors c'est une leçon naturellement, me semble-t-il, très importante pour l'Europe, parce que, en Europe comme chacun l'a vu, il y a inégalité de sécurité dans les douze pays membres de l'euro. Il faudra construire cette autorité politique capable de bâtir la confiance en tous points de la zone euro, autrement nous aurons des accidents. Moi, je ne je suis un défenseur de l'euro acharné, mais je sais que ça ne va pas de soi que d'adopter une monnaie unique dans douze pays différents. Donc autorité politique à construire.
MAX GALLO
Je suis d'accord sur la politique, mais pour moi, il y avait une autorité politique à cette monnaie commune, qui était le dollar, c'était le FMI. Simplement, cette autorité politique
FRANÇOIS BAYROU
Non, vous ne pouvez pas
MAX GALLO
Cette autorité je vais poursuivre mon raisonnement, cette autorité politique n'était pas à même d'apprécier les tensions sociales du pays en Argentine.
FRANÇOIS BAYROU
Très bien, alors raison sur un point et, je crois, tort sur l'autre. Non, la mission du FMI, ce n'était pas d'être l'autorité politique garantissant la confiance dans la zone dollar, non.
MAX GALLO
Disons que c'était l'équivalent de la BCE
FRANÇOIS BAYROU
Non, non, pas du tout.
MAX GALLO
. Quand vous avez parlé de l'Europe.
FRANÇOIS BAYROU
En aucune manière, mais enfin bon, on y reviendra sans doute un peu plus tard. Mais en tout cas, vous avez raison très profondément sur le deuxième point. Autorité politique, ça ne signifie pas qu'il y a des " gus " qui décident dans leur coin, ça signifie qu'il y a cette émanation d'un peuple qui traduit ses propres problèmes et ses angoisses et qui doit, par son expression politique, conduire ou induire des dirigeants responsables à prendre des décisions dans le sens qu'il faut et donc sur ce point, là oui, vous avez raison. ()
- LE MOUVEMENT DE GREVE MEDECINS GENERALISTES
FRANÇOIS BAYROU
Oui, on a là beaucoup de choses qui montrent la décrépitude du système démocratique français et la première chose qu'il faut rappeler, c'est que, en effet, c'est le huit ou dixième mouvement que nous voyons en quelques mois, fondé sur un principe simple, le principe de réalité, qui est celui-ci : impossible en France de se faire entendre autrement que dans la rue, autrement que par une manifestation, autrement que par une épreuve de force, impossible ! Les gendarmes, les policiers, les infirmières, les agriculteurs demain matin à coup sûr, on peut faire cette liste avec certitude. Tout le temps que vous essayez de traduire, vous qui êtes sur le terrain, les difficultés qui sont les vôtres, splendide surdité du pouvoir, ignorance méprisante ! Songez qu'il a fallu six semaines aux médecins généralistes pour ne pas obtenir un rendez-vous avec leur ministre, puisqu'on les a fait recevoir par un directeur de cabinet. On avait d'abord dit une collaboratrice membre du cabinet, puis on a dans la grande bonté de l'Etat et du gouvernement, on est monté jusqu'à la Majesté du directeur de cabinet. On est dingue ! Ce système ne peut pas fonctionner. Un Etat, une démocratie dans laquelle nul ne peut se faire entendre, sauf par épreuve de force, est une démocratie en panne et c'est ce à quoi exactement nous assistons. Normalement s'il y avait un normal dans tout ça, l'épreuve de force, elle vient au bout de dialogue, négociations, elle en sanctionne l'échec, ça c'est la première chose. Deuxièmement, naturellement quand vous choisissez l'épreuve de force, vous gagnez à tous les coups, sauf quand vous n'êtes pas assez nombreux. Les internes n'ont pas réussi à obtenir tout ce qu'ils voulaient, simplement parce qu'ils n'étaient pas assez nombreux et que la conscience professionnelle, qui était la leur j'ai une fille à l'hôpital, je vois bien comme elle était partagée entre toutes ces choses. Donc vous gagnez à tous les coups et les médecins généralistes - je vous le prédis, je vous l'annonce à l'avance - gagneront, ils auront la consultation à vingt euros et d'ailleurs, troisième élément, c'est justice. Quand vous avez fait dix ans de formation, que votre consultation soit limitée à 130 francs, c'est-à-dire à 17 et quelques euros, il me semble que si on regarde d'autres professions, toutes aussi estimables, toutes aussi honorables, on va prendre les plombiers, par exemple, ou les coiffeurs, par exemple
PHILIPPE MEYER
Coiffeur est la profession qui a le plus augmenté ses tarifs dans les vingt dernières années, source de l'INSEE
FRANÇOIS BAYROU
Essayez de comparer la prestation, que personne ne discute et qui n'est remboursée par rien, de votre coiffeur et la prestation qui exige une formation très importante de votre médecin et un investissement très important de votre médecin, et vous vous apercevrez que c'est sans commune mesure, il y a quelque chose qui ne va pas.
PHILIPPE MEYER
Le tarif de déplacement d'un plombier à Paris, la semaine dernière, d'un plombier régulier, pas d'un plombier de SOS PLOMBERIE, était de 350 francs, le déplacement.
FRANÇOIS BAYROU
350 francs le déplacement, le médecin, lui
PHILIPPE MEYER
Deux fois et demi le prix de la consultation du médecin.
FRANÇOIS BAYROU
Il se trouve en situation de venir vous voir
PHILIPPE MEYER
Je dis des francs parce que, comme on a pu le voir tout à l'heure, les euros ne sont pas encore tout à fait
FRANÇOIS BAYROU
Pour 150 francs dans les difficultés, le stress, les angoisses qui sont et les dangers actuels. Donc je considère que c'est normal et légitime, il suffit de comparer plombier, coiffeur et médecin et vous allez vous trouver devant évidemment quelque chose qui vous crève les yeux, il y a quelque chose qui ne va pas dans ce système. Deux éléments encore pour être complet et pour ne pas être dans la catégorie de l'arc-en-ciel des irresponsables qu'Eric DUPIN décrivait à l'instant, parce que je veux dire quelque chose qui est un peu osé. La première chose, c'est que j'ai oublié la première idée
PHILIPPE MEYER
Dites tout de suite la deuxième
FRANÇOIS BAYROU
Je vais tout de suite dire la deuxième, qu'est-ce qui empêche cette justice-là ? Ce qui empêche cette justice-là, c'est que l'équilibre de la Sécurité sociale, le budget limité que représente l'ensemble des cotisations de la Sécurité sociale fait que les administrateurs de la CNAM - et Monsieur SPAETH en tête - ont le légitime souci de ne pas déséquilibrer leur affaire, ils ont raison. Mais pourquoi est-ce que, en France, on vit avec ce dogme énorme qu'on ne peut pas envisager la contribution, fut-elle modeste, du patient à l'acte de son médecin ? Ecoutez, moi, je pense qu'il faut partager l'effort entre la CNAM et le patient. Si on demandait aux patients de mettre un ou deux euros dans le prix qu'il acquitte de la consultation de la visite, est-ce que les Français y verraient scandale ? Je ne le crois pas, les idéologues oui, on aurait un début de débat très important.
Mais il faut bien en sortir de tout ça, il faut faire des propositions concrètes et ne pas se contenter du " Y'a qu'à ". Alors moi, je pense que la revalorisation des prestations médicales est juste, je pense qu'il est légitime qu'on dise oui et partageons l'effort entre la CNAM et le patient, que le patient puisse être amené à mettre un ou deux euros de plus au prix de la visite ou au prix de la cotisation, je suis sûr que beaucoup de Français trouveront que c'est juste.
PHILIPPE MEYER
Un chiffre sur les cinq dernières années, je lisais que les estimations, faites par les organismes adéquats, des dépenses des Français en astrologues, voyants, chiromanciens, etc. étaient exactement égales sur ces cinq dernières années au déficit de l'assurance maladie.
FRANÇOIS BAYROU
Moi, ça ne m'étonne pas ! ()
MAX GALLO
Trois remarques rapidement sur le problème des médecins, je n'ai pas de solution miracle, j'entendais un homme politique dire que, en effet, il fallait peut-être DOUSTE-BLAZY d'ailleurs qui est médecin, disant qu'il fallait peut-être que les médecins soient totalement informatisés, de manière à ce qu'ils puissent par un code sélectionner leur type de consultations, et il prenait l'exemple de différence entre consultation cardiaque
FRANÇOIS BAYROU
Vous me permettez
MAX GALLO
Qui va prendre une heure, donc je n'ai pas de compétences particulières oui, oui, tout à fait.
FRANÇOIS BAYROU
Ce n'est pas un écho des discussions que j'ai régulièrement avec Philippe DOUSTE-BLAZY. Si c'était viable, je trouverais ça très bien, je ne le crois pas viable.
MAX GALLO
Je sais que des représentants des médecins ont dit que ce n'était pas viable.
FRANÇOIS BAYROU
Vous n'allez pas surcharger administrativement voilà, petit débat entre nous
MAX GALLO
Je n'ai pas
INTERVENANT
Il ne serait pas incohérent que la diversité des actes médicaux soit mieux reconnue.
FRANÇOIS BAYROU
Mais la diversité, c'est la moyenne. () C'est une conception très différente de la société, parce que le choix prononcé en 1792 de supprimer les corps intermédiaires dans la société française commande toutes ces conséquences que nous voyons aujourd'hui plus de deux siècles après. Dès l'instant que vous délégitimez les communautés qui se reforment et qui s'expriment et que vous les laissez seules face à face, l'Etat et le citoyen, considérés comme les deux seuls pôles du jeu, vous avez ce que nous avons sous les yeux. Alors c'est une vision française sur laquelle beaucoup s'appuient, mais c'est une vision qu'il est très important aujourd'hui de remettre en cause. ()
- A PROPOS DE L'ITALIE -
FRANÇOIS BAYROU
D'abord Max GALLO a raison de le rappeler, un tout petit fait historique mais qui n'est pas inintéressant, c'est que les libéraux idéologiques étaient hostiles à l'euro, pour des raisons qu'on voit très bien, et qui d'ailleurs sont illustrées par l'affaire Argentine
INTERVENANT
La flexibilité
FRANÇOIS BAYROU
Ils veulent la concurrence et donc la concurrence entre nations, la concurrence entre monnaies. Et d'ailleurs aujourd'hui, si pour un certain nombre ils sont ralliés à l'euro, au moins dans les déclarations officielles, ils refusent l'idée d'un gouvernement économique procédant du peuple, dans cette idée qui a été reprise par BERLUSCONI dans ses déclarations, d'une recherche de concurrence enter les pays adhérents à l'euro. Et ceci est à mon avis compréhensible idéologiquement, mais dangereux. Donc ça, c'est le premier point. Y a-t-il cette évolution que certains décrivent en Italie ? Je ne le crois pas, je pense que BERLUSCONI est assis sur une opinion politique extrêmement forte et je pense qu'il y en a eu ces derniers temps, multiplication de signes qui montrent que la conception de l'Europe en Italie est en train de changer.
La conception traditionnelle de l'Europe en Italie était la conception fédérale, la mienne, celle que je porte, celle de la démocratie chrétienne et ça n'est pas un hasard si De GASPERI est cité parmi les trois pères de la construction européenne, SCHUMANN, ADENAUER et De CASPERI.
C'est en train de changer et c'est en train d'aller vers une conception beaucoup moins solide solidaire et c'est en ce sens, à mon avis, qu'il faut éclairer, souligner la situation en Italie. () C'est un choix des deux côtés de l'Atlantique, identique. Moi, j'ai été très frappé, lors d'un récent voyage aux Etats-Unis, tout d'un coup je me suis rendu compte que mes interlocuteurs américains, au fond, ils parlaient dans les mêmes termes et avec la même conception de l'Union européenne et de l'OTAN
MAX GALLO
Pour eux, c'est la même chose.
FRANÇOIS BAYROU
Pour eux l'Union européenne, c'est une OTAN un peu améliorée. Ils n'ont pas du tout l'idée que nous sommes en train ou que nous pouvons débattre d'en faire une entité et une puissance démocratique, pas du tout cette idée. Et donc le choix que BERLUSCONI exprime, c'est en effet ce choix des deux côtés de l'Atlantique et qui doit susciter débat chez nous, parce que ça c'est un grand choix historique. ()
- LES BREVES -
PHILIPPE MEYER
Jean-Claude GUILLEBAUD, " Le principe d'humanité " aux éditions du SEUIL.
FRANÇOIS BAYROU
J'approuve ce choix. J'ai passé vendredi, l'après-midi, dans une institution extraordinaire, tout à fait méconnue comme toutes les institutions, qui s'appelle JERICHO à Lille et qui est une association qui se charge enfin qui est chargée qui se charge de la réinsertion des jeunes qui ont fait des bêtises et même parfois de grosses bêtises, qui ont été en prison, qui seraient en prison s'ils n'étaient pas là. Et c'est fondé sur des idées assez simples, des repères et que ces repères soient clairement affirmés, du travail et que ce travail soit exigé et beaucoup de chaleur humaine avec une femme qui dirige cela et qui est une personnalité qui fait ça depuis des années, vingt ans, et qui dirige cela comme à la fois une mère et une cheftaine et c'est très émouvant. Je veux simplement indiquer, pour nous rendre un peu optimistes, les résultats obtenus ; en vingt ans, 386 jeunes sont passés dans cette association ; taux de rechute, zéro. Alors je trouve que ça méritait d'être dit à l'antenne de FRANCE CULTURE.
PHILIPPE MEYER
Nous vous en demanderons les coordonnées qui seront accessibles pour nos auditeurs sur le site Internet par lequel ils peuvent retrouver l'ensemble des préconisations des intervenants de L'ESPRIT PUBLIC. (...)
FRANÇOIS BAYROU
Et un mot, j'ai passé l'après-midi avec les jeunes, qui sont très adhérents et très gais d'ailleurs dans ce système, fermez la parenthèse.()
FIN*
(source http://www.bayrou.net, le 13 février 2002)
FRANÇOIS BAYROU :
() Je crois qu'il faut reprendre les éléments que Jean-Claude CASANOVA vient d'indiquer et en tirer une leçon. Reprendre les éléments, peut-être en les enrichissant d'une petite chose, c'est que le déficit argentin, ou l'endettement extérieur de l'Argentine, sont tout à fait dans les eaux qui lui permettraient de se qualifier pour Maastricht, 3 % de déficit, 50 % de dettes par rapport au PIB, c'est la France, c'est exactement les ratios de la France. Et donc, on ne peut pas dire non plus aussi rapidement que ça a été une gestion de gabegie. Il y a eu sûrement des détournements, de la corruption, toutes ces affaires sont connues de vous, mais simplement pour rappeler ces chiffres-là qui, tout de même, renvoient une image différente. Alors quelle est la leçon à tirer, à mes yeux, de cette aventure et de ce drame argentin ? C'est que lorsqu'on a une monnaie commune, vous êtes obligé d'avoir un gouvernement économique commun, parce que si ça n'est pas le cas, le peso et le dollar formaient une monnaie commune puisqu'un peso valait un dollar garanti par l'Etat. Si ça n'est pas le cas, la peur commence à cheminer parmi les agents économiques de la région ou du pays le plus faible et va se réfugier vers la monnaie du pays fort, c'est ce qui est arrivé, il y a des milliards et des milliards de pesos qui ont fui, pour aller se réfugier, tant qu'il était encore temps, en dollars, alors même qu'un peso et un dollar étaient garantis. Et donc, si vous avez une monnaie commune, vous êtes obligé d'avoir un gouvernement économique commun, autrement vous aurez des drames et ce sera le cas de la même manière en Europe. Le fait que nous ayons une monnaie commune, l'euro qui a été si bien accueilli, ça entraîne inéluctablement, si nous voulons éviter les drames avec des régions en surchauffe ou des régions, au contraire, en dépression, que nous ayons le courage de construire un gouvernement économique commun et - allons à l'étape ultérieure - naturellement, il n'y a pas de gouvernement économique, s'il n'y a pas de politique derrière. Et donc, j'ai essayé de résumer ça en une formule " nous avons les billets, maintenant, il nous faut le bulletin de vote ". ()
Jean-Claude CASANOVA a raison, je veux le redire. Quand vous avez une zone monétaire unique, il vous faut une autorité politique et Max GALLO et moi tombons d'accord sur ce terme, il vous faut une autorité politique capable de créer une confiance identique ou homogène en tous points de la zone monétaire unique, autrement c'est la fuite des endroits fragiles vers les endroits sûrs et c'est exactement ce à quoi on a assisté en Argentine. Alors c'est une leçon naturellement, me semble-t-il, très importante pour l'Europe, parce que, en Europe comme chacun l'a vu, il y a inégalité de sécurité dans les douze pays membres de l'euro. Il faudra construire cette autorité politique capable de bâtir la confiance en tous points de la zone euro, autrement nous aurons des accidents. Moi, je ne je suis un défenseur de l'euro acharné, mais je sais que ça ne va pas de soi que d'adopter une monnaie unique dans douze pays différents. Donc autorité politique à construire.
MAX GALLO
Je suis d'accord sur la politique, mais pour moi, il y avait une autorité politique à cette monnaie commune, qui était le dollar, c'était le FMI. Simplement, cette autorité politique
FRANÇOIS BAYROU
Non, vous ne pouvez pas
MAX GALLO
Cette autorité je vais poursuivre mon raisonnement, cette autorité politique n'était pas à même d'apprécier les tensions sociales du pays en Argentine.
FRANÇOIS BAYROU
Très bien, alors raison sur un point et, je crois, tort sur l'autre. Non, la mission du FMI, ce n'était pas d'être l'autorité politique garantissant la confiance dans la zone dollar, non.
MAX GALLO
Disons que c'était l'équivalent de la BCE
FRANÇOIS BAYROU
Non, non, pas du tout.
MAX GALLO
. Quand vous avez parlé de l'Europe.
FRANÇOIS BAYROU
En aucune manière, mais enfin bon, on y reviendra sans doute un peu plus tard. Mais en tout cas, vous avez raison très profondément sur le deuxième point. Autorité politique, ça ne signifie pas qu'il y a des " gus " qui décident dans leur coin, ça signifie qu'il y a cette émanation d'un peuple qui traduit ses propres problèmes et ses angoisses et qui doit, par son expression politique, conduire ou induire des dirigeants responsables à prendre des décisions dans le sens qu'il faut et donc sur ce point, là oui, vous avez raison. ()
- LE MOUVEMENT DE GREVE MEDECINS GENERALISTES
FRANÇOIS BAYROU
Oui, on a là beaucoup de choses qui montrent la décrépitude du système démocratique français et la première chose qu'il faut rappeler, c'est que, en effet, c'est le huit ou dixième mouvement que nous voyons en quelques mois, fondé sur un principe simple, le principe de réalité, qui est celui-ci : impossible en France de se faire entendre autrement que dans la rue, autrement que par une manifestation, autrement que par une épreuve de force, impossible ! Les gendarmes, les policiers, les infirmières, les agriculteurs demain matin à coup sûr, on peut faire cette liste avec certitude. Tout le temps que vous essayez de traduire, vous qui êtes sur le terrain, les difficultés qui sont les vôtres, splendide surdité du pouvoir, ignorance méprisante ! Songez qu'il a fallu six semaines aux médecins généralistes pour ne pas obtenir un rendez-vous avec leur ministre, puisqu'on les a fait recevoir par un directeur de cabinet. On avait d'abord dit une collaboratrice membre du cabinet, puis on a dans la grande bonté de l'Etat et du gouvernement, on est monté jusqu'à la Majesté du directeur de cabinet. On est dingue ! Ce système ne peut pas fonctionner. Un Etat, une démocratie dans laquelle nul ne peut se faire entendre, sauf par épreuve de force, est une démocratie en panne et c'est ce à quoi exactement nous assistons. Normalement s'il y avait un normal dans tout ça, l'épreuve de force, elle vient au bout de dialogue, négociations, elle en sanctionne l'échec, ça c'est la première chose. Deuxièmement, naturellement quand vous choisissez l'épreuve de force, vous gagnez à tous les coups, sauf quand vous n'êtes pas assez nombreux. Les internes n'ont pas réussi à obtenir tout ce qu'ils voulaient, simplement parce qu'ils n'étaient pas assez nombreux et que la conscience professionnelle, qui était la leur j'ai une fille à l'hôpital, je vois bien comme elle était partagée entre toutes ces choses. Donc vous gagnez à tous les coups et les médecins généralistes - je vous le prédis, je vous l'annonce à l'avance - gagneront, ils auront la consultation à vingt euros et d'ailleurs, troisième élément, c'est justice. Quand vous avez fait dix ans de formation, que votre consultation soit limitée à 130 francs, c'est-à-dire à 17 et quelques euros, il me semble que si on regarde d'autres professions, toutes aussi estimables, toutes aussi honorables, on va prendre les plombiers, par exemple, ou les coiffeurs, par exemple
PHILIPPE MEYER
Coiffeur est la profession qui a le plus augmenté ses tarifs dans les vingt dernières années, source de l'INSEE
FRANÇOIS BAYROU
Essayez de comparer la prestation, que personne ne discute et qui n'est remboursée par rien, de votre coiffeur et la prestation qui exige une formation très importante de votre médecin et un investissement très important de votre médecin, et vous vous apercevrez que c'est sans commune mesure, il y a quelque chose qui ne va pas.
PHILIPPE MEYER
Le tarif de déplacement d'un plombier à Paris, la semaine dernière, d'un plombier régulier, pas d'un plombier de SOS PLOMBERIE, était de 350 francs, le déplacement.
FRANÇOIS BAYROU
350 francs le déplacement, le médecin, lui
PHILIPPE MEYER
Deux fois et demi le prix de la consultation du médecin.
FRANÇOIS BAYROU
Il se trouve en situation de venir vous voir
PHILIPPE MEYER
Je dis des francs parce que, comme on a pu le voir tout à l'heure, les euros ne sont pas encore tout à fait
FRANÇOIS BAYROU
Pour 150 francs dans les difficultés, le stress, les angoisses qui sont et les dangers actuels. Donc je considère que c'est normal et légitime, il suffit de comparer plombier, coiffeur et médecin et vous allez vous trouver devant évidemment quelque chose qui vous crève les yeux, il y a quelque chose qui ne va pas dans ce système. Deux éléments encore pour être complet et pour ne pas être dans la catégorie de l'arc-en-ciel des irresponsables qu'Eric DUPIN décrivait à l'instant, parce que je veux dire quelque chose qui est un peu osé. La première chose, c'est que j'ai oublié la première idée
PHILIPPE MEYER
Dites tout de suite la deuxième
FRANÇOIS BAYROU
Je vais tout de suite dire la deuxième, qu'est-ce qui empêche cette justice-là ? Ce qui empêche cette justice-là, c'est que l'équilibre de la Sécurité sociale, le budget limité que représente l'ensemble des cotisations de la Sécurité sociale fait que les administrateurs de la CNAM - et Monsieur SPAETH en tête - ont le légitime souci de ne pas déséquilibrer leur affaire, ils ont raison. Mais pourquoi est-ce que, en France, on vit avec ce dogme énorme qu'on ne peut pas envisager la contribution, fut-elle modeste, du patient à l'acte de son médecin ? Ecoutez, moi, je pense qu'il faut partager l'effort entre la CNAM et le patient. Si on demandait aux patients de mettre un ou deux euros dans le prix qu'il acquitte de la consultation de la visite, est-ce que les Français y verraient scandale ? Je ne le crois pas, les idéologues oui, on aurait un début de débat très important.
Mais il faut bien en sortir de tout ça, il faut faire des propositions concrètes et ne pas se contenter du " Y'a qu'à ". Alors moi, je pense que la revalorisation des prestations médicales est juste, je pense qu'il est légitime qu'on dise oui et partageons l'effort entre la CNAM et le patient, que le patient puisse être amené à mettre un ou deux euros de plus au prix de la visite ou au prix de la cotisation, je suis sûr que beaucoup de Français trouveront que c'est juste.
PHILIPPE MEYER
Un chiffre sur les cinq dernières années, je lisais que les estimations, faites par les organismes adéquats, des dépenses des Français en astrologues, voyants, chiromanciens, etc. étaient exactement égales sur ces cinq dernières années au déficit de l'assurance maladie.
FRANÇOIS BAYROU
Moi, ça ne m'étonne pas ! ()
MAX GALLO
Trois remarques rapidement sur le problème des médecins, je n'ai pas de solution miracle, j'entendais un homme politique dire que, en effet, il fallait peut-être DOUSTE-BLAZY d'ailleurs qui est médecin, disant qu'il fallait peut-être que les médecins soient totalement informatisés, de manière à ce qu'ils puissent par un code sélectionner leur type de consultations, et il prenait l'exemple de différence entre consultation cardiaque
FRANÇOIS BAYROU
Vous me permettez
MAX GALLO
Qui va prendre une heure, donc je n'ai pas de compétences particulières oui, oui, tout à fait.
FRANÇOIS BAYROU
Ce n'est pas un écho des discussions que j'ai régulièrement avec Philippe DOUSTE-BLAZY. Si c'était viable, je trouverais ça très bien, je ne le crois pas viable.
MAX GALLO
Je sais que des représentants des médecins ont dit que ce n'était pas viable.
FRANÇOIS BAYROU
Vous n'allez pas surcharger administrativement voilà, petit débat entre nous
MAX GALLO
Je n'ai pas
INTERVENANT
Il ne serait pas incohérent que la diversité des actes médicaux soit mieux reconnue.
FRANÇOIS BAYROU
Mais la diversité, c'est la moyenne. () C'est une conception très différente de la société, parce que le choix prononcé en 1792 de supprimer les corps intermédiaires dans la société française commande toutes ces conséquences que nous voyons aujourd'hui plus de deux siècles après. Dès l'instant que vous délégitimez les communautés qui se reforment et qui s'expriment et que vous les laissez seules face à face, l'Etat et le citoyen, considérés comme les deux seuls pôles du jeu, vous avez ce que nous avons sous les yeux. Alors c'est une vision française sur laquelle beaucoup s'appuient, mais c'est une vision qu'il est très important aujourd'hui de remettre en cause. ()
- A PROPOS DE L'ITALIE -
FRANÇOIS BAYROU
D'abord Max GALLO a raison de le rappeler, un tout petit fait historique mais qui n'est pas inintéressant, c'est que les libéraux idéologiques étaient hostiles à l'euro, pour des raisons qu'on voit très bien, et qui d'ailleurs sont illustrées par l'affaire Argentine
INTERVENANT
La flexibilité
FRANÇOIS BAYROU
Ils veulent la concurrence et donc la concurrence entre nations, la concurrence entre monnaies. Et d'ailleurs aujourd'hui, si pour un certain nombre ils sont ralliés à l'euro, au moins dans les déclarations officielles, ils refusent l'idée d'un gouvernement économique procédant du peuple, dans cette idée qui a été reprise par BERLUSCONI dans ses déclarations, d'une recherche de concurrence enter les pays adhérents à l'euro. Et ceci est à mon avis compréhensible idéologiquement, mais dangereux. Donc ça, c'est le premier point. Y a-t-il cette évolution que certains décrivent en Italie ? Je ne le crois pas, je pense que BERLUSCONI est assis sur une opinion politique extrêmement forte et je pense qu'il y en a eu ces derniers temps, multiplication de signes qui montrent que la conception de l'Europe en Italie est en train de changer.
La conception traditionnelle de l'Europe en Italie était la conception fédérale, la mienne, celle que je porte, celle de la démocratie chrétienne et ça n'est pas un hasard si De GASPERI est cité parmi les trois pères de la construction européenne, SCHUMANN, ADENAUER et De CASPERI.
C'est en train de changer et c'est en train d'aller vers une conception beaucoup moins solide solidaire et c'est en ce sens, à mon avis, qu'il faut éclairer, souligner la situation en Italie. () C'est un choix des deux côtés de l'Atlantique, identique. Moi, j'ai été très frappé, lors d'un récent voyage aux Etats-Unis, tout d'un coup je me suis rendu compte que mes interlocuteurs américains, au fond, ils parlaient dans les mêmes termes et avec la même conception de l'Union européenne et de l'OTAN
MAX GALLO
Pour eux, c'est la même chose.
FRANÇOIS BAYROU
Pour eux l'Union européenne, c'est une OTAN un peu améliorée. Ils n'ont pas du tout l'idée que nous sommes en train ou que nous pouvons débattre d'en faire une entité et une puissance démocratique, pas du tout cette idée. Et donc le choix que BERLUSCONI exprime, c'est en effet ce choix des deux côtés de l'Atlantique et qui doit susciter débat chez nous, parce que ça c'est un grand choix historique. ()
- LES BREVES -
PHILIPPE MEYER
Jean-Claude GUILLEBAUD, " Le principe d'humanité " aux éditions du SEUIL.
FRANÇOIS BAYROU
J'approuve ce choix. J'ai passé vendredi, l'après-midi, dans une institution extraordinaire, tout à fait méconnue comme toutes les institutions, qui s'appelle JERICHO à Lille et qui est une association qui se charge enfin qui est chargée qui se charge de la réinsertion des jeunes qui ont fait des bêtises et même parfois de grosses bêtises, qui ont été en prison, qui seraient en prison s'ils n'étaient pas là. Et c'est fondé sur des idées assez simples, des repères et que ces repères soient clairement affirmés, du travail et que ce travail soit exigé et beaucoup de chaleur humaine avec une femme qui dirige cela et qui est une personnalité qui fait ça depuis des années, vingt ans, et qui dirige cela comme à la fois une mère et une cheftaine et c'est très émouvant. Je veux simplement indiquer, pour nous rendre un peu optimistes, les résultats obtenus ; en vingt ans, 386 jeunes sont passés dans cette association ; taux de rechute, zéro. Alors je trouve que ça méritait d'être dit à l'antenne de FRANCE CULTURE.
PHILIPPE MEYER
Nous vous en demanderons les coordonnées qui seront accessibles pour nos auditeurs sur le site Internet par lequel ils peuvent retrouver l'ensemble des préconisations des intervenants de L'ESPRIT PUBLIC. (...)
FRANÇOIS BAYROU
Et un mot, j'ai passé l'après-midi avec les jeunes, qui sont très adhérents et très gais d'ailleurs dans ce système, fermez la parenthèse.()
FIN*
(source http://www.bayrou.net, le 13 février 2002)