Texte intégral
DECLARATION AUX RADIOS ET TELEVISIONS FRANCAISES A L'ISSUE
DE SON ENTRETIEN AVEC LE REPRESENTANT DES NATIONS UNIES POUR LE KOSOVO, M. VIEIRA DI MELLO à Pristina, 23 juin 1999
Il faut presque partir de zéro. Ils vont avoir un travail d'une extraordinaire importance parce que tout ce qui va se passer au Kosovo maintenant devra être exemplaire. La réussite ne sera complète que si nous atteignons ce but, que si les uns et les autres apprennent à coexister, - ce qui est totalement étranger à leur histoire, leur héritage, leur culture et aux mentalités. Il faudra cohabiter, coexister, coopérer un jour. Ce sont de très gros enjeux.
Q - Vous avez vu les représentants des différentes communautés kosovares, étaient-ils ensemble ?
R - Non. On a écouté les Kosovars albanophones, les représentants religieux de la communauté serbe, il y a un grand fossé.
Q - Que va-t-on faire ? Qu'allez-vous leur proposer ?
R - Nous allons essayer de leur montrer comment l'on met en place les bases démocratiques qui commencent par la sécurité, et par un mode d'organisation. Nous allons essayer de mettre en place un système de consultations pour que l'administrateur civil international puisse entendre ce qu'ont à dire les représentants des différentes communautés et ensuite, leur montrer, sur chaque sujet précis, comment on peut faire pour gérer ensemble sans passer par la violence.
Q - Ibrahim Rugova est-il dans le jeu politique aujourd'hui ?
R - Je crois que ce n'est pas à nous de trancher quels sont les représentants. Je n'ai pas d'élément nouveau. Il est toujours quelqu'un d'important dans la communauté kosovare, mais c'est à lui de répondre, de décider le moment où il viendra ici.
Q - Un sentiment personnel, vous êtes ici au Kosovo, êtes-vous ému de voir cette terre, cette province ?
R - C'est très émouvant d'être là. Lorsque l'on pense à tout ce que nous avons fait au cours de tous les mois et des semaines passées, c'est très impressionnant, et en même temps très motivant pour aller jusqu'au bout. Je considère que nous aurons atteint notre objectif lorsque l'on aura jeté ici les bases d'une société pacifique, qui pourra vivre par elle-même et que soit terminé le moment transitoire de l'administration internationale.
ENTRETIEN AVEC LA PRESSE FRANCAISE, Pristina le 23 juin 1999
Q - (à propos du secteur français)
R - En ce qui concerne le secteur attribué à la France, il est particulièrement difficile compte tenu de sa localisation et de sa composition. Je peux vous dire que dans ce secteur, les forces françaises appliqueront exactement la même politique que l'ensemble de la KFOR dans l'ensemble du Kosovo. Ce sera peut-être plus difficile à cet endroit qu'ailleurs, mais la politique de la KFOR est définie d'une façon commune par l'ensemble des participants et il n'y aura pas de politiques différentes selon les endroits. La KFOR est en train de terminer son installation, sa prise de contrôle et l'installation de la sécurité sur l'ensemble du Kosovo.
Q - (à propos des entretiens avec la délégation kosovare)
R - Ce dont M. Cook a parlé au nom des quatre ministres, - nous nous étions vus auparavant -, c'est le constat que nous avons fait tous ensemble. Avec M. Vieira di Mello, les quatre ministres européens ont reçu une délégation des Albanais du Kosovo et ensuite, une délégation des Serbes du Kosovo.
Nous les avons, dans les deux cas, invités à une coopération pleine et entière pour la mise en oeuvre complète de la résolution 1244, nous les avons entendus, nous les avons écoutés. C'était l'un des buts du voyage. Il nous a paru important qu'un des Albanais du Kosovo, qui s'est exprimé au nom de l'UCK, ait dit qu'ils feraient tout ce qu'ils peuvent pour que les Serbes du Kosovo restent, ne partent pas ou reviennent et qu'ils souscrivaient pleinement à notre volonté de construire ici, notamment à travers cette résolution du Conseil de sécurité, une solution pacifique et pluriculturelle.
Q - M. Fischer a parlé d'un Kosovo démocratique, adhérez-vous à cette idée ?
R - C'est évidemment au coeur de notre action depuis des mois et ceci était au coeur du travail du Groupe de contact, puis du G8, puis du Conseil de sécurité, à travers la résolution qui est maintenant la base, du travail qu'il faut faire ici. C'est un travail considérable qui porte d'abord sur l'aspect sécurité. Je dois dire que j'ai été très impressionné pour ce qu'a déjà fait la KFOR en quelques jours. Ce n'est pas complètement fait, c'est un travail compliqué, il faut rétablir la sécurité dans l'ensemble du Kosovo. Ce qui a été fait sous la direction du général Jackson mérite d'être déjà salué et même si c'est encore difficile et qu'il faudra quelques jours pour que cette sécurité soit établie partout. D'autre part, ce qui a été entrepris par M. Vieira di Mello pour le début de la mise en oeuvre de cette administration civile internationale - qui est le complément de cette action de sécurité - me paraît également très bien engagée, et je souligne l'ampleur de la tâche.
L'un comme l'autre ont bien tiré les leçons de ce qui s'était passé en Bosnie il y a quelques années, où il y avait eu des tâtonnements parce que c'était la première fois. Là, de suite, ils ont établi une coopération quotidienne, une complète coordination dont nous avons eu la preuve sous nos yeux. Nous nous en sommes aperçus durant les entretiens que nous avons eu avec ces deux responsables.
Q - Comment va fonctionner ce nouveau Kosovo, comment va fonctionner cette nouvelle administration ?
R - Le Conseil de sécurité a confié, à travers cette résolution; l'administration au Secrétaire général des Nations unies qui a nommé un représentant spécial pour le Kosovo qui met en place une administration civile. Cela se décompose ensuite en toute une série de volets qui touchent à la police, à la justice, à l'organisation du retour des réfugiés, à la préparation des futures élections et également à la reconstruction.
Ce représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies doit travailler avec l'OSCE, avec l'Union européenne, avec le HCR, avec toutes les organisations qui peuvent oeuvrer à cela. Ce qui se met en place maintenant, c'est une tâche colossale. M. Vieira di Mello a très bien commencé et il demande à tous les pays qui se sont engagés dans cette affaire du Kosovo pour mettre un terme aux atrocités, d'aider à rebâtir ici une société pacifique, démocratique, où les uns et les autres pourraient coexister en attendant de pouvoir coopérer, une société du Kosovo qui devra être exemplaire dans la région. C'est ce que nous avons voulu faire depuis le début. Nous y sommes maintenant, cela commence bien mais il faut vraiment continuer à rassembler nos forces, à rester unis.
Q - Dans les campagnes les Albanais pillent et brûlent, quel commentaire faites-vous ?
R - Cette volonté qui est celle de la communauté internationale d'interrompre le cycle infernal des massacres, de la revanche, de la méfiance, de la peur, de l'exaction, est une volonté à la fois très forte et qui en même temps s'attaque à quelque chose qui est très difficile à réaliser. Mais nous voulons le réaliser, sinon il n'y aurait pas eu cet engagement depuis des mois. Et à un moment donné, il faut savoir donner un coup d'arrêt, inverser la fatalité et s'y prendre d'une autre façon. Cela s'est fait dans d'autres parties de l'Europe, à d'autres moments. Maintenant le message des pays d'Europe, des pays occidentaux, de tous ceux qui ont participé à cette action - et je crois également des Russes -, est : "il faut bâtir ensemble un Kosovo différent, une Serbie différente un jour, des Balkans différents, il faut tourner le dos à tout cela". Et nous allons tout faire pour que cela marche.
Q - Est-ce que le départ de M. Milosevic n'est plus une condition sine qua non pour l'aide à la reconstruction de la Serbie ? A Cologne, on a demandé juste des réformes économiques ?
R - Aussi bien à la réunion du G8 que dans les réunions européennes, la concertation se poursuit à propos de ce qui sera fait par rapport à la Serbie. Mais si j'avais à résumer l'état de nos échanges, je dirais que l'aide humanitaire me paraît un devoir, là comme ailleurs, quelles que soient les conditions. On ne peut pas concevoir de nouveaux investissements économiques d'avenir par rapport à une Serbie qui n'aurait pas complètement changé de positions, et en ce qui concerne la démocratie et en ce qui concerne le nationalisme, - les deux choses sont liées - et en ce qui concerne la reconstruction de tel ou tel équipement qui peut avoir un impact direct sur les gens. Ce sera examiné au cas par cas. C'est ce qui a été dit dans les différentes rencontres et cela n'a pas changé.
Q - Le président français a dit qu'il n'y aurait pas d'aide à la reconstruction de la Serbie sans le départ de M. Milosevic ?
R - J'ai déjà répondu.
C'est peut-être dans cette communauté serbe du Kosovo aujourd'hui, qui n'a pas de représentant qui soit visiblement consensuel pour avoir des représentants dans cette rencontre ce qui avait été proposé. Les émissaires religieux se sont exprimés aujourd'hui comme s'ils avaient une compétence générale et pas uniquement pour parler des questions religieuses. Il me semble qu'ils se sont adressé à nous tous, ministres européens, en parlant de l'ensemble des inquiétudes ou des aspirations des Serbes du Kosovo. C'est pour cela qu'on leur a parlé, et c'est pour cela qu'on leur a répondu. C'est une des questions qu'aura à traiter le représentant du Secrétaire général des Nations unies, pour faire fonctionner les administrations civiles internationales et organiser dans le cadre de consultations. Sous quelle forme exacte ? Je n'en sais rien. On a parlé d'un conseil consultatif, cela peut être d'autres formules, mais cette administration aura besoin de pouvoir travailler avec les Albanais du Kosovo, avec les Serbes du Kosovo, avec les autres minorités du Kosovo, à la fois pour les informer, pour les écouter, et pour tenir compte. Dans l'immédiat, c'est bien à cette administration civile internationale que le Conseil de sécurité a confié le pouvoir économique sur le Kosovo. Mais, la date d'achèvement ne peut pas être déterminée à l'avance.
Q - En ce qui concerne les criminels de guerre, la plupart sont sans doute maintenant en Serbie. Comment faire pour que la justice fasse ce devoir ?
R - Nous coopérons avec tous les occidentaux, avec le Tribunal très activement et chaque fois que le tribunal nous fait des demandes, nous y répondons du mieux que nous pouvons. C'est le cas à propos de la Bosnie et c'est encore le cas à propos du Kosovo.
Q - Vous dites que la région confiée à la France est une région très difficile à tenir. Craignez-vous une dégradation de la situation ?
R - Non, je ne peux pas parler de dégradation de la situation, nous en sommes au début. Au contraire, nous sommes dans une phase où j'ai salué le travail déjà fait par la KFOR qui est en train de s'implanter, de s'installer dans l'ensemble du Kosovo, qui est en train d'y rétablir la sécurité, ce qui est une tâche extrêmement difficile. Ayant été questionné sur ce point particulier, je fais remarquer qu'en effet, le secteur français, par sa situation, par sa composition, serait un secteur où les choses seraient difficiles pour rétablir cette sécurité. J'ai immédiatement ajouté qu'il ne s'agit pas du secteur français, il y aura de toute façon une seule politique de sécurité pour l'ensemble du Kosovo et la KFOR mènera évidemment la même politique partout. Ce sera plus ou moins difficile selon les endroits, il n'y aura pas de réponses différentes par nationalités. Il y a une seule politique de la KFOR qui est l'expression de la volonté de la communauté internationale exprimée par la résolution 1244. Ce qui a été déjà fait par la KFOR est très remarquable et j'ai une grande confiance dans ce qu'ils vont faire dans les tout prochains jours.
Q - Y aura-t-il des élections au Kosovo ? Quand ? Et reprenez-vous les mots de Joschka Fischer qui disait que la paix passe par la démocratie et par la justice ?
R - Naturellement, c'est une formule qui, je crois, exprime notre sentiment commun. En ce qui concerne les élections, aucune date n'est fixée. La résolution du Conseil de sécurité a prévu, chronologiquement, en fonction de la sécurité, de l'administration civile internationale, mais à un moment donné, il faudra mettre en place les institutions d'une autonomie pour que le Kosovo puisse fonctionner avec des représentants élus alors que nous sommes aujourd'hui dans une situation de fait. Compte tenu de la difficulté de la situation, et de l'ampleur de la tâche, on ne peut pas, a priori, de façon artificielle et sans doute prématurée fixer une date pour cela.
Q - Avez-vous demandé une union nationale à tous les partis albanais, au moins pour un temps ?
R - Nous n'avons pas à leur dicter la façon dont ils doivent s'organiser politiquement. Ce que nous leur demandons, c'est de bâtir ensemble les racines et les bases d'une nouvelle démocratie au Kosovo. Nous l'avons demandé aux représentants des Albanais du Kosovo comme aux représentants de la minorité serbe, comme nous l'avons dit aux autres minorités et comme nous le dirons peut-être en d'autres occasions. Ce que nous avons demandé, c'est de coopérer pleinement à la mise en oeuvre de la résolution qui s'impose à eux comme elle s'impose à tous.
Q - (à propos de M. Rugova)
R - Non, c'est à lui de déterminer le moment où il reviendra, nous n'avons pas, de l'extérieur à dire qui est représentant ou pas. Le moment venu, lorsqu'ils se retrouverons dans une situation d'autonomie, ils choisiront eux-mêmes, mais ils ne peuvent pas le faire dans des situations comme celle-ci. Nous n'avons pas à trancher à leur place. Nous avons des relations avec l'UCK, avec les autres par ailleurs. C'est à eux de décider quand et dans quelle condition il reviendra.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 1999)
DE SON ENTRETIEN AVEC LE REPRESENTANT DES NATIONS UNIES POUR LE KOSOVO, M. VIEIRA DI MELLO à Pristina, 23 juin 1999
Il faut presque partir de zéro. Ils vont avoir un travail d'une extraordinaire importance parce que tout ce qui va se passer au Kosovo maintenant devra être exemplaire. La réussite ne sera complète que si nous atteignons ce but, que si les uns et les autres apprennent à coexister, - ce qui est totalement étranger à leur histoire, leur héritage, leur culture et aux mentalités. Il faudra cohabiter, coexister, coopérer un jour. Ce sont de très gros enjeux.
Q - Vous avez vu les représentants des différentes communautés kosovares, étaient-ils ensemble ?
R - Non. On a écouté les Kosovars albanophones, les représentants religieux de la communauté serbe, il y a un grand fossé.
Q - Que va-t-on faire ? Qu'allez-vous leur proposer ?
R - Nous allons essayer de leur montrer comment l'on met en place les bases démocratiques qui commencent par la sécurité, et par un mode d'organisation. Nous allons essayer de mettre en place un système de consultations pour que l'administrateur civil international puisse entendre ce qu'ont à dire les représentants des différentes communautés et ensuite, leur montrer, sur chaque sujet précis, comment on peut faire pour gérer ensemble sans passer par la violence.
Q - Ibrahim Rugova est-il dans le jeu politique aujourd'hui ?
R - Je crois que ce n'est pas à nous de trancher quels sont les représentants. Je n'ai pas d'élément nouveau. Il est toujours quelqu'un d'important dans la communauté kosovare, mais c'est à lui de répondre, de décider le moment où il viendra ici.
Q - Un sentiment personnel, vous êtes ici au Kosovo, êtes-vous ému de voir cette terre, cette province ?
R - C'est très émouvant d'être là. Lorsque l'on pense à tout ce que nous avons fait au cours de tous les mois et des semaines passées, c'est très impressionnant, et en même temps très motivant pour aller jusqu'au bout. Je considère que nous aurons atteint notre objectif lorsque l'on aura jeté ici les bases d'une société pacifique, qui pourra vivre par elle-même et que soit terminé le moment transitoire de l'administration internationale.
ENTRETIEN AVEC LA PRESSE FRANCAISE, Pristina le 23 juin 1999
Q - (à propos du secteur français)
R - En ce qui concerne le secteur attribué à la France, il est particulièrement difficile compte tenu de sa localisation et de sa composition. Je peux vous dire que dans ce secteur, les forces françaises appliqueront exactement la même politique que l'ensemble de la KFOR dans l'ensemble du Kosovo. Ce sera peut-être plus difficile à cet endroit qu'ailleurs, mais la politique de la KFOR est définie d'une façon commune par l'ensemble des participants et il n'y aura pas de politiques différentes selon les endroits. La KFOR est en train de terminer son installation, sa prise de contrôle et l'installation de la sécurité sur l'ensemble du Kosovo.
Q - (à propos des entretiens avec la délégation kosovare)
R - Ce dont M. Cook a parlé au nom des quatre ministres, - nous nous étions vus auparavant -, c'est le constat que nous avons fait tous ensemble. Avec M. Vieira di Mello, les quatre ministres européens ont reçu une délégation des Albanais du Kosovo et ensuite, une délégation des Serbes du Kosovo.
Nous les avons, dans les deux cas, invités à une coopération pleine et entière pour la mise en oeuvre complète de la résolution 1244, nous les avons entendus, nous les avons écoutés. C'était l'un des buts du voyage. Il nous a paru important qu'un des Albanais du Kosovo, qui s'est exprimé au nom de l'UCK, ait dit qu'ils feraient tout ce qu'ils peuvent pour que les Serbes du Kosovo restent, ne partent pas ou reviennent et qu'ils souscrivaient pleinement à notre volonté de construire ici, notamment à travers cette résolution du Conseil de sécurité, une solution pacifique et pluriculturelle.
Q - M. Fischer a parlé d'un Kosovo démocratique, adhérez-vous à cette idée ?
R - C'est évidemment au coeur de notre action depuis des mois et ceci était au coeur du travail du Groupe de contact, puis du G8, puis du Conseil de sécurité, à travers la résolution qui est maintenant la base, du travail qu'il faut faire ici. C'est un travail considérable qui porte d'abord sur l'aspect sécurité. Je dois dire que j'ai été très impressionné pour ce qu'a déjà fait la KFOR en quelques jours. Ce n'est pas complètement fait, c'est un travail compliqué, il faut rétablir la sécurité dans l'ensemble du Kosovo. Ce qui a été fait sous la direction du général Jackson mérite d'être déjà salué et même si c'est encore difficile et qu'il faudra quelques jours pour que cette sécurité soit établie partout. D'autre part, ce qui a été entrepris par M. Vieira di Mello pour le début de la mise en oeuvre de cette administration civile internationale - qui est le complément de cette action de sécurité - me paraît également très bien engagée, et je souligne l'ampleur de la tâche.
L'un comme l'autre ont bien tiré les leçons de ce qui s'était passé en Bosnie il y a quelques années, où il y avait eu des tâtonnements parce que c'était la première fois. Là, de suite, ils ont établi une coopération quotidienne, une complète coordination dont nous avons eu la preuve sous nos yeux. Nous nous en sommes aperçus durant les entretiens que nous avons eu avec ces deux responsables.
Q - Comment va fonctionner ce nouveau Kosovo, comment va fonctionner cette nouvelle administration ?
R - Le Conseil de sécurité a confié, à travers cette résolution; l'administration au Secrétaire général des Nations unies qui a nommé un représentant spécial pour le Kosovo qui met en place une administration civile. Cela se décompose ensuite en toute une série de volets qui touchent à la police, à la justice, à l'organisation du retour des réfugiés, à la préparation des futures élections et également à la reconstruction.
Ce représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies doit travailler avec l'OSCE, avec l'Union européenne, avec le HCR, avec toutes les organisations qui peuvent oeuvrer à cela. Ce qui se met en place maintenant, c'est une tâche colossale. M. Vieira di Mello a très bien commencé et il demande à tous les pays qui se sont engagés dans cette affaire du Kosovo pour mettre un terme aux atrocités, d'aider à rebâtir ici une société pacifique, démocratique, où les uns et les autres pourraient coexister en attendant de pouvoir coopérer, une société du Kosovo qui devra être exemplaire dans la région. C'est ce que nous avons voulu faire depuis le début. Nous y sommes maintenant, cela commence bien mais il faut vraiment continuer à rassembler nos forces, à rester unis.
Q - Dans les campagnes les Albanais pillent et brûlent, quel commentaire faites-vous ?
R - Cette volonté qui est celle de la communauté internationale d'interrompre le cycle infernal des massacres, de la revanche, de la méfiance, de la peur, de l'exaction, est une volonté à la fois très forte et qui en même temps s'attaque à quelque chose qui est très difficile à réaliser. Mais nous voulons le réaliser, sinon il n'y aurait pas eu cet engagement depuis des mois. Et à un moment donné, il faut savoir donner un coup d'arrêt, inverser la fatalité et s'y prendre d'une autre façon. Cela s'est fait dans d'autres parties de l'Europe, à d'autres moments. Maintenant le message des pays d'Europe, des pays occidentaux, de tous ceux qui ont participé à cette action - et je crois également des Russes -, est : "il faut bâtir ensemble un Kosovo différent, une Serbie différente un jour, des Balkans différents, il faut tourner le dos à tout cela". Et nous allons tout faire pour que cela marche.
Q - Est-ce que le départ de M. Milosevic n'est plus une condition sine qua non pour l'aide à la reconstruction de la Serbie ? A Cologne, on a demandé juste des réformes économiques ?
R - Aussi bien à la réunion du G8 que dans les réunions européennes, la concertation se poursuit à propos de ce qui sera fait par rapport à la Serbie. Mais si j'avais à résumer l'état de nos échanges, je dirais que l'aide humanitaire me paraît un devoir, là comme ailleurs, quelles que soient les conditions. On ne peut pas concevoir de nouveaux investissements économiques d'avenir par rapport à une Serbie qui n'aurait pas complètement changé de positions, et en ce qui concerne la démocratie et en ce qui concerne le nationalisme, - les deux choses sont liées - et en ce qui concerne la reconstruction de tel ou tel équipement qui peut avoir un impact direct sur les gens. Ce sera examiné au cas par cas. C'est ce qui a été dit dans les différentes rencontres et cela n'a pas changé.
Q - Le président français a dit qu'il n'y aurait pas d'aide à la reconstruction de la Serbie sans le départ de M. Milosevic ?
R - J'ai déjà répondu.
C'est peut-être dans cette communauté serbe du Kosovo aujourd'hui, qui n'a pas de représentant qui soit visiblement consensuel pour avoir des représentants dans cette rencontre ce qui avait été proposé. Les émissaires religieux se sont exprimés aujourd'hui comme s'ils avaient une compétence générale et pas uniquement pour parler des questions religieuses. Il me semble qu'ils se sont adressé à nous tous, ministres européens, en parlant de l'ensemble des inquiétudes ou des aspirations des Serbes du Kosovo. C'est pour cela qu'on leur a parlé, et c'est pour cela qu'on leur a répondu. C'est une des questions qu'aura à traiter le représentant du Secrétaire général des Nations unies, pour faire fonctionner les administrations civiles internationales et organiser dans le cadre de consultations. Sous quelle forme exacte ? Je n'en sais rien. On a parlé d'un conseil consultatif, cela peut être d'autres formules, mais cette administration aura besoin de pouvoir travailler avec les Albanais du Kosovo, avec les Serbes du Kosovo, avec les autres minorités du Kosovo, à la fois pour les informer, pour les écouter, et pour tenir compte. Dans l'immédiat, c'est bien à cette administration civile internationale que le Conseil de sécurité a confié le pouvoir économique sur le Kosovo. Mais, la date d'achèvement ne peut pas être déterminée à l'avance.
Q - En ce qui concerne les criminels de guerre, la plupart sont sans doute maintenant en Serbie. Comment faire pour que la justice fasse ce devoir ?
R - Nous coopérons avec tous les occidentaux, avec le Tribunal très activement et chaque fois que le tribunal nous fait des demandes, nous y répondons du mieux que nous pouvons. C'est le cas à propos de la Bosnie et c'est encore le cas à propos du Kosovo.
Q - Vous dites que la région confiée à la France est une région très difficile à tenir. Craignez-vous une dégradation de la situation ?
R - Non, je ne peux pas parler de dégradation de la situation, nous en sommes au début. Au contraire, nous sommes dans une phase où j'ai salué le travail déjà fait par la KFOR qui est en train de s'implanter, de s'installer dans l'ensemble du Kosovo, qui est en train d'y rétablir la sécurité, ce qui est une tâche extrêmement difficile. Ayant été questionné sur ce point particulier, je fais remarquer qu'en effet, le secteur français, par sa situation, par sa composition, serait un secteur où les choses seraient difficiles pour rétablir cette sécurité. J'ai immédiatement ajouté qu'il ne s'agit pas du secteur français, il y aura de toute façon une seule politique de sécurité pour l'ensemble du Kosovo et la KFOR mènera évidemment la même politique partout. Ce sera plus ou moins difficile selon les endroits, il n'y aura pas de réponses différentes par nationalités. Il y a une seule politique de la KFOR qui est l'expression de la volonté de la communauté internationale exprimée par la résolution 1244. Ce qui a été déjà fait par la KFOR est très remarquable et j'ai une grande confiance dans ce qu'ils vont faire dans les tout prochains jours.
Q - Y aura-t-il des élections au Kosovo ? Quand ? Et reprenez-vous les mots de Joschka Fischer qui disait que la paix passe par la démocratie et par la justice ?
R - Naturellement, c'est une formule qui, je crois, exprime notre sentiment commun. En ce qui concerne les élections, aucune date n'est fixée. La résolution du Conseil de sécurité a prévu, chronologiquement, en fonction de la sécurité, de l'administration civile internationale, mais à un moment donné, il faudra mettre en place les institutions d'une autonomie pour que le Kosovo puisse fonctionner avec des représentants élus alors que nous sommes aujourd'hui dans une situation de fait. Compte tenu de la difficulté de la situation, et de l'ampleur de la tâche, on ne peut pas, a priori, de façon artificielle et sans doute prématurée fixer une date pour cela.
Q - Avez-vous demandé une union nationale à tous les partis albanais, au moins pour un temps ?
R - Nous n'avons pas à leur dicter la façon dont ils doivent s'organiser politiquement. Ce que nous leur demandons, c'est de bâtir ensemble les racines et les bases d'une nouvelle démocratie au Kosovo. Nous l'avons demandé aux représentants des Albanais du Kosovo comme aux représentants de la minorité serbe, comme nous l'avons dit aux autres minorités et comme nous le dirons peut-être en d'autres occasions. Ce que nous avons demandé, c'est de coopérer pleinement à la mise en oeuvre de la résolution qui s'impose à eux comme elle s'impose à tous.
Q - (à propos de M. Rugova)
R - Non, c'est à lui de déterminer le moment où il reviendra, nous n'avons pas, de l'extérieur à dire qui est représentant ou pas. Le moment venu, lorsqu'ils se retrouverons dans une situation d'autonomie, ils choisiront eux-mêmes, mais ils ne peuvent pas le faire dans des situations comme celle-ci. Nous n'avons pas à trancher à leur place. Nous avons des relations avec l'UCK, avec les autres par ailleurs. C'est à eux de décider quand et dans quelle condition il reviendra.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juin 1999)