Texte intégral
Cette session ministérielle d'Erfurt s'intercale entre deux échéances
importantes pour la sécurité européenne : le Conseil européen d'Amsterdam qui a
clos la Conférence intergouvernementale chargée de réviser le Traité de
Maastricht, et la réunion ministérielle de l'OTAN à Bruxelles qui devrait, en
décembre, mettre un terme provisoire aux travaux de rénovation de l'Alliance
atlantique.
Notre réunion ici en Thuringe est donc une bonne occasion de discuter des
perspectives de développement de l'Identité européenne de sécurité et de
défense et du rôle que l'UEO peut y jouer. Je salue ici le remarquable travail
accompli par la présidence allemande. Mon intention est d'apporter aujourd'hui
quelques réflexions lucides et utiles sur l'avenir et l'utilité de
l'organisation.
L'UEO est, depuis le Traité de Maastricht, à la fois composante de défense de
l'Union européenne et pilier européen de l'Alliance atlantique. A la charnière
de l'Union européenne et de l'OTAN, elle est donc chargée d'exprimer la volonté
des Européens d'affirmer leur identité en matière de sécurité et de défense, ce
qui suppose que cette volonté existe.
L'UEO a-t-elle répondu, jusqu'ici, aux espérances que nous avions fondées sur
elle ?
Certes, si l'on compare l'UEO de 1997 avec celle de 1987, il y a dix ans -
l'UEO de la plate-forme de La Haye - on ne peut que prendre acte des
développements accomplis sur le plan institutionnel. L'UEO a un siège -
Bruxelles ; elle dispose d'organes politico-militaires : le conseil permanent,
la cellule de planification, divers groupes de travail et, bientôt, un comité
militaire. Elle est aussi dotée d'instruments disponibles pour action : ce sont
les forces relevant de l'UEO et le centre satellitaire de Torrejon. Des modes
d'emploi, des procédures, des mécanismes ont été élaborés pour que l'UEO puisse
recourir à ses moyens propres comme à ceux de l'OTAN.
Sur le plan institutionnel, l'UEO a donc théoriquement les moyens d'agir. Ces
moyens ont-ils été mis au service d'une volonté ?
Force est de constater que les actions menées jusqu'à présent par l'UEO ont été
modestes, utiles mais modestes. L'action de l'UEO dans le Golfe, toute
novatrice qu'elle ait été à l'époque, est restée symbolique. L'utilisation de
l'UEO pour la surveillance de l'embargo sur le Danube ou sur l'Adriatique ne
saurait faire oublier que c'est à l'OTAN qu'a été confiée la mission de mettre
en oeuvre les Accords de Dayton. En Albanie, il n'a pas été possible - et ce
n'est pas faute d'avoir essayé - de déployer une opération de l'UEO. A défaut
de piloter l'opération Alba, l'UEO n'a servi qu'à envoyer une mission de police
par ailleurs extrêmement utile.
A dresser ce bilan en demi-teinte et dans l'esprit de participer à faire mieux
encore, une question vient immanquablement à l'esprit. Pourquoi certains Etats
membres redoutent-ils de voir notre organisation jouer pleinement son rôle ? Et
je pose la question : ont-ils une crainte ? Y a-t-il une crainte ? Sur quoi
est-elle fondée ?
L'opération Alba est une bonne illustration. Voilà une opération que plusieurs
pays européens ont pu mener à bien ensemble, sans concours extérieur. Voilà une
opération qui aurait pu aisément être menée sous le label de l'UEO. Cela n'a
pas été possible, nous en savons bien les raisons et il faut méditer sur cet
épisode. Après ce bilan rapide, je me tournerai vers l'avenir.
L'année 1998 sera une année décisive pour la construction européenne. Ce sera
l'année de la monnaie unique et celle du lancement du processus
d'élargissement. Au cours des années à venir, nous devrons parachever l'Europe
économique et progresser simultanément dans la construction d'une Europe
politique. Nous devrons élargir l'Europe et renforcer ses institutions .
Pour l'UEO, 1998 coïncide avec le cinquantième anniversaire du Traité de
Bruxelles. A partir de 1998, chaque Etat partie à ce Traité recouvrera le droit
de s'en retirer à sa guise. Pour l'avenir, tout est possible : nous pouvons
voir l'UEO s'étioler, nous pouvons la voir se donner au contraire un second
souffle, nous pouvons la voir continuer sur les mêmes bases qu'aujourd'hui.
Cela dépend de nous évidemment.
Reconnaissons que ce n'est pas à travers un perfectionnement supplémentaire de
nos institutions qui ont été très remarquablement améliorées par les
présidences successives que nous réaliserons des progrès décisifs dans
l'affirmation d'une Identité européenne de sécurité et de défense. Le
rapprochement de l'Union européenne et de l'UEO a donné les résultats que l'on
sait à Amsterdam. La réforme de l'OTAN sera, on le sait déjà par ailleurs,
d'ampleur limitée et ne permettra pas sans doute un véritable partage des
responsabilités entre Américains et Européens même si elle n'est pas pour
autant négligeable.
Dans ce contexte, il faut partir de l'existant. Nous sommes aussi sensibles que
d'autres à l'argument de non-duplication des moyens. Les contraintes
budgétaires s'imposent à tous. Nous pensons également qu'il est important, à la
fois de préserver le lien transatlantique - qui demeure indispensable -, mais
de renforcer la capacité d'agir autonome des Européens en cas de besoin. Cela
implique en particulier la préservation et même la consolidation d'une base
industrielle européenne en matière d'armement. Cela implique aussi une capacité
d'action autonome dans certaines hypothèses - inévitables - où nos alliés
américains ne souhaiteraient pas être impliqués ou pas complètement.
La restructuration de l'industrie européenne d'armement et le développement des
forces multinationales européennes sont deux chantiers majeurs pour nous.
Quel rôle l'UEO peut-elle jouer dans cette perspective ? Nous pensons que les
acquis doivent être consolidés sur la base des orientations déjà tracées : la
composante militaire doit être renforcée, le rapprochement institutionnel avec
l'Union européenne et opérationnel avec l'OTAN doivent être poursuivis, la
cohérence des forces multinationales européennes doit être approfondie, le
processus de décision doit être rendu plus flexible pour être plus efficace,
par exemple par l'abstention constructive. La France attache une grande
importance à ce que des solutions soient trouvées dans les prochains mois pour
donner à l'OCCAR une assise juridique solide.
Mais, une fois encore, cela ne suffira pas à donner à l'UEO une réelle
substance si la volonté des participants n'est pas au rendez-vous. Mon pays
souhaite ardemment, vous le savez, l'affirmation d'une Identité européenne de
sécurité et de défense, dont il continue de penser que, loin d'affaiblir
l'Alliance atlantique, elle la renforcerait. La France a montré dans le passé
sa conviction en oeuvrant à la relance de l'UEO en 1986 et en essayant
constamment de donner à cette organisation, en bonne harmonie avec l'Alliance,
une place de choix dans l'architecture européenne de sécurité.
Mais mon pays sait aussi que ce n'est qu'ensemble que les Européens doivent
réfléchir à l'avenir de leur sécurité et progresser concrètement, avec
pragmatisme et réalisme. Alors seulement nous pourrons changer la dimension de
ce débat, pour que nos intérêts communs en matière de défense européenne qui
sont très forts, indissolubles, ouvrent la voie à la perspective d'une Europe
de la Défense./.
(source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 24 septembre 2001)
importantes pour la sécurité européenne : le Conseil européen d'Amsterdam qui a
clos la Conférence intergouvernementale chargée de réviser le Traité de
Maastricht, et la réunion ministérielle de l'OTAN à Bruxelles qui devrait, en
décembre, mettre un terme provisoire aux travaux de rénovation de l'Alliance
atlantique.
Notre réunion ici en Thuringe est donc une bonne occasion de discuter des
perspectives de développement de l'Identité européenne de sécurité et de
défense et du rôle que l'UEO peut y jouer. Je salue ici le remarquable travail
accompli par la présidence allemande. Mon intention est d'apporter aujourd'hui
quelques réflexions lucides et utiles sur l'avenir et l'utilité de
l'organisation.
L'UEO est, depuis le Traité de Maastricht, à la fois composante de défense de
l'Union européenne et pilier européen de l'Alliance atlantique. A la charnière
de l'Union européenne et de l'OTAN, elle est donc chargée d'exprimer la volonté
des Européens d'affirmer leur identité en matière de sécurité et de défense, ce
qui suppose que cette volonté existe.
L'UEO a-t-elle répondu, jusqu'ici, aux espérances que nous avions fondées sur
elle ?
Certes, si l'on compare l'UEO de 1997 avec celle de 1987, il y a dix ans -
l'UEO de la plate-forme de La Haye - on ne peut que prendre acte des
développements accomplis sur le plan institutionnel. L'UEO a un siège -
Bruxelles ; elle dispose d'organes politico-militaires : le conseil permanent,
la cellule de planification, divers groupes de travail et, bientôt, un comité
militaire. Elle est aussi dotée d'instruments disponibles pour action : ce sont
les forces relevant de l'UEO et le centre satellitaire de Torrejon. Des modes
d'emploi, des procédures, des mécanismes ont été élaborés pour que l'UEO puisse
recourir à ses moyens propres comme à ceux de l'OTAN.
Sur le plan institutionnel, l'UEO a donc théoriquement les moyens d'agir. Ces
moyens ont-ils été mis au service d'une volonté ?
Force est de constater que les actions menées jusqu'à présent par l'UEO ont été
modestes, utiles mais modestes. L'action de l'UEO dans le Golfe, toute
novatrice qu'elle ait été à l'époque, est restée symbolique. L'utilisation de
l'UEO pour la surveillance de l'embargo sur le Danube ou sur l'Adriatique ne
saurait faire oublier que c'est à l'OTAN qu'a été confiée la mission de mettre
en oeuvre les Accords de Dayton. En Albanie, il n'a pas été possible - et ce
n'est pas faute d'avoir essayé - de déployer une opération de l'UEO. A défaut
de piloter l'opération Alba, l'UEO n'a servi qu'à envoyer une mission de police
par ailleurs extrêmement utile.
A dresser ce bilan en demi-teinte et dans l'esprit de participer à faire mieux
encore, une question vient immanquablement à l'esprit. Pourquoi certains Etats
membres redoutent-ils de voir notre organisation jouer pleinement son rôle ? Et
je pose la question : ont-ils une crainte ? Y a-t-il une crainte ? Sur quoi
est-elle fondée ?
L'opération Alba est une bonne illustration. Voilà une opération que plusieurs
pays européens ont pu mener à bien ensemble, sans concours extérieur. Voilà une
opération qui aurait pu aisément être menée sous le label de l'UEO. Cela n'a
pas été possible, nous en savons bien les raisons et il faut méditer sur cet
épisode. Après ce bilan rapide, je me tournerai vers l'avenir.
L'année 1998 sera une année décisive pour la construction européenne. Ce sera
l'année de la monnaie unique et celle du lancement du processus
d'élargissement. Au cours des années à venir, nous devrons parachever l'Europe
économique et progresser simultanément dans la construction d'une Europe
politique. Nous devrons élargir l'Europe et renforcer ses institutions .
Pour l'UEO, 1998 coïncide avec le cinquantième anniversaire du Traité de
Bruxelles. A partir de 1998, chaque Etat partie à ce Traité recouvrera le droit
de s'en retirer à sa guise. Pour l'avenir, tout est possible : nous pouvons
voir l'UEO s'étioler, nous pouvons la voir se donner au contraire un second
souffle, nous pouvons la voir continuer sur les mêmes bases qu'aujourd'hui.
Cela dépend de nous évidemment.
Reconnaissons que ce n'est pas à travers un perfectionnement supplémentaire de
nos institutions qui ont été très remarquablement améliorées par les
présidences successives que nous réaliserons des progrès décisifs dans
l'affirmation d'une Identité européenne de sécurité et de défense. Le
rapprochement de l'Union européenne et de l'UEO a donné les résultats que l'on
sait à Amsterdam. La réforme de l'OTAN sera, on le sait déjà par ailleurs,
d'ampleur limitée et ne permettra pas sans doute un véritable partage des
responsabilités entre Américains et Européens même si elle n'est pas pour
autant négligeable.
Dans ce contexte, il faut partir de l'existant. Nous sommes aussi sensibles que
d'autres à l'argument de non-duplication des moyens. Les contraintes
budgétaires s'imposent à tous. Nous pensons également qu'il est important, à la
fois de préserver le lien transatlantique - qui demeure indispensable -, mais
de renforcer la capacité d'agir autonome des Européens en cas de besoin. Cela
implique en particulier la préservation et même la consolidation d'une base
industrielle européenne en matière d'armement. Cela implique aussi une capacité
d'action autonome dans certaines hypothèses - inévitables - où nos alliés
américains ne souhaiteraient pas être impliqués ou pas complètement.
La restructuration de l'industrie européenne d'armement et le développement des
forces multinationales européennes sont deux chantiers majeurs pour nous.
Quel rôle l'UEO peut-elle jouer dans cette perspective ? Nous pensons que les
acquis doivent être consolidés sur la base des orientations déjà tracées : la
composante militaire doit être renforcée, le rapprochement institutionnel avec
l'Union européenne et opérationnel avec l'OTAN doivent être poursuivis, la
cohérence des forces multinationales européennes doit être approfondie, le
processus de décision doit être rendu plus flexible pour être plus efficace,
par exemple par l'abstention constructive. La France attache une grande
importance à ce que des solutions soient trouvées dans les prochains mois pour
donner à l'OCCAR une assise juridique solide.
Mais, une fois encore, cela ne suffira pas à donner à l'UEO une réelle
substance si la volonté des participants n'est pas au rendez-vous. Mon pays
souhaite ardemment, vous le savez, l'affirmation d'une Identité européenne de
sécurité et de défense, dont il continue de penser que, loin d'affaiblir
l'Alliance atlantique, elle la renforcerait. La France a montré dans le passé
sa conviction en oeuvrant à la relance de l'UEO en 1986 et en essayant
constamment de donner à cette organisation, en bonne harmonie avec l'Alliance,
une place de choix dans l'architecture européenne de sécurité.
Mais mon pays sait aussi que ce n'est qu'ensemble que les Européens doivent
réfléchir à l'avenir de leur sécurité et progresser concrètement, avec
pragmatisme et réalisme. Alors seulement nous pourrons changer la dimension de
ce débat, pour que nos intérêts communs en matière de défense européenne qui
sont très forts, indissolubles, ouvrent la voie à la perspective d'une Europe
de la Défense./.
(source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 24 septembre 2001)