Interview de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel, à l'Agence France-Presse le 24 octobre 2001, sur le service public de l'éducation.

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AFP : Représentez-vous le gouvernement français ou allez-vous à Porto-Alegre à titre personnel ?
Jean-Luc Mélenchon : J'y vais en ma triple qualité de ministre, militant socialiste, et responsable d'un courant de pensée à l'intérieur du parti socialiste. Je serai le seul ministre présent. Je m'y rends avec l'accord du Premier ministre, ce qui marque la singularité du gouvernement français, qui veut ainsi démontrer qu'un service public d'éducation puissant, comme le nôtre, a une efficacité économique élevée, et apporter ainsi un vivant démenti aux thèses libérales.
Je participe à la commission de rédaction de la charte à l'issue du forum, dans laquelle nous allons affirmer que l'éducation est un bien public commun et un droit. La marchandisation est la menace de notre temps pour la diffusion des savoirs. Nous sommes opposés à leur commercialisation, prônée par l'organisation mondiale du commerce (OMC), qui est tentée par les 1.600 milliards de dollars dépensés par an dans le monde sur l'éducation.
AFP : Estimez-vous que le modèle anglo-saxon d'éducation menace l'école publique ?
Jean-Luc Mélenchon : En France, le service public est difficilement menaçable. Il est très puissant, bénéficie d'un consensus national dans les familles, les syndicats, mais aussi de très larges secteurs du patronat, qui, grâce à lui trouvent l'une des meilleures mains d'oeuvre du monde. Néanmoins, il existe des pressions terribles en faveur de la marchandisation. Des dizaines d'établissements secondaires ont été vendus à des firmes privées aux Etats-Unis, où beaucoup d'écoles passent des accords préférentiels avec des marques. Tout cela se termine par de véritables catastrophes nationales, comme en Grande-Bretagne. Les Etats-Unis compensent leurs mauvais résultats par le recours massif à "l'immigration sélective", soit le pillage des cerveaux du tiers monde qui, à terme, menace la paix et la stabilité du monde.
AFP : Pensez-vous que l'impact massif d'internet sur le développement de l'enseignement à distance va accélérer la privatisation à terme de l'éducation?
Jean-Luc Mélenchon : Cela peut être la meilleure et la pire des choses. Le meilleur, c'est une mise en partage des connaissances et un support pédagogique extraordinaire. Le pire, c'est de faire croire que le savoir ne serait qu'une information, et qu'on pourrait se passer des fonctions de socialisation du système éducatif.
(source http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr, le 9 janvier 2002)