Déclaration de M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale, sur les relations franco-vénézuéliennes, Paris le 9 octobre 2001.

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Circonstance : Dîner en l'honneur du Président de la République bolivarienne du Vénézuéla à Paris le 9 octobre 2001

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est un grand honneur et un grand plaisir pour moi de vous accueillir ce soir, au nom du gouvernement français, pour ce dîner organisé en l'honneur de votre première visite officielle en France.
J'ai conscience de recevoir un ami de la France, et un bon connaisseur de l'histoire de notre pays, à laquelle l'histoire du Venezuela a été intimement mêlée à plusieurs reprises, toujours de manière pacifique et souvent de manière amicale. Vous avez voulu réserver à Paris un de vos premiers voyages hors de votre pays comme homme libre, puis comme président élu du Venezuela, et c'est une ville que vous connaissez bien, comme vous connaissez nos institutions : lors de votre dernière visite de travail, il y a deux ans, vous avez été le premier chef d'Etat étranger à être reçu officiellement par notre Conseil Constitutionnel.
Avant vous, bien des dirigeants de votre grand pays ont visité la France. Certains, et non des moindres, y ont résidé et y ont accompli des actes illustres. Francisco de Miranda, "Le Précurseur", fut général dans l'armée française, et a contribué à sauver la Révolution à la bataille de Valmy. Le "Libérateur" lui-même, Simon Bolivar, a séjourné à Paris plusieurs mois, et nous a laissé le récit de ses impressions nuancées comme témoin d'un événement important, le couronnement de Napoléon Ier. Nous n'aurons garde d'oublier le président Antonio Guzman Blanco, mort à Paris, dont vous avez organisé le retour des cendres au Venezuela il y a deux ans, ni les nombreux artistes vénézuéliens qui ont apporté leur contribution au rayonnement de la culture universelle depuis cette ville, à l'exemple de Reynaldo Hahn il y a un siècle et, aujourd'hui, de nombre de vos compatriotes, à l'exemple de Jesus Soto.
L'histoire des relations franco-vénézuéliennes, elle aussi, est ancienne, toujours pacifique, souvent amicale, et riche de travaux communs, scientifiques, littéraires, artistiques, philosophiques. Au confluent de toutes ces disciplines, je ne citerai que l'intérêt passionné de mes concitoyens pour votre grand fleuve, l'Orénoque, et cela tout au long de l'histoire, depuis Aimé Bonpland, le compagnon d'Alexandre de Humboldt, jusqu'aux ethnologues contemporains, en passant par le célèbre roman de Jules Verne.
Ces relations sont loin d'être figées dans ce passé glorieux. Elles sont aujourd'hui en plein essor, et votre visite vient le mettre en évidence et l'accentuer.
Aujourd'hui comme hier, davantage même, il y a bien des raisons pour le Venezuela et la France de travailler ensemble : sur nos continents respectifs, nous sommes les uns et les autres en faveur d'intensifier la coopération et l'intégration régionale. D'une part, l'Union européenne et la France soutiennent par leur coopération le renforcement de la Communauté andine des Nations, dont le Venezuela a assuré la présidence jusqu'en juillet dernier. De l'autre, notre pays va, en sa qualité de membre associé de cette organisation internationale, participer au prochain sommet de l'Association des Etats de la Caraïbe, qui se tiendra sous votre présidence dans l'île de Margarita. Cette participation s'inscrit dans la politique de notre gouvernement qui souhaite intensifier l'insertion de nos départements et territoires d'outre-mer dans leur région respective. Je sais que vous y êtes également favorable et que vous encouragez les projets de coopération entre le Venezuela et les Antilles françaises. Concrètement, la coopération franco-vénézuélienne dans les Caraïbes a montré récemment son utilité et son efficacité lors d'une opération anti-drogue menée en commun et couronnée de succès. Nous allons consolider cette coopération en l'étendant au domaine de la lutte contre les effets des désastres naturels, comme celui qui a frappé le Venezuela en décembre 1999.
Au-delà du cadre régional, nos vues convergent sur bien des sujets de débats internationaux. C'est d'ailleurs naturel puisque nos deux pays appartiennent à la catégorie des démocraties qui défendent les droits de l'homme, les libertés publiques, la solution pacifique des différends et la coopération internationale pour combattre les inégalités et pour agir en faveur du développement durable. Sur ces questions, les positions que vous êtes amené à présenter au nom du Venezuela nous intéressent au plus haut point, notamment en votre qualité de président du Groupe des Quinze, et de membre influent de l'OPEP. A ce titre, je veux rendre hommage à la sagesse et au sens de dialogue dont vous avez fait preuve à plusieurs reprises sur la question des prix du pétrole, par exemple lors du sommet de l'OPEP de Caracas, que vous avez présidé avec succès, et au cours duquel vous vous êtes entretenu par téléphone avec M. Lionel Jospin, qui a exprimé la position de l'Union européenne, alors sous présidence française. Plus récemment, à la suite des attentats horribles qui ont frappé les Etats-Unis le 11 septembre dernier, l'intervention apaisante de votre gouvernement a fortement contribué à stopper les mouvements erratiques des cours et à rétablir la stabilité des prix dont nos économies ont besoin.
Sur le plan bilatéral, notre coopération est en progression marquée. Nos échanges commerciaux sont en augmentation rapide, les investissements français progressent de façon spectaculaire, particulièrement dans le domaine du pétrole et du gaz, puisque le groupe Total-Fina-Elf a réalisé, en association notamment avec la société Pdvsa, le plus important investissement privé étranger au Venezuela, le projet Sincor. Le même groupe vient de gagner l'appel d'offres pour l'exploitation d'un gisement de gaz, et s'apprête à renforcer sa présence au Venezuela. Il en va de même de Péchiney dans la production d'alumine et de Casino dans le secteur de la grande distribution, entre autres. Je souhaite vivement que votre visite, qui comporte un volet économique et industriel important, ouvre de nouvelles perspectives à notre coopération dans ces domaines, et cela au bénéfice mutuel de nos entreprises et de nos peuples.
La France et le Venezuela coopèrent depuis de nombreuses années, de manière efficace et fructueuse, sur les terrains de la science, de la culture, de l'éducation et pour renforcer l'étude et la connaissance réciproques des langues et des civilisations, et dans le domaine de la Défense. Cette coopération a reçu une impulsion notable depuis votre élection, notamment en ce qui concerne la coopération militaire, la sécurité civile, la formation des juges et la formation dans le domaine de l'enseignement supérieur technologique court, avec l'appui des Instituts universitaires de technologie (IUT) français. Je sais également, Monsieur le Président, que vous êtes très attaché au développement des écoles bolivariennes. La commission mixte de coopération culturelle, scientifique et technique, dont la VIIIème réunion se tiendra à Paris le 15 novembre prochain, doit renforcer ce dynamisme et l'ordonner autour de priorités nouvelles ou renouvelées, comme l'enseignement du français au Venezuela et de l'espagnol en France et l'échange d'assistants de langues, la coopération scientifique dans le cadre de projets conjoints de formation à et par la recherche, l'action en commun pour l'environnement et le développement durable, l'intégration régionale andine et caraïbe, la défense de la diversité culturelle. Elle préludera à l'organisation, dans votre pays, du grand festival "Francia Venezuela 2002" qui, tout au long de l'année prochaine, mettra en évidence les apports réciproques de nos deux pays en matière culturelle, artistique et intellectuelle. Là encore, il ne s'agira pas seulement de célébrer un passé illustre, mais de réfléchir en commun sur les nouveaux défis culturels, et notamment les enjeux de la diversité culturelle dans un monde multipolaire. La France et le Venezuela l'ont fait à de nombreuses reprises dans le passé. Je ne doute pas que sous votre haute direction, et avec la volonté qui nous anime, dans l'amitié qui imprègne votre visite parmi nous, nous soyons en mesure, cette fois encore, de démontrer que la France et le Venezuela peuvent créer en commun et proposer ensemble des réponses à certaines questions importantes pour l'avenir de notre planète.
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je lève mon verre à la santé du président Hugo Rafael Chavez Frias, à la santé de la République bolivarienne du Venezuela, et de l'amitié et de la coopération grandissantes entre la France et le Venezuela./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2001)