Déclaration de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, sur la démarche de refondation initiée avec les partenaires sociaux et la nouvelle donne entre les pouvoirs publics et les entreprises, Paris le 30 mars 2000.

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Monsieur le Premier Ministre,
Au moment où vous venez d'apporter d'importants changements dans le Gouvernement, le Mouvement des Entreprises de France se doit de vous faire part des dossiers que les entreprises considèrent comme prioritaires, compte tenu de la situation économique et sociale de notre pays.
La France connaît actuellement une forte croissance économique, supérieure à 3,5%. Les entreprises, qui ont créé depuis un an plus de 370.000 emplois marchands, connaissent un fort développement tant sur le marché national qu'à l'exportation. Elles bénéficient aujourd'hui à plein de la situation créée par l'avènement de l'euro Notre pays s'immerge progressivement dans la nouvelle économie, particulièrement exigeante en termes de compétitivité et de nouvelles organisations des entreprises.
Notre objectif est aujourd'hui de transformer cette situation conjoncturelle favorable en une vraie croissance durable et de retrouver rapidement un plein emploi et une pleine activité de la population française. Nous relevons à cet égard avec intérêt que cette préoccupation rejoint le nouvel objectif stratégique de l'Europe, arrêté par le sommet de Lisbonne.
L'exemple des pays européens ayant réussi à résorber leur chômage est tout à fait clair : ils ont tous donné la priorité au secteur productif. Pour y parvenir. ils ont à la fois diminué drastiquement le poids de leurs dépenses publiques, donné la priorité aux relations sociales décentralisées et favorisé l'accroissement de la recherche et de l'innovation. A contrario, l'exemple de la France. dont les capacités de croissance sont dès maintenant freinées par des pénuries de personnels qualifiés. par un manque confirmé de compétitivité fiscale et par une intervention croissante de l'Etat dans les relations sociales. montre que si nous voulons ensemble que notre pays réussisse, une véritable inflexion de la politique économique et sociale est nécessaire.
C'est dans ce cadre de recherche d'une efficacité accrue de notre système économique et d'une efficience plus grande de notre système social que s'inscrit la démarche de refondation, que nous avons initiée avec l'ensemble des partenaires sociaux, et que nous entendons mener avec la plus grande détermination et la plus grande ouverture. Les négociations en cours devraient en effet, selon nous, permettre d'élaborer de nouvelles politiques de protection sociale et d'instaurer de nouvelles relations du travail, au bénéfice commun des salariés et des entreprises. Vous avez vous-même salué l'importance de ces travaux, fondamentaux et novateurs.
Mais créer une vraie croissance pérenne suppose à notre sens, d'abord et avant tout, d'inscrire désormais l'ensemble des décisions publiques dans un cadre nouveau, défini en commun, reconnaissant le rôle primordial des entreprises dans la création de richesses et d'emplois. Les entreprises de France ont la conviction qu'elles ne pourront réussir demain que si toute la Nation se donne pour objectif la recherche de la compétitivité et de l'excellence. Ceci passe par l'amélioration de l'efficacité de notre système public et de notre organisation collective.
A cette nouvelle donne économique doit ainsi correspondre une nouvelle donne dans les relations entre Pouvoirs Publics et entreprises. En ce qui nous concerne nous y sommes prêts.
Pour le MEDEF, cette nouvelle donne doit être fondée sur trois principes confiance, liberté et justice.
La confiance. A l'instar de ce qui se passe dans toutes les autres démocraties, nous devons établir des relations de confiance entre la société civile et la société publique. Ceci passe par un engagement résolu des Pouvoirs Publics de renoncer à imposer de nouveaux textes législatifs ou réglementaires dans des domaines relevant de la responsabilité normale des entreprises ou des partenaires sociaux. Seule la confiance permet l'exercice plein de la responsabilité. Plusieurs projets en cours, notamment celui relatif à la régulation économique. nous paraissent à cet égard comporter des dispositions qui n'existent chez aucun de nos concurrents, et qui doivent donc être écartées. De même, nous vous demandons avec la plus extrême insistance de renoncer à présenter en l'état le projet prévu de réforme des tribunaux de commerce, qui remet en cause des principes fondamentaux qui ont fait l'efficacité de notre justice commerciale.
La liberté. La liberté d'entreprendre est fondamentale pour permettre à notre pays de conserver son rôle dans un ensemble économique de plus en plus ouvert. Notre pays ne crée toujours pas assez d'entreprises et ne suscite pas assez de vocation d'entrepreneurs. Nous voyons surtout avec tristesse que d'autres pays apparaissent plus attractifs pour les entrepreneurs que le nôtre. Les entreprises de terrain. rationnées par la loi sur les 35 heures, ne savent pas comment concilier des carnets de commandes en expansion et des volumes d'horaires en réduction. Pour éviter des pertes de marché, dues à une augmentation excessive des coûts, une révision fondamentale de la loi sur les 35 heures est ainsi incontournable. Elle doit passer par le renvoi à l'accord collectif du nombre et de la rémunération des heures supplémentaires ainsi que du seuil de déclenchement des repos compensateurs. Elle doit d'autre part exonérer les plus petites entreprises de terrain d'une législation qu'elles ne sont de toute façon pas en mesure d'appliquer.
La justice. Après des années d'efforts importants et répétés des entreprises et des salariés du secteur privé pour s'adapter, le temps est venu que les organisations publiques et leurs personnels els entreprennent enfin les réformes, depuis longtemps identifiées et reconnues comme indispensables. C'est pour les entreprises de France une question d'équité. Ce principe doit s'appliquer à tous les domaines, salaires, organisation du. Travail et protection sociale. S'agissant notamment des retraites, l'écart de situation entre salariés privés et publics, qui va croissant, ne peut perdurer. Le principe " à revenu égal, cotisation égale, et pension égale " doit être traduit en acte rapidement, sauf à créer des charges supplémentaires totalement inacceptables pour les salariés du secteur privé.
Monsieur le Premier Ministre, la réforme de l'Etat doit désormais être votre priorité. Les entreprises, fortement mises à contribution pour alimenter le budget au cours des années passées, attendent de votre Gouvernement une politique ambitieuse de réduction de la dépense publique qui permette à la fois des diminutions importantes d'impôts et l'éradication du déficit budgétaire. La réforme fiscale doit privilégier l'activité entrepreneuriale, l'investissement productif et la prise de risques. Elle est désormais indispensable, compte tenu des récentes décisions allemandes, britanniques ou espagnoles, qui accentuent nos différences en matière d'impôt sur les sociétés, de taxation des plus-values, d'impôt sur le patrimoine comme d'impôt sur le revenu.
Je souhaite vous rencontrer pour vous exposer personnellement ces propositions destinées à fonder le pacte de confiance entre les entreprises et l'Etat, auquel aspire le Mouvement des Entreprises de France.
Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l'assurance de ma haute considération.
Ernest-Antoine Seillière
(Source http://www.medef.fr, le 20 décembre 2002)