Interview de M. Olivier Besancenot, candidat LCR à la Présidence de la République, à "La Chaîne Info" le 5 novembre 2001, sur les 500 signatures nécessaires pour confirmer sa candidature à l'élection présidentielle 2002, sur ses rapports avec le mouvement Attac et avec les autres candidats de gauche.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral


A. Hausser
Vous êtes un peu l'inconnu de cette campagne, candidat de la LCR. Vous souffrez pour le moment d'un déficit de notoriété - ce n'est pas injurieux de le dire : vous n'êtes crédité que de 0,5 à 1 % des intentions de vote dans les sondages. Qu'avez-vous l'intention de faire pour remonter ce handicap ?
- "C'est un statut d'anonymat que j'assume et que je revendique. On pense qu'il n'y a pas mieux placé qu'un anonyme, précisément, pour défendre des millions d'autres anonymes à ces élections, qui subissent, comme moi, au quotidien, les effets sociaux, démocratiques, écologiques et maintenant militaire du capitalisme actuel. C'est aussi l'occasion de démontrer que la politique n'est pas réservée à des professionnels."
Comment est-ce qu'un anonyme peut apporter quelque chose à des anonymes ?
- "C'est sur la base de la politique que nous comptons proposer, c'est-à-dire des mesures d'urgence pour permettre aux salariés, aux opprimés en général, de pouvoir sortir de la crise et de pouvoir, de façon plus générale, avoir une autre répartition des richesses."
Pour l'instant, vous n'êtes pas encore candidat officiellement, c'est-à-dire que vous n'avez pas encore recueilli les 500 signatures. Vous disiez que vous aviez 400 promesses ?
- "On approche des 400 promesses de signatures."
Et pour avoir 500 signatures, combien faut-il de promesses ?
- "Pour nous, il en faut 600 ou 700 environ. C'est un problème qui se pose particulièrement pour les petites formations comme la nôtre, mais nous restons confiants, parce que nous pensons que l'argument démocratique va, au final, pouvoir l'emporter, parce qu'il n'y a pas de raison, si ce n'est une injustice démocratique, que nous ne puissions pas être présents dans une échéance électorale comme celle-là."
C'est ainsi que vous comptez convaincre des maires de petites communes de vous donner leur signature ?
- "C'est ce que nous faisons actuellement, c'est-à-dire que tous les militants de la LCR sillonnent toute la France pendant la semaine et pendant les week-ends pour convaincre, notamment les maires de petites communes, qu'ils soient organisés dans des partis ou non, de parrainer cette candidature, une fois de plus, sur cet argument démocratique. Nous sommes un courant présent toute l'année contre les licenciements, avec les sans-papiers, les femmes. Il n'y a donc pas de raison que nous ne puissions pas nous exprimer à cette occasion."
Vous disiez que vous comptiez aussi sur les signatures des maires communistes qui, eux, étaient un peu attentistes, dans l'expectative, à cause du congrès du PC. Maintenant qu'il est passé, est-ce qu'ils viennent vers vous ou est-ce qu'ils restent dans leur coin ?
- "C'est un peu trop tôt pour le dire. Beaucoup de maires du PC attendaient effectivement le déroulement de ce congrès, comme beaucoup de leurs électeurs et militants. Ils ont été un peu déçus de voir que les grands débats politiques n'ont pas été abordés et, qu'une fois de plus, la seule orientation maintenue est de continuer à faire ce qu'a fait le PC au Gouvernement, c'est-à-dire de ne pas faire la démonstration qu'il était capable d'infléchir dans un sens social la politique actuelle de la gauche plurielle."
Vous voulez dire que le PC n'a rien obtenu pendant son passage au Gouvernement ?
- "A part quelques gesticulations, nous n'avons pas vu grand chose."
Ils pèsent dans les débats parlementaires, ils obtiennent peut-être de petites choses, mais ils obtiennent des choses !
- "Là où des millions de salariés les attendent, c'est par exemple avec une loi qui interdise vraiment les licenciements. La situation actuelle, ce sont des rafales de plans sociaux absolument arrogants. Le dernier exemple en date, c'est Moulinex, où 4.000 personnes sont restées sur le carreau alors que le soir même, les actionnaires voient leurs profits augmentés de 20 %. On a une loi dite "de modernisation sociale" qui, en réalité, ne protège en rien les travailleurs contre ces plans sociaux."
Comment voulez-vous interdire les licenciements, s'il n'y a plus de sous dans la caisse d'une entreprise, quand celle-ci va fermer ?
- "Par une volonté politique. D'abord, on a besoin de transparence pour savoir quelle filiale est vraiment déficitaire, quelle est celle qui gagne plus ou moins d'argent. Deuxièmement, c'est la politique actuelle du patronat qu'il faut remettre en cause. On se rend bien compte que les actionnaires italiens en l'occurrence, dans l'entreprise Moulinex, n'acceptent que de pomper les profits et jamais de financer la moindre perte. Cela ne les a pas empêché, à l'époque, au moment de l'achat de Brandt, au moment de la fusion avec Moulinex, de mettre en poche plus du double de ce que devait coûter le plan social de Moulinex à l'époque."
Vous manifestez pour Moulinex, mais aussi contre la mondialisation. Il y a une manifestation le 10 novembre et vous en serez, bien sûr. Quels sont vos rapports avec Attac, le mouvement qui incarne l'antimondialisation, puisqu'il veut aussi peser dans la campagne présidentielle ?
- "Il y a le terrain de ce que font les associations, les syndicats, les mouvements qui luttent contre la mondialisation libérale aujourd'hui. Sa richesse, c'est d'être un grand rassemblement qui coordonne des organisations populaires qui vont des partis politique à des associations, à des syndicats. Attac est une des grandes organisations qui, en France et au niveau international, sont un peu à la pointe de cette coordination. On n'est pas tout à fait sur le même terrain. Je suis membre d'Attac, mais tout ce que je vais faire dans cette campagne n'engage que la LCR et tous ceux qui se reconnaîtrons dans cette campagne."
Attac a un peu transcendé les clivages des partis, puisque même certains députés de droite en font partie et sont pour la taxe Tobin. Vous êtes un peu récupéré là-dedans !
- "Je ne sais pas si des députés de droite font partie d'Attac..."
Si, il y en a !
- "Il y a effectivement des députés de droite qui sont pour la taxe Tobin. Mais une fois de plus, Attac est une association unitaire et c'est sa richesse. Ce qui fait que n'importe quel membre d'un courant politique peut s'y retrouver sur la base de points communs de revendication commune, comme la taxe Tobin, l'annulation de la dette du Tiers-Monde et de façon plus globale, une contestation des effets de la mondialisation libérale actuelle."
Quels sont vos rapports avec le Parti des travailleurs de P. Lambert ?
- "En l'occurrence, je n'en ai pas. Dans le cadre de mon militantisme personnel, avec la LCR, dans les grands combats sociaux, c'est un courant politique que je n'ai pas côtoyé. J'ai suivi comme tout le monde l'actualité récente, ce qui en a fait parler dans les dernières semaines."
C'est-à-dire l'appartenance de L. Jospin à ce mouvement ?
-"Voilà."
Vous le considérez comme un trotskiste ?
- "Sur la base de la politique qu'il fait actuellement, une chose est sûre, c'est qu'il ne l'est pas ! Et tout ce qu'il fait actuellement nous fait dire que l'on a pas besoin d'aller chercher dans le passé ce qu'il a été ou ce qu'il aurait été. En l'occurrence, je crois que cela intéresse peu de Français actuellement. Une chose est sûre, c'est que quand vous m'avez en face de vous, vous savez qu'il n'y aura pas besoin de fouiller dans mes archives pour savoir qui j'étais à l'âge de 27 ans."
A. Laguiller, c'est votre concurrente, c'est votre amie... Qui est-ce pour vous ?
- "Ce n'est pas mon adversaire politique, puisqu'on lui avait proposé un accord unitaire autour de sa candidature pour les élections présidentielles et législatives. On regrette qu'elle ait fait le choix du cavalier seul, le choix du sectarisme et on espère qu'au bon du compte, les gens feront l'addition des deux scores au lendemain des élections. L'extrême gauche, depuis plusieurs années, ce sont principalement deux courants, notamment depuis les deux dernières élections - européennes, mais aussi municipales. Cela permet, entre autres, à l'extrême gauche d'être représentée à un moment social important, comme ce fut le cas, en juillet dernier, à Gènes."
Votre décision de ne pas appeler à voter pour L. Jospin au second tour est irrévocable ?
- C'est une décision que l'on a pris au mois de juin et qui consiste à ne pas donner de consignes de vote en l'état actuel des choses. Pour nous, la droite et la gauche, cela n'a jamais été la même chose, on ne donnera pas une voix à Chirac, mais le bilan de la politique du Gouvernement actuel fait qu'il a quand même plus privatiser à lui seul que les deux derniers gouvernements de droite réunis, qu'il n'a rien fait contre les licenciements... Donc, on lui dit que c'est à lui d'aller gagner les voix de l'électorat populaire en général et de montrer que c'est encore utile de voter pour lui au deuxième tour."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 22 novembre 2001)