Texte intégral
Le ministre : Je voudrais remercier à mon tour les autorités polonaises pour la cordialité de l'accueil qu'elles nous ont réservé, aussi bien le Président Walesa que le Premier ministre et notre collègue M. Olechowski.
Cette rencontre a pour le gouvernement français une grande importance. Elle a d'abord une portée symbolique lorsque l'on se rappelle ce qu'a pu être l'histoire des relations entre l'Allemagne, la France et la Pologne au cours des siècles passés et tout particulièrement en ce XXe siècle. Nous voir ainsi côte à côte sur cette tribune montre que la page est tournée et que nous sommes partis ensemble pour une nouvelle aventure. Cette rencontre a aussi une portée pratique ; nous avons bien travaillé tout au long de ce rapide séjour et nos discussions nous ont permis de confirmer ou d'affirmer un certain nombre d'orientations. Je voudrais très rapidement en citer deux ou trois.
Il est d'abord très clairement apparu dans nos conversations que les grandes lignes de la politique étrangère de la Pologne sont confirmée et maintenues, ce qui est évidemment pour nous un sujet de satisfaction. Je pense évidemment à la volonté de la Pologne de se rapprocher, jusqu'à l'adhésion, de l'Union européenne.
Deuxième fait marquant de nos conversations et de nos travaux, c'est la volonté affirmée cette fois-ci par l'Allemagne et la France d'accompagner la Pologne tout au long du chemin, que nous espérons aussi court que possible, qui doit la conduire à entrer à part entière dans l'Union européenne. Je voudrais rappeler, parce que ceci a été parfois négligé ou sous-estimé, l'importance de la déclaration des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne faite à Copenhague au mois de juin dernier et qui dit très clairement que nous souhaitons accueillir au sein de la Communauté, au sein de l'Union désormais, la Pologne ainsi que les pays d'Europe centrale. Cette déclaration de principe se traduit petit à petit dans les faits ; nous avons ce matin souhaité que la coopération politique entre les Douze, la Pologne et les autres pays d'Europe centrale puissent se concrétiser le plus rapidement possible, notamment par l'organisation d'une rencontre à haut niveau au cours des prochains mois. Nous nous sommes engagés à tout faire pour que l'accord européen d'association, qui est maintenant ratifié par la France, puisse entrer en vigueur dans toutes ses dispositions le 1er janvier prochain. Et nous sommes également convenus de travailler ensemble à l'étude de ce que pourraient être les critères d'adhésion de la Pologne à l'Union européenne, étant bien entendu que ces critères ne sont pas conçus comme de nouvelles exigences ou de nouvelles conditions, mais comme des guides destinés à aider la Pologne à se rapprocher le plus vite possible de l'Union.
Troisième idée importante : la volonté de l'Allemagne et de la France de répondre positivement à ce besoin de sécurité qui s'exprime ici très fortement par la voix de toutes les autorités que nous avons rencontrées. Là encore il faut être concret. Un certain nombre d'initiatives vont permettre, je le crois, au cours des prochains mois, de mieux répondre à ce besoin de sécurité de la Pologne.
Nous allons d'abord mettre en œuvre ce grand exercice de diplomatie préventive que constitue le Pacte de stabilité lancé à l'origine par le Premier ministre français, M. Balladur, et qui est devenu désormais une initiative à Douze. Le texte définitif de cette initiative sera arrêté au Conseil européen de Bruxelles dans quelques semaines, le 10 et le 11 décembre, et le coup d'envoi pourra alors être donné à ce processus qui, je le rappelle, se déroulera en étroite liaison avec la CSCE, dont il convient de réaffirmer l'importance et le rôle dans la sécurité européenne.
Deuxième manière de concrétiser ces engagements, c'est le resserrement des relations entre la Pologne et l'Alliance atlantique. Vous connaissez l'idée du partenariat pour la paix. Nous avons eu vis-à-vis de cette idée une réaction de principe favorable. Il s'agit maintenant de voir ce qu'elle contient concrètement et nous aurons l'occasion d'en parler d'ici le sommet qui se tiendra le 10 janvier.
Enfin, la sécurité c'est aussi rappeler et mettre en œuvre le parallélisme naturel entre la future adhésion à l'Union européenne et la future adhésion à l'Union de l'Europe occidentale. Dans le traité de Maastricht, il est clairement indiqué que l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale, a vocation à devenir la future identité européenne de défense, et il nous est donc apparu tout à fait normal, tout à fait logique, que dans le temps où la Pologne devient associée à l'Union européenne, elle devienne également associée à l'Union de l'Europe occidentale. D'où l'initiative commune de Klaus Kinkel et de moi-même qui consistera à proposer le 22 novembre prochain à la réunion ministérielle de l'UEO de mettre à l'étude dans des délais aussi rapides que possible ce nouveau concept d'association à l'Union de l'Europe occidentale.
Nous avons enfin passé en revue d'autres problèmes, certains de caractère trilatéral, si je puis dire. Klaus Kinkel en a évoqués quelques-uns. J'insisterai particulièrement sur le projet d'institut français, allemand et polonais commun. J'espère que dans un délai aussi bref que possible un bâtiment commun pourra être construit ou mis à disposition de façon que cet institut tripartite fonctionne dès les années qui viennent, et nous avons décidé de mettre en place un groupe de travail technique pour étudier tous les aspects de cette question.
Dans un tout autre ordre d'idée, nous avons également évoqué la situation dans l'ex-Yougoslavie. Comme l'a dit tout à l'heure le ministre polonais, la Pologne soutient l'initiative commune que nous venons de prendre, le ministre allemand et moi-même, et je voudrais insister à ce sujet sur notre détermination commune à faire que cette initiative aboutisse, et qu'elle ne soit pas une idée de plus lancée dans un drame aussi complexe et aussi douloureux. Si elle devait être bloquée par tel ou tel, alors les responsabilités apparaîtraient clairement.
Je dirai en conclusion que nous avons bien perçu, ici ou là, au cours de nos entretiens, l'impatience de nos partenaires polonais qui souhaiteraient que les choses aillent plus vite, et nous le comprenons. Nous sommes prêts à les aider, à accélérer le processus.
Mais pour terminer sur une note résolument optimiste, malgré l'adversité météorologique, je dirai que beaucoup de progrès ont été accomplis. Beaucoup de progrès sur le plan de la réforme économique de la Pologne. Cela est dû au courage et au sacrifice de sa population. Beaucoup de progrès aussi du côté des pays d'Europe occidentale, qui ne se sont pas contentés de promesses, mais ont effectivement mis en œuvre toute une série d'opérations d'aide et de coopération avec la Pologne. C'est dans ce sens qu'il faut continuer, et je pense que notre rencontre trilatérale doit être le moteur de toute cette entreprise pour qu'elle aboutisse le plus vite possible à ce que semble souhaiter dans ses profondeurs le peuple polonais.
Question : La déclaration commune évoque les conditions que la Pologne devrait remplir pour pouvoir se rapprocher de l'UEO, les conditions et les critères dont vous parliez tout à l'heure. Est-ce qu'on pourrait savoir quels seraient ces conditions et ces critères ?
Le ministre : Je parlais tout à l'heure des critères qu'il conviendrait de définir ensemble pour guider la Pologne dans son cheminement vers l'adhésion à l'Union européenne, nouveau nom de la Communauté depuis le 1er novembre dernier. Je répète que ces critères ne sont pas conçus comme des exigences supplémentaires, mais au contraire comme des signaux permettant de baliser le chemin et d'aider la Pologne.
En ce qui concerne le statut d'association à l'Union de l'Europe occidentale, je n'ai pas évoqué de critères ou de conditions. Ce que nous avons dit, Klaus Kinkel et moi-même, c'est que nous allions saisir le 22 novembre prochain, lors de la réunion ministérielle de l'UEO, nos partenaires pour qu'ils se prononcent sur cette idée, qu'ils mettent à l'étude la définition du contenu du statut de l'association, qui doit être naturellement un plus par rapport à la participation au Forum de consultation auquel la Pologne appartient déjà. Et j'espère que ce travail pourra aboutir dans un délai qui se comptera en semaines ou en mois et non pas en années. Voilà l'objectif, et je le répète, il y a dans notre esprit parallélisme entre l'association à l'Union européenne et l'association à l'Union de l'Europe occidentale.
Question : (sur la Pologne et l'Eurocorps).
Le ministre : Je voudrais saluer l'esprit de curiosité qui est propre à votre profession. Vous voulez toujours en savoir plus que ce qui est écrit. Il me semble que ce qui est écrit est tour à fait explicite. Nous allons intensifier les contacts militaires entre nos experts, voir comment la coopération entre les forces années de nos États peut se poursuivre et examiner avec attention le désir de la Pologne d'établir des contacts avec le corps européen. Il me semble que tout cela est parfaitement explicite, et cela se mettra en place au fur et à mesure que ces contacts auront eu lieu.