Texte intégral
Après six mois de rupture entre le Gouvernement et les entrepreneurs, nous avons rencontré, le 30 mars dernier, le Premier ministre et rebranché les contacts avec le gouvernement, conformément au mandat que j’ai reçu du Conseil exécutif approuvé par l’Assemblée permanente. Au cours d’un entretien très franc, nous lui avons, sans prudence ni détours, confirmé officiellement notre opposition aux 35 heures.
S’il a fallu un certain temps pour que les contacts soient rétablis, c’est que les 35 heures ont créé dans le monde des entreprises un véritable traumatisme. Nous avons pris le temps de voir si nos premières réactions, totalement négatives, pouvaient se nuancer. Cela n’a pas été le cas. La position des entrepreneurs n’a pas évolué. Il m’a aussi fallu du temps pour consulter, en très grand nombre, les entrepreneurs. Surtout les petits afin de m’assurer que le monde des entrepreneurs, que je représente et qui s’exprime par ma voix, était bien à l’unisson. Aujourd’hui, le mouvement des entrepreneurs est plus rassemblé et uni que jamais.
Nous nous félicitons que les indicateurs conjoncturels et les fondamentaux de la France soient favorables au moment où elle va entrer dans l’euro. Mais nous avons alerté le Premier ministre : les 35 heures viennent, comme un obstacle, se mettre en travers de la route et le Gouvernement ne prête pas attention à nos mises en garde. La loi va désorganiser de nombreuses entreprises, démotiver les entrepreneurs, peser sur la compétitivité française et, au total, elle ne créera pas d’emplois.
Ma la loi va être votée et nous ne pouvons l’interdire. Quatre attitudes sont possibles pour les entrepreneurs de notre pays dans les dix huit mois qui viennent.
• Un nombre limité d’entre eux trouveront un intérêt dans les subventions offertes à qui mettre les 35 heures en œuvre avant le 1er janvier 2000. Le gouvernement va beaucoup pousser. Nous ne réprouverons pas ceux qui se laisseront tenter, même si nous soulignons tous les dangers de cette démarche.
• D’autres se préparent à neutraliser les conséquences néfastes de la loi, notamment les surcoûts qu’elle entraîne : restructurations accélérées, mécanisation poussée, arrêts d’activité ou transferts des développements à l’étranger etc.
• D’autres vont ouvrir des négociations avec leurs salariés pour obtenir des contreparties. Mais les salariés et les organisations syndicales sont extrêmement réticents devant les perspectives de gel des salaires ou de suppression d’heures supplémentaires et redoutent les conséquences de la réorganisation de leur travail.
• Dans leur très grande majorité, les entreprises ne feront rien et attendront que soient précisées les conditions d’application de la loi. Il s’agit des innombrables entreprises de terrain qui ne savent pas comment appliquer les 35 heures, comment prendre le problème, comment s’organiser. Ce sont celles, très nombreuses, que je rencontre dans les Unions patronales et dont j’exprime l’indignation et l’inquiétude.
Dans ce conteste général nous avons demandé un report de deux ans du bilan des négociations. Ce délai supplémentaire nous aurait, à l’évidence, laissé une meilleure chance de parvenir à des solutions dans l’intérêt mutuel des salariés et des entrepreneurs. Le gouvernement ne nous a pas donné satisfaction. Dans ces conditions nous n’avons pas le sentiment que les négociations puissent s’ouvrir, ni se dérouler facilement. Il faut s’attendre à de grandes déceptions.
Le gouvernement a néanmoins concédé qu’il comprenait nos préoccupations sur quatre points : l’annualisation ; le problème des cadres ; le temps partiel ; les heures supplémentaires, et il a indiqué qu’il reviendrait à une rédaction moins inacceptable de la loi sur le travail effectif d’ici son vote final. Nous pourrions nous retrouver pour tenter de parvenir sur ces questions très difficiles à quelques progrès. Nos interlocuteurs ne nient pas l’existence des problèmes que les entrepreneurs peuvent rencontrer. C’est l’élément favorable à retenir de cet entretien.
Les entreprises vont, chacune pour ce qui la concerne, déterminer dans les prochains mois leur attitude. Les branches aussi. Sachez que le CNPF ne relâchera pas la pression sur les Pouvoirs publics et fera tout pour aider chacun à se sortir le moins mal possible des conséquences de cette si désastreuse initiative du gouvernement.