Rapport de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur la stratégie du PCF, notamment la "dynamique majoritaire de changement", présenté à Paris le 3 avril, et compte-rendu de la discussion du comité national, parus dans "L'Humanité" du 9 avril 1998

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Circonstance : Réunion du Conseil national du PCF les 3 et 4 avril 1998

Média : L'Humanité

Texte intégral

Comité national des 3 et 4 avril 1998

En novembre dernier, nous avons consacré la réunion de notre Conseil national à faire le point des responsabilités nouvelles de notre parti, six mois après les élections législatives, et sur la meilleure façon dont il entendait les assumer.
C’est donc dans le même esprit, et dans le prolongement de nos réflexions et de nos décisions d’alors, que je souhaite soumettre au Comité national des analyses et des propositions au lendemain des élections régionales et cantonales.

I. - Les résultats des élections

Quels objectifs les différentes forces politiques s’étaient-elles assignés ? Quelles campagnes ont-elles menées ?

A l’approche des échéances, la droite a caressé un moment l'espoir d'un retour où « balancier » qui aurait pris le sens d'une volonté des Français de « corriger » leurs votes de juin 1997. Du même coup, elle aurait pu conserver ses pouvoirs dans les régions et les départements.

Pour cela, après l'échec cuisant de juin, elle a tenté un « toilettage » afin de se présenter sous son meilleur jour devant le suffrage universel. C'est au contraire l'immobilisme qui l’a emporté. L’échec de Philippe Séguin à vouloir transformer le RPR pour le rendre plus présentable en a témoigné.

Les responsables de la droite - eux-mêmes convaincus d'aller au-devant d'un désastre électoral - se sont donc dès lors battus, chacun avec ses moyens, pour tenter de sauver le plus grand nombre possible de leurs positions. Certains d'entre eux se sont même convaincus, plusieurs mois avant l’élection, que cet objectif ne pourrait être atteint qu'avec l'appui du Front national - ce qui supposait d'en accepter par avance les conditions.

Pour la première fois depuis longtemps, le grand patronat et les milieux de la finance ont décidé d’intervenir directement dans la campagne, pour tenter de remédier aux faiblesses des formations traditionnelles de la droite. On a vu comment le président du CNPF, Ernest-Antoine Seillières, est monté en première ligne pour tenter, selon ses propres paroles, de déstabiliser le gouvernement.

Dans le même temps, afin de mobiliser son électorat, les dirigeants les plus avisés de la droite se sont efforcés de conférer à ces élections régionales et cantonales un enjeu directement lié aux grandes questions politiques et sociales du pays. Ainsi, Édouard Balladur agitait devant ses auditoires la menace d'une gauche qui, si elle l’emportait, allait « utiliser les régions » pour imposer les 35 heures et créer des emplois-jeunes.

Pour notre part, nous avons estimé dès l’été que l’objectif devait être, pour la gauche, de solliciter du suffrage universel la confirmation de son choix de juin, et l'affirmation de la volonté que le cap du changement soit non seulement maintenu mais accentué. Le vote des Français prenait la signification d'un encouragement et d'un point d'appui pour engager les réformes de structure nécessaires. C'est pourquoi nous avons proposé aux communistes de constituer des listes d'union pour susciter une dynamique dans ce sens. Ils ont beaucoup discuté cette proposition et très majoritairement approuvé. C'est ainsi que nous avons proposé à nos partenaires de mener une campagne commune sur cette base.

C'est ainsi qu’a pu se créer, durant la campagne, une dynamique qui renforçait l'idée qu'ensemble on pourrait être mieux à même de dépasser les obstacles s’opposant au changement.

Le fait de porter en commun, dans le respect des différences, dans les régions, des propositions identifiées essentielles pour la réussite d'une politique de changement à gauche (la réussite du plan emploi-jeunes ou la loi sur les 35 heures), a contribué à conforter la crédibilité de telles mesures en permettant à chacun de mieux mesurer l'importance de son propre apport dans le processus pour les réussir. Les meetings communs jalonnant la campagne ont été des moments forts pour rythmer ce mouvement. Dans les salles remplies par un public divers mais souvent majoritairement proche du parti socialiste, les propos des candidats ou dirigeants du parti communiste ont été particulièrement appréciés, notamment lorsqu'ils ont souligné la nécessité d'un autre partage des richesses, celle de la réorientation de la fiscalité, ou tout simplement celle d'aller plus vite et plus loin dans la mise en œuvre d'une politique nouvelle. La proposition d'un moratoire sur l'arrêt des licenciements, comme la nécessité de baisser la TVA pour participer à la relance du pouvoir d'achat ont ainsi trouvé une adhésion certaine. Il ne s'agit pas d'un comportement circonstancié, le temps d'une élection, mais d'un mouvement d'identification du parti communiste comme composante nécessaire et utile de la gauche plurielle.

Ce mouvement a favorisé une dynamique de report de l'ensemble des voix de gauche en direction du candidat le mieux placé, entre les deux tours des cantonales, bien sûr accentuée après le « vendredi noir » précédant 22 mars. Et il est intéressant de noter que lorsque les leaders de la droite, pour tenter de justifier les alliances avec l'extrême droite dans certaines régions, ont développé un anticommunisme violent, dans son ensemble, avec des dirigeants du parti socialiste prenant la défense du parti communiste.

Succès de la gauche et forte abstention

Ce rapport ne reprendra pas dans le détail les résultats des votes des 15 et 22 mars. Une note a été adressée à chacun d'entre vous. Je m'en tiendrai à rappeler quelques éléments les plus significatifs.

Le premier, c'est que la gauche plurielle gagne les élections.

Elle devance une droite en recul confirmé, en améliorant légèrement son résultat par rapport à 1992, mais en enregistrant un retard sensible sur celui des élections législatives de 1997.

Le deuxième élément qu'il faut, me semble-t-il, souligner, c'est une forte progression de l’abstention. Certes, la poussée de l'abstention au second tour des élections cantonales révèle le trouble provoqué dans l'électorat de droite après l'élection de présidents de région UDF avec l'aide du Front national. Mais, le 15 mars, l'abstention a été forte dans les milieux populaires, dans une partie de l'électorat de gauche. Ce phénomène est à mettre en rapport, bien sûr, avec le résultat de la gauche, inférieur à celui de juin 1997.

Troisième élément : il s'est dit et écrit beaucoup de choses à propos du vote dit d'extrême-gauche et de sa corrélation ou non aux évolutions du vote communiste. Personne ne prétendra qu’aucun électeur communiste n’a voté pour les candidats d'extrême gauche. Il faut analyser le phénomène là où il a eu lieu. Mais globalement, plusieurs études l'ont montré : la carte du vote extrême-gauche ne recoupe pas celle du vote communiste traditionnel.

Quatrième élément : on peut sans doute, comme le font certains commentateurs, parler « d’installation » du Front National. Il est la seule formation qui connaît une progression continue depuis 1994. Sans doute, ce constat peut-il être tempéré par le fait que cette évolution ait été interrompue dans 26 départements : il est ainsi intéressant de noter le recul non négligeable du FN dans des zones de forte implantation comme les Pyrénées-Orientales et l’Hérault. Mais la tendance générale reste à l’installation du phénomène frontiste bénéficions visiblement, en de nombreux cas, du renfort de voix qui s'était jusqu'ici porté sur les candidats de la droite. Dans ces conditions, alors que les élections locales étaient traditionnellement les moins favorables au vote FN, ce n'est plus le cas aujourd’hui. La confirmation de cette « installation » du Front national révèle l'ampleur du problème posé à la démocratie française.

Cinquième élément : les résultats du parti communiste. La mode qui vous a été remise s’efforce d'en donner une image lucide. Il faut bien sur noter les gains, sans faire la fine bouche car ils sont parfois importants. Il faut, en même temps, voir les limites et travailler à comprendre les inégalités.

J'y reviendrai dans un instant, mais je veux souligner l'importance des gains en sièges - dans les conseils régionaux et généraux - et en responsabilités dans les exécutifs régionaux et départementaux, ainsi que l'intérêt que nous devons accorder au fait que, aux cantonales, le parti communiste progresse à la fois en pourcentage et en élus. Cela ne s'était plus produit depuis le début des années soixante.

Le désaveu de la droite

Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces résultats, dont je le rappelle, je n'ai fait ici que souligner quelques éléments puisque vous disposez par ailleurs d'informations chiffrées plus complètes ?

Après le scrutin de juin 1997, ceux de mars 1998 confirment que le désaveu de la droite et de sa politique ultra libérale. C'est ce rejet de l’ultra libéralisme par un nombre croissant de Français qui est à l'origine de la crise des partis de droite, ouverte au moins depuis l'élection présidentielle de 1995, accentuée avec le revirement de Jacques Chirac le 26 octobre de la même année, puis le mouvement du rejet du plan Juppé en novembre/décembre, approfondie ensuite, après la dissolution et la défaite de juin 1997, et enfin à la fois illustrée et aggravée à la suite des alliance avec le Front national pour l'élection des présidents de régions.

À ce désaveu portant sur le fond de la politique de la droite s'est ajoutée une sanction consécutive au choc provoqué par le « vendredi noir » précédant le second tour des cantonales. Abstention dans l'électorat de droite et mobilisation plus grande à gauche ont transformé le désaveu du premier tour en défaite permettant l'élection de nombreux candidats de gauche (notamment socialistes arrivés en tête au premier tour) dont beaucoup auraient sans doute pas été élus si facilement dans d'autres conditions.

Certes, des électeurs de droite ont voté Front national, tandis que des électeurs « protestataires » du FN dans des élections antérieures font d'autres choix. Mais l'analyse des motivations de ce vote ne permet pas de l'assimiler à un soutien au projet ultralibéral de la droite. C'est même plutôt l’inverse, il en exprime à sa manière pour beaucoup un rejet brutal de ses conséquences désastreuses.

La dynamique de la gauche plurielle permet à la gauche de gagner ces élections. Les succès remportés, tant en nombre de sièges conservés ou gagnés qu’en termes de conquête de directions de régions ou de départements sont importants.

La gauche devance la droite nationalement et dans de nombreuses régions, mais, comme en juin, c'est une majorité relative qui lui est accordée. Avec 36,48 % des suffrages exprimés, les forces de gauche et écologistes obtiennent un résultat global inférieur de 5 points à celui des législatives.

Le « retour de balancier » espéré un temps par la droite n'a pas lieu : les Français ont voulu confirmer le cap « à gauche » qu’ils avaient décidé en juin. En même temps, il n'y a pas non plus de « poussée » à gauche : les attentes de juin 1997 demeurent entières ; elles s'accompagnent souvent d’inquiétudes quant à la capacité de la majorité et du gouvernement actuel de leur apporter rapidement les réponses souhaitées ; des électeurs de gauche de juin dernier ont visiblement exprimé de diverses manières (part des votes comme par des refus de vote) leur sentiment (voire leur ressentiment) vis-à-vis de « la politique », des « politiques » qu'ils jugent incapables de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés. Pour analyser le moindre score de la gauche, le niveau élevé des abstentions, celui des votes « protestataires » et souvent « apolitiques » ou « anti politiques » - et l'on en trouve aux deux extrêmes de l’éventail - faut-il seulement évoquer l’impatience ou l'angoisse sociale ?

Certes, il ne peut être question de mettre sur le même plan le vote d'extrême gauche et celui pour l'extrême droite. Ils sont évidemment diamétralement opposés. Mais on est en droit de constater que nombre d'entre eux ont en commun l'apolitisme et même souvent « l'anti politisme ». Dans l'électorat FN cohabitent des votes structurés ouvertement favorables aux solutions préconisées par ce parti, et des votes purement protestataires, qui expriment un profond désarroi et une perte de repères.

Abstention - et aussi refus de s'inscrire sur les listes électorales - votes de différentes façons « antipolitiques », tous ces comportements n’expriment-ils pas à leur manière la profondeur de la crise de la représentation politique, de la politique ?

A l’évidence, une nouvelle situation politique s'est créée avec le résultat de ces élections des 15 et 22 mars. C'est l'objet de la seconde partie de ce rapport.

II. - La nouvelle situation politique

Quels sont les éléments constitutifs de cette nouvelle situation ? En premier lieu, la gauche plurielle sort politiquement renforcée. Parce que le choix et les attentes de juin 1997 ont été réaffirmés par l'électorat de gauche. Et parce que c'est la dynamique d'union plurielle dans le respect de la personnalité de chaque composante qui a permis le succès. J'ai rappelé à ce sujet ce qu'avait été l'apport spécifique du parti communiste, à la fois pour enclencher, par des listes communes, la dynamique de la gauche plurielle et dans la campagne elle-même, sur des thèmes, des propositions qui lui sont propres.

Alors même que nous observons la force de l'abstention exprimant un doute sur la volonté de la gauche - et sur sa capacité - de réussir le changement, je crois que l’on peut avancer l’idée que si nous n’avions pas fourni cet effort pour donner au vote pour les listes d’union une dynamique politique, en appelant les électeurs à confirmer leur choix de juin et à intervenir pour qu’on aille plus vite et plus loin dans le sens des changements qu’ils attendent, le résultat aurait risqué d’être moins bon pour l’ensemble de la gauche.

Précisément parce que la gauche plurielle a gagné ces élections, des modifications sensibles de la carte politique française sont intervenues. Nous avions souligné l’obstacle pour une politique nouvelle que constituait l’hégémonie de la droite sur les régions et les conseils généraux. Le basculement à gauche d’un nombre appréciable de régions et de départements ne peut que modifier positivement la situation.

Et il nous faut souligner la signification de ce que l’on a appelé la « renationalisation » de la présence du parti communiste en termes d’élus. Cette nouvelle donne constitue un atout certain pour redéployer notre activité en nous appuyant sur ces relais-citoyens que représentent les nouveaux conseillers régionaux et départementaux communistes.

Autre élément majeur de la situation actuelle : la crise de la droite est parvenue à un seuil critique. Ses dirigeants sont sommés de trouver dans l'urgence des solutions. Divers scénarios de recomposition sont évoqués. Nous ne participons évidemment pas à ces spéculations. Notons cependant que la difficulté principale à laquelle sont confrontés les dirigeants de la droite réside dans le fait que c'est autour du choix de l'ultra libéralisme, de plus en plus contesté par les Français, qu'ils entreprennent cette recomposition.

Angoisse sociale et désarroi politique

Mais, au-delà de la crise de la droite, n'est-ce pas à une crise politique que la France est aujourd'hui confrontée ?

Crise politique, non pas au sens d’un blocage des institutions, il y a une majorité à l'Assemblée nationale - une majorité qui n'est pas en crise et n'envisage pas de s’y trouver -, et un gouvernement qui met en œuvre sa politique. Mais crise politique, quand près de 60 % du corps électoral exprime de différentes façons angoisse sociale et désarroi politique. Et quand, résultant de cela, s'installe une situation politique dans laquelle la droite - encore au pouvoir il y a dix mois - réunit 18,58 % des inscrits tandis que la gauche et les écologistes en rassemblent 19,92 %.

Cette crise, notons-le au passage, ne peut que s'être encore approfondie depuis les élections avec le spectacle politicien qu'a donné la droite. Je le répète, nous n'assimilons pas les abstentions, les votes pour l’extrême-gauche, les électeurs Front national. Mais par-delà les différences fondamentales, tous témoignent à leur manière et à des degrés divers du rejet de la politique telle qu'ils la perçoivent.

C'est à l'ensemble des forces politiques que cette crise pose question. En tout cas, le parti communiste, pour ce qui le concerne, doit selon moi dire clairement qu'il entend prendre en compte l'ensemble du message que vient de délivrer le corps électoral. Cela implique qu'il apporte, avec dynamisme et esprit créatif, sa contribution pour trouver une issue positive à la crise.

Pour ce qui les concerne, les partis de droite cherchent la réponse dans une recomposition de leur dispositif politique.

Mais recomposition autour de quel projet politique ?

On se souvient sans doute que, analysant les raisons de l'échec d’Alain Juppé, Nicolas Sarkozy expliquait qu'il était dû essentiellement au fait que la droite n'aurait pas fait une politique suffisamment à droite. C'est-à-dire qu'elle n'aurait pas assumé de façon suffisamment nette ses choix ultralibéraux, et, sans doute, qu'elle aurait laissé les thèmes de l'immigration et de la sécurité à l'extrême droite.

C'est maintenant un propos récurrent chez la plupart des dirigeants de l’UDF ou du RPR : si nous voulons reconquérir des positions dans l’opinion, expliquent-ils, nous devons affirmer une vision de droite claire, offensive face à la gauche.

Or, n'est-ce pas justement là que se situe la contradiction majeure à laquelle sont confrontées les forces conservatrices, qu'il s'agisse de la droite ou du patronat ?

Depuis une vingtaine d’années, les forces dominantes ont travaillé à remodeler la société française en cherchant à soumettre les évolutions et mutations de cette société aux normes ultralibérales : baisse du coût du travail, flexibilité, réduction des dépenses sociales, fiscalité favorable aux marchés financiers, déréglementation, mise en cause et privatisation des services publics.

L'intégration européenne a été un élément structurant de cette stratégie, avec notamment le Marché unique, et maintenant l'euro avec le traité de Maastricht et ses suites.

Les conséquences en sont connues : explosion du chômage et de la précarité, de l'exclusion et des inégalités, déstructuration du tissu social, désarroi grandissant de toute une partie de la population.

Or, c'est justement cette politique qui a été rejetée en juin 1997, après le mouvement social 2 décembre 1995, dans la même logique que les résultats des élections de 1993, puis des présidentielles de 1995.

Dans le même temps grandissait dans le pays une aspiration à être partie prenante aux décisions, à la citoyenneté, exprimée aussi dans l'exaspération provoquée par une manière arrogante et coupée des citoyens de faire de la politique.

Rejet du libéralisme et aspiration à la citoyenneté

Il est intéressant, me semble-t-il, de jeter un regard sur une série d'enquêtes d'opinion réalisées dans la dernière période. Comme toute enquête, elles fixent des images de l'opinion à un moment donné, elles révèlent des perceptions et des aspirations contradictoires, mais aussi incontestablement des tendances.

Garde-nous de vouloir leur faire dire plus que ce qu'elles disent. Telles qu’elles sont, elles confirment ce que nous avons nous-mêmes ressenti et ce qu'ont exprimé à leur manière les élections de juin et les mouvements sociaux que notre pays a connu depuis 1995 : la mise en cause, le rejet de la logique ultralibérale, de ce que certains appellent le libéral-capitalisme, et de ses conséquences à tous les niveaux de la société.

Le sondage publié tout récemment par La Croix pour le Comité français contre la faim et pour le développement, montre que seulement 10 % des personnes interrogées considèrent qu'il faut laisser jouer totalement l'économie de marché et la libre concurrence (- 6,5 % par rapport à 1994), contre 53 % qui souhaitent qu'on se préoccupe davantage des conséquences sociales, culturelles et environnementales de la croissance.

Une étude publiée en février par l’Expansion indique comme réponses à une question sur ce que doivent être les priorités nationales : une forte augmentation du SMIC ; l'augmentation des impôts sur les hauts revenus ; et rendre très difficile les licenciements économiques.

La même revue avait relevé, en décembre, que « La France est le seul pays où la bourse provoque chez les salariés plus de rejet que d’adhésion ». Elle ne fait que 68 % des salariés français voient en noir la mondialisation. 60 % des gens de gauche voient dans les marchés financiers un encouragement à la spéculation. Quant au « capitalisme », deux français sur trois (68 %) y voient plutôt quelque chose de négatif (contre 31 %).

Ajoutons la confirmation par ces études que, très majoritairement, les salariés français refusent la mise en cause des acquis sociaux, même si l'on invoque les nécessités européennes.

Un mot encore sur la vision de l’avenir. Elle est évidemment traversée à la fois de raisons d'inquiétude et de besoin d’espérer. La dernière enquête de La Croix, montre un regain de confiance de 10 points par rapport à 1996, un recul de même niveau du pessimisme. Et je rappelle qu'à la question : « au siècle prochain, qui sera le plus à même de résoudre les grands problèmes de l’humanité ? », une majorité massive (85 %) avait répondu à une enquête menée pour Le Figaro : « les hommes et les femmes eux-mêmes ».

Je l'ai dit, ces enquêtes confortent pour beaucoup notre propre expérience. D’ailleurs, d'autres éléments de la vie sociale confirment la profondeur de ces inspirations, de ce besoin d’humanité, du rejet de la loi de l'argent et de la violence. Je pense au succès remporté par des films comme « Marius et Jeannette », « Western », ou bien « The Full Monty » ou « Les Virtuoses », et dans la même veine l'engagement citoyen, populaire au sens le plus noble du mot de toute une génération de cinéastes, dont on connaît le rôle dans le mouvement de protestation en 1997 contre les lois Debré sur l’immigration.

On comprend pourquoi la droite française et les forces qui défendent le modèle néolibéral n'ont pas la partie facile avec l'opinion publique. Mais dire qu’elles n’ont pas la partie facile ne signifie ni qu'elles vont renoncer, ni qu'elles ne disposeraient plus de points d'appui solides, ni d'ancrages dans la société.

En refusant de continuer à subir l’insupportable, et en rejetant une façon de gouverner, les Français ont exprimé des attentes fortes. Sans pour autant - nous l'avions souligné en juin dernier - que ces attentes soient accompagnées d'une vision claire des propositions à faire avancer pour les satisfaire. Et puis, il y a le poids de la fatalité, le sentiment d’impuissance, ce que nous avons appelé la pédagogie des contraintes, les angoisses qui restent profondes, même si, et il faut s'en réjouir, pour beaucoup un réel espoir a commencé à prendre forme. Qu'il soit fragile, le niveau des abstentions et la dispersion des voix à tel ou tel endroit nous le rappelleraient si nous étions tentés de l’oublier…

Nul doute que la droite, avec le CNPF, va poursuivre ses efforts pour contrecarrer la politique nouvelle et tenter de faire échouer le changement. Et qu'elle va pour cela s’efforcer de présenter un projet alternatif.

Pour que le besoin de changement devienne dominant dans la société

Mais le fait est là, sur lequel elle bute, et que nous, à gauche, devons prendre en compte toute sa signification : aujourd'hui les Français, dans leur majorité, rejettent ultralibéralisme et aspirent à autre chose. La gauche a une majorité relative tandis qu'une majorité absolue de Françaises et de Français aspirent à des changements profonds : changement de politique et changement de la façon de faire de la politique.

Il ne s'agit pas d'une majorité construite autour d'une vision et d’un projet et de solutions alternatifs. C'est plutôt une majorité de rejet et d’aspirations. Là est le problème qu'il nous faut affronter.

Que faut-il entreprendre, que doit faire la gauche, que doit faire le parti communiste pour que ce rejet et cette aspiration majoritaires s’affirment politiquement majoritaires, dans la vie sociale et politique du pays et dans les élections ?

Que faire pour que ces aspirations, ces intuitions, ce besoin si pressant de changement de société, cette contestation du capitalisme, ces idées parfois éparpillées se consolident, s’agglomèrent jusqu'à devenir dominants dans le corps social de la nation ?

Telle est, me semble-t-il la question à laquelle nous devons chercher et trouver réponse. Ce sera l'objet de la troisième partie du rapport.

III. - Quelle initiative pour trouver une issue ?

Il faut d’emblée exclure toute idée de recomposition politique visant à élargir la gauche vers le centre dans l’espoir - au demeurant tout à fait illusoire - de la rendre ainsi majoritaire.

Au moment où les Français réaffirment leur rejet du libéralisme prôné par les politiciens centristes - car, comme vient de le rappeler fort opportunément Laurent Fabius : « Le centre n'existe pas. Et s'il existe… il est à droite » - et alors qu'ils viennent de confirmer leur volonté que la gauche plurielle poursuive et amplifie la politique de gauche qu'ils attendent d’elle, une telle orientation serait tout simplement suicidaire. Et que serait, cette fois, la sanction du suffrage universel ?

On pourrait considérer que cela va sans dire. Comme vous, j’ai lu et entendu les déclarations des dirigeants socialistes rejetant cette idée. Mais je vois aussi s’agiter les éternels tricoteurs de combinaisons politiciennes. Alors peut-être cela va-t-il encore mieux en le disant ?

Revenons à la question : que faut-il faire pour que cette majorité de Français rejetant l’ultralibéralisme et aspirant au changement s’affirme politiquement majoritaire ?

Pour répondre à cette question, le Bureau national propose de nous fixer comme objectif stratégique dès maintenant et pour les années qui viennent la construction d'une dynamique majoritaire de changement.

Ce que nous avons en vue, c'est une dynamique de débats, d’actions, de rassemblements, de votes permettant de regagner ou de gagner à l'intervention politique ces millions de Français qui aspirent au changement mais sont aujourd'hui « hors-jeu » de la politique.

Une dynamique majoritaire de changement

C'est une dynamique politique permettant qu'une majorité pour le changement se constitue autour de projets pour répondre aux attentes et résoudre les problèmes de notre société, dans le mouvement, dans l’action, et dans les votes des échéances à venir.

C'est une dynamique dont le point de départ, en même temps que la condition du succès est la gauche plurielle et son action pour réussir le changement. Mais comprenons-nous bien, ce que nous proposons, ce n'est pas une alliance ou un front électoral. Nous avons le sentiment d'inventer en marchant depuis juin dernier avec nos partenaires de la majorité plurielle une nouvelle façon de travailler ensemble, chacun restant soi-même, à la mise en œuvre d'une politique que nous n'avons pas enfermée dans un programme, une charte ou une plate-forme, mais que nous élaborons dans le débat et la confrontation des idées et des projets. Ce que nous proposons aujourd’hui, c'est que les forces de la gauche plurielle et des écologistes agissent ensemble dans le pays pour créer cette dynamique nouvelle, avec - c'était déjà l'esprit qui animait notre proposition de « Pacte unitaire pour le progrès » - toutes les forces individuelles ou collectives - personnalités ; militants associatifs et syndicaux ; hommes, femmes, jeunes engagés dans le combat pour les valeurs de dignité et de responsabilité humaines - qui le souhaitent.

C'est bien toute les forces du changement dans leur diversité, et dans le respect de la personnalité et des spécificités de chacune, qui peuvent contribuer à cette dynamique. Le cercle des acteurs du changement doit s'élargir au-delà des composantes actuelles de la majorité plurielle. Et il m'apparaît évident que les forces que l'on dit « à gauche de la gauche » ou organisées - dans la société civile, notamment dans le mouvement associatif et syndical - dans des structures autres que politiques, doivent avoir toute leur place - et c'est à elles qu'il appartient de la définir - dans le développement de la dynamique transformatrice qu'il s'agit d’impulser.

Parlons clair, parlons en toute responsabilité : pour que la gauche incarne politiquement - notamment dans les élections à venir - cette dynamique majoritaire du changement, ce sont toutes ses composantes qui doivent progresser. Progresser électoralement ; progresser en audience et en capacité d'intervention dans la société ; progresser en forces organisées. Et donc progresser non pas les uns au détriment des autres ; dans des processus de « rééquilibrage » dont on connait les effets dévastateurs, mais progresser ensemble, en participant, chacune à partir de ses spécificités, à cette reconquête à gauche nécessaire pour ancrer le changement dans la réussite et la durée.

J'ai dit : parlons clair. Regardons bien les réalités. C'est pour l'essentiel un électorat populaire fourvoyé ou découragé, une jeunesse angoissée, à la recherche de repères et désireuse de « faire quelque chose », qu'il s'agit de reconquérir ou de conquérir, en leur redonnant le goût de la politique et le sens de l'engagement pour surmonter les obstacles. C'est pour beaucoup dans la lutte contre l’exclusion, la précarisation et la déréglementation, et pour des solutions réalistes et efficaces aux problèmes posés au monde du travail et de la création, à la jeunesse, dans l'action pour un développement moderne et humain, pour un avenir bâti sur l'épanouissement des personnes humaines et des peuples, que cette reconquête peut se faire.

Progresser de façon substantielle

Compte tenu de ce qu’est son ancrage dans la société, et de ce que sont ses choix fondamentaux pour répondre aux attentes que je viens d’évoquer, on voit bien, alors, à quel niveau se situent les responsabilités, et par conséquent doivent se situer les ambitions du parti communiste. La dynamique majoritaire pour le changement, la gauche tout entière, ne réussiront que s'il progresse. Non pas « à la marge », mais de façon substantielle. C’est de millions de suffrages nouveaux à rassembler qu'il s’agit. C'est de centaines de milliers d'hommes et de femmes qui regardent actuellement avec intérêt ce que fait le parti communiste et qui peuvent devenir communistes et dessiner avec nous le visage d'un parti communiste moderne, ouvert et novateur :

- avec des initiatives fortes pour contribuer à ce que la politique de la gauche réponde aux attentes réaffirmées des Français. Cela implique en grand dans tout le pays le débat sur un projet politique de réponse aux défis sociaux et de civilisation de notre époque, que nous inscrivons, pour notre part, dans notre visée communiste transformatrice ;
- avec les avancées indispensables dans notre réflexion et notre pratique de notre conception des élus, des militants communistes « relais citoyens », entre les citoyens et les pouvoirs, entre les citoyens, leurs associations, leurs élus et les formations politiques de gauche. Et relais « dans le bon sens » : pour relayer les aspirations, les attentes, et pour mettre en débat propositions et solutions ;
- avec la relance en grand de notre démarche des « espaces citoyens » comme moyen de créer les conditions de l'intervention citoyenne ;
- avec le rôle des communistes pour relever le défi du Front national et reconquérir ces millions d'hommes et de femmes que l'angoisse sociale et le désarroi politique rendent sensibles à la démagogie de l'extrême droite, ou qui en sont arrivés à approuver les « solutions » qu'elle avance ;
- avec, enfin, les efforts considérables à produire pour faire effectuer un véritable bond en avant à la vie du parti, de ses cellules, à son renforcement, au militantisme communiste de notre temps dont nous avons beaucoup discuté lors du 29e congrès.

C'est à ces efforts à accomplir que je veux consacrer les deux dernières parties du rapport. Ne nous le cachons pas, cela exige de nous de gigantesques efforts, dans le sens de la poursuite de la mutation que nous avons entreprise.

IV. - Les communistes porteurs d'un projet politique de transformation

Il s'agit d'abord que les communistes soient partout à l'initiative pour contribuer à ce que la politique de la gauche réponde bien aux attentes réaffirmées du pays. Dès le soir du 15 mars, nous avons noté - je cite - que « par leurs vote les Françaises et les Français indiquent à la majorité et au gouvernement leur volonté que le travail se poursuive et s'amplifie dans le sens du changement qu'ils attendent ». « C'est sans doute la même attente que traduit l’abstention populaire », ajoutions-nous.

Le message délivré les 15 et 22 mars par l’électorat qui avait en juin donné à la gauche la majorité à l’Assemblée nationale pour qu’elle engage une politique de changement est en effet clair : l'appréciation positive de l'action engagée depuis lors s’accompagne de l’attente exprimée que des mesures soient rapidement prises pour que le changement soit plus net, plus réel, plus rapide, au regard des graves problèmes auxquels notre peuple est confronté.

Nous l'avions souligné tout au long de la campagne : il faut pour cela engager sans tarder d'importantes réformes structurelles permettant de dégager les moyens de réaliser ce changement.

Nous sommes porteurs de propositions à cet égard. Plus que jamais celles-ci doivent être l'objet de débats, d'actions avec toutes celles et tous ceux qui le souhaitent, en liaison avec le mouvement social qu’on voit aujourd'hui se développer dans différents secteurs, et qui « appelle » littéralement les grandes réformes que nous évoquons pour pouvoir répondre aux aspirations, aux revendications qu'il porte.

Plus que jamais, elles doivent contribuer à la construction dans cette majorité de notre peuple qui rejette l'ultralibéralisme et aspire à autre chose, d'un projet politique cohérent de changement.

Nous sommes loin d'être démunis en la matière. Nous avons beaucoup travaillé sur notre projet communiste, au 29e Congrès et depuis. Mais il ne s'agit pas de venir à ces débats, dans ces actions, avec des solutions toutes faites, des « recettes communistes » qu'il n’y aurait qu'à approuver et à mettre en cohérence pour que le mouvement populaire se dote du projet qui lui manque.

Il faut donc encore beaucoup travailler. En sachant écouter et s'enrichir des apports d'autres que nous. Cela nous semble particulièrement nécessaire sur un certain nombre de points, au cœur des préoccupations populaires et des problèmes que notre société doit résoudre. C'est en travaillant avec les communistes dans leur diversité, bien sûr, et avec beaucoup d’autres, que nous pourrons le mieux créer les conditions pour que notre projet communiste soit utile à notre peuple, afin qu'il se construise lui-même son propre projet politique de changement.

Dix points forts pour intervenir

C'est donc un travail de réflexion et d’élaboration sur dix points forts du projet communiste que nous proposons. Il ne s'agit pas - je viens de le souligner - de se cantonner au travail des « départements » concernés du Comité national, même s’il est bien entendu décisif, mais de faire appel, dans le parti et hors du parti a toutes celles et à tous ceux qui voudront apporter leur contribution. En voyant bien que, pour beaucoup, qui ne sont pas aujourd'hui membres du parti, nous regardent avec intérêt, mais se demandent quelle serait l'utilité de leur adhésion, cet « appel à contribution » peut-être la meilleure « porte d’entrée » dans le parti pour l'aider à conduire à bien sa mutation.

Évoquant ces dix points, je ne vais pas revenir sur l'ensemble du projet communiste dans sa cohérence, pour une autre société, une autre Europe, un autre monde, tel que nous l'avons défini au 29e Congrès et au Conseil national. Je souhaite seulement mettre l'accent sur des points qui me semblent répondre aux urgences et à partir desquels nous aurons à travailler, avec les gens et tout particulièrement sur les lieux de travail.

D'abord l’emploi. Nous avons appelé durant la campagne à un véritable pacte unitaire pour l'emploi rassemblant les énergies pour la réussite des 35 heures, du plan emplois-jeunes, pour la mobilisation des financements et du crédit pour la création d'emplois en faisant baisser les charges financières, notamment des PME-PMI. Dans le même mouvement, nous devons libérer notre capacité d'innover en faisant avancer notre projet de sécurité-emploi-formation, « révolutionnaire » au vrai sens du terme, car prenant en compte les mutations actuelles dans le travail et la vie en société, et les aspirations du monde du travail, de la société toute entière.

Notre proposition de moratoire sur les plans sociaux a un grand retentissement. Elle doit nourrir partout les initiatives pour trouver des solutions permettant d'empêcher les licenciements, et de créer des emplois en relation avec les 35 heures, l’utilisation des profits, la transparence dans l'utilisation des fonds publics. Mais n’en restons pas là. Là où il n'y a pas de licenciements prévus, avançons avec le salarié et les gens, des projets et des propositions de financement pour la formation et les créations d’emplois.

Deuxièmement, travaillons sur l’exigence d'une politique audacieuse de développement durable, respectueux de l'environnement économe en ressources et en contraintes humaines que nous avons relevée au 29e Congrès. Ce nouveau type de développement conçoit le progrès social comme but mais aussi comme moyen. Il implique l'augmentation substantielle des salaires, des retraites, des minima sociaux. Il implique de retrouver une grande ambition industrielle nationale, avec une valorisation et un rôle moteur à un secteur public rénové et démocratisé. Il nous faut avancer beaucoup plus résolument dans la nécessaire réflexion sur le rôle des services publics et entreprises publiques, sur celui des collectivités, impliquant pour elles des moyens nouveaux, ainsi que sur ce que doit être une politique de la ville digne de ce nom. C'est dans cette direction que peut s’imaginer une alternative au libéralisme qui soumet tout à la loi d’airain de l'argent pour l’argent. C'est une voie pour retourner les priorités au bénéfice des hommes et de la société.

Dans le même esprit, prenons bien en compte l'aspiration qui monte à dégager la société de l'emprise de l’argent. C'est une question de civilisation. Cela pose, bien sûr, dans l'immédiat la nécessité d'une réforme de la fiscalité, du crédit, d'une autre conception des dépenses publiques et sociales et de leur financement ; et celle de droits nouveaux de contrôle et d'intervention pour les salariés et les citoyens.

Tout le montre, l'insertion des jeunes doit devenir réellement une priorité nationale. Insertion pas seulement dans l'emploi mais dans la société. Légitimement ils ont le sentiment que la politique ne répond pas à leurs inquiétudes, n’apporte pas de réponses à leurs problèmes. Beaucoup se sont abstenus. À juste raison, ils refusent la politique telle qu'elle est pratiquée. Ils veulent être acteurs, être consultés, respectés. Il faut rechercher et trouver avec eux les moyens de leur intervention citoyenne sur toutes les questions qui les concernent, sur l'avenir de la société, sur la politique du pays.

L’éducation. Là aussi les besoins sont considérables. Il s'agit de réformer le système d’enseignement, de formation, de recherche - en relation avec le système de sécurité d'emploi et de formation que j’évoquais -, afin de former les citoyens de demain, en garantissant à toutes et à tous la possibilité d'accéder au niveau de culture le plus élevé possible, pour maîtriser les connaissances et développer l'esprit critique.

Il est inconcevable qu'aujourd'hui encore tant de gens soient écartés du « droit à la santé », et ne puissent bénéficier des progrès extraordinaires accomplis en ce domaine. Des moyens nouveaux doivent être dégagés pour assurer l'égalité d'accès aux soins et à la prévention. Il ne s'agit pas seulement de préserver ce qui existe et qui est menacé, mais de changer l’orientation, de libérer le système de santé des contraintes de la rentabilité par une réforme des régimes de protection sociale fondée sur la solidarité et la répartition.

De même, en matière de droit au logement. Il implique d'avancer de façon plus déterminée dans la réforme afin d'élargir les conditions d'accès à des logements sociaux de qualité. Et de mettre fin aux expulsions, aux saisies, aux coupures de gaz et d’électricité.

Quant à la sécurité pour tous, c'est aussi un droit élémentaire dont on connaît l'importance dans notre société aujourd’hui. Les communistes doivent être à l'initiative d'un vrai débat citoyen, débouchant sur une mobilisation contre la violence, et pour obtenir les moyens nécessaires matériels et humains pour garantir à toutes et à tous le droit de vivre en sécurité.

La culture n'est pas un secteur d'activité à côté des autres. C'est une dimension essentielle de notre projet, pour rendre la société plus humaine par l’épanouissement des individus. C'est l'épanouissement de chacun comme condition de l'épanouissement de tous.

Dans une société déchirée, cela veut dire l'esprit de la communauté républicaine et de la nation reconstruite par l’exercice de droits, la culture de l'autre et du respect de la personne, la solidarité et l'intégration citoyenne substituée à l'isolement civique, la « culture du débat » substituée aux violences de l’incivilité.

Cela veut dire, inséparablement, l'accès large aux formes les plus neuves de la sensibilité et de la création de son temps. Cela suppose la mobilisation de tous les moyens : école, formation, médias, engagement résolu de l'État à considérer la culture comme relevant d'une responsabilité publique…

On parle de moderniser les institutions et la vie politique. Cela signifie, pour nous, la démocratiser, c'est-à-dire se donner les moyens politiques et institutionnels de réduire la coupure entre représentants et représentés. Il s'agit de vivifier la démocratie représentative par la démocratie directe.

La proportionnelle reste le mode de scrutin le plus démocratique parce que le plus en adéquation avec la réalité de la société. S'il faut y apporter des aménagements pour tel ou tel scrutin, pourquoi pas. A condition que ces aménagements ne mutilent pas encore davantage la représentation démocratique. Car on ne réglera pas la crise politique avec des artifices. Tout au contraire d’ailleurs, nous pensons qu'il faut introduire une part de proportionnelle pour les élections législatives, en même temps qu'il faut revaloriser le rôle du Parlement.

Dans le même temps, nous soutiendrons toute avancée dans le sens de la parité hommes-femmes ; les propositions pour la limitation radicale du cumul des mandats, ainsi que pour un véritable statut de l’élu.

S'il est un chantier auquel nous devons apporter une contribution dynamique et constructive, c'est bien celui de l’Europe.

Nous voulons être - et nous sommes - partie prenante du débat sur la critique de la construction actuelle, comme sur les transformations à lui apporter, sur sa réorientation. C'est cela, pour nous, être euroconstructifs.

Évidemment, nous vivons dans le monde réel. Nous constatons que le calendrier de la mise en place de la monnaie unique suit son cours.

Nous n’avons aucune raison d'en rabattre sur les critiques que nous portons à l’euro, ou au pacte de stabilité, à la Banque centrale européenne, sur l'information nécessaire sur ses conséquences sociales pour l'emploi et pour la souveraineté. Comme nous persistons à penser qu'il faut consulter les Français par référendum sur une décision aussi déterminante pour l'avenir du pays.

Réorienter l’Europe

Dans le même temps, et parce que nous ne baissons pas les bras, nous n’en restons pas à la critique. Les Français attendent de nous justement que nous les aidions à surmonter les obstacles, à trouver des solutions.

Continuons à poser l'exigence d'une Europe active pour l’emploi, une Europe de la réduction du temps de travail. Face à la mise en concurrence des salariés, posons le refus de la mise en cause des acquis, et la perspective d'une harmonisation par le haut des législations sociales. Faisons grandir le débat sur une autre utilisation de l’argent, pour l'emploi et le progrès social et non pour la spéculation.

Il y a sans aucun doute beaucoup à travailler pour montrer que l'avenir n'est pas bouché, que rien n'est jamais irréversible, et que de toute façon en concurrence avec le processus de l’euro, un mouvement est possible pour modifier les choix et faire de l'Europe sociale une réalité.

Un mot sur les élections européennes. Il est évidemment trop tôt pour traiter de la campagne des élections européennes qui auront lieu en 1999, même si d'autres ont déjà commencé à s'y engager.

Toutefois chacun mesure l'importance que va revêtir cette échéance eu égard aux enjeux de la construction européenne et à leurs évolutions.

Ne faut-il donc pas mettre en débat, en grand, dans le pays, les analyses, les critiques et les projets répondant aux aspirations de ceux qui souhaitent que cette construction prenne un autre cours.

Ce vaste échange entre citoyens et forces qui cherchent dans cette direction, ne serait-il pas de nature à promouvoir des propositions concrètes, et à servir de base à la constitution d'une liste rassemblant, avec les communistes, ceux qui souhaitent une réorientation progressiste de l’Europe ?

Etre communiste c'est aussi vouloir changer le monde. C'est travailler à modifier les rapports de force pour contrarier la logique de guerre économique, de pillage, des inégalités qui se creusent. C'est agir pour substituer à la mondialisation de la finance une mondialisation des coopérations, des solidarités et du développement. C'est contribué à faire qu’une culture de paix se substitue aux menaces de la force économique ou militaire. À cet égard, quel encouragement, quel coup porté au sentiment de fatalité dans la toute dernière période par les reculs imposés à l’AMI, et le rôle joué par notre pays pour éviter une deuxième guerre du Golfe.

Voilà les dix points forts sur lesquels nous souhaitons attirer l’attention. Nos propositions, sur ces dix questions, comme l'ensemble de notre projet de réponses aux questions immédiates, sociales et sociétales, s'inscrivent dans notre visée communiste moderne. J'ai une l’occasion de m’expliquer assez longuement là-dessus dans l'article publié dans L'Humanité le 24 janvier.

La visée communiste

Nous parlons de notre visée communiste non pas comme d'un projet « clé en mains » pour une société nouvelle qu'il serait un jour possible de « décréter ». J'expliquais alors : « Nous avons la conviction que dans tous les problèmes auxquels notre peuple et notre société sont aujourd'hui confrontés, c'est le capitalisme et ses logiques d’exploitation, d’exclusion, de division, de domination qui sont en cause. Pour résoudre ces problèmes, il faut faire reculer ces logiques, jusqu'à leur en substituer d’autres, fondées non plus sur la recherche de la rentabilité financière des capitaux mais sur un choix de société : le choix de l’individu humain et de son épanouissement ». Et j’ajoutais : « On le voit, tous ces choix, et il en est bien d'autres à imaginer et à construire dans l'échange citoyen, concernent notre société. Ils engagent son avenir. En même temps, ils constituent de grandes orientations proposées face aux problèmes d’aujourd'hui. C'est pourquoi nous les versons sans attendre en contribution aux débats de notre peuple, à sa volonté si forte de dire son mot, d'être écouté et entendu, d’intervenir. Ils constituent l’apport des communistes aux initiatives et aux rassemblements nécessaires à la transformation de la société dans un sens plus humain.

Oui, nous sommes communistes, parce que nous sommes convaincus que notre époque n'est pas celle de la fin de l'histoire avec un capitalisme toujours triomphant.

Et cette visée, nous ne la mettrons pas entre parenthèses sous prétexte que nous sommes directement engagés dans la direction des affaires de la France, dans la gauche plurielle.

Au contraire, nous voulons faire avancer dans le même mouvement la réussite du changement et l'action pour la transformation sociale. L'anticommunisme sert beaucoup aujourd'hui à justifier les compromissions de la droite. Comme au moment de la parution du « livre noir du communisme », je veux réaffirmer que nous ne fuirons pas le débat sur l'actualité et l’avenir du communisme. Nous relevons le défi.

Et, à ce propos, je tiens à marquer l'importance que revêtira le rassemblement que nous organisons à Paris le 6 juin prochain, pour célébrer le 150e anniversaire du « Manifeste du parti communiste ».

Je veux souligner ici - et chacun comprendra qu'il ne s'agit pas d'une simple parenthèse, mais d'un projecteur braqué sur une responsabilité communiste majeure dans la situation actuelle - que c’est à partir de toute cette démarche, de cet engagement sur notre projet politique, avec les dix points forts évoqués, que nous entendons relever le défi du Front national.

Cette bataille nationale associe indissociablement trois dimensions : morale, sociale et politique. C'est en agissant avec les gens à partir des urgences, et des problèmes - quotidiens et d’avenir - que nous interviendrons sur le terrain des valeurs, de la proximité dans la défense du quotidien, et sur la conviction qu'il existe des solutions et qu'on peut, avec eux, les faire aboutir. C'est ainsi que nous pourrons reconquérir à la politique, reconquérir à l'action pour le changement, ces millions d'hommes et de femmes que l’angoisse sociale et le désarroi politique rendent vulnérables à la démagogie de l’extrême droite.

J'en viens maintenant à la dernière partie du rapport.

V. - La réponse communiste à la crise de la politique

C'est pour susciter le grand débat et l'action nécessaires pour réussir le changement et avancer des objectifs mobilisateurs de transformation sociale que je propose de relancer en grand notre démarche des « espaces citoyens ».

Il s'agit de développer dans la vie la réponse communiste à la crise de la politique.

Nous considérons, pour notre part, rejoignant en cela toutes celles et tous ceux qui étudient la question, que la crise de la politique et de la citoyenneté - c'est-à-dire tout à la fois le rejet d'un contenu et d'une conception de la politique, le discrédit de la vie publique et la rupture avec la représentation publique, la désaffection à l'égard des institutions et des partis - constitue une donnée touchant aux réalités les plus profondes de la société, à ses évolutions les plus essentielles.

Les élections de mars ont par exemple une fois de plus vérifié le fait que la désaffection à l'égard du vote est en rapport direct avec le chômage, la précarité, la pauvreté… et la jeunesse.

De même, une étude de l’OFCE note « un retour de l'autorité dans la hiérarchie des entreprises et de l’administration », ce qui entraîne « une contradiction entre les individus, qui cherchent à se construire par eux-mêmes, et les situations où ils subissent une autorité fondée uniquement sur un rapport de pouvoir ».

De même encore une autre enquête, de l’INSEE, indique que les Français se parlent de moins en moins entre eux, attestant ainsi une déshumanisation croissante des relations sociales.

Toutes ces réalités et évolutions régressives ne sont pas la manifestation d'une sorte de tendance « naturelle » de la société. Si elles provoquent tant d’exaspération, de rejet, de désarroi, c'est précisément parce qu’elles entrent en contradiction - on pourrait dire : explosive - avec l'énorme besoin non assouvi de démocratie qui travaille cette société. Car, nous le savons bien, dans le même temps, des exigences nouvelles et progressistes surgissent. Les mots de citoyen et de citoyenneté connaissent un succès inégalé dans le langage politique ou médiatique. La demande de politique demeure très forte dès lors qu'on en perçoit les enjeux. Il y a un regain d’intérêt pour le débat politique réel, un certain renouveau de l’engagement, notamment associatif, une volonté de peser davantage sur les choix. C'est sur tous ces potentiels que nous voulons nous appuyer, pour transformer la société. On n'y parviendra pas en niant ou en minimisant les contradictions bien réelles et de plus en plus vives qu’exprime la crise de la politique et de la citoyenneté.

Comme je l'indiquais lors de la réunion du Conseil national des 13 et 14 novembre dernier - vous m'excuserez de me citer - « le fait est là : il y a des choses que les Français n'acceptent et n’accepterons plus dans la politique. Il y a en ce domaine une énorme demande de changements (…) qui s’appellent : davantage d’écoute, davantage de proximité, davantage d'attention et de respect, davantage de morale, davantage d'informations vraies, de droits, de pouvoirs, de responsabilités. Ils convergent en un même besoin, celui d'un bond de la démocratie, d'une citoyenneté nouvelle, permettant aux individus d'avoir la maîtrise des décisions qui les concernent ».

Prendre au sérieux le besoin de citoyenneté

Ce besoin, nous sommes décidés à le prendre très au sérieux. Au plan des réformes institutionnelles nécessaires, je l’ai montré en rappelant les propositions que j'ai faites lundi dernier au Président de la République. Mais on comprend bien qu’à elles seules elles n'offrent pas toutes les réponses à la mesure du problème posé. Ce qui est appelé par la crise actuelle, c'est un tout autre rapport de la politique au citoyen, fait non plus d’opacité, d'éloignement et aliénation, mais de transparence, de proximité et de droits, de pouvoirs effectifs. Et c'est une véritable réhabilitation de la politique. On la salie par l'étalage du sordide, et on l’exclut de l’essentiel, puisque, paraît-il, elle serait impuissante à agir sur l’économie, qui ne serait « ni de droite, ni de gauche », de même que sur la construction européenne et l’euro, qui s'installerait selon un processus automatique et irréversible. Il s'agit tout au contraire non seulement de faire percevoir la possibilité de choix politiques influant sur le cours des choses, mais de démontrer que la condition pour que ces choix soient positifs est la réappropriation par les citoyens de la politique, leur intervention en ce domaine.

Tel est l'objectif que nous nous sommes donnés avec de la création et la vie des espaces citoyens : des lieux de proximité où les citoyens puissent, à partir de leurs préoccupations et de leurs exigences, débattre de choix politiques essentiels et peser sur eux ; des lieux qui se conçoivent comme moment d'une dynamique nationale permettant de faire procéder les décisions de la discussion et de l'intervention citoyennes ; des lieux qui, tout à la fois, appartiennent pleinement à leurs participants et sont, clairement, le fruit d'une initiative communiste ; qui sont du même coup démonstratifs du rapport que les communistes souhaitent entretenir avec les citoyens et - souhaitons-le - de l’utilité de leur parti.

Dans toute la France, 508 espaces ont été créés (dont 40 sur un lieu de travail) dans 75 départements. Ces deux derniers mois, au plus fort de la campagne électorale, tous n’ont pu être réunis. N’avons-nous pas, dans la situation politique complexe et évolutive que nous connaissons actuellement, un besoin impératif de nouer ou renouer le contact avec celles et ceux qui nous entourent pour, ensemble, y voir plus clair ? Je le pense. Ce n'est pas seulement une tâche, c'est une nécessité politique impérative, pour le Comité national, pour les directions de chaque fédération et section, de contribuer à faire des mois d'avril et de mai deux de mois de création ou de relance de la vie des espaces citoyens.

Permettez-moi une précision. Il s'agit de le faire selon une démarche qui soit celle que nous proposons d’adopter aujourd’hui : une dynamique politique majoritaire dont l'élément moteur soit intervention citoyenne. Si je peux dire, nous ne pouvons pas nous permettre de « faire petit ». Nous avons besoin, pour que soit perçu le caractère national de cette dynamique citoyenne et donc que celle-ci soit attractive, d'une préparation plus large, plus publique des réunions des espaces citoyens, qui fasse événement. Besoin d'un mode de vie plus ouvert encore de ces espaces, permettant d'établir des relations suivies, de travail et d’action en commun entre les élus, les adhérents communistes et les citoyens actifs, notamment les militants syndicaux et associatifs. Besoin d'un engagement plus grand des responsables communistes dans la préparation, les débats, la vie des espaces, bannissant bien sûr la monopolisation de la parole ou de l’initiative, mais aussi la neutralité quand ce n'est pas l’apolitisme.

Une autre utilisation de l’argent, une réorientation de la construction européenne, une modernisation des institutions qui soit une véritable démocratisation - il n'y aura pas de réponses progressistes sur tous ces dossiers essentiels que j'ai traité, de même que sur les questions politiques essentielles en débat, qu'il s'agisse des moyens de combattre le Front national, de la nature de la politique à mettre en œuvre par la gauche plurielle, ou encore du contenu du projet communiste, sans que les citoyens interviennent. Nous leur en offrons un moyen avec ces lieux inédits de débats et d’actions.

On l’aura compris, ce n'est pas seulement de continuer ce qui est engagé qu'il est question. C'est bien de donner une importance accrue, un rôle renouvelé aux espaces citoyens qui est à l’ordre du jour, pour tout le parti. Les communistes en sont conscients : selon les informations qui nous sont parvenues, les premières réunions du parti après ces élections ont fréquemment débattu de la crise de la politique et donc de la nécessité des espaces citoyens. Dans plusieurs fédérations, des coordinations départementales se mettent en place, prennent de premières initiatives, ou sont en voie de constitution. Au niveau national, le collectif chargé de contribuer à la création et à la vie des espaces citoyens est à la disposition des fédérations pour les aider à mener à bien cette initiative décisive et lui assurer le plus grand retentissement possible.

Un élan nouveau dans la vie du parti

On ne s’étonnera pas - et si l’on s’en étonne, cela ne fera que faciliter la réflexion ! -  que dans le même temps où je souligne l’effort sans précédent à faire pour les « espaces citoyens », je veuille aussi pointer les efforts considérables à produire pour faire effectuer un véritable bond en avant à la vie du parti, de ces cellules, à son renforcement, au militantisme communiste de notre temps, dont nous avons beaucoup discuté au 29e Congrès.

Je l’ai déjà dit, mais permettez-moi d’y insister : la crise de la politique nous concerne directement, nous, parti communiste, en tant que parti politique.

Elle réclame de notre part, comme nous l'avons d'ailleurs décidé au 29e Congrès, d'amplifier nos efforts pour modifier, améliorer, inventer tout ce qui doit l’être dans la vie du parti afin que celui-ci puisse être réellement efficace pour favoriser l'intervention citoyenne telle qu'elle se cherche et se construit. J'ai insisté tout au long de ce rapport sur le niveau élevé des ambitions que nous pensons pouvoir nous fixer comme parti communiste, au regard de la nature des défis auxquels notre peuple et notre pays sont confrontés. Personne ne peut imaginer que nous réaliserons ces ambitions en nous contentant de poursuivre au rythme qu’ils ont actuellement l’activité, le renforcement, la vie du parti.

Prenons donc cette question de front. Sans atermoiement : il y a besoin de changements réels, et parfois profonds. Et j’ai envie d’ajouter : sans craintes non plus. Car nous ne partons ni de rien ni à l’aveuglette. Nous sortons collectivement d’une expérience politique. Celle des campagnes que nous venons de mener pour les élections régionales et cantonales - extrêmement révélatrices, tout à la fois des progrès, parfois spectaculaires, qu’elles ont permis d'enregistrer que de tels ou tels défauts ou insuffisances qu'elles ont fait constater.

Surtout, ne tournons pas la page pour passer à autre chose en oubliant ce qui vient de se passer. Rarement sans doute comme aujourd’hui, il a été aussi nécessaire, fédération par fédération, section par section, cellule par cellule, de procéder à une analyse fine, lucide, honnête, dans une démarche de critique positive, non seulement des résultats chiffrés du parti, mais de son activité réelle : des forces qui se sont révélées, comme de celles qui ont manqué à l’appel ; de ce qui a surpris, comme de ce qui a déçu ; des succès qui ont été remportés, comme des obstacles qui subsistent.

Ne tournons pas la page

Des forces qui se sont révélées ?
Oui, des candidats, des adhérents se sont pleinement investis dans cette campagne, se la sont ainsi dire appropriée en prenant, à partir des problèmes posés sur le terrain des initiatives qui ont souvent été rassembleuses. Des hommes, des femmes, des jeunes, qui parfois ne nous connaissaient pas ou continuaient de nourrir des préventions à notre égard, ont ainsi rencontré les communistes pour ce qu'elles et ce qu'ils sont, et se trouvent aujourd'hui au sein de cette « force communiste » que nous avons décrite à notre congrès, disponibles pour le dialogue et l'action avec nous.

Des réalités qui ont surpris ? Oui, des candidats, des adhérents ont fait l'expérience de la dynamique unitaire portée par les listes de la gauche plurielle, ils ont vérifié combien leur apport communiste enrichissait cette dynamique, était appréciée bien au-delà de notre électorat, et a pu ainsi être bénéfique à notre parti. Celles et ceux qui ont été élus sont, bien sûr, aujourd’hui membres d’un groupe communiste, mais ils sont en état de se faire entendre par toutes celles et tous ceux qui, dans leur diversité, ont contribué à leur élection, de maintenir ainsi, comme ces électeurs de gauche et écologistes le souhaitent, les liens nouveaux de confiance établis durant ces quelques semaines. Et que dire des candidates et candidats communistes aux élections cantonales présents au second tour qui ont le plus fréquemment rassemblé au-delà des électrices et des électeurs de gauche du premier tour ?

Enfin, des succès qui ont été remportés ? Oui, il s’est trouvé des conseillers généraux traditionnellement élus au premier tour qui ont été réélus en augmentant encore leur « score », déjà important. Des candidates ou candidats nouveaux, souvent des jeunes, qui ont pris le relais d’élus solidement implantés en allant jusqu’à améliorer leur résultat. Des candidates ou candidats qui ont été élus contre toute attente. Ou encore d’autres, qui n’avaient à l’évidence aucune chance d’être élus, qui ne l’ont effectivement pas été, mais qui ont fait progresser sensiblement l’influence du parti. Je ne dis pas tout cela pour suggérer que celles et ceux qui, malheureusement, n’ont pas eu de tels résultats ont démérité ! Mais pour souligner que, dans tous les cas de figure, des progressions ont pu être obtenues et qu’on peut sans doute repérer un point commun à tous ces candidats concernés : celui d’être des femmes, des hommes, des jeunes ayant une activité de terrain, faisant la preuve de leur dévouement, déployant une pratique d’ouverture et de sensibilité aux préoccupations diversifiées de la population. Un bon résultat, parfois inespéré, a ainsi récompensé une activité tenace, méticuleuse, pouvant paraître ingrate, poursuivie depuis des années, qui, lors de précédentes élections n’avait pas semblé être « payante » et qui a, cette fois, été reconnue.

Si je puis dire la crise de la politique est passée par là, en ce sens qu’elle est un appel de plus en plus pressant à une pratique politique moderne de rapports de transparence et d’égalité entre les élus se concevant comme relais citoyens et les électeurs, appel à une démocratie représentative faisant une bien plus grande part à la démocratie directe.

Reportons-nous au document que nous avons adopté ensemble au 29e Congrès, à son dernier chapitre qui traite des formes d’organisation et de vie du parti. L'heure n’est-elle pas à décider partout de dispositions précises, concrètes permettant de mettre réellement en application les recommandations qu'elle contient et qui, parfois, les habitudes aidant, sont restées lettres mortes ?

Bien sûr qu'il ne s'agit pas de supprimer les organisations et instances du parti - en premier lieu la cellule : nous sommes un parti politique, le parti communiste français, et non une vague organisation, et nous tenons à le demeurer. L’approfondissement de la crise de la politique et de la citoyenneté conduit, certes, les partis à de profondes remises en cause, mais en aucun cas à leur disparition, qui constituerait une régression considérable de la démocratie.

Promotion des individus et ouverture à la société

Le parti communiste a plus besoin que jamais de l'activité de ses cellules, organisations au plus près des réalités de l’entreprise, du quartier, de la localité ; lieu privilégié tout à la fois d’échanges politiques entre les adhérents, et d’interaction, de communication réelle entre la société et les communistes au moyen de leur intervention de proximité, de la diffusion de L'Humanité Hebdo, de la rédaction de leur journal de cellule.

C'est principalement au moyen de la cellule, en relation avec elle, que s'exerce et s’exercera cette fonction communiste nouvelle dans la société qui est une des conditions d'un accroissement sensible de l'influence du parti.

Mais ne parlons pas « en général », et voyons les choses concrètement. Le problème n'est pas de « conserver » les structures actuelles du parti, puisque personne ne songe à les faire disparaître : il est de les faire vivre et rayonner. Comment nier que cela implique de nouveaux modes d’être et d’agir, « une vie plus souple de la cellule », selon l'expression du texte du Congrès, favorisant un militantisme de notre temps, fondé sur la promotion des potentiels de chaque individu dans l'ouverture à la société ? Tel qu’il est, tel qu'il fonctionne réellement, le parti répondit-il aux besoins d’informations, d’échanges d’idées, d'engagement de tous ses adhérents ? Parvient-il à « utiliser » toutes les forces, toutes les compétences dont il dispose ? Apparaît-il, à l’extérieur comme une structure attrayante, accessible, dynamique, qu'on a envie de rejoindre ? Offre-t-il à celle ou à celui qui décide d’y prendre sa place les moyens aisés de s'investir selon ses goûts, ses choix, ses possibilités ? Nous le savons bien, poser ces questions, c'est y répondre.

Ce ne sont pas dans les fédérations ou les sections où sont expérimentées des formes souples de réunion et d'activité des communistes sur leur lieu de travail ; où, comme le Congrès l’a suggéré existent des « espaces d’accueil, de formation et d'échanges entre jeunes membres du parti » ; où sont constitués des collectifs femmes, ou d'autres collectifs de débat et d'action selon tel ou tel centre d’intérêt ; et bien sûr où les communistes sont à l'initiative d’espaces citoyens - ce ne sont pas dans ces fédérations et sections que le parti vit le plus mal, bien au contraire !

Le besoin de connaissances, d'informations réelles - auquel ont à répondre L’Humanité et la presse communiste, et, pour ce qui concerne la vie du parti lui-même, le bulletin Transparence adresser directement à chaque adhérente et adhérent -, le besoin d'échanges d'idées et d’expériences, de transversalité, le besoin d'un militantisme qui ne soit pas synonyme d’enrôlement, mais d’efficacité sociale et de développement de sa personnalité, toutes ces exigences citoyennes, les communistes les ressentent bien sûr au premier chef. Mieux y répondre, comme nous l'avons décidé au Congrès, est là aussi un impératif.

Voilà chers camarades, les réflexions et les propositions que j'étais chargé de vous présenter au nom du Bureau national. Chacun en mesurera sans peine l’importance, la dimension stratégique pour le parti lui-même, pour la gauche plurielle, pour notre pays. Chacun aura pris la mesure de l'effort d’ouverture, de ténacité, de culture de débat qu’appelle la mise en mouvement de cette dynamique majoritaire de changement.

C'est à cette condition que dans la situation nouvelle nous pourrons être des acteurs utiles du changement dont notre pays a tant besoin.

 


La discussion du Comité national

André Gerin estime que les élections ont confirmé la gauche, sans raz-de-marée et de manière conditionnelle. Malgré certains aspects positifs de l'action du gouvernement, les électeurs sont encore marqués par le doute, car tout reste fragile et précaire. L’indifférence, la méfiance et souvent la protestation se sont exprimées à l'égard du gouvernement (minima sociaux, abrogation des lois Pasqua, sécurité sociale et santé publique). Malgré des gains électoraux, les résultats des régionales constituent donc une légitimité incertaine. La tenue du FN mais aussi la force de l'abstention posent des questions importantes. Il n'est plus possible de continuer de croire que l'on peut dorénavant cantonner à la marge la crise sociale qui déborde de partout. Les partis politiques et, au premier chef, le PCF ont ainsi des responsabilités nouvelles, dans une situation décapante, pour être au diapason de la France désabusée et révoltée face à la crise. Avec ses acquis et ses capacités d’imagination et de lien de proximité, le PCF peut faire du neuf à gauche et peser d'un poids plus lourd. Il s'agit de combiner construction politique, construction du mouvement social sans se fondre ni se confondre. Nous ne voulons ni repli sur nous-mêmes ni alignement ou intégration dans le PS. Nous voulons conquérir, participer au pouvoir partout où il y en a en s'attaquant résolument au libéralisme et à la loi du marché afin de permettre au monde du travail et aux familles populaires d'être partie prenante de la vie politique. C'est le sens de notre présence au gouvernement et dans toutes les assemblées. Ce travail difficile exige que notre identité soit autre chose que d'être plus à gauche que le parti socialiste. Notre spécificité est celle d’un parti moteur pour un mouvement transformateur de la société capable de féconder des innovations, des constructions, des rassemblements pour créer un sursaut national et civique. Notre peuple est en attente énorme vis-à-vis du PCF et exige de notre part de grandes ambitions pour le pays à un moment crucial et inédit de l'histoire de la France. C'est un appel extraordinaire à l’initiative, à la prise de responsabilité, à l'activité citoyenne pour anticiper, impulser et participer au renouveau politique avec un mouvement social uni dans l’action.


François Auguste souligne que la compromission des cinq présidents de région avec les élus du Front national a provoqué un choc, peut-être encore plus fort en Rhône-Alpes en raison de la personnalité de Charles Millon et du rôle qu'il joue au sein de la droite. La colère est grande dans la région, d'autant plus que la gauche plurielle a bien été placée devant la droite par les électrices et les électeurs. François Auguste note que Charles Millon veut rester président de la région parce qu'il a à faire une démonstration politique et électorale en se servant de la région comme laboratoire. Il joue pour cela un jeu extrêmement dangereux et grave par la banalisation Front national. Cette opération se heurte à une opinion qui la condamne majoritairement. Le séisme provoqué par ces alliances est le prolongement d'une crise de la droite bien antérieure, qui est à rechercher dans son incapacité à répondre aux attentes sociales des Français et à la crise de la politique parce qu’elle a fait le choix de l’ultralibéralisme. La gauche plurielle elle-même n'est pas à l'abri de cette crise de la politique. Le message sorti des urnes à son intention est : allez-y, continuez, mais vous n'êtes pas quitte. L'exigence de réussir est très forte, l'impatience sociale par définition n'attend pas, le droit à l'erreur est réduit au minimum, la confiance est toujours là mais par l’efficacité de la pluralité de la gauche qui est la force de cette union, l’attente aussi d'un changement profond qui s'attaque de manière plus radicale à la domination de l’argent, aux inégalités sociales. Autant de chantiers auxquels nous allons contribuer de manière active et constructive avec les gens. François Auguste pose cette question : comment combattre le Front national ? L’orateur pense qu'il faut évacuer les fausses réponses : la suppression de la proportionnelle en est une. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas aménager le mode de scrutin ; la tentation du front républicain qui peut conduire à faire du FN la seule force d'opposition à la droite ; l'interdiction du FN, ses dirigeants ne demandent que ça pour se transformer en martyrs. Combattre le FN, faire reculer le FN peut trouver sa réponse dans cette dynamique majoritaire que nous proposons de construire en prenant à bras-le-corps les problèmes de société, d’insécurité, de violence, de drogue, en favorisant le dialogue, en créant des réseaux de solidarité, de vie sociale, en impulsant la pratique citoyenne. De la période récemment écoulée avec les élections cantonales et régionales se dégagent de riches enseignements. Nous avons beaucoup appris au contact des autres forces de la gauche plurielle et nous avons aussi beaucoup apporté. Nous avons vécu une sorte de pédagogie de la pluralité. Après les premières manifestations qui ont rassemblé des milliers de personnes exigeant la démission de Charles Millon, les ripostes continuent. Une manifestation régionale est prévue le 15 avril, à l'appel des organisations progressistes et le comité de vigilance contre l'extrême droite. A l’initiative des communistes, c'est ce qu'ils proposent, des assemblées citoyennes dans les huit départements de la région pourraient se tenir prochainement.


Pour Yves Dimicoli, la prise d'initiatives politiques à propos du financement pour l'emploi et la formation aura été une grande nouveauté de la campagne des communistes pour les élections régionales. Événement qui prend encore plus de relief après les résultats des dernières élections, car si les Français ont condamné les options ultralibérales de la droite, ils n'en ont pas moins adressé une interpellation forte à la gauche plurielle, qui est confrontée à la nécessité de développer une politique qui réussisse vraiment pour l’emploi. Elle doit inscrire ses choix dans une cohérence de progrès.

Pour lui, l'intervention dans les régions avec des élus-relais, nettement plus nombreux désormais, et plus en prise sur l'effort de mutation du PCF, peut être un facteur décisif de débordement des blocages qui persistent au sommet sur la question des moyens et qui renvoient au chantage des capitaux financiers, à la mobilisation du CNPF, à la marche à l'euro qui encourage l’un et l’autre, et aux dogmes de la « pensée unique ».

Il considère que dans cette nouvelle phase de la bataille politique, le ressentiment populaire peut grandir face au scandale de ces banques et institutions financières qui ne se soucient pas de l’emploi, du naufrage de populations entières, des PME, et que tout cela peut constituer un vecteur puissant pour une intervention sur l’argent, du local jusqu'à l’Europe, susceptible de contribuer à cette « dynamique majoritaire de changement » proposée par Robert Hue.

Yves Dimicoli appuie sa démonstration sur l'expérience qui a été faite pendant la campagne en Languedoc-Roussillon, où les communistes avaient décidé d'organiser une rencontre sur le financement de l’emploi-formation avec salariés, syndicalistes, représentants de directions d'entreprises et de banques, associations, élus, candidats. Il décrit ensuite quelques aspects originaux de cette tentative : l’effort d’élaboration, en liaison avec la fédération du Gard, d'une proposition concrète visant à utiliser des fonds d'action économique de la région afin de bonifier des crédits bancaires pour des investissements favorables à l’emploi ; l'élaboration d'un diagnostic très en amont avec des militants, des élus de terrain ; une préparation de la rencontre par des contacts directs, au nom du PCF, avec des patrons de PME et des représentants des directions bancaires locales et régionales. Beaucoup ont manifesté de l'intérêt sur la proposition de bonification régionale et sur la démarche politique elle-même. Mais pour affronter le problème majeur de la crédibilité d'une construction politique susceptible de transformer ce type de proposition en pratiques institutionnelles nouvelles, l'orateur invite à partir de la colère des gens, de leurs luttes et de leurs projets concrets. Par exemple, la proposition de bonification régionale du crédit pour l'emploi-formation peut venir en appui à l'ouverture systématique des bureaux d’embauches, au recensement des besoins d'emplois et de formation.
Yves Dimicoli termine en soulignant la cohérence contradictoire de la politique gouvernementale : par exemple, pour inciter les entreprises à passer aux 35 heures en créant de nombreux emplois, il réduit les charges sociales, le coût du travail. Et les placements financiers demeurent encouragés. Aussi, au contraire des intentions affichées, l'argent continue de détruire l’emploi. D'où l'importance d'accompagner l'exigence d'une suspension des licenciements de la proposition pour baisser, non les charges sociales, mais les charges financières pour l’emploi, pour taxer les revenus financiers et pour de nouveaux droits des salariés.


Rolande Perlican s'interroge sur le sens à donner aux résultats de ces élections. Expriment-ils un encouragement pour le gouvernement à continuer sa politique et sont-ils un succès de la gauche plurielle ? Près d'un électeur inscrit sur deux n'a pas voté, ou voté blanc aux régionales, l'abstention a progressé de plus de 10 % par rapport aux législatives de 1997 et notamment dans les quartiers populaires, avec une proportion encore plus élevée. En dix mois, les listes de la gauche plurielle ont perdu 2 160 000 électeurs, soit 21,5 % de ceux de 1997. Elles représentent à peine 20 % des inscrits.

L'extrême gauche progresse fortement, de 554 0000 voix en 1997 à 937 800 aujourd’hui, soit un gain de 69 %. Le FN perd 530 000 voix, soit 14 % de ses électeurs de 1997. Il représente 8,5 % des inscrits. Dans certains départements, il progresse et constitue un réel danger. Le résultat des cantonales confirme ces données.

Le résultat des cantonales confirme ces données.

Le parti perd en voix de façon importante au premier tour dans les départements populaires, comme la Seine-Saint-Denis ou le Val-de-Marne. S’il y a un gain de sièges à gauche sur 92, il profite surtout au PS et avec de nombreuses triangulaires avec le Front national.

La gauche, poursuit Rolande Pertican, n’est pas sortie renforcée de ces scrutins : il y a un recul important et rapide de la gauche plurielle, ce qui est grave. Elle estime indispensable d'analyser cela avec sérieux. Le rapport ne le fait pas. Tout cela prouve une fois de plus que l'influence du parti ne se réduit pas au nombre des élus. Il y a lieu également de poser la question : des élus pour quelle politique ?

Rolande Perlican estime que les résultats confirment qu'il y a un rejet de la politique gouvernementale par une part croissante de ceux qui veulent autre chose.

L'expression du mécontentement, les désillusions, l'inquiétude et le désarroi se traduisent diversement par l’abstention, par le vote pour l'extrême-gauche et aussi par le vote Le Pen.

Les résultats électoraux sont un encouragement à aller plus loin que les propositions contenues dans le rapport. Plus loin, mais dans quelle direction ?

Lionel Jospin a déjà annoncé qu'il se tiendra entre les bornes exigées pour passer à l’euro, qu'il entend poursuivre la même politique. Qui paiera la note et les conséquences de cette politique ? Elle évoque les textes pour l'entrée dans l'euro et concernant le transfert et les compétences de la Banque de France qui vont être votés par l'Assemblée nationale avec une partie de la droite. Elle signale que déjà un texte comportant différentes dispositions négatives en vue de l'euro a été voté. Le groupe communiste n'a pas voté contre.

Sur la question centrale : quelle politique pour le peuple, Jacques Chirac et le gouvernement répondent par la réforme de la Constitution. On veut supprimer la proportionnelle, entre autres dispositions rétrogrades. Est-ce aussi qu'on va satisfaire les revendications sociales populaires, dit-elle. Ce qui nourrit Le Pen c’est la politique antisociale de tous les gouvernements qui se sont succédés pour aboutir aux critères de Maastricht actuels. La lutte contre Le Pen a une dimension spécifique qu'il faut développer mais elle est intimement liée à la lutte pour la mise en œuvre d'une politique indispensable de progrès social, sinon elle est vouée à l’échec.

Il y a là un affrontement de classe sur lequel le parti a un rôle déterminant à tenir.

Les luttes sont déterminantes aujourd’hui.

La France a besoin d'une force politique qui se place résolument du côté des luttes qui appellent à les développer. Le rapport ne dit pas un mot du mouvement social. On a besoin de faire la clarté sur la politique actuelle, sur les moyens d'en sortir. La France a besoin d'un parti qui offre des perspectives, qui appelle à des changements de société à partir d'une analyse classe.

Elle insiste sur le besoin d'éclairer le comportement des forces politiques par rapport au capitalisme. Elle pense que le parti répond de moins en moins à cela. Si l’on continue ainsi, où va-t-on, interroge-t-elle.

Il n’est donc pas surprenant que des interrogations se font de plus en plus pressantes et que l'opposition à cette politique grandit dans le parti. Cela s'est exprimé dans la campagne des régionales.

Elle termine en insistant sur un besoin radical de changement d'orientation du parti. Il faut revenir à un parti lié au peuple qui agit et se comporte en fonction des intérêts du peuple. C'est une exigence qui monte dans le parti.

Les résultats des élections cantonales et régionales interpellent l'ensemble du parti, estime Denis Duvot. Il pense que ce n'est pas perdre son temps que d'organiser méticuleusement le moment de la réflexion de chacune et chacun. Prendre ce temps avec les militants pour bien apprécier ce qui a été engrangé et, à partir de constat, ce qui demande à être poussé, modifié dans notre travail, notre comportement collectif. Ce qui a été engrangé : un progrès par rapport aux élections cantonales et régionales précédentes. Les résultats ont profité à l'ensemble de la gauche plurielle dans des proportions diverses et suivant l’élection, et pas seulement au bénéfice d'une seule composante. Nous nous réimplantons, dit-il, dans un certain nombre de départements : dans 19 départements, nous avons de nouveau au moins un conseiller régional communiste. Dans les cinq régions qui ont élu, à ce jour, des exécutifs, nous y participons avec 18 vice-présidences, contre une auparavant. Le score est moindre qu’aux législatives pour les listes d'union ce qui se traduit pas moins d'élus qu'espéré dans les estimations faites sur la base des résultats des élections législatives. Dans un certain nombre de départements, cela s'est joué à quelques centaines, voire dizaines de voix. Ainsi, dans 17 départements, nous nous trouvons en première position de non élu. Mais, d’ores et déjà, avec 153 conseillers régionaux nous retrouvons le même nombre que nous avions eu en 1986.
La dynamique d'union autour des listes de la gauche plurielle a eu des effets bénéfiques sur le second tour des élections cantonales, en particulier quand le candidat de la gauche était communiste : nos 149 candidats présents au second tour font 3 % de plus que le total des voix de gauche et écologistes du premier tour. Aux cantonales, nous nous réimplantons dans un certain nombre de départements. Certes, nous perdons 13 cantons dans 12 départements, mais nous en gagnons 48 dans 35 départements. 139 conseillers généraux, c’est, à un siège près, le nombre que nous avions en 1985. Dans 213 cantons, nous repassons la barre fatidique des 5 %. Nous pouvons donc progresser partout, ce qui suppose d'être partout présent. Nous dirigeons un nouveau conseil général, l’Allier, ce qui fait trois avec la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Nous participons à l'exécutif de près de 30 conseils généraux contre une quinzaine auparavant. L'orateur détaille le vote LO, en remarquant que les enquêtes d'opinion effectuées aux sorties des urnes indiquent que cet électorat aux régionales est en très grande majorité des électeurs de l'extrême-gauche des législatives de juin 1997. La grande mobilisation de cet électorat, ajoutée à une abstention plus grande, fait que le score en pourcentage de LO progresse sensiblement. A noter aussi que ces enquêtes indiquent que 8 % des électeurs communistes de juin dernier auraient voté LO cette fois-ci ; ainsi que 6 % des électeurs socialistes de juin dernier et 4 % des écologistes.

L'orateur met en relation les résultats du PCF avec le renforcement du parti. Mener de pair les deux et non l’un ou l’autre, c'est occuper tout le terrain de l'intervention nécessaire. Il y a efficacité dans la réussite des deux. Il évoque le canton d’Argenteuil Nord, dans le Val-d’Oise : canton difficile, où nous changions de candidat, où nous comptions 230 adhérents au début de la campagne et où nous n’aurions pas gagné sans les 102 adhésions réalisées, en particulier dans le quartier de la ZUP nord, dont la plupart sont des jeunes issus de l'immigration et qui se sont engagés pleinement dans la campagne avec des méthodes, des façons de faire que nous n'avions pas l'habitude d’avoir, mais ce qui s'est révélé d'une très grande efficacité.

Bernard Violain estime que dans la situation actuelle il y a des choses plutôt rassurantes. Il cite les résultats des élections, mais aussi ce qu'il appelle le nouvel investissement citoyen des gens en général et de la jeunesse en particulier. A titre d’exemple, il évoque le 18 mars, où 2 000 lycéens ont manifesté à la Roche-sur-Yon pour s'opposer aux thèses du Front national. Cependant, il note qu’un décalage s’accroît entre une certaine conception de la politique, voire de la vie sociale, et les investissements concrets, au quotidien, d'un nombre très élevé de jeunes et de citoyens. Cet investissement nouveau est, selon lui, exigeant à notre égard. L'idée commence à faire son chemin que le parti a changé, mais il y a une attente d'autre chose encore, d'une force beaucoup plus ouverte mais pas moins organisée. Il note que nous sommes dans une société qui vit en temps réel et qui a certes besoin de repères forts mais où l’immédiat domine. Les gens, dit-il, vivent les événements dans leur moment. De ce point de vue, il constate qu'un certain renoncement s’éloigne. Cet investissement nouveau nous ouvre, dit-il, des possibilités, comme jamais depuis plusieurs années, à condition de prendre en compte les évolutions de la société. Notre démarche politique de proximité ne nous conduit pas, bien au contraire, à repousser à plus tard la visée communiste, à travailler avec les gens sur des projets transformateurs. Notre participation au gouvernement ne nous amène pas non plus à réduire le contenu et la portée de notre projet. Il s'agit de faire effort pour lever les contradictions qui peuvent apparaître entre l’idée de contrainte gouvernementale et la visée communiste. Tout cela tire vers plus d'initiatives communistes avec plus de communistes, eux aussi pris dans leur pluriel. À propos des électeurs en Vendée, il note que les trois objectifs prévus ont été atteints : un élu à la région, un progrès dans 16 cantons, est le dépassement du seuil fatidique des 5 %. Pour la première fois depuis 20 ans, les progrès du parti communiste, dans une région où il est certes faible, marque le progrès de toute la gauche. Il y voit une construction politique en cours avec un vote communiste qui continue à s'élargir assez nettement. Cependant, il ajoute que restent des difficultés à faire voter communiste les familles les plus touchées par la crise. Il faut, indique-t-il, mesurer et faire mesurer le contenu de cette dynamique de la gauche plurielle et bien avoir comment elle a fonctionné. Cette dynamique s'est faite sur la base d'un apport reconnu du parti communiste français. De ce point de vue, il considère que c'est parce que nous avons un projet communiste, avec des propositions qui sont reprises par les citoyens, et apparaissant comme issue à la crise, que nous sommes au gouvernement et que nous cherchons à faire se développer l'intervention citoyenne. En conclusion, il partage l'idée de relancer en grand les espaces citoyens, qu'il faut oser, qu’il y a place pour beaucoup d’initiatives, d’audace, mais ce qui domine encore trop souvent dans nos rapports entre les adhérents et dans nos méthodes de travail c'est encore trop de rigidités et parfois même de peurs.

Daniel Brunel partage l'analyse présentée par Robert Hue, en particulier « cette proposition majeure de contribuer à créer une dynamique majoritaire de changement dans notre pays, que la gauche devienne politiquement, électoralement majoritaire ». Il y voit une exigence qui est bien en phase avec la réalité actuelle où le rejet de l’ultralibéralisme, la volonté d'autres choix et de faire autrement de la politique recouvrent une majorité d'idées qui ne trouvent pas leur traduction électorale. À propos des résultats électoraux, il pense qu'il faut avoir beaucoup de lucidité sur ces résultats : si la gauche progresse, avec, au-delà de nous, un certain rééquilibrage sur 1992 entre les Verts et le PS, il faut tout autant noter qu'il y a recul par rapport aux législatives de l'année dernière. L’apport communiste dans le progrès de la gauche est à apprécier non seulement dans le contexte d'une crise politique qui ne concerne pas que la droite : notre pays est confronté à une crise générale qui appelle d'urgence l'émergence d'actes majeurs afin de débloquer la situation, lorsque les partis traditionnels recueillent moins de 40 % des électeurs inscrits. Il remarque que, en Île-de-France, la droite a été à la direction des affaires durant 12 ans avec une majorité relative et qu'il n'y a pas eu dans cette période blocage du fonctionnement de l’institution. Ce n'est donc pas plus, selon lui, l’institution elle-même que la représentation proportionnelle qui sont aujourd'hui en cause : c'est le paysage politique qui a changé avec son lot de déceptions et d’attentes accumulées, de non-réponses de fond aux problèmes posés. Le temps des demi-mesures est révolu, il faut un grand débat politique pour traiter du projet politique de réponse aux défis. Ce qui compte, c'est de rassembler les citoyens pour avancer avec créativité dans un projet de transformation de la société et de pousser ce processus jusqu'à lui donner une traduction politique majoritaire bien ancrée à gauche. Daniel Brunel estime que ces ambitions marquent la nécessité de relancer en grand les espaces citoyens, et impliquent que les communistes occupent tous les terrains, du quartier à l’entreprise, sur tous les lieux de travail et dans des conditions nouvelles à partir des collectivités locales où nous exerçons des responsabilités de direction. Il évoque la nécessité d'un nouveau militantisme dans des pratiques politiques adaptées à notre temps. La question stratégique étant de donner une tout autre place au parti, non pas pour lui-même, mais bien pour permettre le déploiement de l'intervention des citoyens communistes parmi les autres citoyens.

Pour Jean-Claude Mairal, les résultats positifs de l’Allier sont une confirmation de la démarche politique d'ouverture du parti. Pour accroître son influence, et être utile, celui-ci doit être porteur d'avenir et de projets articulés à la réalité du terrain. Cela suppose une ouverture des communistes sur l'ensemble des préoccupations des citoyens à partir de leurs lieux de vie et de travail. Dans l’Allier, cette ambition s'est construite notamment autour des enjeux de l'aménagement du territoire pour un développement humain et durable, en faveur de l’emploi, du social, de la ruralité, des transports et de la culture. Tout en sachant se tourner vers l'État pour que celui-ci assume pleinement ses responsabilités, les communistes ont été également à l'initiative de rencontres citoyennes pour favoriser l'émergence de coopérations locales inédites, principalement en matière intercommunale. Jean-Claude Mairal rappelle que cette dynamique est engagée dans le département depuis 1994, et a permis depuis cette date le gain de sept sièges, ainsi que la direction de gauche au conseil général.

Même dans les cantons ancrés à droite depuis longtemps, ce type d'intervention citoyenne a permis la victoire de plusieurs conseillers généraux communistes. Ce succès doit être mis également au compte d'un travail en commun avec l'ensemble des citoyens et des acteurs concernés par ces préoccupations, ainsi que par la place nouvelle occupée par de jeunes élus et candidats. Pour conclure, Jean-Claude Mairal évoque l'élection de candidats communistes, dans des départements où ceux-ci sont faiblement représentés, à l’image de la Haute-Loire. Ces gains favorisent une renationalisation de l'implantation électorale du parti et sont un gage d'efficacité pour renforcer le poids du parti communiste dans la vie politique nationale.

Pour Serge Richard, dans un contexte de difficultés pour les gens à apprécier la situation politique et à s’y retrouver, il apparaît que l'électorat communiste, selon un sondage sorti des urnes, est celui qui a approuvé le plus les listes de la gauche plurielle. Incontestablement, c'est une donnée importante pour l’avenir. Par ailleurs, Serge Guichard considère que les résultats du FN doivent être considérés avec gravité et sérieux. C'est la meilleure manière de saisir les enjeux de cette situation pour y faire face. Le FN continue de progresser et de s'implanter dans le pays, de progresser en influence, en organisation et en nombre d’élus. Il a pu présenter des candidats partout et, pour la première fois, il atteint un score à des élections locales qui dépasse son influence aux présidentielles précédentes. Avec 275 élus régionaux, il fait plus que l'UDF et presque autant que le RPR. Cette progression se réalise de manière nouvelle, beaucoup plus liée qu’auparavant à l'organisation et à la structuration du parti comme le révèle le respect par ses électeurs des consignes de vote au deuxième tour. Le FN a véritablement maintenant une stratégie, celle du grignotage de la droite, annoncée lors du congrès de Strasbourg. Après avoir clamé « ni droite ni gauche », il prétend maintenant être la vraie droite et qu’entre lui et les socialo-communistes, il n’y a plus qu’un marigot à assécher.

L’anticommunisme, via les attaques contre la gauche, l’antisémitisme, via la lutte contre le cosmopolitisme, ont des relents ouvertement fascistes. Dans le même temps, le FN intervient sur le terrain social, se présente comme « un pôle de fraternité française », un parti républicain et tente de se donner une image fréquentable. Tous ceux qui lui en fournissent les moyens portent une grave responsabilité. Le FN n'est pas un parti comme les autres. Les électeurs qui l'ont fait savoir sont fort heureusement majoritaires, mais ne nous dispensons pas de regarder de près les dérives, leur ampleur, les passerelles entre la droite et le FN, de prendre ces questions sérieusement, comme signe de la crise politique profonde. Au lendemain de la semaine noire, les discours divergent entre réponse sur les valeurs, les idées et réponses de terrain, concrètes. Évidemment, aucun des termes ne doit être séparé de l’autre.

Serge Guichard aborde finalement les questions des sans-papiers, en considérant que le processus actuel de régularisation engagé par la gauche aboutit à des incohérences. Il se félicite de la recherche de formes de lutte plus efficaces. Quand les sans-papiers entrent dans la cathédrale d’Evry, ils démontrent qu'ils sont accueillis solidairement et fraternellement et qu'ils ne sont pas en terre d’occupation. À Roissy, s’ajoute à l'expulsion de sans-papiers la volonté du ministère de l'intérieur d’interdire le droit de protestation. Il faut revenir à la raison, au bon sens.

Pour Maxime Gremetz, il faut avoir une analyse lucide des élections. Aux régionales, les listes gauche plurielle en Picardie font 90 000 voix de moins (- 10 %) que le total des voix communistes et socialistes du premier tour des législatives 1997, alors qu'elles étaient élargies au PRG, au MDC, à des personnalités. Moins 90 000 personnes en Picardie, 1 340 000 en France, - 5, 37 % se sont réfugiées, cette fois, dans l'abstention politique ou dans le vote extrême-gauche. La condamnation de la droite est confirmée, mais, à travers les abstentions et le vote extrême gauche, s'est exprimé un certain mécontentement. Je n'ai pas perçu la dynamique unitaire. Quand aux cantonales, permettant de mesurer l'influence de chaque parti, le résultat global + 0,60 %, ne masque pas la perte de 80 000 voix sur 1992, qui n'était pas un bon cru. Le fait marquant, c'est que sur 26 départements, où nous avons une influence forte, nous constatons : une abstention de 13 % (750 000 électeurs) plus élevée que la moyenne nationale : une baisse du parti de 75 268 voix + 0,3 % ; une hausse du PS de 176 000 voix + 6,51 %. En Île-de-France : abstentions + 372 000, + 23,56 % ; PCF - 28 306 voix, + 1,45 % ; PS + 77 592 voix, + 11 % ; en Seine-Saint-Denis, le PS nous passe devant. Nous n'avons pas de progression sensible depuis 1992, et une domination renforcée du PS. Notre triple problème demeure : d’identité moderne, construite et affirmée ; de visibilité dans notre positionnement politique ; d'utilité réelle perçue et reconnue. Nous souffrons d'une insuffisante présence dans la défense des gens, de leur écoute, du débat de l'action pour améliorer leurs conditions immédiates, de l'insuffisance du contenu de notre projet politique, nourrissant notre visée communiste. J'approuve totalement l'objectif stratégique de créer une dynamique majoritaire pour le changement. Cela allie bien partir des problèmes immédiats, pour aller au fondamental : le contenu du changement de politique et de société. C'est une excellente contribution au mouvement social qui permet de marquer l'originalité de l’apport communiste et son utilité. Nous sommes placés devant un véritable projet politique : le passage à l’euro, la mise en place des critères de Maastricht, l'application du pacte de stabilité monétaire avec, comme conséquence, la domination de la Banque centrale européenne, des marchés financiers, de la mise en cause de la souveraineté nationale. C'est dans ce moment, que nous sommes placés devant un DDOF (diverses dispositions d'ordre financier) contenant diverses propositions pour créer les conditions du passage à l’euro. Voilà une formidable contradiction entre la volonté affirmée d'une politique nouvelle s’attaquant aux maux de notre société et de notre peuple. Par exemple, le PS vient de renoncer à inclure l'outil industriel dans l’impôt sur les grandes fortunes, à la réforme de la taxe professionnelle. Comment surmonter cette contradiction ? En prenant des initiatives de rassemblement et d’action. Avec un parti communiste poursuivant sa mutation. Nous voulons que, dans la majorité plurielle, chacun progresse sur la droite. Le dernier sondage, qui nous met à 9 % au lieu de 10,2 %, le confirme comme il confirme les 32 % du PS soit + 3,8 %. Nous n'y parviendrons pas sans un vaste et collectif effort de renforcement de l'organisation du parti, de ses cellules, l'ouverture et le dynamisme de celles-ci.

L’Essonne est le seul département de l'Île-de-France qui bascule, rappelle Marjolaine Rauze. Sur les 21 cantons renouvelables la gauche l'emporte dans 17 cas. Notre parti préserve ses trois sièges, dont celui de Corbeil, conservé de haute main, et en gagne un. Dans ce qui nous était objectivement accessible nous faisons donc du 100 %. Mais, en même temps, il faut être d'une grande lucidité : le PS est le grand bénéficiaire de l’élection. Il progresse quasiment partout, et souvent de façon spectaculaire. En revanche nos candidats, sur les 17 cantons où nous étions présents régressent dans 12 cas. Nos progressions ne sont significatives que dans trois cantons. Nous perdons en pourcentage et en voix au premier tour, y compris, là où nous dirigeons les villes, à l'exception d'une seule. Au total, si la balance en siège est positive, elle ne l'est pas en influence. Nous sommes le département de la région parisienne où nos pertes brutes sont les plus importantes avec un recul de 2,40 points et une perte de près de 1 point dans les cantons où nous étions présents. Certains camarades pensaient que la politique de la gauche plurielle était fortement rejetée dans l'opinion et notre identité communiste menacée par manque de radicalité. Si une élection ne dit pas tout sur la réalité des comportements, elle en dit assez, en tout cas, pour démontrer que ces camarades ne percevaient qu'une partie du réel. Être à même de percevoir chez les gens la tentation de l’abstention, du mécontentement ou des impatiences pouvant se traduire par du vote extrême gauche, était une donnée réelle et qui s'est vérifiée. Mais il y en avait une : c'est que, parallèlement, le parti socialiste et, au-delà, la gauche plurielle, était porté par un courant de relative confiance, cette réalité-là s'est aussi vérifiée. Cette réalité où se côtoyaient des attitudes ambivalentes n’était pas évidente à cerner et à traduire en actes et en orientation, dans le cadre d'une campagne électorale.

Dans le canton où j’étais candidate, le fil conducteur de notre campagne pour battre la droite sur le canton et à la région a consisté à démontrer qu'il y avait un double vote efficace et utile : le vote sur la candidate communiste et le vote pour la liste d'union conduite par un dirigeant socialiste. Et c’est là où notre parti obtient son meilleur résultat avec lui 8 points de plus qu’en 1992. Nous avons mobilisé l'électorat communiste et, en même temps, nous avons su amener nombre d’électeurs (50 %) qui avaient voté socialiste aux législatives à faire le choix en notre faveur pour la cantonale.

Sur le fond, ce qui a payé, c'est bien une démarche politique que nous mettons en œuvre depuis deux ans. Nous avons favorisé toutes les formes d'écoute pour être à portée d'une diversité d’électeurs et de sensibilités ; dialogué avec des gens qui portaient un regard plutôt bienveillant sur le gouvernement, mais qui, en même temps, étaient sur leur garde et attendent plus de lui.

Nous sommes apparus comme pleinement en coresponsabilité gouvernementale considérant que ce qui bouge déjà dans le pays était aussi notre contribution. Mais nous sommes apparus aussi comme étant pleinement engagés pour faire avancer les choses dans le sens des attentes populaires, en appui sur le mouvement social, en pointant les insuffisances, en particulier le besoin vital de s'en prendre à la logique des marchés financiers. Bref, nous avons, c'est mon sentiment, cherché à faire vivre la mutation communiste de manière perceptible pour tous.

Gérard Lalot partage lui aussi l'idée selon laquelle les électeurs ont confirmé en mars leur choix de juin dernier en désavouant une nouvelle fois la droite.

Pour autant, il note que l’abstention, le score de Lutte ouvrière, celui du Front national montrent que les Français ont exprimé la volonté que le changement aille plus vite, plus loin. Il considère que le rôle des communistes, pour contribuer à la montée du mouvement populaire, est essentiel et que la relance des espaces citoyens, tout comme celle de la vie du parti, sont des objectifs majeurs pour que le rôle, l’audience, la force du parti grandissent de façon très sensible en s'inscrivant pour cela résolument dans les orientations décidées par les communistes lors du 29e Congrès. Gérard Lalot constate que cela n'est pas toujours facile car il y a des résistances. L'idée que le parti connaîtrait un affaiblissement de sa nature révolutionnaire, voir qu'il dériverait vers la social-démocratie n'est pas absente, il pense toutefois que l'immense majorité des communistes ne se place pas sur ce terrain mais que nombre d'entre eux peuvent y être sensibles. Le parti a besoin de débat. C'est une condition pour que les communistes mènent la bataille. Ils ont en effet besoin de repères plus nets, de perspectives plus visibles et peut-être plus enthousiastes. L'idée proposée d'une dynamique majoritaire de changement peut répondre à cette attente. La bataille que nous avons mené en Picardie, que nous menons est pleine d’enseignements. Il est à noter que la liste conduite par un communiste est celle qui obtient le meilleur score de toute la région. Cela confirme Notre capacité à rassembler et la volonté des électeurs de nous voir unitaires. Évoquant la situation créée en Picardie avec Charles Baur, Gérard Lalot note que ce n'est pas une première puisque, en 1986, pour faire barrage au candidat socialiste à la présidence de région, celui-ci avait déjà fait appel au Front national, y compris en lui accordant une vice-présidence. Il constate qu'en Picardie il s'agit d'une véritable volonté commune de congestion d'une partie importante de la droite et du Front national. Celui-ci ne s'y trompe pas puisqu'il dit haut et fort : « La majorité c'est nous ». Cette situation est extrêmement grave. Charles Baur n'a trouvé que quatre vice-présidents alors que notre région en comptait quinze. À chaque vote pas une voix du Front national n'a manqué. Et ces vice-présidences sont également celles du Front national. La Picardie est devenue l'otage de ce parti. L'idée que le suffrage universel a été bafoué, que le danger d'une mise en œuvre de la politique du Front national est réelle crée une très vive émotion dans notre région. Manifestations, pétitions, lycées dans la rue à Château-Thierry, en quelques jours on recense des centaines et des centaines de protestations exigeant la démission de Charles Baur. Tout cela montre qu'il existe une véritable mobilisation qui peut grandir pour peu qu'on s'investisse pour donner la dimension nécessaire à un tel mouvement. Les communistes de cette région ont une responsabilité particulière pour empêcher cette manœuvre et restituer le suffrage universel aux Picards. L'enjeu est très important. Les communistes doivent être les plus ardents défenseurs de la volonté qui s'est exprimée, qui est donc d'agir pour que soit respecté le vote des Picards. C'est une question régionale mais je pense qu'elle revêt dans ces conditions une importance nationale.

Gilles Bontemps fait une série de constats sur la Loire-Atlantique. Sur les cantonales : baisse de la participation, baisse du PCF en voix et en pourcentage. Cette moitié du département passe au-dessus de 5 %, pour la première fois depuis longtemps. Gain dans 23 cantons, parfois important, aussi bien dans les quartiers populaires qu'en campagne. Stagnation dans quatre. Recule dans trois. Enseignement : c'est important de présenter des candidats partout pour travailler au renforcement de l’influence communiste. Sur la régionale : pour la première fois la gauche arrive en tête grâce à la liste gauche plurielle. Mais en même temps, la gauche n'est pas majoritaire. Donc bon résultat mais manque à gagner sur les législatives. Il est important que le parti dise qu'on entend le message et que l'on veut contribuer à ce qu'il en soit tenu compte. Globalement, des points d’appui en plus du parti pour les gens. Pourtant sur manque à gagner, je partage ce que dit le rapport. C'est aussi vrai chez nous et je trouve que c'est conforme à ce qu'on a rencontré dans la campagne. Deux choses fortes :
- la plus forte : validation de la gauche plurielle avec dynamique, avec attente d'expression des différentes identités et grande attention à notre égard ;
- très fortes attentes pour l'instant non satisfaites, de la crainte et de la patience ne conduisant pas au vote gauche plurielle. C'est venu le plus fort dans des quartiers populaires et dans les entreprises à partir de ce que les gens vivent et attendent. Dans le même temps, il y a une attente de la gauche plurielle et pas seulement d’électeurs communistes de mesures beaucoup plus significatives et plus rapides qui touchent à la vie concrète, immédiate et à venir. Ça touche au besoin d'une amélioration significative, notamment sur salaires, retraites, conditions de vie, droits nouveaux pour toutes les catégories de salariés qui attendent une amélioration palpable de leurs conditions de vie (pour l'instant ce n'est pas le cas).

Sur l'emploi et la citoyenneté : il y a eu des débats vigoureux dans la campagne. Par exemple : les salariés attendent, et notamment dans les services publics ou d'État que la situation de leur entreprise se solidifie ou s'améliore et non s’affaiblisse. Exemple : l’arsenal, EDF, Aérospatiale. Les plans de charge aux chantiers navals permettraient des centaines d'embauches et non, comme l'ont soutenu des responsables et députés de gauche non communistes, de soutenir le plan de réduction d'effectifs du nouveau directeur d'entreprise pour basculer sur la sous-traitance. Les débats directs qu'on a eu ont permis dans plusieurs secteurs de pousser sur le fond : la droite est en crise mais elle existe et se bat ; les marchés financiers et le patronat mènent une bataille permanente. Sur toutes les questions, il faut mettre aussi fort en face ; sur la nécessité de passer à l'égard de la gauche plurielle d'une situation d'attente délégataire à l'engagement du plus grand nombre possible pour modifier le rapport de forces sur toutes les questions, sur le terrain, de manière offensive et constructive ; sur le besoin d'impulser discussion et action sur les questions posées comme sur un projet politique globale pour réduire le décalage entre les attentes, les exigences et le contenu nécessaire des solutions pour y répondre. Avec la campagne on a franchi une étape dans la mise en œuvre de notre démarche politique de rassemblement.

Pour Guy Buecher, en Alsace, dans le Haut-Rhin, le résultat est une contre-performance. Sur les régionales, avec 46 % d’abstentions, soit 4 % de plus que la moyenne nationale, celle-ci a progressé de 13 %. A noter que c'est la gauche dans son ensemble, et plus particulièrement le parti socialiste, qui a été touché par cette abstention. A cela s'ajoutent des votes blancs et nuls qui dépassent 8 % ! C'est dire que l’électorat, malgré les 12 listes en présence, n'a pas trouvé satisfaction à ses préoccupations. Cela est grave.

La droite RPR-UDF retrouve globalement ses sièges (19, - 1), mais l'extrême droite gagne 5 sièges en obtenant un total de 17.

On peut dire que le mauvais résultat obtenu par la gauche plurielle, les divisions des forces écologistes ont profité à l’extrême droite. La gauche plurielle est en net recul. Dans le Haut-Rhin, elle régresse de 13 % sur les législatives et de 5 % sur le seul résultat du PS. Elle régresse même de 1 % sur le mauvais score du PS aux régionales de 92.

La constitution d'une liste qui s’inscrit dans la pratique hégémonique du PS sur les autres forces de gauche, consistant à vouloir étouffer l'apport communiste, a fait plonger toute la gauche. L’électorat, y compris celui du PS, a lourdement sanctionné cette pratique, car c'est tout le contraire d'une politique hardie à gauche pour rassembler les citoyens. C'est la répétition de ce qui s'est fait à Mulhouse aux municipales. Quant aux militants et électorat communistes, face à l'obstination du PS de ne faire aucune place éligible ni dans le Haut-Rhin ni dans le Bas-Rhin, ils n'ont guère de motivation pour faire campagne pour une liste qui n'avait de pluriel que le nom.

Sur les cantonales, sur les huit candidats présentés par le parti, tous sont en progression sur 92. Six d'entre eux fond nettement mieux qu’aux législatives. La progression des candidats communistes est parfois spectaculaire : plus 8 % dans un canton pour atteindre près de 10 %, soit 1 % de plus de ce que fait la gauche plurielle ! Ce qui montre que ceux qui pensaient que le vote communiste fait peur ont tout faux.

Le Front national confirme malheureusement son influence élevée au détriment de la gauche plurielle. Le Front national est loin devant la gauche plurielle sur la ville de Mulhouse, municipalité socialiste ! La droite maintient aussi son influence. Cela doit faire réfléchir tout le monde afin de bouger ensemble dans le bon sens. La progression de l'influence du parti devrait aider à le faire.

Pierre Mathieu analyse les bons résultats obtenus dans l’Aube aux cantonales comme aux régionales. Il pense qu'on aurait tort de parler de surprise et invite à regarder de plus près les causes de ces résultats. Dans un département archidominé par la droite et où le Front national fait 20 % des voix, les candidats communistes enregistrent des progrès dans 12 cantons, que ce soit en milieu rural ou en zone urbaine. De plus, la présence de quatre candidats au second tour se traduit par deux élus supplémentaires.

Pierre Mathieu voit plusieurs raisons à ces résultats. Des efforts constants pour maintenir le plus d'adhérents possibles ; une activité certes insuffisante mais néanmoins persistante sur les lieux de travail ; la mise en œuvre de pratiques politiques nouvelles ; une démarche résolument constructive et ouverte, en direction de la société et des autres formations de gauche ; un rôle moteur reconnu comme tel dans le débat politique à gauche pour construire, avec les citoyens, dans l’action, des réponses concrètes aux problèmes posés ; une présence politique constante avec une identité communiste affirmée au cœur du mouvement social. Il ajoute que, pour les régionales, la fédération de l’Aube a été à l'initiative de la construction de la liste de la gauche plurielle.

Il fait ensuite part de quelques réflexions concernant l'élection cantonale de la Chapelle-Saint-Luc, un secteur qui comprend de très grandes entreprises (Michelin, Kléber, etc.). Pour lui la victoire dans ce canton urbain est le fruit d’efforts menés sur plusieurs années : d'abord le maintien d'une activité communiste dans ce secteur très difficile ; un travail de fond mené depuis un an et demi pour retisser les liens avec les adhérents, mieux prendre en compte leurs préoccupations, lutter contre le sentiment d'abandon qu'ils ressentaient ; la participation à des actions très concrètes comme celle permettant l'obtention d'une baisse des impôts locaux pour 200 familles ; une présence et une activité dans les entreprises de l'agglomération troyenne qui a conduit plus de 100 responsables syndicaux CGT et CFDT, à appeler au vote pour les candidats communistes ; une campagne de terrain de la candidate, des militants, et au-delà, de nombreux amis tous attentifs aux besoins et au respect d'une population malmenée, tous porteurs de propositions concrètes et d'une démarche démocratique. Il note pour finir la tenue sur ce canton, à l'initiative de la candidate, d’espaces citoyens appréciés et considère que notre activité au coeur du mouvement des chômeurs, sur la question de la défense de la dignité humaine, a été bénéfique au plan électoral. De plus, la candidature d’une femme habitant et travaillant au cœur de la ZUP a été incontestablement un facteur positif.

Alain Hayot éprouve le besoin de prendre un peu de recul et de pousser la réflexion sur le Front national, d’autant plus que le débat est ouvert, chez les communistes comme dans la société. Avec trois objectifs : mieux qualifier le phénomène politique que représente le FN dans toutes ses dimensions ; mieux préciser les moyens de le combattre sur le terrain des idées et sur le terrain de la vie quotidienne, mieux aborder la conquête ou la reconquête de l'électorat populaire du FN en cessant de considérer notre action politique exclusivement dans un rapport de force interne au peuple de gauche. Il fait trois remarques pour commencer. Le vote FN exprime certes une angoisse sociale mais pas seulement. Le FN est un parti raciste et xénophobe mais cela ne suffit pas pour le qualifier. Enfin, le vote FN ne fait pas que traduire le rejet des formes actuelles de la représentation politique, ce qui reviendrait à confondre, à tort, ce vote avec celui des abstentionnistes. Pour lui, le FN est une force politique qui a structuré un électorat avec des convictions fortes, clairement affirmées autour d'une cohérence politique et des positionnements sur l'ensemble du champ sociétal, de l'économie aux institutions en passant par la culture et la morale, l'organisation sociale ou familiale, la vie quotidienne. Irréductible à un vote protestataire ou tribunicien, le vote FN est pour lui un vote profondément politique qui trace les contours d'un projet d'une société d’exclusion où la loi du plus fort, biologiquement et socialement, doit s'imposer par tous les moyens, l'autoritarisme et la répression si nécessaire. Le programme du FN se présente comme une alternative ultraréactionnaire, ultranationaliste et ultracapitaliste aux contradictions du capital, comme un national-capitalisme. Alain Hayot analyse les bases du travail d'alliance du FN en direction des deux courants de la droite : avec le courant libéral sur la déréglementation et les privatisations ; avec la droite bonapartiste et gaulliste sur l'État fort et la défense des intérêts du capitalisme national dans une mondialisation dominée par les USA. Il invite à combattre plus le FN contre l'imposture qui le fait se présenter comme le parti des exclus, des classes populaires, alors qu'il est une force de l'injustice sociale. Pour finir, il fait trois propositions : élaborer un argumentaire pour aider à la tenue d'assises interrégionales sur cette question ; mieux nourrir avec nos analyses politiques une démarche de rassemblement, comme celle du comité de vigilance, où le mouvement de la jeunesse s'implique fortement ; mieux déployer dans les cités et les entreprises Notre démarche de citoyenneté solidaire.

Henri Garino avoue que le travail d'analyse fait par Alain Hayot sur la politique du FN qui donne au vote en sa faveur une autre signification que seulement protestataire, lui paraît important.

Comme lui, il pense que c'est aussi un vote plus structuré pour un autre projet de société, une société d’exclusion. « Je crois qu'il faut effectuer le même travail d'analyse à l’égard de cette partie de la droite qui n'a pas hésité à faire alliance avec le FN dans plusieurs régions ». D'autant qu'on ne peut pas réduire cette alliance au seul objectif de conserver des pouvoir et contre-pouvoirs. En effet, on voit apparaître des passerelles entre des choix politiques du FN et ceux d'une partie de la droite. C'est le cas en Languedoc-Roussillon où le président UDF, Jacques Blanc, ne cache plus ses rapprochements politiques et idéologiques avec le FN.

Lui faisant écho, explique Henri Garino, le secrétaire départemental du RPR de l’Aude, Raymond Chesa, député-maire de Carcassonne, démissionne de son parti et, sur la ligne de Jean-François Mancel, propose la création une nouvelle force de droite, « une force de droite de la France qui travaille, qui paie des impôts, emploie, exporte et gagne ».

On le voit, ces passerelles politiques et idéologiques entre une partie de la droite et du FN confirment que l'on est bien au début d'un processus de recomposition de la droite qui constitue un grave danger pour l'avenir du pays.

Charles Marziani indique que les résultats des élections Midi-Pyrénées s'inscrivent dans les résultats nationaux. La stratégie d'union de rassemblement a été incontestablement payante : neuf élus au conseil régional soit + 4. Tous les départements ont désormais un élu communiste et la place du parti communiste est confortée dans son rôle politique à part entière. En Haute-Garonne les résultats et les enseignements sont plus contrastés. Les résultats de la gauche plurielle se situent tout juste au niveau de 92 et le taux d'abstention est fort, particulièrement dans les quartiers populaires et parmi les salariés des couches intermédiaires et intellectuelles, notamment ceux qui ont massivement participé au mouvement de l’hiver 95. Charles Marziani y voit l'expression d'une forte crise d'identité de leur place dans la société, leur avenir dans le mouvement du capital, des doutes dans l'efficacité de la politique pour des solutions efficaces. Cette abstention et l'absence de fortes radicalisations de ces salariés dans le vote FN et dans le vote extrême gauche montrent qu'il s'agit plutôt d'une forte position d'attente ne retrouvant pas dans les partis de gauche leurs exigences et leurs aspirations. Le vote extrême-gauche, LO et LCR, qui a dépassé les 10 % dans le département aux régionales, est certainement l'expression d'une recherche chez les acteurs du mouvement social parmi les militants associatifs, syndicaux, chez les jeunes, d'une traduction politique qu’ils ne trouvent pas dans la gauche plurielle. Il ne s'agit pas d'une défiance envers le parti communiste. Les gains obtenus + 2,1 % et + 28 % d’électeurs nouveaux aux cantonales après ceux réalisés aux législatives de 1997 le montrent. Ceci dit, l'abstention et le vote extrême gauche nous posent un problème. Celui d'une distance prise avec l'expression politique à gauche, celui d'une réponse politique à ces attentes, aux exigences insatisfaites qui s'expriment ainsi. Un débat est en cours, qui reflète un débat plus général dans le parti, sur la signification : s'agit-il d'une recherche de radicalité qui ne rencontre pas une identité assez affirmée du parti ?

S’agit-il de limites à l'inscription de notre mutation dans la réalité sociale et politique dans la pratique de masse du parti ?

Concernant la radicalité, l'orateur pense qu’autant il est nécessaire d'affirmer nos propres propositions, nos options pour le changement, les rendre visibles, autant il faut veiller à ne pas stériliser nos propositions de transformation qui n'ont de portée réelle que si elles permettent la mise en mouvement des acteurs sociaux, les actions citoyennes, pour résoudre les problèmes auxquels notre peuple est confronté. Il y a une expression de la radicalité qui tend à l’impuissance. Le problème est de continuer à ce que chaque point d'appui possible puisse être utilisé pour une mise en mouvement confiante, que chaque contradiction soit investie avec la volonté de la faire évoluer dans le sens de l'intérêt populaire, et cela en donnant explicitement du sens à la réflexion et à l’action, notre identité se joue à la fois sur le terrain de la citoyenneté, et du sens donné à l'action humaine, le sens de la libération humaine.

Guy Hermier a une appréciation plus contrastée que le rapport sur les résultats des élections régionales et cantonales. Ils comportent des motifs de satisfaction. Ces élections intermédiaires n'ont pas, comme souvent, donné lieu à une sanction forte du gouvernement et les compromissions d'une partie de la droite avec le FN ont provoqué une réaction positive. Nous devons cependant rester lucides. Les résultats de la gauche ne sont pas franchement bons et la dynamique de la « gauche plurielle » est très relative.

La poussée de l'extrême-gauche et l'ampleur de l’abstention exprime une insatisfaction à l'égard du gouvernement et surtout de la politique institutionnelle. Quant aux résultats du parti, ils sont encore plus modestes. Au total, ces élections ont largement profité au PS, avec un affaiblissement relatif des autres composantes de la « gauche plurielle ». Ce constat qui n'est pas satisfaisant suscite des inquiétudes. La radicalisation de la droite va libérer un espace au centre. Dès lors, le PS peut être tenté de mettre à profit sa position hégémonique pour constituer aussi sur le terrain un nouvel espace politique majoritaire.

Nous demandons donc nous attendre à gérer cette situation, dans le cadre de notre participation gouvernementale. Nous ne le ferons pas efficacement par la reprise de la politique du balancier pratiquée par le passé. Nous devons, au contraire, être capable d'impulser un mouvement pour faire prévaloir l'exigence transformatrice jusqu'au niveau du gouvernement. La proposition du rapport de créer une dynamique majoritaire de changement peut y contribuer. Encore faut-il en avoir une franche volonté politique. J'ai parfois le sentiment que nous aurions intégré la conviction qu'il n'y a pas de rebond possible du communisme français. D’où un tête-à-tête quasi exclusif avec le PS au détriment du développement de nos initiatives avec les forces porteuses d'exigences transformatrices, notamment dans le mouvement social. Guy Hermier met à ce propos en garde contre une utilisation de la notion de « gauche plurielle » comme une entité qui pourrait transcender l’identité et l’action propres des groupes dans les assemblées et des partis dans la société. Cela le confirme dans l'idée qu'il reste du chemin à parcourir pour la refondation du parti. Guy Hermier souhaite des initiatives d’une toute autre ampleur pour renouveler le projet communiste et travailler - au sein du rassemblement de toute la gauche - à une dynamique des forces les plus transformatrices. Il propose sur ce point la constitution, pour les européennes prochaines, d'une liste de rassemblement des forces politiques - du PCF aux Verts - et des acteurs du mouvement social qui entendent agir efficacement pour une Europe sociale, démocratique, solidaire. Par ailleurs, Guy Hermier souhaite l'émergence d'une formation qui incarne un renouveau communiste. Il s'inquiète de tentations de repli dans le parti et de la mise en cause dans plusieurs cas, pour la désignation des candidats, de la diversité du parti, qui est pourtant un acquis des dernières années.

Pour Joëlle Greder, les résultats du parti, au premier tour des cantonales (8,7 %), sont encourageants. Ils représentent une augmentation de 2,2 % par rapport à 1992. Ces gains significatifs dans le Tarn-et-Garonne, qui ne comptait pas d’élu communiste aux assemblées régionale et cantonale, ont été révélateurs pour de nombreux communistes de possibilités jusqu'alors leur semblant inaccessibles. Cette dynamique a été d'autant plus forte dans les cantons où la mutation du parti a été mise en œuvre. Elle s'est assise sur la constitution de liens permanents de proximité avec les gens, sur des hommes et des femmes élus ou candidats, reconnus comme relais citoyens et partie prenante du mouvement social, à l'exemple de Montauban. Maintenant, l'élection d'un conseiller régional communiste va être un point d'appui fort pour amplifier cette dynamique à l'échelle du département. Le PCF n’est plus une force d'appoint à gauche. Alors que la politique conduite jusqu'à présent au conseil général PRG n'a pas permis de combler une fracture grandissante entre la gauche départementale et les aspirations à plus de transparence dans la gestion, à plus de citoyenneté et de démocratie, les communistes sont plus que jamais conscients de leurs responsabilités. Il s'agit de favoriser l'écoute pour répondre aux problèmes des gens et de permettre l’union constructive des forces de gauche pour dégager les solutions progressistes qu'attendent les citoyens. Selon Joëlle Greder, cette exigence nécessite le développement en grand des espaces citoyens ouverts à l'ensemble du peuple de gauche. Les communistes doivent s'y engager d'autant plus hardiment qu’ils ouvrent des possibilités pour renforcer la vie et les ambitions du parti.

Alain Blanchard, à la lumière des résultats en région Picardie, donne plusieurs appréciations. La caractéristique : la demande persistante forte de changement, l'exigence de solutions efficaces pour les maux graves : précarité, exclusion, chômage, misère, l'interpellation en direction du pouvoir des forces de la gauche plurielle d'aller plus vite et plus loin, de trouver une issue réelle à la crise politique profonde que connaître le pays. L’attente même confuse d'une autre construction européenne, de réformes profondes confortent notre démarche stratégique, appellent son développement. Il observe ensuite que la dispersion des voix, la forte abstention, le résultat de la gauche plurielle qui l'emporte mais sans atteindre toutefois son score de 1997, et, d'une certaine façon, le vote Front national, tout cela traduit un nouveau décalage persistant entre les attentes fortes de changement et la mesure insuffisante des solutions nécessaires. Il insiste sur les résultats encourageants en Picardie : gain d’un élu régional communiste et de quatre conseillers généraux communistes, résultat rassembleur de la liste de gauche conduite par un communiste dans l’Aisne. Aux cantonales, il constate des progrès contrastés de nos candidats, montrant là aussi l'image améliorée de notre parti et l'intérêt qu'il suscite, notamment grâce à sa démarche unitaire. Mais le décalage entre l'intérêt et le vote communiste subsiste. Il précise enfin que la droite picarde qui a tenté une OPA sur la région s'est engagée dans un renouveau politique. La stratégie de Mancel vient de loin. Elle expérimente ici une nouvelle force politique de droite en allant au-devant des attentes d'une partie de l'électorat du Front national.

Il évoque ensuite l’AMI, qui illustre la nature de la visée capitaliste actuelle et affirme le concept de la mondialisation dominée par l’argent. À l'heure de tels nouveaux enjeux il y a besoin de cette identité communiste rénovée, rassembleuse, inscrite dans le court terme et la durée. A. Blanchard exprime l'idée d'un véritable bond en avant à réaliser dans la vie du parti comme c'est proposé dans le rapport. Nous avons besoin de nouveaux progrès dans notre activité de proximité auprès des salariés et auprès de la population. Dans les dix points du rapport quelques priorités ressortent selon lui : pouvant nourrir notre combat pour relever efficacement le défi du Front national qui atteint un niveau préoccupant dans l’Oise. Cela implique de mieux développer notre activité en direction des entreprises et sur les lieux de travail, de poursuivre des efforts tenaces pour développer nos forces organisées, pour améliorer le mode de vie du parti, les relations fraternelles entre les militants, l'élargissement de l'audience de notre presse. Il appelle enfin d'urgence à relancer la constitution d’espaces citoyens, initiative stratégique majeure dans la situation.

Le comité fédéral qui s'est réuni dans mon département au lendemain du double scrutin du 15 mars, a fait une première analyse des résultats réalisés par les candidats communistes, explique Dominique Grador. L’opinion qui s'est exprimé très largement a été positive concernant la Corrèze et au niveau national. Dans la situation de crise actuelle qui ne nous épargne pas, nous progressons en pourcentage et en nombre d’élus, cantonaux et régionaux, et nous gagnons la direction du département de l’Allier.

En confrontant les résultats, les communistes sont à même d’apprécier ce qui est aujourd'hui facteur d’avancées, de reconquête et ce qui au contraire, en ne collant pas à la démarche nouvelle que les gens attendent de nous, nous prive, d'une audience plus grande. La droite subit en Corrèze un sévère recul aux élections régionales et cantonales. À gauche, la dynamique se traduit par une progression sur le total des résultats additionnés de ses formations en 1992, sans atteindre son résultat en 1997. Cette progression se retrouve dans les résultats aux cantonales, où ils concernent l'ensemble des composantes. Les 3 élus de gauche sortants, 2 communistes et 1 socialiste sont élus. Et fait nouveau, quelque soit le cas de figure, que le candidat du PS soit placé en position de battre la droite ou pas, le progrès des uns ne se fais pas au détriment des autres. Sur l'ensemble des cantons, le PCF progresse de 2,5 points, le PS de 5,5 points. Le choix fait de l’union telle qu’elle a été réalisée aux régionales, respectueusement de l'identité de chacun, n’a pas brouillé l’opinion. Malgré 1 700 suffrages exprimés en moins, nous progressons en pourcentage et en voix. La gauche plurielle restait jusque-là affaire de gouvernement et donc de sommet. Elle s'enracine sur le terrain, avec les hommes, les femmes, les valeurs, les projets qu'ils défendent ensemble et dans le respect de leurs différences, en faisant juge l'opinion du sens dans lequel elle veut aller.

C'est une avancée qui permet de proposer de construire une dynamique majoritaire pour le changement parce que l'apport de notre parti est aujourd'hui beaucoup plus largement reconnu, dans le cadre de la stratégie unitaire à gauche. Avancée également au regard des résultats, d'autant plus significative politiquement que, sur une majorité de cantons, les candidats et candidates que nous présentons l'étaient pour la première fois et que nous progressons dans 13 cantons sur 18.

Le résultat obtenu est aussi celui d'un style et d'un contenu de campagne mettant en œuvre ce que nous disons de l'individu au centre de l'engagement militant ; impliquant personnellement chaque candidat, y compris sur la visée communiste dont est porteur son engagement : impliquant les militants qui les entourèrent, dans des collectif qui bousculaient les formes d’organisation et les directions traditionnelles ; impliquant la force communiste qui a été mise en mouvement dans la dynamique d'une campagne de terrain dans la plupart des cas, y compris où nous comptons peu d’adhérents. J'ai la conviction que les communistes, en plus grand nombre, ont trouvé leurs marques, bien en phase avec ce que les progressistes attendent d’eux : une attitude constructive, offensive, attentive aux problèmes dans leur diversité, une attitude volontaire pour le travail à réaliser, sur le possible des solutions. Je pense qu'il faut faire attention à ne pas simplifier sous le terme de mécontentement tout ce que sont les attentes, parce que cela peut conduire des communistes à l'attitude de surenchère et nous cantonner dans le combat stérile, alors que notre responsabilité et les attentes à notre égard, c'est d'aider les citoyens à se convaincre qu'il y a des solutions à la crise, à se donner un projet politique de transformation et à considérer leur intervention comme décisive.

Henri Malberg exprime son accord avec l'initiative de longue portée proposée dans le rapport. Il faut prendre au sérieux la signification des élections. Toute force qui considérerait qu'on peut continuer comme si rien ne s'était passé commettrait une lourde erreur. Les listes de la gauche ont été légitimées. Celle-ci a étendu ses positions de pouvoir. Qu’en faire ? C'est la question centrale.

Mais il y a aussi dans ces élections un avertissement. Qu'ont voulu dire les abstentionnistes et un certain nombre d'électeurs occasionnels de l’extrême-gauche ? Quel est le contenu de cet avertissement ? Voilà ce qu'il faut décrypter. Il dit son accord avec ce qui se dit au Comité national sur cette question. Puis il pose le problème relatif au Front national. Une partie de la droite vient d’introduire un élément délétère dans la vie politique française. C'est grave : une digue a cédé. Des dirigeants de droite ont pris le risque insensé de faire du Front national l’un des pivots d'une recomposition de la droite. La réaction de Jacques Chirac suscite deux observations : il y a d'une part des forces politiques à droite qui ne veulent pas d'un glissement politique vers les thèses lepénistes, mais il y a aussi le point de vue de l'intérêt général de la classe dirigeante d'une grande puissance capitaliste comment la France. Tout glissement du pays vers un caporalisme fascisant signifierait un déclin du pays et des intérêts capitalistes eux-mêmes. Il pense qu'à cette étape le Front national a subi un échec politique.

À son sens, la lutte contre le Front national doit porter sur l'urgence sociale et sur les valeurs et la politique. Il y a nécessité de peser sur le rapport de forces au plan des idées. Une partie importante de la jeunesse des écoles se politise à travers le combat politique contre Le Pen. La lutte contre le lepénisme pour de nombreux jeunes, c’est, comme le fût l’Algérie, le Vietnam, Angela Davis, Mandela. Leur idéal politique, leur Mai 68, c'est le combat contre le FN. Chaque génération vient à la politique comme la vie le lui dicte. Toute sous-estimation de la dimension passionnelle exaltante de ce combat serait grave.

Il estime que le PCF doit poser en toute clarté la question de la responsabilité de la gauche dans cette situation compliquée et périlleuse a beaucoup d'égards. Il estime qu'on nous jugera sur notre apport, nos combats et nos propositions, sur ce que nous ferons réellement pour que ça aille dans le bon sens. La réussite de la gauche est une question capitale. Naturellement certains rêvent aussi d'une double recomposition. À un bout une nouvelle droite intégrant des force du Front national. De l’autre, un rapprochement PS-Centre, un retour à un passé haïssable. Or le parti socialiste s'en sort justement parce qu'il apparaît comme rompant avec ce genre de combinaison. Et qu'on ne compte pas sur nous pour favoriser un tel reclassement qui fermerait la perspective progressiste pour longtemps. Il apprécie la proposition « travailler à l'émergence d'une dynamique majoritaire de changement ». Pour y parvenir le parti doit se tourner davantage vers le pays.

Jean-Claude Gomez rappelle que c'est le 30 janvier, en présence des dirigeants des partis de la gauche plurielle et du futur président du PS de la région Aquitaine, que les communistes avaient présenté la « liste citoyenne pour réussir à gauche » et dont les résultats ont conduit le quotidien Sud-Ouest à titrer le 16 mars, je cite : « Le PC surprend », indiquant auparavant : « Noël Mamère est le grand perdant alors que le FN recule et que les chasseurs sauvent les meubles ».

Cette surprise pour le quotidien régional est le fruit d'un engagement militant, communistes et non communistes, s'exprimant dans les près des 80 % de cartes remises à l'issue de ces élections où les communistes gagnent en sièges, en voix et en pourcentage aux régionales et conservent les deux sièges de conseillers généraux. Si à cette satisfaction s’ajoute celle que le FN ait perdu plus de 10 000 voix et près de 1 % dans ce département concentrant 41 % des inscrits et 43 % des sièges à pourvoir dans l’Aquitaine, le taux d'abstentions en Gironde, comme dans le pays, doit davantage préoccuper que d'avoir le moins d'esprit de boutique.

Après le vendredi soir, Jean-Claude Guillebeau de Sud-Ouest Dimanche, s’interrogeait sur le rôle d'arbitre joué par le FN refusant d’y voir l’inconséquence des électeurs, il écrivait : « On ne peut impunément laisser se décomposer la cohésion sociale d'un pays animé depuis des années par la précarité, le chômage, la souffrance collective, alors même que la Bourse flambe et que des aventuriers de la spéculation, une fois fortune faite, s’arrangent pour ne même pas payer l'impôt correspondant. On ne peut - ajoutait-il - indéfiniment attendre des Français qu'ils acceptent une situation où, tandis que l'exclusion perdure, les profits des entreprises battent littéralement tous leurs records grâce aux licenciements massifs, grâce aux duretés imposées aux petits. On ne peut pas mentir éternellement aux gens en le réclamant de nouveaux sacrifices pour s'adapter avec la flexibilité alors qu'en réalité des sacrifices sont déjà faits au point de voir régresser le monde du travail lui-même ». Jean-Claude Guillebeau n'est pas communiste.

Ces propos, nous les entendons, comme nous les entendions en accompagnant le Mouvement des chômeurs, mais aussi au même moment dans les débats pour les dix ans de notre revue culturelle avec des intellectuels, des artistes réunissant 800 participants. C'est la prise en compte de ces réalités qui nous avait conduits à composer notre liste citoyenne de plus de 60 % d’acteurs du mouvement social et culturel et pour un tiers non-membres du PCF, surprenant là aussi les commentateurs par une ouverture réelle, inédite et une féminisation avec 53 % de femmes, toutes et tous acteurs des espérances qui ont porté la gauche plurielle à la victoire de juin 1997.

Chacun sait, ici, connaît les conditions originales qui ont conduit les forces politiques de gauche et notre parti en Gironde à engager et conduire les listes régionales avec des listes distinctes et complémentaires scellées par une base d'engagements communs rendus publics dès la fin de janvier. Les communistes girondins n'avaient pas théorisé sur la situation de leur département, qualifiée par Noël Mamère de « fief national » des chasseurs, avec les conséquences politiques et électorales qui en découlent. La « liste citoyenne pour réussir à gauche » disposait d'atouts permettant d'apporter un des deux sièges du progrès de la gauche plurielle.

En Bretagne, pour la troisième fois consécutive depuis la présidentielle de 1995 et les législatives de 1997, le parti progresse, note Piero Rainero. Après les reculs successifs des années soixante-dix et quatre-vingt, nous avons désormais amorcé une période de reconquête qui participe de la mutation profonde que nous avons engagée. Cette remontée, qui s'inscrit dans la durée, doit contribuer à redonner confiance aux communistes, bien sûr, mais aussi à tous ceux qui portent sur notre parti un regard attentif fait parfois d'un mélange d’intérêt, de questionnement, d'exigences diverses aussi. Je pense que nous avons eu parfaitement raison de proposer la constitution de listes de la gauche plurielle. Au niveau régional, en termes d’élus, nous multiplions par deux le nombre de nos conseillers régionaux (trois à six) et il a manqué deux sièges seulement à la gauche plurielle pour avoir la majorité relative au conseil régional de Bretagne. Ces deux sièges manquants résultent des contre-performances réalisées dans deux départements les plus à gauche de la région, le Finistère et les Côtes-d’Armor. Dans ces deux départements, le PS n'avait pas engagé dans la campagne électorale ses élus et responsables les plus connus, ce qui n'a pas contribué à la mobilisation de ses électeurs. De plus, dans un des trois départements bretons, le Finistère, l'union n'était pas complète puisque les Verts avaient décidé de faire cavalier seul, ce qui n'a pas permis de créer la dynamique indispensable et qui leur a coûté, aux Verts, leur représentation au conseil régional. Ils n'ont pas, en effet, réalisé 5 %. Ils avaient dans ce département deux élus, ils n’en ont plus aucun désormais. Et ce sont dans les secteurs où les Verts reculent le plus et où les principaux dirigeants socialistes se sont le moins engagés que les listes de divers gauche font leurs meilleurs résultats.

Aux élections cantonales, les gains du parti sont, sur l'ensemble de la région, de 1,30 % par rapport à 1992, et, sur les 103 cantons renouvelables où nous étions présents, nous progressons dans 74 cantons en pourcentage avec des gains importants dans certains : de 17 % à Saint-Nicolas, de 20 4% à Carhaix, de 12 % à Guéméné, dans une dizaine de cantons, nous constatons un recul ne dépassant pas 0,5 point.

Dans ceux où nous ne gagnons pas, ce sont bien souvent des cantons ruraux  où nous n'avons pas d'organisation du parti et où il n'y a donc pratiquement jamais d'expression communiste sinon qu'en période électorale. Ce constat montre combien est importante l'organisation du parti, sa présence avec des adhérents, des cellules, des sections au contact avec les gens, agissant avec eux pour faire prévaloir les revendications locales, mais aussi pour faire connaître et apprécier le parti, sa politique, ses militants. Ces progrès que nous avons réalisé aux cantonales montrent que les élections régionales qui avaient lieu le même jour sur des listes d'union n’ont pas occulté notre sensibilité politique. La campagne électorale que nous avons mené pour cette élection, mais aussi notre expression communiste très claire aux régionales ont contribué à l'affirmation de notre identité. Personne ne pouvait et n'avait osé envisager un tel résultat.

Pour Pierre Zarka, la crise profonde de la représentation politique se traduit par le fait que la majorité des citoyens ne trouve plus d’issue dans le cadre des forces politiques institutionnelles et lui paraît indissociable du rejet du libéralisme qu'elles ont porté. Cela dit, le souvenir de l'échec de l’Est nous inclut dans la crise politique. Ce qui condamne à l'échec toute tentative qui n'affrontera pas la libération du libéralisme. C'est donc en proposant une alternative au libéralisme qu'on peut répondre aux attentes actuelles. De ce point de vue, il considère que nous avons du mal à ne pas opposer concret et projet, immédiat et avenir. Du mal à intégrer le concret dans une perspective transformatrice, alors que les gens ne donnent du sens à l'immédiat qu’au regard de l'avenir qu'ils entrevoient.

Il note que la période marque la fin du pragmatisme et que toutes les forces politiques se veulent aujourd'hui porteuses d'un projet. Construire une dynamique majoritaire de changement est notre réponse à ce défi et constitue pour nous une étape. Mais, note l’orateur, un projet ne se réduit pas à une liste de propositions, il implique une cohérence. Ainsi les dix points du rapport ne prennent de sens qu’en les inscrivant dans notre conception du communisme comme alternative à l’ultralibéralisme. Dès lors dissocier concret et projet c'est lui rendre l’un et l'autre inaudibles : le concret peut apparaître comme « syndical » et le communisme comme abstrait, donc marginal.

Pierre Zarka rappelle qu'un projet politique c'est aussi une construction idéologique avec des repères forts qui identifient le parti. Il souligne que, pour impulser une dynamique majoritaire de changement, nous devons être conscients que les majorités d'idées sur les solutions restent à construire et que notre projet implique un intense travail d'argumentation modifiant encore davantage le paysage idéologique du pays. Il prend quelques exemples : doit-on parler du monde du travail seulement à partir de ses réelles souffrances ? A-t-il vraiment besoin d'un parti compatissant pour ouvrir les perspectives, ou ne vaut-il pas mieux souligner son rôle indispensable dans la société ? Ainsi quand les cheminots sont en grève, que la France est paralysée, cela montre combien ils sont un moteur économique indispensable. Dire cela c’est à la fois s'attaquer à la question du coût du travail - l'indispensable ça se paie - et apporter une dynamique au mouvement social, une prise de conscience de la force réelle qu'il représente. Il interroge de la même façon ; sommes-nous seulement défenseurs des revendications ? Le meilleur moyen de défendre les hommes, n'est-ce pas de présenter devant chaque problème immédiat, la justice comme facteur de développement et, donc, être le parti du développement de l'ensemble de la société ?

Pour finir Pierre Zarka rappelle qu'au moment où tout le monde a conscience que l’enjeu est d’ordre sociétal, seulement 17 % des Français pensent que nous sommes porteurs d’avenir. Si, dans les sondages d’opinion, l'existence du parti communiste apparaît à beaucoup nécessaire, le développement de son influence implique qu'il soit porteur d’avenir, où l'importance de multiplier des réseaux de dialogue pour construire ces majorité d’idées. Il regrette à cet égard le manque à gagner que représente la sous-utilisation chronique de L’Huma Hebdo et de L’Humanité quotidienne, tant il est vrai qu'il n'y a ni dynamique politique ni espaces citoyens sans une intervention communiste permanente de haut niveau.

Jean-François Gau appelle à mesurer l'importance de l'objectif stratégique que représente la construction d'une dynamique majoritaire de changement et qui découle de la volonté des communistes de prendre les questions qui leur sont posées comme parti politique, et tout simplement comme citoyens dans leur dimension fondamentale, celle de la crise profonde de la politique.

Il souhaite qu'on soit précis sur le contenu de cette expression de crise de la politique et sur la réalité qu'elle vise. Il y voit d'abord une crise d'une conception de la politique dans son contenu et dans ses méthodes. La distance accrue prise par les citoyens vis-à-vis du vote est à la mesure de la sévérité de leur jugement à l'égard des partis et de la représentation politique, et ce qui s'est passé depuis les élections n’a pu qu’accentuer les attitudes de recul face à la politique. Jean-François Gau il y a aussi crise de la politique en elle-même, crise de la démocratie et de la citoyenneté. Comme l’y invite la dernière partie du rapport, apporter « la réponse concrète à la crise de la politique » est donc pour lui un acte d'une importance majeure. Il poursuit en montrant que l'objectif stratégique d'une dynamique majoritaire de changement est rendu possible et nécessaire parce que, dans leur majorité, nos concitoyens partagent un refus des choix ultralibéraux et de la mondialisation capitaliste et qu'ils aspirent de façon plus ou moins consciente et diffuse à des changements réels, à une transformation de la société dans le sens d'un plus grand respect des besoins humains et de l'autonomie personnelle. Mais, souligne-t-il, cette concordance majoritaire de refus et d’aspirations n'est pas une majorité constituée, encore moins une majorité politique, et c'est à la résolution de ce problème fondamental que le parti communiste décide de travailler. Il souligne qu'il s'agit là d'une tâche considérable qui réclame des efforts à la hauteur de l'ambition et qui ne permet ni raccourci ni simplification. En effet, si les refus les exigences majoritaires ne trouvent pas dans les conditions actuelles leur expression politique - et d'abord leur expression électorale - majoritaire, c'est parce qu'il y a des obstacles réels considérables auxquels il faut s'attaquer concrètement : des aspirations diverses, dispersées et parfois contradictoires sont très loin de constituer un projet cohérent et construit de transformations. Construire une dynamique majoritaire de changement c'est donc définir et faire prévaloir par le débat, l’action, le vote, des réponses progressistes majoritairement partagées aux problèmes posés. C'est l'intérêt de la gauche : celle-ci a l'obligation de grandir pour réussir. Elle a besoin d'une dynamique majoritaire à gauche, et il n'est pas de telle dynamique envisageable autre que porteuse de réels changements. Elle favorise celle-ci à la condition qu’elle s’appuie sur elle pour travailler mieux à la réalisation des changements nécessaires. Construire une telle dynamique, c'est aussi l'intérêt de notre peuple. Les dix points du rapport sont autant de domaines ouverts aux débats de proximité et à l'intervention sur le terrain des citoyens, autant de domaines dans lesquels des décisions sont prises, des réalités se transforment. Contribuer à ce que se dégagent des réponses progressistes majoritaires à ces grands domaines, c'est donner plus de force, plus d'impact à l'intervention sociale et politique pour faire reculer, cas par cas, les décisions inspirées par la logique capitaliste et pour en prendre d’autres, dégager les obstacles au mouvement social et citoyen. Jean-François Gau note enfin que cela implique concrètement la relance en grand des espaces citoyens et le nécessaire bond en avant de la vie du parti. Il insiste en conclusion sur le fait que cette initiative stratégique est conforme aux responsabilités du PCF, ni aile gauche de la social-démocratie, dont la vocation serait de se définir à partir et en fonction d'un projet d'aménagement du capitalisme ; ni moteur d'un front des refus à une évolution de la société et du monde de plus en plus inhumaine, mais qui n'aurait pas d’alternative envisageable. Mais une force qui aide une majorité de notre peuple à se donner un projet de transformation de la société qui permette de promouvoir des réponses modernes et humaines aux problèmes posés.

Jean-Michel Bodin centre son intervention sur la crise de la politique pour, dans un premier temps, observer que ce thème est utilisé comme un outil politique pour accréditer l'idée que les partis ne peuvent apporter de réponses aux problèmes posés et que c'est désormais en dehors du champ politique que ceux-ci peuvent se régler. C'est une idée dangereuse pour la démocratie car elle nourrit le sentiment qu'il y a d'un côté la politique « politicienne » et de l'autre les questions de la vie sociale, économique, de la démocratie qui seraient extérieurs à la politique (Tony Blair, à l'Assemblée nationale, après d'autres en France, comme Jacques Delors, ont développé cette idée, notamment sur les questions économiques). Tout cela n'est sans doute pas sans effet sur les communistes eux-mêmes, leurs capacités à peser sur les choix essentiels. La démarche de conquête proposée dans le rapport peut justement aider à repérer la nature de la crise de la politique et reconquérir du poids électoral. La crise de la politique est nourrie aussi par le débat actuel concernant les élections régionales, on nous explique que les accords droite-Front national sont dus au mode de scrutin à la proportionnelle. Sont mélangés sciemment les causes et les effets pour faire oublier que la question essentielle se situe dans l'accord de fond entre une partie de la droite et le Front national sur un choix commun : la mise en œuvre d'une politique ultralibérale et le refus du suffrage universel.

Rien n'est jamais définitivement réglé, ce qui s'est passé en région Centre montre la capacité de riposte des citoyens imposant la démission du président élu avec les voix du Front national.

Quel rôle peut jouer le parti face à cette crise de la politique, interroge Jean-Michel Bodin ? S'il approuve la proposition faite de la construction d'une dynamique majoritaire pour le changement, il prône pour que cette construction soit réellement ouverte sur l’extérieur, que nous sortions de nos « eaux territoriales », pour que nous soyons plus offensifs d'autant que l'exigence des gens à notre égard a changé, ne pas apporter un prêt-à-penser mais nourrir le débat à gauche et dans la gauche elle-même. À ce stade de notre activité depuis le Congrès, il y a le besoin de voir clair. Nous ne voulons être et ne sommes ni l’aile gauche du PS, ni un parti recroquevillé. Visée et identité communiste sont liées, construction commune et apport communiste ne sont pas opposés. Le besoin est devenu fort de rendre mieux visible Notre apport et notre projet.

Évoquant la crise de la politique, Sylviane Ainardi note qu'un défi est à relever : celui de démontrer que la politique peut redevenir un outil pour changer la société. Un enjeu, un défi qui grandit encore à l'issue des élections. La proposition de construire une dynamique majoritaire de changement nous positionne en capacité de relever le défi. Elle fait trois remarques :
- la campagne électorale a été révélatrice des obstacles et des potentiels. Des obstacles qui existent dans la société elle-même. Le poids de la fatalité et des contraintes, l’expérience des promesses non tenues. Les obstacles existent aussi chez les communistes eux-mêmes pour porter pleinement notre politique. Mais il y a des points d'appui nouveaux avec une meilleure perception d'un parti communiste combatif, engagé dans la majorité de gouvernement avec son apport spécifique, les progrès de la pluralité à gauche avec l'idée que chaque composante est indispensable. Les dix points proposés dans le rapport peuvent conforter une réflexion qui a mûri dans l'expérience. Il n’y a pas de mode d'emploi mais besoin de prendre des initiatives qui s'inscrivent dans la durée. L'expérience des emplois-jeunes est probante. Les jeunes veulent du concret, être informés, écoutés, donner leur point de vue. Il est nécessaire dans chaque département de faire un état des lieux, de leur mise en œuvre, des obstacles rencontrés, de ce qu'il faut entreprendre pour leur réalisation concrète. La crédibilité de la politique passe par là ;
- l'idée est forte aujourd'hui de la possibilité d'être acteur de la politique hors des institutions et des partis. C'est notamment vrai parmi les jeunes. Pourtant beaucoup de ceux-ci sont à la recherche de politique, de réponses politiques à leurs préoccupations. Ils s'engagent dans des luttes ponctuelles pour des résultats rapides et opposent souvent l'utilité de l'associatif à l'inutilité du politique. Beaucoup ont souligné l'engagement des jeunes contre le Front national. Nous avons la responsabilité d’élever le contenu du débat politique contre le Front national. Derrière tout ce rejet de la politique, il y a des exigences de démocratie qui mettent en cause des décennies de pratique. La relance et le développement des espaces citoyens est une exigence au moment où le besoin de confronter, d’échanger, d’agir pour transformer la société a encore grandi ;
- nous vivons un moment où le thème de la rénovation de la vie politique est à la mode mais à l'évidence tout le monde n’y met pas le même contenu. Que nous soyons porteurs d'une méthode, d'une démarche, d'une ambition tournée vers des objectifs d’intervention politique de cette majorité qui veut changer la société. C'est un apport considérable à la gauche plurielle pour qu'elle réussisse. La rencontre dans ce moment politique entre tous ceux qui cherchent une issue et des militants communistes qui traduisent les notions de solidarité et d'humanisme en projet politique peut être particulièrement vivifiante.

Claude Billard estime décisive, à l’issue des élections, de mettre le parti en situation de répondre aux fortes attentes sociales et à la crise de la politique. Prendre très au sérieux le message des urnes est un acte politique très important. Contribuer dès à présent à transformer la majorité d’idée, qu'évoque le rapport, en majorité politique est la grande responsabilité des communistes. Si la tâche est difficile, alors que continuent à peser la fatalité, le sentiment d’impuissance face aux marchés et à l’Europe, nous pouvons nous appuyer sur la force des aspirations pour gagner à l'action politique de nombreux citoyens, notamment dans les milieux populaires.

La dynamique majoritaire de changement que nous voulons construire exige de rendre le parti disponible partout où ce recherchent des solutions politiques. « À quelques semaines de la Coupe du monde, il ne s'agit pas de jouer “perso” ni de jouer le bonhomme, mais de jouer le ballon du changement, de sa réussite », lance avec force l’orateur. Toutefois, plusieurs conditions doivent être réunies. Tout d’abord, la présence et l'action du parti, avec ces idées et ses propositions, sont indispensables. Le calendrier actuel de la construction européenne doit par exemple nous pousser à relancer le débat et des initiatives sur l'Europe. Par ailleurs, Notre organisation doit être ouverte plus que jamais à la réalité sociale, sans se cantonner à la simple appréciation de l'opinion. Nos responsabilités sont ainsi politiques pour resserrer les liaisons entre les communistes et les gens, et permettre la constitution d’espaces citoyens comme lieux de débats, de solidarités et d’actions. Enfin, une attention particulière doit être portée à la vie du parti, à son renforcement, si nous voulons permettre ainsi le déploiement individuel et collectif de chaque communiste. Ces derniers sont encore trop souvent spectateurs de la mise en œuvre de notre politique. Qu'ils soient acteurs relève de la responsabilité des dirigeants à tous les niveaux. De nombreux communistes ont fait la démonstration lors de la campagne électorale que la force militante du parti communiste est l’atout vital pour sa remontée. A nous tous de les aider dans cette réflexion et dans cette tâche.

Pour Bernard Calabuig, à l’issue des élections s'ouvre une nouvelle période politique pour le pays. La gauche sort renforcée, mais elle est confrontée à d'importantes responsabilités. Elle a un devoir de réussite. Il faut entendre le message des urnes ainsi que l'abstention ou encore les non-inscrits, les votes blancs et nuls, qui traduisent l'urgence sociale ainsi que la méfiance vis-à-vis de la politique. Tout cela exprime bien la profondeur de la crise de la politique, le fossé qui s'est dangereusement creusé ces dernières années entre les exigences de changement et l'absence de réponse politique. Dépasser cette crise implique la recherche de réponses inédites, notamment pour favoriser l'intervention citoyenne. Dès lors, la démarche des espaces citoyens doit être dynamisée de façon audacieuse comme le propose le rapport. Nous devons préparer ces réunions en grand et non plus seulement à la seule initiative du parti.

L'intervenant souligne ensuite la nécessité de faire vivre l'apport original des communistes pour déployer la radicalité constructive de notre projet au cœur du mouvement social. Alors que les résultats de l'extrême-gauche relancent le débat sur notre radicalité, nous sommes plus que jamais attendus sur le sens de notre visée communiste. Les gens ont besoin d'actes concrets ainsi que du recul pour s'approprier les enjeux de la situation politique et participer de l'avenir de la société. Ils voient ce que nous ne sommes plus, mais identifient encore difficilement ce que nous ambitionnons de devenir. Nous pouvons avancer sur ce terrain en engageant le débat le plus large dans le pays, comme le propose le rapport, sur notre projet politique de réponses aux défis sociaux et de civilisation de notre époque.

Bernard Calabuig évoque enfin les résultats du Val-d'Oise avec la perte de deux cantons au profit du PS et le gain de celui de Garges-Est au détriment de la droite. Ces résultats contrastés tiennent principalement à des particularités départementales liées à la vivacité du débat dans certaines localités entre communistes sur la stratégie du parti et ensuite à l'entrée tardive en campagne de la liste de la gauche plurielle conduite par le parti socialiste. Il devient de plus en plus évident que le parti avance lorsqu'il a une démarche d'ouverture et d'écoute à la société. Rien ne se décrète. Seule l'originalité de nos propositions, l'efficacité de nos actes, nous identifient à un parti utile et nous permet de progresser.

Jean-Paul Bore rappelle que la dynamique plurielle a permis les bons résultats de la gauche. En Languedoc-Roussillon, celle-ci ne gagne des sièges aux régionales que dans les départements où la gauche était rassemblée. Dans les autres, malgré nos efforts, le PS n'en a pas voulu. Le résultat montre qu'une majorité absolue à gauche existait et aurait évité l'élection du président de région dans les conditions que chacun connaît. Cette démarche d'union apparaît donc comme utile au moment où les bases existent pour la construction d'une dynamique majoritaire de changement. Cette nouvelle conception perce au moment où la droite se trouve dans les pires difficultés et alors que notre parti à retrouver une place nationale, comme le soulignent le rôle des ministres et la place nouvelle de nos élus.

Notre nouvelle démarche stratégique marque la préoccupation des communistes et leur volonté d'assumer leurs responsabilités au moment où personne ne peut prévoir ce qui aboutira de la crise de la droite et de la tentative d'une partie d'entre elle de se reconstruire avec le FN.

Par ailleurs, l'orateur considère l'abstention non seulement comme un signe de dépolitisation mais aussi comme le rejet d'une forme de politique sur fond de refus de l’ultralibéralisme. Dans cette situation, si du neuf tape à la porte, nous pouvons sortir de la simple protestation ou contestation pour engager avec les gens des constructions nouvelles. Ainsi, dans le Gard, les salariés de Perrier ont apprécié l'implication des élus communistes - et notamment d'André Lajoinie, président de la commission production et échanges de l'Assemblée nationale - pour faire vivre les propositions de moratoire sur les licenciements et de création d'une commission d'enquête parlementaire sur la politique des groupes. Cette initiative vient en appui à une première expérience de rencontre de salariés, d'organismes de crédit et même de dirigeants de PME-PMI autour de la proposition d'allégement des charges financières pour développer l'emploi. De cet engagement sur le champ politique peut naître le besoin de nouveaux droits permettant aux salariés de se défendre, d’intervenir. Ainsi, la démocratie représentative actuelle peut se renforcer d'une nouvelle démocratie directe.

Sylvie Mayer constate que les transports ont été en Île-de-France le problème évoque systématiquement dans les réunions électorales auxquelles elle a pu participer. « C'est une véritable souffrance que vivent ceux qui chaque matin doivent se rendre à leur travail par les transports en commun ou dans les encombrements de la banlieue. Les tarifs sont, pour certains, les jeunes, les chômeurs, un obstacle au libre déplacement. C'est une angoisse pour les familles qui craignent la pollution automobile pour la santé de leurs enfants. Les États généraux, que le groupe communiste au conseil régional ont organisé, ont été un point d'appui efficace pour notre campagne et le demeurent pour notre projet. » Selon elle, l'énergie fait, elle aussi, l'objet de préoccupations et de débats. La question de l’eau, de sa qualité, de son prix, est également objet de soucis et de luttes pour de nombreux Français, usagers et élus. D'autres questions d'environnement viennent en débat dans notre société. La révolution scientifique et informationnelle, en accélérant le passage des découvertes scientifiques à la mise en œuvre technologique et industrielle, met la société devant de nouvelles responsabilités. Je pense, par exemple, aux organismes génétiquement modifiés. Et jusqu’à aujourd’hui, la pensée dominante, à laquelle contribuent les écologistes, a tendance à prendre ces questions d'une façon conservatrice, méfiante vis-à-vis de la recherche scientifique, culpabilisante pour la société, évitant de montrer les véritables responsabilités et de pointer les réels enjeux. Il était donc important que, parmi les dix points, soit présente la question du développement durable sur laquelle nous avons commencé à nous exprimer, précisément lors du 29e Congrès. Un développement humain, moderne, ayant la préoccupation de protéger et valoriser le patrimoine naturel, les ressources de la planète est incompatible avec le type de croissance qu’engendre le capitalisme. Lorsque nous parlons de retrouver une grande ambition industrielle, nous devons y inclure la prise en compte de la lutte contre les gâchis de ressources humaines et matérielles, pour la production de biens durables dans des conditions de prévention des pollutions. Cela implique formation et qualification des salariés, modernisation de l’éducation, nouvelles pratiques de transparence et de démocratie dans les entreprises et les communes, nouveaux droits pour les salariés, les citoyens, les élus. Nous devons considérer comme une mission du secteur public dont nous appelons la rénovation, la question de la protection de l’environnement. Nous devons préciser nos propositions, approfondir collectivement notre réflexion, valoriser notre activité et nous engager individuellement dans les débats de société partout où ils ont lieu. L'environnement est une question décisive dans l'objectif de transformation de la société.

Nicole Borvo considère que la crise de la politique exprime le décalage entre le peuple, ses problèmes cruciaux, ses aspirations, et la représentation politique. Elle insiste sur deux points :

1. La construction d'une dynamique majoritaire pour le changement. Il s'agit d'une majorité politique. Cette orientation s'inscrit dans la logique du 29e Congrès. Il est important de voir et les points d'appui et les obstacles. Les points d'appui se trouvent dans l'état du mouvement social et du mouvement des idées qui nous fait dire qu'une majorité de notre peuple refuse l’ultralibéralisme. La jeunesse est au centre de cela. Les phénomènes divers que nous constatons à différents niveaux : mobilisation contre le Front national, mobilisation des jeunes en Seine-Saint-Denis pour les lycées, les réponses de 2,5 millions de lycéens au ministère de l'éducation nationale, comme les observations récentes de chercheurs convergent pour dire deux choses : critique du libéralisme et aspiration à la justice sociale, et s'impliquer dans la société, etc. ; défiance à l'égard du fonctionnement du système politique. Il est important de noter que les jeunes ne sont pas à part. Les obstacles se trouvent dans l’insuffisance de l'offre politique, tant en contenu qu’en forme et les solutions ne sont pas dans un rassemblement des contre ou dans un tête-à-tête avec le parti socialiste, mais dans la qualité des solutions, la capacité à mener le débat nécessaire, dans l'existence de nouvelles formes de rapports entre les citoyens et la politique. Le va-et-vient entre les citoyens et les forces politiques est indispensable : nous avons eu l'intuition des espaces citoyens. Aujourd’hui, toutes les forces politiques sont à leur façon sur cette question. C'est à partir des demandes politiques de la société, des questionnements, des positionnements que les communistes peuvent dynamiser leur activité, valoriser leur rôle, leur apport.

2. Ma seconde remarque porte sur le projet. Il y a une question incontournable à l'égard du parti : la visibilité de son projet. La sympathie à notre égard, la compréhension de notre rôle et de notre utilité pour défendre les gens butent politiquement sur la clarté de ce que nous voulons. Voir où sont les obstacles pour avancer : obstacle historique dont, évidemment, les effets continuent de marquer profondément les forces progressistes. Nous avons à progresser dans la façon de concilier la nécessaire cohérence d'un projet communiste et la démarche démocratique par le peuple lui-même de son projet, comme nous avons à progresser dans le rapport entre les solutions immédiates dont les gens peuvent se saisir et le projet communiste. Nous avons un fil conducteur. Avec une perspective (la visée communiste) et un processus de transformation de la société dont le rythme, la durée dépendent du peuple. Nos solutions s’opposent évidemment à celles des tenants de la concurrence entre les hommes et les peuples. On ne peut donc faire l'économie de débats de fond avec les citoyens et d'expérimentations sociales. Nous avons besoin de prendre appui sur ce qu'il y a de plus avancé dans la société, des mouvements les plus actifs : féministes, intellectuels contre les lois Pasqua ou pour les sans-papiers. Il ne s’agit ni de s’aligner sur les idées moyennes des gens ni de jouer le rôle d'autres organisations. Notre spécificité, c'est la cohérence des solutions et la représentation politique.

La crise de la politique, la crise de la représentativité politique ne peut se réduire à la crise des institutions, estime Michel Duffour. Cette tentative de focaliser sur les institutions n'est pas nouveau. Le journal Le Monde s’y est essayé récemment de façon très consensuelle, considérant que « nos institutions ne se portent pas mal », mais notant avec lucidité que la démocratie, elle, se porte mal ; appelant à un électrochoc avec établissement du quinquennal, par exemple. Aujourd’hui, la plupart des responsables se défendent de penser réforme des institutions coupées des réalités sociales. Il est clair que, sous couvert de péripéties droite-Front national, ils veulent pousser à la présidentialisation et à une bipolarisation accentuée. Ce n'est pas une question mineure, mais nous ne la traiterons bien qu’en sortant du cadre fixé et en ne la détachant pas du cœur de ce que nous mettons dans le projet communiste. Il faut être clair sur le diagnostic.

Au cœur de cette crise, il y a le sentiment d'éloignement total des citoyens au regard des ???? de pouvoir. Qui décide et pour qui est une énigme pour nombre d’électeurs. Cela nourrit l’abstention et la colère de nos concitoyens. Il faut être clair sur notre visée, parler en termes de citoyenneté. Il est indispensable dans les faits de faire vivre une démocratie directe. Chercher à décentraliser les institutions pour permettre aux citoyens ou à leurs représentants d'intervenir réellement et de décider. Établir la transparence de la vie publique pas seulement dans les mots. Introduire des droits où il n'y a que des interdits, en particulier sur les lieux de travail. Permettre aux citoyens d'être eux-mêmes à l'initiative de projets de lois. Il faut s'emparer et ne pas bouder les réformes immédiates pouvant être obtenues (parité, cumul des mandats, statut de l’élu). Travailler sur des mesures originales concernant l'information des citoyens, la place de l’associatif, la démocratie directe ; défendre le principe même de la proportionnelle, se situer à contre-courant et globalement en réclamer davantage pour une meilleure représentation des différents courants. Il n'en demeure pas moins qu'une stabilité des exécutifs est nécessaire. Dans la prochaine période, des attaques vont être portées contre la proportionnelle au nom d'une plus grande clarté. Nous ne pouvons pas certes laisser les choses en l’état, mais le maintien du maximum de proportionnelle s’impose. Ce qu'il faut, c'est introduire de la proportionnelle aux législatives, améliorer le scrutin municipal pour donner plus de place aux minorités et abaisser le niveau de la barre qui élimine des listes au seconde tour, et par cohérence rapprocher le mode de scrutin de toutes les élections locales, de la commune à la région, en passant par le département.

Pour Patrice Cohen-Seat le rapport met à juste titre en lumière le rôle structurant de cette contradiction entre les choix ultralibéraux et les attentes populaires. Cette contradiction est au centre de la crise de la droite et de la politique. Elle met la gauche au pied du mur. D'où l'importance de développer un projet communiste, condition pour que le mouvement populaire se dote d'un projet transformateur et que le parti ne sort pas l’aiguillon du PS. La seule façon de l’éviter : être porteur d'un véritable projet communiste. Mais il n'y a pas de projet communiste sans visée communiste et pas de crédibilité de changements profonds sans une logique de choix différente de celle qui prévaut depuis des décennies. D'où la nécessité de travailler sur le projet et indissociablement sur la visée. Pas de crédibilité d'un projet sans l’affirmation d’idées, de valeurs, de choix fondamentaux qui donnent cohérence et démontrent l’adéquation des fins aux moyens. Cette question est essentielle, comme le montrent par exemple les ravages de la cohérence apparente du projet Front national, et les difficultés que nous avons à être vus comme porteur d'un projet crédible. Sans doute ne partons-nous pas de rien. Le 29e Congrès comporte déjà beaucoup, à quoi se sont ajoutées depuis de nouvelles élaborations, par exemple autour de la notion d'espaces citoyens ou de celle de sécurité-emploi-formation. Cette élaboration ne peut pas, en outre, se faire en dehors d'un échange avec le mouvement populaire et la société. Mais il ne faut pas sous-estimer l'importance du travail d’élaboration politique susceptible de mener beaucoup plus loin notre mutation et de décisions qui sont à la fois des moments de choix et de visibilité de nos orientations.

L’orateur rappelle la très forte cohérence de l'ancienne visée communiste (rôle de la classe ouvrière, conception des luttes et de la prise du pouvoir d’État, lien étatiste entre cette prise de pouvoir et l'abolition de la propriété et (donc) de l’exploitation). Mais ça ne s'est pas passé comme ça et le réel lui-même a changé (révolution informationnelle, mutation du (et dans) le travail, extension de l'exploitation à toute la société, etc. Dans ces conditions, quelle logique de transformation sociale ? Quelles luttes ? De qui ? Comment ? Et quel lien nouveau entre les luttes et la politique, le (les) pourvoir(s) ? Autant de questions qui nécessitent un travail théorique et donc un approfondissement du rapport entre théorie et politique. Pour avoir trop tordu le bâton dans un sens (science de l’histoire, théorisation de la politique), ne risque ton pas de le tordre dans l’autre (séparation de la théorie et de la politique) ? L'orateur prend alors l'exemple de la propriété pour montrer comment cette question était au cœur du projet étatiste ; et combien il est nécessaire d’y travailler à nouveau pour montrer que l’on s’est dégagé du passé, mais surtout proposer de façon convaincante pour l'avenir un autre projet communiste. Il conclut en soulignant que nous avons beaucoup progressé en nous dégageant d'une conception confusionnelle de la théorie et de la politique, mais qu'on ne peut pas être communiste sans beaucoup de théorie et d’idées. Il s'agit là d'une tâche politique spécifique qu'il convient donc d’organiser, à défaut de quoi il y aurait un risque que l’idée de projet soit rabattue sur celle de programme.

Paul Boccara, interpellé par l'intervention de Patrice Cohen-Seat, prend la parole de sa place. Il trouve la discussion trop tranquille face à la gravité des défis qui sont aussi exaltants. C'est un moment historique où il nous faut dépasser une série de contradictions. Ainsi : ne pas se réduire à suivre le PS ou se contenter d'en être un aiguillon de gauche et, pourtant, pour transformer effectivement notre société, agir avec le PS et en participant au gouvernement. Être partie prenante des mouvements sociaux critiques, comme ceux des chômeurs, et aussi de la majorité. Il ne s'agit pas d’être fébriles mais de chercher à occuper tout l’espace ouvert par les attentes, les déceptions, et les exigences.

Nous avons des solutions de principe pour dépasser les contradictions de la politique gouvernementale : les interventions des gens eux-mêmes ; pour leurs besoins concrets, avant tout l’emploi ; sur une autre utilisation de l’argent.

Face au mouvement des chômeurs qui veulent vivre dignement, le gouvernement évoque les limites des moyens financiers. Mais des revenus décents pour toutes et tous peuvent, en retour, développer les ressources disponibles, s’ils servent de tremplin pour déboucher sur des créations massives d’emplois ou, en attendant, sur de bonnes formations pour des emplois effectifs.

Pour tout cela, une autre utilisation de l'argent est nécessaire, afin d'aller vers une sécurité d'emploi et de formation. Mais cela ne peut rester que des phrases. Il y a un souffle dans les dix points du rapport mais la question c'est comment les faire avancer concrètement dans la vie ?

Une autre utilisation de l’argent, c'est abstrait : dans la réalité, c'est avant tout le crédit et les banques. Il y a les profits affichés des entreprises, environ 1 800 milliards de francs ; les 1 600 milliards de francs du budget, mais le crédit c'est environ 6 500 milliards et cela pourrait être bien plus.

L’alternative à la dictature des marchés financiers, aux placements spéculatifs exaspérant le chômage, c’est, au-delà des taxations, un autre crédit : eut crédit à taux abaissés en faveur d'une production réelle poussant le plus possible l'emploi et la formation.

Paul Boccara attire l'attention sur la nouveauté historique des expériences de terrain amorcées pendant la campagne électorale, pour dépasser les blocages aux sommets gouvernemental ou européen, en agissant au niveau des régions. Se référant aux interventions d’Yves Dimicoli et de Jean-Paul Boré, il évoque les rencontres régionales sur les financements pour l’emploi, avec des syndicalistes, des militants associatifs, des élus, des cadres et responsables de banques, des patrons de PME, des travailleurs du secteur public.

Il s’agit : de propositions, pour les budgets régionaux, de fonds publics pour bonifier (diminuer) les taux d'intérêts des crédits bancaires dans la mesure où ils concernent des investissements s'engageant à faire de l'emploi et d'autant plus qu’ils font plus d’emplois ; d’interventions sur les relations entre banques et entreprises, pour l'utilisation régionale de l'épargne et des dépôts régionaux. La difficulté, c'est de rendre populaire des propositions techniques de crédit, au lieu de répéter « non au marché financier ». Il faudrait partir des besoins personnalisés, comme avec des bureaux d'embauches nominales et des propositions locales d’emplois ou de formations pour l’emploi, mais en les articulant à des montages de crédits des banques, à partir des banques mutualistes et publiques, comme le Crédit Agricole ou la Banque de France.

Des expériences ont commencé en Languedoc-Roussillon, en Loire-Atlantique, dans l’Allier, en Dordogne, dans l’Aude, en Île-de-France. Elles doivent être développées et entourées de la plus grande attention, ainsi que l'activité nouvelle possible de nos élus territoriaux et dans les exécutifs régionaux. Cela pourrait déboucher sur une séance spéciale du Comité national pour débattre de l'amplification de ces luttes nouvelles.

Marie-France Vieux estime que le PCF se trouve face à un grand défi que représente la crise de la politique. S’il y a lieu d'être ambitieux, il faut rester modeste. Il s'agit en fait de la crise de l'efficacité de la politique et l’abstention, le vote contraire à ses ambitions, la non-inscription sur les listes électorales, le vote du bout des lèvres, tout cela n'épargne aucun parti. Dans l'électorat de gauche, il y a attentes profondes, insatisfactions, parfois colères dans les quartiers populaires, dans les entreprises, mais on a senti aussi pendant la campagne un recul du pessimisme, une maturation politique en progrès. Dans le climat nauséabond de la région Rhône-Alpes, avec les alliances honteuses de la droite et du Front national, sur la question du blocage du fonctionnement de l'assemblée régionale, les élus, nous nous attachons à être clairs, lisibles, avec le souci permanent de bien se faire comprendre par la population.

Marie-France Vieux souligne ensuite qu’il y a en même temps des raisons de faire confiance : le sursaut citoyen, qu'il soit de nature collective (jeunes, artistes, intellectuels) ou individuel, contre l'alliance avec le Front national, contre le Front national, pour le respect du vote, pour une autre politique. La droite, avec Charles Millon, a sous-estimé cette réaction populaire, très politique.

Les résultats du PCF dans les cantonales sont une autre raison de confiance : un élu de plus a été gagné, une progression du parti égale à la progression nationale, ce qui est nouveau dans le Rhône. Nous avons retiré de la campagne un grand nombre de contacts nouveaux et divers et le constate qu'une étape est franchie en sortant du face-à-face avec le PS dans lequel nous nous trouvions. Elle précise qu'elle ressent bien la proposition de la dynamique majoritaire pour le changement proposée dans le rapport. Cela va donner du sens à l'engagement des militants et c'est mettre en pratique l'idéal communiste au quotidien en répondant aux défis de notre époque.

Les dix points proposés constituent autant d'axes forts, d’élaboration collective parce que au centre de la vie réelle. Les espaces citoyens apparaissent encore plus indispensables comme lieux de citoyenneté, lieux de récréation d'intérêt pour la politique, lieux où le sens du militantisme se redéfinit. Si nous ne sommes pas audacieux, elle craint que d'autres prennent la place, le besoin de débat est grand dans la population. Enfin, Marie-France Vieux annonce que les communistes du Rhône ont décidé trois mois de développement des forces du parti : renforcement, renouvellement de la vie des cellules, pour mieux déployer l'activité des communistes, et impulsion des espaces citoyens, les trois allants de pair.

Gérard Streiff cite un extrait d'ouvrage de sociologie qui illustre bien la crise présente de confiance et de légitimité : « Le sentiment de n'être rien dans un monde indifférent, et plus encore l'impression d'être manipulé comme un objet par des pouvoirs discrétionnaires, lointains et abstraits, ne cesse de progresser. Ainsi le besoin de participation personnalisé est-il né de cette frustration, de cet anonymat. C'est le besoin de compter pour quelque chose. »

S'il y a crise de la société, il y a une grande inspiration à prendre part aux recherches de solutions aux questions citées. Il y a une réponse communiste à ces recherches, elle est dans la dernière partie du rapport de Robert : faire de la politique autrement avec un parti qui se comporte autrement.

Au travers d'enquêtes récentes se dessine un citoyen nouveau qui sait de mieux en mieux ce dont il ne veut plus, qui a des valeurs de plus en plus affirmées, qui préfère à la force, la conviction ; aux gagneurs, les solidaires ; à la compétition, la coopération ; aux manichéens, la complexité ; au technicien, la compassion ; à l’autorité, la persuasion ; à la performance, l’humanité. Ce sont ces citoyens nouveaux que nous entendons rencontrer. Les espaces citoyens : nous disposons d’un premier bilan qui est bon. Mais ce n'est que le début du début. Un certain nombre d'espaces citoyens se tiennent dans les entreprises. C'est d'autant plus intéressant qu'à l’entreprise on assiste à une profonde régression démocratique. Les enquêtes montrent qu'après l'aspiration à l’autonomie des années 80 le poids de la hiérarchie, l'autoritarisme s’alourdissent de plus en plus. Le discours et la politique des patrons se durcissent.

Tous les partis politiques sont touchés par la crise politique. L’heure de leur disparition aurait-elle sonné ? Devrait-il se transformer en manière d’association ? Ce n'est pas le choix de nos congrès. On a besoin d'un parti moderne, ouvert, prenant de front toutes les questions que la société se pose, cherchant, sans étroitesse ni rituel, des solutions d’aujourd’hui. Un parti dont les adhérents soient pleinement souverains.

Selon Roger Martelli, les élections poussent à la réflexion stratégique. Elle révèle la poursuite de la coupure entre opinion et parti, l’absence pour les citoyens d’un sens perceptible et accepté dans l'activité de l’État, des institutions et des partis.

La société française a profondément muté et le libéralisme lui a imposé ses réponses. Jusqu'à ce jour les progressistes n’ont pas su encore en imposer d’autres. Ce constat permet de mesurer à la fois l'ampleur de la responsabilité des formations politiques et l'espace initiative qui revient aux communistes. Il y a dans cette société du désespoir et tout projet transformateur se doit de comprendre une telle souffrance et de chercher à l’apaiser. Mais dans ce mal-vivre on trouve aussi l'énergie de la vie et le désir de construire un avenir. C'est cette attente qui reste le moteur du « mouvement social ». Pourtant cette demande n'est pas raccordée à un projet, n'est pas prise en compte par les institutions mais pas assez prise au sérieux par les partis, y compris le nôtre. À ceux qui veulent du neuf il n'est plus possible de soumettre leur désir au respect des critères de Maastricht, de prétendre que leurs exigences font le jeu du FN ou de leur opposer que « manifester est plus facile que de se retrousser les manches ».

Ne pas se résoudre exige de conduire la critique mais surtout de construire. Il s'agit de bâtir une architecture alternative tout à la fois dotée de sens et de réponses immédiates. Nous n’en sommes pas là. Pour y parvenir, nous devons nous appuyer beaucoup plus sur la société et sur son expression, le mouvement social, que nous ne sollicitons pas assez dans une démarche de créativité commune.

Pour surmonter ces difficultés, Roger Martelli insiste sur deux aspects : Notre façon de traiter la force communiste et l'initiative à construire, notamment sur les européennes. Tout d’abord, l'image des communistes est meilleure mais n'est pas encore assez efficiente, raccordée à un projet et clairement identifiable à un collectif. La force communiste reste encore trop une décision de Congrès plutôt qu'une réalité. D'ici au prochain Congrès, nous devons faire des pas significatifs pour pousser plus loin la communauté de destin qui nous lie en trouvant des formes d'organisation qui tendent à devenir permanente du niveau local au national. C'est ainsi que nous renforcerons le contact du parti avec la société et que nous dynamiserons l’espace proprement communiste.

Ensuite, l'intervenant considère que l'initiative politique touchant à l'Europe dans la perspective des prochaines élections est une question décisive autant qu'une question piège. Il n'est pas possible de dissocier le combat européen et le combat transformateur en France. Il n'y a pas, sur ce terrain comme sur d’autres, de consensus possible entre une partie de la droite et une partie de la gauche. Il n'y a pas de rencontre possible entre la conception d'une Europe des replis nationaux et celle d'une Europe progressiste, respectueuse des communautés politiques nationales existantes, mais d'abord ouverte sur l'échange et la coopération démocratique. La nation ne se défend pas, elle se transforme. Ainsi, nous devons rassembler toutes les forces qui veulent une autre construction européenne, notamment dans le cadre d'une liste qui irait du PCF aux Verts et à l’extrême gauche, et surtout qui serait ouverte aux acteurs du mouvement social. Voilà qui serait un souffle nouveau pour l’Europe, un appel d'air pour la politique française, un signe pour le mouvement social et la jeunesse.

Michel Laurent évoque tout d'abord les résultats électoraux de la Seine-Saint-Denis. Selon lui, le renouvellement des candidatures et leur féminisation ont joué un rôle éminemment positif, ainsi que la capacité des candidats et du parti à mener une campagne de proximité.

L’intervenant aborde ensuite le mouvement des enseignants, des parents et des élèves de Seine-Saint-Denis. D'une ampleur inédite, ce mouvement est marqué par la détermination de ses acteurs et donne un souffle nouveau à des revendications justes et nécessaires. Les communistes ont su s'inscrire utilement dans ce mouvement avec une appréciation originale faisant de la participation gouvernementale, non pas un obstacle, mais plutôt une possibilité concrète d'ouvrir une perspective et de parvenir à des résultats. C'est prometteur pour tout monde dans un département qui se bat et où on n'est pas des moins que rien - comme le disent les banderoles. Les communistes, pleinement partie prenante de cette lutte, au sens de leur engagement social et de la visée communiste, ont à chaque moment visé le succès pour obtenir des résultats et donner envie aux mouvements de pousser plus loin. Ainsi, nous espérons obtenir des mesures jamais vues pour la Seine-Saint-Denis et un plan pluriannuel pour la réussite du plus grand nombre.

Michel Laurent estime que l'action quotidienne et de proximité des communistes est la manière la plus visible et la plus efficace d'être au côté des gens, de porter un projet politique, théorique et idéologique. Au cœur de la crise politique, c'est un gage d'efficacité pour faire reculer le FN, comme y sont parvenus les communistes de Seine-Saint-Denis, c'est aussi la meilleure manière d'enrichir notre projet et d'améliorer la perception que les gens ont du parti. Dans cette situation où beaucoup dépend des communistes pour réduire la crise de la politique, nous montrons ainsi que notre vocation n'est pas d’être les « pompiers du capitalisme », sous prétexte que nous aurions le souci de répondre à l'urgence sociale. Au contraire, Notre engagement sur ce terrain est un lien évident avec la recherche nous entreprenons d'une autre construction sociale. Pour établir ces liens nouveaux avec le mouvement social, Michel Laurent propose de poursuivre la mutation et de constituer de larges espaces citoyens. En conclusion, il formule le souhait d’organiser une grande initiative (peut-être en liaison avec la préparation de la Fête de l’Huma) d'ouverture des portes du parti, une initiative de découverte mutuelle avec de nombreux citoyens.

Paule Fonte rappelle l'exigence de porter dans un même mouvement identité communiste et féministe. Notre parti, en permettant l'intégration permanente de la lutte des femmes à l'apparat communiste, peut contribuer à révéler largement sa volonté d'être présent sur l'ensemble du terrain de souffrances sociales. C'est aussi un atout pour le renouveau de l'engagement communiste et de la politique puisque nous savons que les femmes participent d'une tout autre manière de faire de la politique, plus concrète, plus attentive aux autres et s'inscrivant dans un autre rapport au pouvoir. Tous les sondages en témoignent, 80 % des Français estiment aujourd'hui normal et souhaitent que les femmes soient plus nombreuses dans la vie politique.

Selon l’oratrice, on ne peut plus se satisfaire de discours globalisants dans lesquels les femmes ne se reconnaissent pas. Il est maintenant indispensable de créer les conditions pour que la parole des femmes soit entendue, notamment dans la vie du parti. En conclusion, Paule Fonte alerte le Comité national et les directions du parti à tous les niveaux sur la nécessité qui lui apparaît incontournable de prendre en compte le point de vue des femmes dans toutes les initiatives. Le respect de la diversité, c'est aussi celui de l'acceptation de la différence des sexes, c'est un gage d'efficacité tout autant qu'une démarche profondément démocratique. Elle rencontre ainsi une exigence montante des femmes à s’investir, à établir les rapports d’égalité, à compter dans les décisions, à inventer des pratiques citoyennes qui leur correspondent. C'est un des défis que peuvent aussi contribuer à relever des espaces citoyens plus dynamiques.

Pour Richard Dethyre, la crise de la politique touche l'ensemble des partis, y compris le PCF. L’orateur souligne un aspect interne et structurant de celle-ci. Il s'agit du rapport que nous entretenons avec le réel, la vie et le social, et, plus particulièrement, sur toutes les questions qui touchent à l’emploi, à la précarité et au bouleversement de la société. Il est maintenant impératif pour le parti de faire effort sur ces aspects tant leur dimension est devenue transversale et centrale. Richard Dethyre considère par exemple que nous abordons la question de l'emploi de manière encore trop économique et pas assez sociale. Alors que 6,9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, il devient urgent pour les communistes de s’enraciner dans cette réalité pour redonner au social toute sa place et construire autre chose.

Lorsque le mouvement des chômeurs exige une revalorisation de 1 500 francs des minima sociaux, cette revendication répond à l'urgence sociale et vitale des chômeurs. Elle est aussi une perspective bonne pour emploi et constitue une réponse politique, évidente pour les communistes, pour tous ceux qui, frappés par la crise, s'éloignent de la politique.

S’enraciner dans le réel suppose le débat et les structures pour pouvoir échanger. Or, nous avons des retards pour être à la hauteur de ces enjeux. Au niveau des directions et du parti dans son ensemble, quels sont nos moyens pour comprendre ce qui bouge dans la société : le mouvement social, le militantisme, le syndicalisme et sa recomposition ? … Quels efforts devons-nous produire pour parvenir à impliquer plus étroitement tous les intéressés à l'élaboration des propositions du parti dans les domaines qui les concernent ? Pour confronter les expériences et les réflexions en cours, ne faut-il pas développer les lieux d'échange et réfléchir autrement le travail du Comité national ?

Patrick Hatzig voit dans le gain de sept conseillers généraux et des progrès très importants dans certains cantons l'existence d'une force communiste conséquente en Meurthe-et-Moselle. C’est, selon lui, le résultat d'une présentation et du respect de l'unité et de la diversité communiste. Cette démarche sera poursuivie pour maintenir et développer l'influence de cette force communiste alliée à la nécessité de renforcer l’organisation. Car nous ressentons, comme un paradoxe, affirme-t-il, à la fois l’existence d’un bon résultat électoral, et malgré tout, des difficultés dans notre parti, qui se trouvent encore dans une phase de gestation. Patrick Hatzig relève un problème dans l'état d'esprit des militants communistes : il persiste un trouble, des doutes, une crainte face au renouvellement de notre identité. Cela concoure à une mauvaise visibilité de notre projet politique. C'est un manque à gagner considérable pour l'épanouissement de notre stratégie. La campagne des régionales l’a montré, où une majorité de militants n'ont pas su s'inscrire dans la bataille tels qu’ils sont ou devraient être porteurs d'un communisme moderne. On peut dire que nous donnons l'image d’un parti renouvelé, ouvert, dynamique. Mais l'une des conditions d'une remontée d'influence sera la mise en route d'une nouvelle ère militante à l’aise dans ses baskets. Sur la notion de « l'espace politique » que nous devons occuper, Patrick Hatzig observe l'échec de la social-démocratie (que reconnaît le PS) et celui de l'expérience soviétique (que nous reconnaissons). Il y a toujours la recherche de la construction d'un projet politique. Quel espace politique va occuper le parti communiste pour être utile à l'émergence d'un dépassement de ce système, utile à l'émergence d'un projet politique ? Nous vivons une période de gestation où coexiste l'opportunité de grandir ou de s’affaiblir, selon, à mon avis, ou nous sommes tentés de revenir un simple parti protestataire, idéologique, d’attente.

La place est déjà occupée à l'extrême-gauche et là le parti socialiste est prêt à occuper l'espace qui, par nature, nous est dévolu, ou nous choisissons de poursuivre la mutation et reconstruire un parti plus conquérant pour occuper un espace qui compte à gauche, partenaire du changement, courant à gauche d'un communisme moderne pour un changement crédible. Le choix est chez nous, il dépend d'abord de nous.

Patrick Hatzig souhaite que cet espace politique à gauche soit réellement le souci des militants communistes. Il considère que nous devons bien nous expliquer sur la situation. Nous avons vocation à intéresser une population bien plus grande, au regard de la contestation et de l’espérance. Allons-nous trouver la traduction politique de ces aspirations de changement ? La dynamique majoritaire de changement peut redonner une motivation nouvelle à toutes celles et ceux qui désespèrent de trouver un projet politique d'un réel changement.

Les espaces citoyens sont des actes qui peuvent aider à passer ce cap difficile. Il faut être volontariste et ne pas hésiter à placer la barre à un bon niveau. Dans l'espace citoyen, nous retrouvons une majorité sur des idées, une volonté commune d'action mais encore et toujours un doute sur les potentialités politiques pour la mise en application de ces idées.

Claude Gindin évoque quelques questions liées au parti en liaison avec l'objectif de la construction d'une dynamique majoritaire de changement. Celle des moyens que nous nous donnons pour contribuer à l'intervention permanente de nos concitoyennes et concitoyens dans toutes les affaires qui les concernent à tous les niveaux et dans un sens conforme à leurs intérêts. Il y a la question de notre identification qui a besoin de s’affirmer, non en cherchant à faire la différence pour la différence mais par le déploiement de notre politique en mettant à la portée des hommes et des femmes de notre pays la mesure de ce que pourrait être leur propre intervention pour contribuer à faire prévaloir des réponses réellement émancipatrices à des problèmes qui se posent dans l'urgence et qui expriment les enjeux de notre temps. Travailler à cela est essentiel pour que la visée communiste ne soit pas perçue comme un supplément d'âme et les défis de notre époque comme quelque chose de tellement considérable qu'il est impossible d'avoir prise sur eux. De ce point de vue le grand mérite de la proposition d'une conquête d'une sécurité d’emploi et de formation est de montrer comment l'on peut s'attaquer au chômage et s'en prendre à un ???? du capitalisme qu’est le marché capitaliste de la force de travail. Claude Gindin indique que se donner les moyens de bien mieux exercer notre fonction communiste d’aujourd'hui, mener à bien la mutation du parti ne peut se faire qu'à partir du parti tel qu’il est. Il souhaite à cet égard attirer l'attention sur trois aspects :
- la nécessité vitale pour le parti de changer l'échelle dans la prise de responsabilité des femmes dans la vie du parti. Il y a les moyens dès maintenant de le faire et si nous ne le faisons pas nous n’atteindrons pas les objectifs politiques que nous nous fixons ;
- la jeunesse. Il y a aujourd'hui un rendez-vous à ne pas manquer avec une partie de la jeunesse qui nous attend et qui s'inquiète de savoir si nous voulons vraiment changer la société ;
- les fédérations du parti peuvent avoir intérêt à s'emparer plus des possibilités d’aide à la formation des communistes que leur offre le Comité national dans les départements et à Draveil. La démarche d'ensemble de cette aide à la formation est de partir des défis majeurs auxquels l'humanité est aujourd'hui confrontée et de situer la politique des forces du capital et la visée communiste comme des réponses radicalement contradictoires à ces défis. Mais il y a besoin d’accentuer la contribution de cette démarche à l'exercice de l'initiative et de la souveraineté des communistes dans les décisions proprement politiques.

Jacques Perreux juge très adapté à la situation la proposition d'une relance en grand des espaces citoyens, mais passer de centaines à des milliers ne s’obtiendra ni à l’arraché ni par génération spontanée. Il livre quelques réflexions à partir du rapport et de l’expérience des six espaces citoyens tenus à Vitry. Parmi les gens qui se sont abstenus, voir ont voté extrême-gauche ou Front national, beaucoup sont les premières victimes de la politique menée depuis des années et qui ne se sentent pas concerné par les mesures de changement, pourtant significatives, mises en œuvre depuis juin. Dans une famille qui compte non pas un mais trois ou quatre chômeurs, que peut signifier la perspective, pourtant très positive, des 35 heures ? Pour Jacques Perreux, il faut comprendre l'exaspération et l’impatience de ceux qui vivent dans un sentiment d'abandon très profond, d’insécurité, de dégradation, y compris dans les villes communistes. Pour ces gens qui se sentent fragiles, qui ont l'impression de ne pas compter et de ne pas être respectés, la politique est devenue souvent synonyme d’aggravation ou d’impuissance. Pour eux, le suffrage universel a fait faillite. Il indique que ce ne sont pas les gens qui se sont mis hors-jeu ; ce sont les choix politiques qui les ont mis hors-jeu de la politique. Pour lui, la crise politique, c'est l'absence de lieux où on peut se parler, réfléchir ensemble, comprendre ce qui se passe dans son quartier ou sur la planète, s’écouter, s'entraider et pouvoir influer sur le cours de la politique. C'est pourquoi la relance des espaces citoyens est impérative et il faut voir grand en excluant toute conception de sommet. Si le rôle du Comité national et des dirigeants doit être important, il pense que la proposition de créer de tels espaces s'adresse et doit être adressée à chaque communiste. Le rôle des dirigeants est surtout de favoriser l’information et la mise en relation : il y a sans doute besoin de créer quelque chose comme un service national, une mise en réseau (avec Internet ?) pour faire circuler l’information, permettre de réels échanges.

Pour Jacques Perreux, ce n'est pas seulement le contenu des « 10 points » mais cette façon nouvelle de faire de la politique qui s'inscrivent dans la visée communiste d'une société d'hommes et femmes libres, égaux, solidaires et associés. Et les espaces citoyens, s'ils n’impliquent pas d'être communiste pour y contribuer, participent bien d'une conception communiste de la politique. Nous devons avoir l'ambition d’en faire des lieux association de liberté, de solidarité, sur la base du projet d'égalité entre citoyens. C'est aussi une bonne façon de montrer que nous avons réfléchi à notre histoire et que nous accordons dans les actes la fin et les moyens. Si dans les mois qui viennent les communistes se montrent capable de tendre la main à des centaines de milliers de gens, notre identité et notre utilité en sortiront renforcées.

Jean-Marc Coppola trouve que nous vivons une phase aiguë de la crise de la politique, avec une demande forte de changement et une offre à gauche qui n'est pas encore assez significative. Mais si l'urgence sociale et les impatiences qui s’expriment condamnent la gauche à réussir, nous avons gagné lors des dernières élections des points d'appui supplémentaires pour jouer un rôle moteur et assumer les responsabilités qui sont les nôtres. Il se félicite des bons résultats obtenus dans la région PACA, où des gains substantiels ont été obtenus et fait à ce propos plusieurs remarques. Les progrès à gauche ont été limités par le refus de certaines forces de progrès ou écologistes de venir, avec le PS, sur la liste de la gauche plurielle, ce qui a empêché d'obtenir une majorité plus confortable. La progression du Front national l’inquiète, d’autant qu'elle se consolide dans les communes où il possède des élus. Notre démarche d'union a eu des retombées positives sur les cantonales, où les résultats valident la démarche initiée depuis les élections de 1996 à Gardanne. Il cite notamment le canton d’Arles, celui de La Ciotat gagné sur la droite, ainsi que le résultat de Vitrolles, où le candidat communiste multiplie par deux le score du parti en neuf mois. Il n'y a donc pas lieu pour lui de minimiser les avancées ni de se voiler la face sur les obstacles à surmonter. Il cite à ce propos une difficulté grandissante à ce que les communistes s’impliquent, au moment où notre démarche répond de mieux en mieux aux attentes des citoyens.

Jean-Marc Coppola se dit d'autant plus satisfait des propositions faites dans le rapport qu'elles sont dans le prolongement des acquis de notre stratégie, qu’elles sont le moyen de franchir une nouvelle étape pour réussir le changement. Car si, dans ces élections, il y a diverses expressions de mécontentement, de désarroi, il y a aussi beaucoup d'espoir. Il prend l'exemple des Bouches-du-Rhône, où le mouvement social est actif, comme l'a montré récemment le mouvement des chômeurs, et où nous pouvons passer maintenant de la résistance à la reconquête. Il reconnaît que ces luttes, cet espoir, ne se traduiront pas automatiquement en intervention politique. Mais avec plus d'élus communistes dans des majorités de gauche, avec des communistes plus actifs, il y a des points d'appui supplémentaires pour le mouvement social et le mouvement citoyen. Il regrette que les choses soient trop souvent cloisonnées, juxtaposées et souhaite plus de transversalité et d'interactivité entre élus et parti, lutte revendicative et action politique, mouvement social et partis politiques.

Jean-Marc Coppola évoque enfin les espaces citoyens, qui lui semblent traduire pleinement notre stratégie, notre mode de vie. Pour le moment, ce sont encore trop souvent des rencontres citoyennes où nous suscitons des débats, des échanges, mais où nous débouchons très rarement sur la mise en œuvre de décisions et sur l’action, nous privant ainsi de la disponibilité, de la réceptivité de plus en plus de citoyens, souvent des jeunes, à s’impliquer, à agir, à faire de la politique. Il conclut sur le besoin que soit perçu le caractère national de cette dynamique citoyenne afin de créer l’environnement incitateur et mobilisateur nécessaire pour qu'elle soit visible et efficace.


Le compte rendu de la discussion a été réalisé par le Comité national du PCF avec la collaboration de Jean-Louis Ænishanslin, Gérard Busque, Marc Everbecq, Denis Recoquillon, Raphaël Vahé. Coordination L’Humanité : Dominique Bèples.