Interviews de M. Jean-François Hory, président du MRG, dans "France-Soir" du 9 juillet et du 19 août 1993 et "Valeurs actuelles" du 23 août, sur l'implication de Bernard Tapie dans l'affaire OM-Valenciennes et sa place au MRG.

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Média : France soir - Valeurs actuelles

Texte intégral

France-Soir : Que pensez-vous de la décision du PS d'annuler la réunion prévue avec le MRG ? 

Jean-François Hory : Vous trouvez normal que Michel Rocard m'annonce à 10 heures et demie qu'il ne viendra pas à une réunion prévue depuis quinze jours 11 heures ? Sur le fond comme sur la procédure, ce n'est pas acceptable. Les radicaux ne l'acceptent pas. Ils se considèrent en situation de rupture politique avec la direction actuelle du Parti socialiste.

France-Soir : Quel motif Michel Rocard vous a-t-il donné ? 

Jean-François Hory : Il n'en fait pas mystère. Son motif, c'est la composition de ma délégation. Je la lui avais indiquée il y a quinze jours : c'est le président du MRG et les trois ministres radicaux du précédent gouvernement, Jean-Michel Baylet, Emile Zuccarelli et Bernard Tapie. C'est Michel Rocard qui était demandeur de cette réunion. Au dernier moment, pour des raisons qui tiennent à l'actualité footballistique, il juge que le climat n'est pas assez serein pour conduire la délégation du PS, sauf si j'acceptais de changer la délégation de radicaux. 

France-Soir : Il ne voulait donc pas rencontrer Bernard Tapie ?

Jean-François Hory : J'ai dit qu'il était hors de question de changer ma délégation et pour le moment il n'y a pas de nouvelle réunion fixée. Bernard Tapie a des difficultés, ou plutôt c'est son club qui a des difficultés. Et parce qu'il a des difficultés, je devrais me désolidariser de Bernard Tapie ? Et c'est Michel Rocard et ses amis qui me font la morale sur des questions comme celle-là ? C'est quand même extravagant ça !

France-Soir : Quel était le but de cette réunion ?

Jean-François Hory : J'ai appris par la presse que le PS voulait que cette réunion serve à clarifier les relations entre les deux partis, à la suite de la Convention nationale du MRG où nous avons parlé de notre autonomie aux européennes et de nos perspectives aux présidentielles.

 

19 août 1993
France-Soir

Si quelqu'un soutient Bernard Tapie, c'est bien Jean-François Hory, président du Mouvement des radicaux de gauche (MRG). "Je ne l'ai pas fait ces derniers temps, avoue-t-il, parce qu'il n'y a pas d'aspect politique dans l'affaire VA-OM. Pour moi, c'est du fait divers. Et le MRG n'a rien à y voir." 

France-Soir : Croyez- vous à une machination politique contre Bernard Tapie ?

Jean-François Hory : Non, je ne vois pas dans le déroulement de cette affaire la volonté d'un pôle politique repérable de nuire à Bernard Tapie, même si je vois pas mal de gens se frotter les mains et se réjouir de ses difficultés. Je lis dans les journaux que, dans l'entourage de Michel Rocard, certains ne cachent pas leur satisfaction. Le MRG et, avec lui, Bernard Tapie, ont réussi, après la défaite de la gauche, à relever la tête bien plus rapidement qu'on ne le croyait. Ce succès d'étape peut gêner pas mal de monde à droite comme à gauche. Bernard Tapie dérange parce qu'il ne ressemble pas aux autres, à cette classe politique gris anthracite faite de gens totalement interchangeables. 

France-Soir : Mais il se trouve quand même au centre de l'affaire OM-Valenciennes…

Jean-François Hory : Ce ne sont pas les juges qui mettent en cause Bernard Tapie. Si quelqu'un a des griefs précis à formuler contre lui, qu'on lui en demande compte dans le cadre de la loi et avec les garanties de la loi. Mais je le soutiendrai quand même de ma sympathie personnelle. Je suis choqué par l'ampleur prise par cette affaire. Il y a une forme de symptôme de la prise de pouvoir par les médias et les institutions judiciaires dont les prérogatives se développent sans contrepartie. 

France-Soir : Bernard Tapie reste-t-il le leader du MRG pour les prochaines élections européennes ? 

Jean-François Hory : C'est au comité directeur ou à un congrès du MRG de prendre la décision, La question ne sera pas à l'ordre du jour du prochain comité directeur. Je continue à penser que Bernard Tapie a un potentiel politique considérable et je continue à souhaiter que le MRG puisse utiliser ses qualités à l'occasion des européennes ou à d'autres occasions.

 

23 août 1993
Valeurs Actuelles

Valeurs Actuelles : Bernard Tapie l'affirme : l'entourage de Michel Rocard serait satisfait de ses dé- boires judiciaires. Partagez-vous cet avis ?

Jean-François Hory : La presse a rapporté les réactions de certains de ses proches qui le laissent penser… Notre convention nationale, tenue le 19 juin, a connu un succès exceptionnel. Nous le devions à Bernard Tapie, mais aussi à la présence de certains socialistes, d'écologistes et de rénovateurs. La gauche a relevé la tête plus tôt que prévu par l'actuelle direction du PS !

Valeurs Actuelles : Bernard Tapie conduira-t-il la liste MRG aux européennes ? 

Jean-François Hory : Ce n'est pas à moi, mais au comité directeur du mouvement, d'en décider, voire à un congrès extraordinaire. Je suis convaincu que le potentiel politique de Bernard Tapie peut servir le MRG, pour cette échéance et pour d'autres. 

Valeurs Actuelles : Pensez-vous à la présidentielle ?

Jean-François Hory : Derrière les ambitions du MRG pour les élections européennes, se profile le problème de la désignation du candidat de la gauche à la présidentielle. 

Si une liste MRG "élargie", éventuellement conduite par Bernard Tapie, dépassait largement 5 % des suffrages, la liste socialiste qui est de coutume menée par son premier dirigeant pourrait tomber en deçà de 14 %… Michel Rocard peut-il prendre le risque de mener une liste promise à ce piètre score? Il hypothéquerait ses chances pour la présidentielle. C'est tout le problème qui se pose entre lui et nous ! 

Et si cette dynamique s'enclenche, personne n'empêchera un représentant de la gauche non socialiste d'être candidat en 1995. Or, si le PS s'entête à désigner le sien selon ses procédures, la gauche peut être spectatrice au second tour. 

Valeurs Actuelles : Bernard Tapie affirme aussi qu'à travers lui c'est un peu François Mitterrand qu'on vise… 

Jean-François Hory : Compte tenu du soutien apporté par le président à Bernard Tapie, c'est une hypothèse qui n'est pas extravagante. 

Valeurs Actuelles : Les dernières péripéties judiciaires ne vous semblent-elles pas le mettre hors course ?

Jean-François Hory : Mais Bernard Tapie n'est, pour le moment, accusé de rien ! Pas même par l'ancien entraîneur de Valenciennes !

Boro Primorac a simplement dit avoir déjeuné, le 17 juin, au Fouquet's avec André-Noël Filippedu. On ne sait pas lequel, de Primorac ou de Filippedu, a sollicité cette rencontre. Il a affirmé : "On m'a fait certaines propositions, si je disais avoir arrangé le match, avant de m'emmener au siège de Bernard Tapie Finance. Là, on m'a renouvelé ces propositions." Mais il a déclaré n'avoir rencontré qu'ensuite Bernard Tapie ! C'est clair ! Il n'a jamais dit que Tapie lui avait proposé de "porter le chapeau". Primorac affirme avoir vu Tapie, Tapie dit ne l'avoir pas rencontré. C'est tout ! 

Valeurs Actuelles : Mais l'alibi avancé par Bernard Tapie semble bien mince…

Jean-François Hory : Mais Tapie n'a pas à produire d'alibi : il n'est accusé d'aucun délit. Ce ne serait pas un délit d'avoir rencontré M. Primorac Je tiens à lui renouveler ma confiance et mon amitié.