Texte intégral
On pourrait résumer la pensée d'Elie Cohen par ces mots : il n'y a rien à attendre de Clinton.
Chacun en convient : le fossé est immense entre son discours électoral et la politique qu'il a mise en œuvre. Mais il est intéressant, et nous pourrions le méditer, qu'il se soit fait élire sur un discours prônant la nécessité d'un retour de l'État.
On a assisté dans les premiers mois de 1993 à un véritable engouement de la Communauté européenne pour la politique industrielle, à la suite d'ailleurs de la campagne électorale de Clinton, alors qu'auparavant tout défenseur de cette politique était immédiatement soupçonné d'être Français… Malheureusement, la plupart des pays européens, en particulier Benelux, n'acceptent l'idée d'une politique industrielle que dans des secteurs en recul comme ceux du charbon, de l'acier ou des chantiers navals, si bien qu'elle s'apparente-là plutôt à une politique de bassins d'emploi. Rien n'est fait en ce qui concerne les hautes technologies de pointe. Pour ma part, je continuerai de dire et de redire combien pourtant cela serait essentiel.
Deux exemples. Tout d'abord, celui des composants électroniques. L'idée que l'on ne pouvait pas se fournir indéfiniment sur le marché international, sans risquer de tomber dans la dépendance technologique, a fini par être admise. On ignore encore si l'indépendance, au moins partielle, de l'Europe en la matière sera possible. Mais on a au moins dégagé les moyens financiers pour y parvenir, en particulier la France et l'Italie. Des firmes européennes comme Thomson et Siemens ne le cèdent en rien aux firmes américaines et japonaises. Autre exemple : celui de la télévision haute définition, où la Communauté européenne a remporté un éclatant succès. Partis avec quelque retard sur leurs concurrents, les pays européens ont réussi à faire en sorte que le système japonais MUSE ne devienne pas le seul standard international. Grâce à toutes les recherches menées sur le 16/9, deux firmes européennes, Philips et Thomson, participeront avec deux firmes américaines à la définition de la norme future. C'est un résultat inattendu extrêmement positif. Le pari qui avait été fait a également permis de développer des recherches très utiles sur les techniques numériques. Il faut poursuivre dans cette voie et continuer de financer de façon massive les programmes de recherche européens. Malheureusement étant donné la conjoncture, la morosité ambiante, le développement du sentiment antieuropéen et le caractère limité des moyens disponibles, certains, considérant, à tort, les réalisations européennes dans le domaine industriel et technologique comme des échecs, préconisent de réduire, voire couper ces crédits, ce qui serait dramatique pour l'Europe et, par ricochet, pour la France.