Interview de M. Paul Quilès, membre du PS et ancien ministre, dans "Le Figaro" du 26 juin 1993, sur le rôle des courants aux PS et les états généraux.

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Média : Le Figaro

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Quilès plaide pour les courants. Contre Rocard qui met en cause leur rôle, l'ancien ministre estime important que "les différentes sensibilités aient un droit d'expression".

Député du Tarn depuis mars, le fabiusien Paul Quilès compte jouer un rôle important dans la recomposition du Parti socialiste. L'ancien ministre de l'intérieur commente pour Le Figaro la situation du PS.

Le Figaro : Comment recevez-vous les critiques émanant des militants du PS ?

Paul Quilès : Cette phase de critique et de réflexion collective est indispensable, mais il y a parfois quelques excès, notamment lorsque certains disent c'est l'échec de la période 1981-1993. N'oublions quand même pas que François Mitterrand a été réélu en 1988 avec un score supérieur à celui de 1981. Les socialistes ont alors été presque majoritaires absolus à l'Assemblée nationale. On ne peut pas dire qu'il s'agisse là d'une sanction de la politique qui avait précédé, ou alors je ne comprends plus rien à la démocratie !

On peut donc faire l'économie d'une crise de masochisme. Fondamentalement, il faut s'interroger Sur ce qui n'a pas marché entre 1988 et 1993. Les causes sont à trouver à la fois dans l'analyse des erreurs commises, dans l'absence de certaines mesures qu'attendait notre électorat, et aussi dans la situation internationale. Il serait ridicule que les socialistes négligent ce dernier élément alors que la droite elle-même commence à l'invoquer pour expliquer ses difficultés… Mais je souhaite que l'on fasse également le constat de ce qui a réussi. À écouter certains, on finirait par croire que, pendant dix ans, on n'a fait que des erreurs, alors que durant cette période des mesures fortes ont été prises dans le domaine économique, social, international dont les socialistes doivent être fiers.

Le Figaro : Quelles réflexions souhaitez-vous pour les socialistes ?

Paul Quilès : Nous devrions réfléchir à trois niveaux : la réflexion sur le pourquoi de l'échec, sans oublier les réalisations positives ; la recherche des voies qui nous permettront de retrouver notre crédibilité ; la définition d'un mode de fonctionnement du PS tenant compte des critiques que nous entendons.

Le Figaro : On ne vous entend pas beaucoup.

Paul Quilès : Précisément, je viens de m'exprimer lors des états généraux des socialistes du Tarn, où j'ai proposé que les instances dirigeantes du PS soient désignées à tous les niveaux en réduisant le poids des courants. Je crois que ma proposition permettrait à la fois une bonne représentation du pluralisme des idées au sein du Parti socialiste, et un renouvellement des équipes, sans passer par les stratégies de courants. Je suis par ailleurs très actif sur le terrain dans le Tarn. En ce qui concerne l'expression politique au niveau national, il faut reconnaître que les choses ne sont pas simples pour un ancien ministre. Qu'il critique ou qu'il propose, on a tendance à lui rappeler que le précédent gouvernement a été désavoué par les électeurs. Attendons donc un peu. Mais cela ne nous empêche pas d'être très présents dans le débat au Parlement, même si nous y sommes très minoritaires.

Le Figaro : Les états généraux arrivent-ils à point nommé pour relancer le PS ?

Paul Quilès : Ce qui s'est passé au PS après les élections, on aurait pu en faire l'économie, ou s'y prendre différemment. Aujourd'hui, on s'est engagé dans un processus d'états généraux : c'est une excellente idée, mais je regrette qu'on n'ait pas disposé de plus de temps pour que ces débats prennent plus d'ampleur sur le terrain, où les gens avaient à l'évidence envie de discuter plus longuement. J'espère qu'il sortira quelques idées neuves de la réunion de Lyon dans six jours. Ces états généraux ne doivent pas être un paravent pour d'autres objectifs. Leur objet unique, c'est de rassembler toute cette réflexion de la base pour ensuite en tirer des enseignements. Les socialistes doivent faire preuve à cette occasion d'imagination et de responsabilité pour qu'apparaissent des projets crédibles aux yeux des Français.

Diversité

Le Figaro : Les courants doivent-ils disparaître ?

Paul Quilès : Je souhaite qu'à l'occasion du prochain congrès notre mode de fonctionnement leur donne un peu moins de place. Mais il est aussi important que les différentes sensibilités aient un droit d'expression. Le système que je viens de proposer correspond justement à ce double souci.

Le Figaro : Quel rôle comptez-vous jouer dans le futur PS qui sortira du congrès ?

Paul Quilès : J'ai accepté de revenir au bureau exécutif, que j'avais quitté il y a 10 ans, lorsque je suis devenu ministre, parce que je crois que je peux apporter quelque chose dans la période actuelle. Je ne sais absolument pas si j'y resterai après le congrès. Cela dépendra de la voie qui sera choisie.

Le Figaro : Quel est l'homme qui aujourd'hui incarne le mieux le Parti socialiste ?

Paul Quilès : Difficile à dire, parce que le PS est multiforme. J'espère d'ailleurs que cette diversité nécessaire pourra être conservée tout en visant à une plus grande homogénéité. S'il faut vraiment répondre par un nom à votre question, je crois que, pour les Français, c'est encore – malgré ses fonctions institutionnelles – François Mitterrand qui incarne le mieux le Socialisme en France aujourd'hui.