Article de M. François Léotard, ministre de la défense, dans "Armées d'Aujourd'hui" de mai 1993, sur le projet de loi de finances rectificative pour 1993.

Prononcé le 1er mai 1993

Intervenant(s) : 

Média : Armées d'aujourd'hui

Texte intégral

Budget

Le conseil des ministres vient d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 1993 que le Gouvernement s'était engagé à présenter dès le printemps afin de dégager les ressources nécessaires au redressement des comptes sociaux et au financement d'un premier train d'actions en faveur de l'activité économique et de l'emploi. Compte tenu des mesures d'accompagnement qui ont été prises, ce collectif se traduit par une diminution de 1,36 % (2,7 milliards de francs) des moyens mis à la disposition du ministère de le Défense.

Cette réduction recouvre deux mouvements de sens contraires et d'inégale portée : les crédits consacrés aux rémunérations des personnels civils et militaires, à l'alimentation et au fonctionnement des forces augmentent en effet de 2,8 milliards de francs (+ 2,9 %) à cause des opérations extérieures, tandis que ceux affectés à l'équipement des Armées ne sont pas mis en cause au-delà de ce qui avait été décidé à la fin du mois de février : annulation de 2,5 milliards de francs et mise en réserve de 3 milliards. Le Premier ministre a en effet demandé au ministre du Budget de veiller à ce que la Défense puisse disposer en 1993 d'une partie de ses reports de crédits de l'année 1992. Contrairement à une pratique pour le moins contestable consistant à le priver de ses reports, le ministère sera donc autorisé à les consommer cette année à hauteur d'au moins 3,5 milliards de francs.

Ainsi l'impact des annulations prononcées dans le cadre du collectif sera-t-il notablement réduit. Il reste que pour faire face, en cours de gestion, à une réduction de 5,5 milliards de francs de ses moyens de financement, le ministère devra consentir de très importants sacrifices.

Dans la perspective nouvelle du Livre blanc sur la Défense et de la loi de programmation annoncés par le Premier ministre, les orientations prises au mois de février ont été réexaminées avec un double souci. D'abord, celui de préserver la capacité opérationnelle des Armées qui sont très engagées sur les théâtres extérieurs. Ensuite, celui de maintenir un bon niveau d'étude et de recherche pour ne pas obérer l'avenir.

Titre V

Nombre de programmes d'armement devront donc être étalés ou retardés, tels que la livraison des derniers Mirage 2000 DA à l'armée de l'Air ou celle d'une partie des missiles. Les grands programmes lancés au cours des dernières années ne seront pas épargnés qu'il s'agisse du char Leclerc, du porte-avions Charles de Gaulle ou du Rafale, dans sa version Marine comme dans sa version destinée à l'armée de l'Air. Seront également touchés plusieurs projets immobiliers du ministère comme l'opération de regroupement d'écoles et de services prévue à Palaiseau. Plus généralement, l'ensemble des programmes d'équipement seront réexaminés dans les mois qui viennent sous un angle tout à la fois opérationnel, industriel et financier afin d'éclairer les travaux de la commission du Livre blanc que présidera à ma demande M. Marceau Long, vice-président du Conseil d'État.

Titre III

Le budget de fonctionnement du ministère bénéficie pour sa part d'une augmentation de crédits de 2,8 milliards de francs : 2,06 milliards au titre des rémunérations, des charges sociales et de l'alimentation et 740 millions de francs au titre du fonctionnement. Ces sommes, qui devront être complétées à l'automne lorsque des estimations plus fines seront disponibles, représentent une partie du surcoût que les opérations extérieures font peser sur la Défense. Elles permettront aux Armées – à l'armée de Terre notamment d'honorer leurs échéances pour le paiement des soldes mais aussi des dépenses de transport et celles liées à l'entraînement des forces.

Coût des opérations extérieures

Le mécanisme de financement des opérations extérieures qui prévaut jusqu'à présent et qui consiste à demander au ministère de faire l'avance des sommes nécessaires et à les lui restituer avec retard en les gageant sur ses crédits d'équipement, est non seulement injuste mais dangereux. Il est également de plus en plus difficile à mettre en œuvre à cause de la très forte augmentation du coût de ces opérations, qui est évalué à 5,3 milliards de francs en 1993 et de l'absence de marge de manœuvre sur les crédits d'équipement. Aussi, le Premier ministre a-t-il accepté qu'à ma demande une discussion s'engage entre le ministre du Budget et celui de la Défense pour définir de nouvelles modalités de financement de ces opérations.

Même si la Défense figure aussi parmi les bénéficiaires de ce premier collectif, la charge qu'elle supporte n'en demeure pas moins très lourde. L'effort d'adaptation du format des armées et de notre outil industriel engagé il y a quelques années n'en revêt que plus d'importance et il sera poursuivi. Au-delà de l'exceptionnelle difficulté que traversent les finances publiques de notre pays, il est important que chacun prenne conscience de la nécessité d'un effort permanent de la nation pour prévoir et organiser la Défense de ses intérêts vitaux. Oublier cette réalité serait ajouter à la crise d'aujourd'hui, qui vient de l'effondrement des ressources et d'une conjoncture internationale difficile, la crise de demain qui serait alors celle de l'imprévoyance. Puisse la réflexion qui précédera le Livre blanc et le vote de la loi de programmation militaire nous préserver de cet écueil.