Déclaration de M. Claude Cheysson, ministre des relations extérieures, en réponse à une question au gouvernement sur la situation en Amérique centrale, à l'Assemblée nationale le 23 novembre 1983.

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Risque d’un conflit généralisé en Amérique centrale : réponse de M. Claude Cheysson à une question au Gouvernement à l’Assemblée nationale
(le 23 novembre 1983)

Monsieur le président, je remercie monsieur le député de donner l’occasion au Gouvernement une fois de plus ???? combien il est soucieux de la situation en Amérique centrale.

Les raisons profondes en ont été décrites par le président de la République à plusieurs occasions, et dès le discours qu’il a prononcé à Mexico et que vous avez bien voulu rappeler, monsieur le député.

C’est l’injustice qui a prévalu dans ces pays. C’est un héritage de la période coloniale. C’est un jeu systématique par des forces étrangères soutenant les tensions qui existent malheureusement dans cette partie du monde.

A tout cela, quelles sont les réponses ?

Pour la France, là comme ailleurs, il est souhaitable que les pays de la région prennent leur destin en main et qu’ils s’efforcent de traiter entre eux les problèmes qui les concernent.

C’est la raison pour laquelle, dès que le groupe de Contadora a été constitué, c’est-à-dire le groupe des quatre pays que vous avez indiqués, monsieur le député, nous avons soutenu ses efforts. Les autres pays européens se sont d’ailleurs prononcés dans le même sens.

Lorsque le groupe de Contadora a réussi, à Cancun, le 17 juillet, à exposer un plan pour l’Amérique centrale, il est remarquable qu’aucun pays au monde n’ait pu s’y opposer : ni les Etats-Unis, ni Cuba, ni l’Union soviétique, ni les Européens, ni les pays d’Amérique latine n’ont eu autre chose que des éloges pour ce plan.

La suite des débats a été difficile. Des réunions ont eu lieu entre les quatre pays de Contadora et les cinq pays d’Amérique centrale. Enfin, à Panama, il y a deux mois, un document d’objectifs a été élaboré qui donne, d’après nous, la base d’un règlement.

Des progrès ont été réalisés depuis lors. Les Nicaraguayens ont présenté à leur tour une proposition qui est largement conforme au document d’objectifs. Comme vous l’avez rappelé, l’Organisation des Etats américains a soutenu le projet. De toutes les manières, nous soutiendrons ses initiatives.

Voilà, me semble-t-il, le moyen de progresser, et non pas des manœuvres militaires.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire lorsque j’étais dans la région, je ne vois pas comment un porte-avions, dix porte-avions, mille, dix mille ou cinquante mille hommes faciliteraient la réalisation des propositions de Contadora, alors que je vois bien comment le contact direct entre ces pays permettrait de trouver une solution plus harmonieuse.

Celle-ci doit, bien entendu, avoir un effet sur la situation au Salvador. Là comme ailleurs, c’est par un dialogue entre les forces politiques qu’il convient de traiter les tensions, et non pas par l’accumulation de moyens militaires qui se révèlent d’ailleurs singulièrement peu efficaces.

Le rythme des opérations au Salvador s’est de nouveau accéléré ; nous en sommes actuellement à des chiffres redoutables. Il ne s’agit plus de deux cents morts ou disparus en quelques mois, mais de trente à quarante par semaine. La récente mission d’Henry Kissinger n’a rien amélioré.

Les perspectives seront désastreuses si le dialogue politique ne peut pas être engagé entre toutes les forces politiques du Salvador, celle de la junte mais aussi celle des fronts de libération. C’est dans ce sens que nous continuerons à agir, et nous ne manquerons pas d’encourager les quelques signes un peu plus favorables qui sont apparus dans les derniers temps.

C’est ainsi que nous pensons, dans cette région comme partout ailleurs, servir les droits de l’homme et servir le droit des peuples par lequel ces hommes s’expriment collectivement./.

DIPLOMATIE P.O. ALAIN DEJAMMET