Interviews de M. Charles Fiterman, membre du bureau politique du PCF , dans "L'Evénement du Jeudi" le 8 juillet, à RTL le 29 septembre, dans "Le Parisien" le 1er octobre et dans "Libération" le 14 octobre 1993, sur les objectifs de "Refondations", la recomposition de la gauche, la personnalité de Georges Marchais et la critique du fonctionnement "monarchique" de la direction du PCF.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des assises du Mouvement Refondations à Paris les 15 et 16 octobre 1993

Média : L'évènement du jeudi - RTL - France Inter - Le Parisien - Libération

Texte intégral

Charles Fiterman, membre du bureau politique du Parti communiste : "Pour la constitution d'un grand parti de la gauche"

L'Événement du Jeudi : La gauche est-elle regonflée après les états généraux du PS ?

Charles Fiterman : J'ai entendu des choses intéressantes, des réflexions, et un effort de renouvellement incontestable : la critique du bilan et les premiers traits d'un projet qui commence à émerger. En revanche, la mise en cause des institutions de la V République ne va pas assez loin.

L'Événement du Jeudi : Seriez-vous sur le point de quitter Marchais pour rejoindre Rocard ?

Charles Fiterman : Je suis et je reste membre du Parti communiste, même si je n'inscris plus strictement mon action dans ces clivages-là. Parce qu'ils sont moins que jamais pertinents. Ce qui compte, c'est ce qu'on appelle la recomposition de la gauche. C'est un immense chantier et je n'exclus pas qu'il nous mène à la constitution d'un vaste mouvement politique regroupant les forces de progrès.

L'Événement du Jeudi : Un parti démocrate à la française…

Charles Fiterman : Si l'on veut, même si je n'aime pas cette référence à la société américaine. Ce serait un grand parti de gauche regroupant toutes ces tendances et qui s'ouvrirait à d'autres forces, notamment aux Verts.

L'Événement du Jeudi : Êtes-vous surpris que des convergences aient vu le jour entre militants communistes et militants d'extrême droite ?

Charles Fiterman : Ce qui doit faire réfléchir dans cette affaire, c'est notre démarche politique. Trop souvent, cette démarche consiste à identifier la situation d'aujourd'hui avec celle de l'Occupation. Comme si nous étions en présence d'un envahisseur – les États-Unis – et qu'il faille organiser la résistance en rassemblant tous ceux qui ne veulent pas de cet envahisseur. Cette démarche est dangereuse car, effectivement, on finit par se retrouver avec tous ceux qui tiennent ce langage. À partir d'une démarche erronée, on finit par tomber dans des liaisons dangereuses…

 

Mercredi 29 septembre 1993
RTL

J.-M. Lefebvre : L'annonce du retrait de G. Marchais est peut-être, pour vous, le moment d'espérer un changement de ligne du parti ?

Charles Fiterman : Cette annonce était un peu prévue. Tout en respectant l'homme, on peut dire que c'est une page qu'il fallait qu'il tourne. Cela dit, moi je suis sans querelle d'hommes, je suis pour des renouvellements, ou des mandats plus courts et limités en nombre. Dans ce monde remuant, pas une bonne chose qu'en 63 ans, il n'y ait eu que trois secrétaires généraux. Il faut des structures et des règles, pour que le départ ne soit pas déshonorant mais normal. Il n'est pas garant des changements dont ce parti a besoin. Les hommes comptent mais il y a les structures, les pratiques, et tout cela pèse. G. Marchais dans sa lettre annonce qu'il entend continuer à avoir une activité, un rôle et en particulier dans la préparation du prochain congrès. Or, le personnage-clé pour le renouvellement de la direction, c'est le secrétaire général sortant parce que finalement c'est son domaine réservé. Or, il faudrait changer ça tout de suite.

J.-M. Lefebvre : Donc le verrouillage va continuer ?

Charles Fiterman : Il pourrait dans le prolongement de cette annonce, aider encore plus en soutenant la proposition que je formule avec quelques amis : c'est tout de suite mettre en place une Commission extraordinaire du comité central qui pourrait être chargée d'auditionner ou de recevoir des avis des membres du comité central, du conseil national, d'élus et même de personnes extérieures. Des avis portant sur les structures du mode de fonctionnement de la direction, collégiale. Il faut que cela devienne un débat, une affaire collective et publique transparente. Ce serait déjà une sorte de révolution dans le parti. Et si G. Marchais pouvait y aider, ce serait bien.

J.-M. Lefebvre : Qui pourrait appliquer ce changement ? C. Fiterman ?

Charles Fiterman : Je ne veux pas me placer sur le terrain de la lutte de pouvoir. Au point où j'en suis, je considère que j'ai déjà fait beaucoup de choses. Je continue, mais sur le plan des idées. On trouvera toujours les hommes. Il faut faire disparaître le type du secrétaire général omnipotent, pour une fonction plus collégiale.

J.-M. Lefebvre : Mais il y a peut-être une chance de reconstituer de grand bloc de gauche avec les Socialistes ?

Charles Fiterman : Avec les socialistes et d'autres. Il y a deux questions. Le grand bloc dont vous parlez, mouvement qui regroupe toutes les forces de progrès, au-delà même de la gauche – par exemple parmi les Verts – et qui soit porteur de réponses modernes à toutes les aspirations progrès humain, à tous les drames, les tares, les dérèglements de cette société. Mais, ça ne peut pas être dans les mêmes formes qu'hier, l'union de la gauche classique PC-PS, c'est dépassé ! Il faut un mouvement politique en liaison avec la société dans des formes souples, diversifiées. Et dans ce cadre, il y a le problème d'une force neuve, d'un nouveau parti de transformation sociale qui peut s'inspirer sur les idées communistes, mais dans les conditions d'aujourd'hui. Ce PCF est né comme parti de la classe politique pour faire une révolution et instaurer un système largement inspiré de ce qui s'est fait à l'Est dans le cadre d'une dictature du prolétariat. Tout cela est à passer par-dessus bord, mais il faut pourtant changer la société. On parle beaucoup de Germinal, il semble qu'il y ait beaucoup de monde qui ait envie d'y aller, je trouve cela très bien !! Aujourd'hui, ce n'est plus le fond de la mine, mais il y a beaucoup de choses à changer, beaucoup de souffrances, d'exploitation, d'oppressions, d'inégalités. Il faut une force pour ça, elle est à reconstruire.

 

Mercredi 29 septembre 1993
France Inter – Passage antenne

"Dans quelles conditions se déroule le remplacement du premier dirigeant ? Il faut savoir qu'actuellement, cette question relève du domaine réservé du secrétaire général sortant qui, avec le soutien d'un membre du bureau politique consulte, recueille des avis et finalement formule lui-même des propositions. C'est du domaine réservé. C'est vrai que c'est un système qui est, sans vouloir être désobligeant, quasi monarchique."


1er octobre 1993
Le Parisien

Fiterman : "C'est une nature, Georges"

Charles Fiterman, qui fut le secrétaire personnel de Georges Marchais avant de devenir son principal opposant dans l'appareil communiste, évoque pour la première fois la personnalité du patron du PCF dans l'entretien qu'il nous a accordé. De son côté, André Lajoinie a assuré hier que le débat pour le remplacement de Georges Marchais "va être transparent et démocratique".

Quant à lui, souvent présenté comme un successeur potentiel, il a affirmé qu'il "ne déposerait pas de demande de candidature".

Le Parisien : Quel souvenir gardez-vous de votre première rencontre avec Georges Marchais ?

Charles Fiterman : Nous avons eu quelques occasions de rencontres, à partir de 1965, quand je suis devenu secrétaire personnel de Waldeck Rochet, qui a dirigé le parti de 1965 à 1969. Mais un travail plus approfondi, des contacts personnels avec Georges Marchais remontent à 1969.

Le Parisien : 1969, c'est le moment où Georges Marchais remplace Waldeck Rochet tombé gravement malade.

Charles Fiterman : Exactement. Moi, à l'époque, je souhaitais retourner faire de la politique sur le terrain, dans la Loire, mon département d'origine. Mais Georges était préoccupé par ses nouvelles fonctions et il m'a demandé de rester auprès de lui. Bon soldat, j'ai accepté.

Le Parisien : Pourquoi ?

Charles Fiterman : La fonction m'intéresse. C'était un poste d'observation privilégié de l'histoire en train de se faire.

Le Parisien : Quels ont été vos rapports, alors, avec Georges Marchais ?

Charles Fiterman : J'ai découvert une personnalité très contradictoire, capable de beaucoup de chaleur humaine, de beaucoup de générosité. Un combattant aussi, avec du courage politique. Mais cet homme est également capable de brutalités, de jugements péremptoires, de blocages. D'ailleurs, ces contradictions reflètent bien la culture du Parti communiste.

Le problème majeur de Marchais, comme du PCF, a été et demeure son rapport avec la société, sa vision trop partielle de la réalité.

Le Parisien : Dans la première partie de son mandat à la tête du PCF, Georges Marchais se pose en modernisateur du parti avec notamment, en 1974, la publication de son livre, "le Défi démocratique". Ce livre, la rumeur publique dit que c'est vous qui l'avez écrit. Vrai ou faux ?

Charles Fiterman : Les dirigeants politiques ne peuvent pas tout faire. Ils ont donc des gens qui se chargent d'écrire, de mettre en forme des idées, à partir d'échanges de vues. Pour "le Défi démocratique", la plus grande partie de la mise en forme de cet ouvrage appartient à Jean Kanapa (1). J'y ai participé également. Mais ce livre s'est écrit à partir d'échanges fréquents avec Georges Marchais.

Le Parisien : Il existait donc entre vous une vraie complicité intellectuelle. Une amitié aussi ?

Charles Fiterman : Oui. C'est un homme spontanément chaleureux, et qui peut le montrer de façon très forte. (Il réfléchit.) C'est une nature, Georges. (Il rit.)

Le Parisien : À quel moment la politique brouille-t-elle les relations personnelles ?

Charles Fiterman : Quand on est dans le feu de l'action, on ne voit pas tout. À une période, à partir de 1977, quand nous échouons dans la renégociation du programme commun avec les socialistes, j'ai beaucoup de doutes sur notre démarche et sur la façon dont Marchais gérait cette affaire, mais je ne les ai pas formulés.

Le Parisien : Votre amitié avec lui ne vous a pas permis la franchise ?

Charles Fiterman : Nous en avons parlé un peu, mais la nature de sa fonction de secrétaire général a fait que, devant sa détermination, j'ai rengainé mes arguments, mes doutes. D'ailleurs, cette expérience m'a fait mesurer combien les structures d'organisation trop rigides, les pratiques, les idéologies, modèlent les personnalités. C'est d'ailleurs pourquoi, avec d'autres, je propose aujourd'hui un mode de désignation de la direction plus transparent et plus collectif, la limitation du nombre des mandats, une meilleure répartition des responsabilités. Actuellement encore, la désignation de nos dirigeants est moins démocratique que l'élection du pape. Les cardinaux au moins discutent !

Le Parisien : Vos relations personnelles en ont-elles été affectées ?

Charles Fiterman : Non, pas à ce moment-là. Et puis, il y a eu une accumulation de petits faits. À partir de 1979, j'ai été présenté comme le numéro deux du parti. Je m'en suis toujours défendu car je sais que la position est très périlleuse. Le numéro un peut en prendre ombrage.

Le Parisien : Pourquoi avez-vous été désigné pour aller au gouvernement ? Était-ce pour vous écarter de l'appareil ?

Charles Fiterman : je ne le crois pas. En juin 1981, Georges Marchais me demande d'aller au gouvernement parce que nous avons des rapports de confiance. D'ailleurs, moi, je lui faisais à l'époque la proposition inverse. Je lui suggérai d'aller au gouvernement. J'étais convaincu, voyant les défauts de sa personnalité, qu'une action gouvernementale lui aurait été bénéfique.

Le Parisien : Quels défauts ?

Charles Fiterman : Je jugeai qu'il évoluait dans un cercle trop restreint. Et puis, l'affrontement concret avec les grands problèmes nationaux lui aurait permis de développer la dimension de propositions contenue dans la démarche des communistes. Mais il a refusé.

Le Parisien : La fracture entre vous commence à être visible en juillet 1984, après le résultat catastrophique des élections européennes de juin 1984.

Charles Fiterman : Georges Marchais a été très secoué, personnellement, par ce résultat. Moi, j'étais encore au gouvernement, avec quatorze heures de travail par jour. J'ai eu peu de contacts avec lui et mon sentiment est que lui me fuyait. Je l'ai peu vu. Je crois qu'il s'est replié, isolé. Certains en ont profité pour lui glisser à l'oreille un certain nombre de choses me concernant, me prêtant une ambition qui n'était pas la mienne, et sa réaction a été purement négative. À partir de là, il a vu en moi un adversaire. Je garde de cette époque un souvenir épouvantable. Je ne crains pas la lutte politique mais j'ai horreur de ces dérives inhumaines.

Le Parisien : Vous n'avez pas eu l'occasion, tous les deux, de renouer le dialogue, de parler calmement de tout ça ?

Charles Fiterman : J'ai essayé, à plusieurs reprises, de renouer le fil, sans y parvenir. C'est le côté "ombre" de cet homme. Il s'était laissé convaincre de ce qu'il a pu appeler "ma félonie", ce qui m'a indigné. En fait, nous avons renoué le dialogue un peu avant le 27e congrès de décembre 1990. La situation est difficile, les régimes de l'Est s'écroulent et il souhaite trouver un compromis. Là, nous avons une première vraie discussion depuis longtemps.

Le Parisien : Une discussion uniquement politique ?

Charles Fiterman : Il y a eu des échanges un peu plus personnels. Vous savez, c'est compliqué… À certains moments, ça peut devenir des rapports père-fils.

Le Parisien : Vous avez l'air ému en en parlant aujourd'hui.

Charles Fiterman : Oui, on ne peut pas rester insensible, à ça. C'est inscrit dans la chair.

Le Parisien : Aujourd'hui, Georges Marchais est-il devenu votre adversaire ?

Charles Fiterman : Je ne me place pas sur le terrain des querelles de personnes ou de pouvoir. Ma conviction est qu'il y a besoin dans ce pays d'une force politique bien ancrée dans les valeurs auxquelles s'identifient les idées communistes ; la justice, la solidarité, la libération humaine. Mais il faut aujourd'hui porter ces valeurs dans un nouveau projet de société, avec un parti nouveau, de nouvelles pratiques politiques. C'est cela qui m'intéresse.

Le Parisien : Avez-vous rendu visite à Georges Marchais à l'hôpital ?

Charles Fiterman : Non, mais je lui ai adressé un message de sympathie. Je sais ce que c'est de souffrir dans un hôpital.

Entretien réalisé par Jean-Michel Aphatie

(1) Jean Kanapa, mort en 1978, était responsable des intellectuels communistes.

 

14 octobre 1993
Libération

Charles Fiterman : "Sortons de nos tranchées"

Alors que Refondations tient ses assises vendredi et samedi à Paris, l'un de ses animateurs, Charles Fiterman, constate l'émiettement actuel de la gauche. Et dénonce "l'esprit de boutique" de ses différentes composantes.

Le mouvement Refondations, qui rassemble des socialistes critiques, des communistes contestataires et des responsables de syndicats ou d'associations, est à la recherche d'un nouveau souffle. En réunissant des assises, vendredi et samedi à Paris, ses responsables souhaitent surmonter une "situation de crise" et dépasser des "débats difficiles", note Gilbert Wasserman, membre du collectif national. Créé en avril 1991, ce mouvement avait su attirer des militants venus des divers horizons de la gauche. Le collectif de direction reflétait cette diversité. Des communistes comme Charles Fiterman, Jack Ralite, Claude Quin, des socialistes comme Claude Cheysson, Max Gallo, des syndicalistes avec Lydia Brovelli (CGT) ou Louis Astre, ancien dirigeant de la FEN.

Le mouvement souhaite aujourd'hui se repositionner. Revendiquant plus de 80 groupes locaux et près de 5 000 participants, Refondations veut se transformer en un mouvement politique plus structuré. En partie paralysé par ses divisions, le mouvement a été fort discret ces derniers mois. Emploi, Europe, citoyenneté : trois projets seront débattus ces deux jours, qui devraient permettre à Refondations de faire entendre sa voix. Cette nouvelle orientation n'a pas été prise sans tiraillements. Max Gallo, chevènementiste, a quitté le collectif national, tout comme Gisèle Halimi. Les assises nationales auront à se prononcer sur ces réorganisations. Charles Fiterman, animateur du collectif national, s'en explique.

Libération : Max Gallo et Gisèle Halisi quittent Refondations Que reste-t-il de ce mouvement deux ans et demi après sa création ?

Charles Fiterman : Deux êtres manquent et tout n'est pas dépeuplé. Refondations a démarré avec un certain nombre de personnes qui, dans l'état de délabrement de la gauche, ont voulu lancer un cri, exprimer le refus d'accepter la situation telle qu'elle était. Cela n'allait pas plus loin. Il s'est agi ensuite de construire, d'ouvrir des perspectives neuves. C'est un travail difficile, qui a pu rebuter certains. Peut-être, s'imaginaient-ils que les choses iraient plus vite. Il y a aussi, et je le regrette, une tendance à vouloir à tout prix construire sa propre structure. Cette sorte de course identitaire conduit au morcellement.

Libération : Certains affirment que la présence nombreuse de contestataires communistes, qui participent toujours aux instances dirigeantes du PCF, gêne l'évolution de Refondations.

Charles Fiterman : C'est un argument désobligeant et sans valeur. Je ne vois pas en quoi le fait qu'il y ait à Refondations des gens qui sont au PCF, d'autres au PS, ou d'autres qui appartiennent à des associations, constitue une gêne. Ce qui compte, c'est leur volonté de se rencontrer, de réfléchir et d'agir ensemble, de prendre toutes les initiatives utiles dans la clarté et la loyauté. C'est ce que nous faisons. L'avenir dira jusqu'où nous pouvons aller ensemble. Avançons. Quant à l'histoire des uns et des autres, il faut la respecter, ne pas s'ériger en docteur ès itinéraires. A ce compte-là, on créerait 250 organisations de la gauche! Par ailleurs, personne ne peut prétendre appeler au ralliement autour de lui en assurant détenir la vérité. Qui ? Où est-il cette homme ou cette femme aux solutions miracles ? Je ne le vois pas.

Libération : Vous ne vous servez pas de Refondations pour peser dans les débats internes du PCF ?

Charles Fiterman : Ce que j'ai à dire dans les débats internes du PCF, je le dis. Je n'ai besoin pour cela de monter sur les épaules de personne. J'aimerais que ceux qui souhaitent une réelle évolution du PCF le disent avec autant de force, plutôt que de sembler s'accommoder du statu quo. Quant à Refondations, son seul objectif est de faire avancer des idées et l'action pour ouvrir de nouvelles voies au progrès humain.

Libération : Pourquoi cette recomposition apparait-elle plus difficile à réaliser aujourd'hui qu'il y a deux ou trois ans ?

Charles Fiterman : C'est un cheminement extrêmement compliqué. Dès lors que de grandes vérités s'effondrent, la dispersion, l'émiettement l'emportent. Je le regrette, mais je suis obligé de constater qu'on passe par cette phase. Or, je ne veux pas jouer ce jeu-là, je n'ai aucune envie de fabriquer ma propre chapelle et de reproduire des comportements anciens. Ce qui est utile aujourd'hui est de travailler à surmonter cette atomisation. Je plaide pour l'entente, pour le regroupement. Libération : Quel espace reste-t-il à gauche pour un mouvement du type de Refondations ?

Charles Fiterman : L'espace n'est pas territorial, c'est un espace d'idées, et il traverse les frontières existantes. Il semble qu'on est pressé de poser partout des barrières douanières. Pour aller chez le voisin, il faudra payer un droit d'entrée. Bel esprit de boutique ! Non, l'espace est vaste, il est celui de l'espérance à reconstruire. Pour cela, il ne faut pas poser des barrières mais dialoguer, regrouper. L'assemblée de Refondations a cette ambition-là. Elle a pour objet de donner à Refondations les moyens d'une expression politique plus forte, d'une intervention plus efficace comme mouvement politique original. Refondations doit demeurer un mouvement aux structures souples, pluraliste, avec autonomie des participants et des groupes de base, et avec une orientation fondée sur la volonté de rassembler.

Libération : Vous envisagez pourtant une liste aux élections européennes, ce qui ne va pas contribuer au regroupement de la gauche.

Charles Fiterman : Curieusement, quand nous disons liste commune, on entend liste séparée. Non, ce que nous proposons, c'est que tous ceux qui ne veulent ni de l'Europe de Maastricht ni du repli national regroupent leurs forces en vue des élections européennes au sein d'une liste commune.

Libération : Et vous voyez Verts, PS, PCF, chevènementistes, etc., cohabiter sur une même liste ?

Charles Fiterman : Mais construira-t-on uni avenir quelconque en considérant que ce paysage actuel, sclérosé et embourbé, est immuable ? Est-ce que chacun restera dans sa tranchée à brandir son petit drapeau ou est-ce qu'il faut construire autre chose pour que la situation ne doit pas durer. Elle évoluera, j'en suis persuadé. Il faut sortir de la logique partisane, où chacun considère que la priorité est à son propre renforcement. Ça, c'est la logique politique classique qu'on connaît bien. Elle ne mènera nulle part.