Interview de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, dans "L'Humanité" du 11 juin 1998, sur l'accord mettant un terme au conflit des pilotes d'Air France.

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Média : L'Humanité

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L'Humanité : L'accord de sortie de conflit vous semble-t-il garantir le développement de la compagnie et la possibilité de mobiliser son personnel ?

Jean-Claude Gayssot : S'il est une chose dont je suis sûr, c'est que la poursuite du conflit aurait été préjudiciable à la compagnie. C'est évident pour tout le monde. Avec le contenu de cet accord s'ouvrent les voies de relations sociales durables et d'une compétitivité compatible avec le développement de la compagnie et de ses emplois, comme le stipule le texte accepté en commun.

L'échange salaire-actions sera volontaire et limité dans le temps et l'évolution de la masse salariale des personnels techniques navigants maîtrisée. La double échelle de rémunérations contestée fortement par les pilotes est supprimée.

Je crois que l'issue de ce conflit peut être de nature à mobiliser les salariés dès lors que c'est le développement d'Air France, de ses emplois, de ses investissements et ses relations sociales qui y ont gagné.

L'Humanité : L'accord est signé le jour même de l'ouverture de la Coupe du monde. Ne pouvait-il pas être conclu quelques jours plus tôt, alors qu'il reflète des positions de compromis que les pilotes semblaient déjà avoir acceptées ?

Jean-Claude Gayssot : Il eût mieux valu que l'accord intervienne avant qu'il n'y ait conflit. Je trouve vraiment dommageable qu'il ait fallu attendre neuf jours. C'est vrai qu'à plusieurs reprises, direction et pilotes étaient très près du compromis. C'est une des raisons qui ont fait que je n'ai jamais abandonné la recherche d'une issue rapide par la voie du dialogue et de la négociation, sans céder sur l'objectif fixé par le président Spinetta, parce que notre seul guide était celui du développement économique et social d'Air France.

L'Humanité : Ce conflit ne fait-il pas la démonstration que le choix de la négociation plutôt que de l'épreuve de force reste finalement une idée neuve ?

Jean-Claude Gayssot : Bien entendu. En tout cas, et c'est tout au moins ainsi que je le conçois, la recherche de l'épreuve de force ne peut être un choix préalable. Le choix premier doit être celui de la recherche de la négociation. À plus forte raison lorsqu'il s'agit d'un secteur comme celui des transports, avec les conséquences d'un blocage pour les utilisateurs, la population. De ce point de vue, le dialogue social, et notamment dans une entreprise publique, devrait reposer sur une volonté d'écoute mutuelle. C'est tout le sens de mon appel dès le premier jour du conflit : « responsabilité » et « négociation ». Il est d'ailleurs significatif que les tenants de l'ultralibéralisme et des dogmes de la privatisation aient appelé, quant à eux, à l'utilisation de la manière forte. Comme je l'ai déjà dit, je préfère convaincre que contraindre.

Cette approche qui nécessite une culture nouvelle, tant des directions d'entreprises que des syndicats, est, c'est vrai, une idée neuve à travailler et à faire vivre.