Texte intégral
La chose active préparatoire au 28e Congrès est largement engagée. Elle se situe dans un contexte de montée importante des luttes qui se développent en riposte à la politique de remodelage de la société que veulent imposer les forces du capital. Enrichi par ces luttes, dont il est partie prenante, le Parti communiste français ambitionne d'apporter des réponses aux exigences de ceux et celles qui aspirent à d'autres choix de politique et de société, en sollicitant leur concours. En prise sur la vie, il s'efforce de mettre à nu les rapports de forces en présence.
La droite met à profit sa représentation parlementaire dominante pour engager une nouvelle phase de la stratégie du capital confronté à une crise structurelle durable.
Depuis son installation en mars, le gouvernement Balladur a voulu prendre de vitesse le mouvement social pour faire passer à une cadence accélérée à l'Assemblée nationale des lois de recul social, antidémocratiques, visant à un bouleversement de la société française. Le réveil actuel au mouvement social depuis la rentrée de septembre commence à lui compliquer la tâche, comme en témoigne le conflit d'Air France.
Il reste que les différentes mesures politiques adoptées par la majorité UDF/RPR ne sont pas une simple aggravation de celles déjà mises en place par le gouvernement socialiste. Le rappeler n'exonère en rien la responsabilité de celui-ci, car en tournant le dos à une politique de gauche, il a effectivement ouvert la voie à une politique conservatrice.
Rien de ce qui peut constituer une entrave à la logique capitaliste, animée par les objectifs du profit, ne doit résister. Ainsi, toutes les barrières imposées par les luttes au cours de l'histoire sociale de notre pays sont visées. Elles sont, en effet, incompatibles avec les objectifs rappelés il y a peu, à l'occasion du G7 à Tokyo, sous le laconique mais impératif mot d'ordre de réduction du coût du travail.
Les mesures gouvernementales déjà prises ne sont qu'une étape relevant d'une conception qui alimente la crise en sacrifiant les ressources qui devraient être destinées à la satisfaction des besoins.
C'est également dans cette conception que s'inscrivent corrélativement la privatisation déjà réalisée de la BNP et celles qui suivront de vingt groupes industriels ou bancaires, les coups portés au service public, les bouleversements qui vont toucher à la protection sociale et à la retraite à 60 ans qui n'existe déjà plus de fait, afin que ces secteurs relevant de la solidarité ne puissent plus longtemps échapper à la loi du profit. Avec la loi quinquennale, la législation du travail ne pourra plus constituer une protection efficace du salarié contre un patronat n'hésitant pas à utiliser l'emploi de ses salariés comme une "variable d'ajustement" et à leur faire supporter le poids de la crise. La loi de Finances 1994 complète les dispositions de la loi quinquennale et des privatisations.
C'est bien à un budget placé sous le signe de Maastricht que nous avons à faire. Il est fondé sur ma seule logique financière, privilégiant l'austérité contre la relance de l'emploi.
La contribution de la France au grand marché européen augmente de 16,6 % avec en corollaire la casse de pans entiers de notre industrie et le développement des jachères. En refusant de recourir au droit de veto, à propos des négociations du GATT, le gouvernement accompagne la capitulation de Bruxelles face aux exigences américaines.
Mais des résistances s'organisent. Des villes entières et de nombreuses localités participent à des luttes combatives et déterminées dans lesquelles se retrouvent toutes les catégories de salariés, ou même des chômeurs. Dans de nombreuses entreprises des luttes unitaires se développent. Elles révèlent une prise de conscience au plan des idées marquées par une volonté d'action de salariés toujours plus nombreux à ne plus supporter la nocivité des conséquences de la politique du pouvoir. Certes, si elles ne sont pas toutes à la mesure des coups portés, elles sont plus diverses et plus unitaires, à l'image de celles menées pour l'école et des personnels de la Fonction publique, de la jeunesse, des étudiants, ou de plusieurs branches professionnelles, par les agriculteurs ou le monde de la culture contre le GATT oui vient d'obtenir l'engagement du ministre de tutelle de ne pas privatiser la SFP.
Au moment où les élus communistes et républicains s'étaient associés aux citoyens pour manifester à 10 000 dans les rues de Paris, les salariés d'Air France, par leurs luttes unitaires, faisaient reculer le gouvernement Balladur sur le "plan social" qui devait leur être imposé. Ainsi un "plan", qui la veille encore était qualifié "d'irrévocable" par le ministre des Transports, était abandonné et le PDG, était limogé. Un tel recul porte un coup sérieux aux affirmations péremptoires sur l'inéluctabilité de la baisse des salaires et des suppressions d'emplois. C'est aussi les luttes unitaires organisées à l'initiative des salariés de Chausson qui ont fait reculer la direction de la filiale commune à Peugeot et à Renault. Celles des étudiants qui ont contraint le ministre de l'Éducation nationale à maintenir les engagements pris dans l'attente de la réforme de l'allocation logement des étudiants.
Ces luttes succèdent à de nombreux mouvements qui ont permis aux salariés de mieux mesurer le rôle utile des communistes et de leurs élus. Face à la situation politique de nouvelles possibilités d'interventions apparaissent. Elles accroissent nos responsabilités en matière d'expression et d'initiatives politiques pour renforcer l'opposition à la politique gouvernementale et aux choix du capital, et développer le rassemblement de tous ceux qui recherchent d'autres solutions.
Malgré sa domination parlementaire, la droite au pouvoir craint, par-dessus tout le développement du mouvement social. Le consensus lui est nécessaire pour faire passer ses réformes rétrogrades. Le monde du travail a tout à perdre de nouvelles concessions au patronat et tout à gagner à développer les luttes, pas seulement pour sauvegarder les acquis. C'est d'un choix de société dont il est question avec la mise en place d'un formidable processus de déstructuration et de restructuration de la société qui touche à tous les aspects, qualitatifs et quantitatifs, de notre vie. Ainsi en pleine récession économique, la Bourse continue à progresser de près de 50 % depuis le début de cette année. Mais les fermetures d'entreprises, les délocalisations, l'absence de remède à la dégradation de l'emploi renforcent les bases objectives d'un rassemblement pour une autre politique, à tel point que des députés de droite en sont réduits à faire le grand écart entre la réalité de leur circonscription, le mécontentement qui s'y développe et la politique qu'ils soutiennent au Parlement, ou encore ils détournent d'authentiques aspirations des salariés pour les retourner contre eux comme celle de la réduction du temps de travail avec ce débat parlementaire sur les 32 heures, en lui donnant un contenu de partage du travail. À nous de saisir cette opportunité pour faire avancer notre proposition économiquement efficace des 35 heures sans diminution de salaire.
Les communistes, la politique qu'ils préconisent dans le cadre de la nouvelle situation politique, ont un rôle inédit à jouer pour aider au rassemblement.
Des points d'appuis plus nombreux peuvent nous permettre de faire grandir le mouvement d'opposition à cette politique. Au-delà des idées de chacun, de sa sensibilité politique et syndicale, le rassemblement de tous ceux qui refusent de se laisser faire peut-être efficace pour enrayer "la machine de guerre" du gouvernement contre les mauvais coups.
Des nouvelles possibilités de rencontres où de dialogues peuvent être développées pour définir quels choix sont les plus conformes au développement de la société toute entière, à partir du besoin des hommes. Des personnalités diverses n'hésitent pas à s'exprimer. Ainsi l'évêque de Cambrai, Monseigneur Delaporte demande que les progrès technologiques servent les hommes plutôt que l'accroissement de la productivité, allant même jusqu'à proposer l'édification de règles susceptibles de transformer "une jungle sociale en un terre plus humaine". C'est important, car la perspective politique devra se préciser davantage à la mesure du développement du mouvement social. D'où l'importance des solutions proposées, la nécessité de mieux faire connaître notre démarche pour la faire partager, de faire connaître notre programme pour d'autres choix.
Raison de plus pour affirmer clairement notre identité révolutionnaire moderne et faire valoir notre capacité comme force politique, à être l'outil que les gens peuvent utiliser pleinement pour faire grandir le rassemblement et faire avancer les mesures alternatives de justice sociale. Tout en faisant la démonstration des possibilités de les financer et de leur efficacité économique.
Car la question concerne moins l'existence de l'argent que celle de son utilisation. Pas plus que les profits ne sont réinvestis dans la production, pas plus que les différentes aides accordées au patronat, les sommes dégagées par l'emprunt ou la privatisation de la BNP ne seront utilisées dans le cadre actuel pour relancer l'économie. Comme avec les 40 milliards récupérées grâce à la baisse des taux d'intérêts ou les 45 milliards liés au remboursement de la TVA, le patronat continuera à spéculer confortant le CAC 40 de la Bourse tout en poursuivant la baisse de ses investissements (moins 8 % depuis le début de l'année).
Donner au rassemblement la combativité, la force et l'efficacité transformatrice nécessaire afin d'ouvrir une perspective de changement de politique qui ne peut être envisagée qu'à la condition d'un engagement constant de la majorité du peuple dans sa diversité. C'est là un enjeu idéologique et politique décisif.
Un tel changement ne peut être défini et réalisé que dans le cadre d'un processus démocratique de luttes de dialogues, de votes au sein duquel le PCF doit exprimer avec force sa propre perspective et les propositions qu'il soumet à la société.
La crise politique et un besoin de démocratie ont conduit le PCF à faire au neuf. Mais il a besoin pour être plus efficace de réaliser de nouveaux progrès dans ses analyses, ses propositions, ses comportements, ses règles de vie. C'est tout le sens du 28e Congrès.
Et comme le congrès ne se prépare pas en dehors de la vie, pour l'immédiat et sans prétendre représenter tous ceux qui veulent s'opposer au plan Balladur, nous favoriserons le rassemblement dans l'action de tous les salariés, jeunes, étudiants, chômeurs, retraités. Nous sommes disponibles pour agir avec les personnalités et les organisations qui le souhaitent, et qui s'opposent à la politique du gouvernement Balladur.
Ce renouvellement, commence depuis plusieurs Congrès déjà, nous allons le poursuivre avec le 26e congrès branché sur la vie et les luttes pour permettre au mouvement populaire d'aller de l'avant.