Interview de M. Philippe Douste-Blazy, ministre délégué à la santé, dans "Le Figaro" du 26 août 1993, sur les traitements contre la douleur.

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Média : Le Figaro

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L'Association internationale d'étude sur la douleur tient son septième congrès au Palais des Congrès de Paris jusqu'à la fin de la semaine. Le ministre délégué à la santé, Philippe Douste-Blazy, qui est intervenu hier, précise au Figaro en quoi il rejoint les préoccupations des participants sur le manque d'attention accordée aux traitements de la douleur. 

Le Figaro : Les participants au Congrès estiment que la douleur n'est pas suffisamment prise en compte par les médecins. Êtes-vous d'accord avec cette ana- lyse? 

Philippe Douste-Blazy : Aujourd'hui, le traitement de la douleur doit être une priorité de santé publique. Pendant des millénaires, la douleur était considérée comme une tragique fatalité Pour les médecins ce n'était qu'un symptôme, et donc elle n'était pas au centre de leurs préoccupations. Les progrès de la science ont donné les moyens de combattre la douleur. Donc la résignation n'est plus possible. Attendez que cela passe » est une expression que les malades ne devraient plus entendre. Il n'est pas admissible qu'en France, 56 % des personnes souffrant d'un cancer, et pas seulement au stade terminal de la maladie, souffrent, et que seulement la moitié soit traitée pour ces douleurs. De même, il faut accentuer les efforts entrepris pour traiter la douleur chez les enfants. Trop souvent, on évite le recours aux antalgiques majeurs par peur des effets secondaires ou de créer une accoutumance. Ces problèmes sont pourtant maîtrisables, les recommandations adoptées par l'Organisation mondiale de la santé indiquent comment contrôler ces dérives éventuelles.

Le Figaro : Comment inciter les médecins à accorder plus d'attention à la douleur ?

Philippe Douste-Blazy : L'enseignement, la formation des médecins sont essentiels. La formation initiale est actuellement insuffisante. Insuffisante on nombre d'heures – moins de deux – et aussi par la façon d'aborder la douleur. Elle ne doit plus être abordée en tant que symptôme dans l'étude des maladies par organes, mais considérée en tant que telle. Il est nécessaire de développer les diplômes inter- universitaires, qui, pour l'instant, ne sont délivrés que dans huit facultés de médecine. 

Le Figaro : Les spécialistes attendent avec impatience le texte qui officialisera les centres antidouleur. Qu'en est-il ?

Philippe Douste-Blazy : Ce texte est à l'étude. Il faut développer ces consultations. Tous les médecins sont concernés par le traitement de la douleur, mais on cas de douleurs chroniques, rebelles, il faut des spécialistes dans des structures capables d'assurer la prise en charge. Dans les hôpitaux, les spécialistes de la douleur, connaissant et maîtrisant les nouvelles techniques, devraient intervenir à la demande des services.

Le Figaro : La législation sur les stupéfiants, antalgiques majeurs, est très contraignante. Pensez-vous l'assouplir ?

Philippe Douste-Blazy : Les textes ont déjà été modifiés, pour permettre une meilleure utilisation de ces médicaments. La durée de prescription autorisée est de 14 jours depuis septembre 1992. Le progrès doit maintenant venir de l'évolution de mentalités, aussi bien de la part des médecins qui doivent pour de telles prescriptions se servir de leur carnet à souches, que du public. Nous devons être, plus que jamais, à l'écoute des malades qui souffrent, parce qu'on peut mieux les soulager, mais aussi parce que c'est notre devoir.