Texte intégral
Q - Cet été, des maires ont pris des initiatives brutales pour empêcher le stationnement de gens du voyage dans leur commune. Qu'entend faire le Gouvernement ?
– Le Gouvernement a décidé de lancer un travail interministériel qui devra aboutir à l'adoption d'un dispositif législatif pour répondre à ces questions de stationnement, car on ne peut laisser les choses en l'état. Les gens du voyage doivent pouvoir se poser quelque part sans rencontrer eux-mêmes des difficultés ni en susciter pour le voisinage. Les mesures prises contre eux cet été ont un côté électoraliste. Le maire est soumis à la pression de la population de sa commune. Je note que des drames comme celui de Stotzheim – où un enfant gitan de 2 ans a péri dans une flaque sur un chantier – n'ont pas vraiment provoqué d'émotion localement. Il y avait peu d'habitants du village à son enterrement. Alors, le stationnement…
Q - Pourtant, l'article 28 de la loi du 31 mai 1990 sur le droit au logement des personnes défavorisées, dite « loi Besson », prévoit que les communes de plus de 5 000 habitants doivent se doter d'aires de stationnement ?
– Cet article fut inséré via un amendement parlementaire. À l'époque, je n'y avais pas été favorable. Je souhaitais que cette question complexe fasse l'objet d'un texte de loi spécifique, davantage à la hauteur des enjeux. Aujourd'hui, le bilan de l'article 28 est modeste. À peine 30 % des communes concernées se sont effectivement dotées d'aires de stationnement. Seul un tiers des conseillers généraux a élaboré un schéma départemental d'accueil des gens du voyage, autre dispositif prévu par la loi. Dans cet article, il n'y a aucune contrainte, ni d'obligation de réaliser les infrastructures, ni de calendrier à respecter.
Q - Des associations vont jusqu'à dénoncer des effets pervers de la loi de 1990…
– Effectivement, le texte prévoit que dès lors qu'une commune a créé une aire d'accueil, elle peut interdire le stationnement sur le reste de son territoire. Parfois, l'esprit de la loi est détourné. Des villes ont aménagé des espaces réduits, qui ne peuvent accueillir plus de quatre ou cinq caravanes. Du coup, aucun groupe ne peut réellement s'y installer. Et si, par manque de place, des caravanes stationnent à d'autres endroits, le maire obtient en justice leur expulsion, arguant que la commune a aménagé une aire d'accueil spécifique.
Q - Comment l'État peut-il intervenir ?
– L'État doit être à la fois partenaire et garant de l'application de la loi. Il faut entamer un dialogue avec les élus locaux et les gens du voyage pour bien cerner les besoins et instaurer une règle du jeu. Il faut notamment être vigilant aux besoins en termes de taille des aires de stationnement, puisque des déplacements comprennent parfois une trentaine de caravanes ou davantage… Il faut aussi un schéma général pour donner un horizon à ce que doivent réaliser les communes, en distinguant les besoins de ceux qui veulent se sédentariser et de ceux qui demeurent itinérants.
Q - La France compte près de 300 000 Tziganes. Pourquoi ces insuffisances en aires de stationnement ?
– Le problème est né avec la raréfaction des terrains vagues aux abords des villes. L'urbanisation a absorbé ces emprises foncières. Des espaces qui d'usage accueillaient les gens du voyage ont progressivement disparu. Le terrain vague d'antan n'a pas été remplacé par un site spécifiquement réservé à l'accueil des populations qui voyagent. Ou bien des aires de stationnement été ont créées sans être à l'échelle des besoins. Dans les deux cas, les choses se passent mal. C'est à ces situations qu'il faut remédier.