Interview de M. Georges Sarre, vice-président du Mouvement des citoyens, dans "Le Figaro" du 4 juillet 1998, sur la majorité plurielle, la cohabitation, les orientations du gouvernement, notamment sur l'Europe, la situation à droite et le débat sur la préférence nationale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

LE FIGARO. - Sur plusieurs dossiers, le Mouvement des citoyens se démarque du gouvernement. A-t-il à se plaindre de visées hégémoniques du Parti socialiste ?

Georges SARRE. - Portons un regard lucide sur la situation du gouvernement et de la majorité parlementaire un an après leur accession au pouvoir. La croissance est au rendez-vous, les choix gouvernements l’ont favorisée. Lionel Jospin a une remarquable gestion du temps et des rythmes. Quant à la droite, elle est fracturée, sans projet, sans perspective laissant penser que la cohabitation pourrait se poursuivre et la législature aller à son terme en 2002. Le Mouvement des citoyens apporte de la cohérence à la majorité, à travers l’action de Jean-Pierre Chevènement. La République et la citoyenneté sont au cœur de nos orientations. Nous ne cherchons pas à être à la gauche du PS. Nous avons notre identité et nous l’affirmons.

LE FIGARO. - Mais le PS ne force t-il pas un peu le trait ?

Georges SARRE. - En politique, il faut tenir compte du champ de forces. Aujourd’hui, le PS domine et, bien sûr, la tentation d’en profiter exagérément est là, lourde et permanente. Il appartient à ce parti de faire vivre le pluralisme. Tout le monde y a intérêt, le PS plus que tous les autres réunis.

LE FIGARO. - Des exemples d’exagération ?...

Georges SARRE. - Notre principal grief porte davantage sur les accords qui ne sont pas respectés, alors qu’ils ont été cosignés par François Hollande et Jean-Pierre Chevènement. Les élections cantonales et régionales en offrent de nombreux exemples. Ainsi en Franche-Comté, où M. Proust n’a pas été élu.

LE FIGARO. - Vous êtes sceptique sur la cohabitation…

Georges SARRE. - On voit bien la décomposition de la droite. La recomposition demeure mythique. L’Alliance est celle de l’aveugle et du paralytique, un simple rapprochement de circonstance, qui ne résout rien. La crise était en marche au moins depuis 1993, avec la guerre entre chiraquiens et balladuriens. Chirac l’a aggravée en gagnant l’élection présidentielle sur le thème de la fracture sociale et en appliquant immédiatement après, avec Juppé, une politique d’austérité ultralibérale et européiste. Il a porté le coup décisif avec la dissolution de 1997. Sa défaite lui a laissé sa place, mais en lui ôtant sa légitimité et jusqu’au contrôle de son propre parti.

LE FIGARO. - Vous contestez la légitimité du président de la République ?

Georges SARRE. - Non, certes. Sa légitimité politique. Il ne peut que rester en embuscade, en maugréant de temps à autre contre le gouvernement, avec l’improbable espoir d’une faute ou de la division de la nouvelle majorité. Bref, la cohabitation a un bel avenir !

LE FIGARO. - Lionel Jospin retire sa réforme du mode de scrutin européen. Mais que pensez-vous de celle des régionales ?

Georges SARRE. - La pomme de discorde disparue, la majorité s’en trouve plus unie. Pour les régionales, l’objectif ne se discute pas : éviter l’anarchie et la collusion. Reprendre de mode de scrutin des municipales peut faire consensus. Par contre, la circonscription retenue, la région, rencontre notre opposition.

LE FIGARO. - Pourquoi ?

Georges SARRE. - Nous préférons garder le cadre départemental actuel. Le département est une réalité ancienne, à laquelle les citoyens sont attachés. Des roitelets, des grands féodaux, pourraient se dresser contre d’autres autorités légitimes, elles aussi démocratiquement élues.

LE FIGARO. - La présence de Chevènement au gouvernement ne constitue-t-elle pas un handicap pour l’expression du MDC sur l’Europe ?

Georges SARRE. - Nous sommes solidaires, sur l’essentiel, des orientations du gouvernement. La participation de Jean-Pierre Chevènement en témoigne. Mais elle n’interdit nullement au MDC de développer ses propres positions. Quant aux élections européennes, nous entendons en faire un grand débat politique. Il faut arracher les masques.

LE FIGARO. - Lesquels ?

Georges SARRE. - Veut-on continuer cette politique au nom d’une Europe supranationale et ultralibérale ? Si oui, il faut le dire. Les partis et les candidats ne doivent pas ruser avec les citoyens.

LE FIGARO. - Que pensez-vous du nouveau débat sur la préférence nationale ?

Georges SARRE. - Ce thème est à l’évidence une passerelle lancée par MM. Balladur et consorts en direction du Front national. Laissons à une certaine droite ces débats politiciens d’arrière-garde. Le MDC a mieux à faire : débattre de la France et de la République. Ce sera le sujet de son université d’été, les 22 et 23 août prochain.