Texte intégral
Question
La CFE-CGC vient d’enquêter longuement sur la rénovation syndicale. Premier bilan ?
Marc Vilbenoît
– En France, l’offre syndicale est globalement dépassée. La CFE-CGC souffre en plus de sa spécificité cadres qui est associée à une image d’autorité, alors que la concurrence et les nouvelles technologies ont complètement bouleversé l’organisation du travail. En définitive, les statuts s’interpénètrent. On est plus reconnu par une mission professionnelle que par un titre ou un statut.
Question
La nature de la relation au patron et à l’entreprise a-t-elle été complètement changée ?
Marc Vilbenoît
– C’est vrai que les cadres avaient tendance à s’identifier de manière systématique aux finalités de l’entreprise. Aujourd’hui, ils sont déconnectés. Leur participation aux décisions régresse très fortement et on voit même des DRH expliquer que l’instabilité de l’encadrement est une des sources de productivité de l’entreprise. Non seulement ils l’expliquent, mais ils l’organisent.
Question
Comment le syndicalisme peut-il s’adapter à cette nouvelle donne ?
Marc Vilbenoît
– En essayant de répondre aux attentes là où sont les gens, par exemple dans les PME où nous sommes absents, mais pas seulement. Ainsi, l’une des découvertes de nos enquêtes est l’existence d’une part croissante d’indépendants que les Américains ont baptisée les « solos ». Ce ne sont ni des cadres salariés stricto sensu, ni des patrons. Ce sont notamment des jeunes diplômés qui s’installent en freelance ou d’anciens cadres victimes des restructurations.
Question
Alors, la réponse de la CFE-CGC ?
Marc Vilbenoît
– Il n’est pas question, pour le moment, de devenir un syndicat généraliste, de représenter toutes les catégories de salariés. Mais il est clair que l’on doit renouveler et ouvrir notre syndicalisme en passant d’une notion d’encadrement est une notion de statut, à une notion de professionnel plus liée aux valeurs, aux métiers, aux niveaux de formation, de connaissance et de responsabilité. Cela implique que l’on abandonne un discours monolithique, que l’on casse nos structures très classiques, hiérarchisées, verticales. Et que l’on crée autour de nous un certain nombre de clubs ou de cercles pour des professionnels non-salariés, un réseau d’associés.
Question
Et que vous changiez de nom ?
Marc Vilbenoît
– Sans doute. Je pense que ce sera fait aux assises nationales d’octobre, chargées de lancer notre aggiornamento, ou, au plus tard, au congrès de juin 1999. L’idée est d’abandonner le sigle pour un nom, ou pour le moins de conserver un sigle qui se prononcerait comme un nom. Comme Sud par exemple. Ce nouveau nom tournera autour de l’idée forte de professionnel.
Question
Le renouveau implique aussi que vous réduisiez le rôle des fédérations en place ?
Marc Vilbenoît
– Les fédérations doivent accepter d’abandonner une partie de leur pouvoir. D’une bonne quarantaine, leur nombre devrait descendre à une dizaine, autour de grands pôles : industries, services, etc. Parallèlement, on va créer de vraies plates-formes régionales interprofessionnelles. Il faut plus de transversalité
Question
Comment attirer les jeunes ?
Marc Vilbenoît
– Les jeunes sont prêts à se mobiliser sur des sujets précis et ciblés, mais ils résistent à l’adhésion parce qu’ils ont peur d’être « embrigadés ». Voilà pourquoi nous allons offrir deux niveaux d’adhésion. Le niveau traditionnel, avec toutes les prestations et les droits habituels (de vote par exemple). Et un niveau de base sous forme de cotisation réduite – autour de 250 F par exemple – qui assurerait simplement l’information et une assistance juridique. Des tests l’ont montré : cette adhésion « minimale » correspond à une attente. Elle se double d’une demande de services en options. Il y a, par exemple, une forte demande d’information sur la réalité économique objective de l’entreprise.
Question
Après les élections prud’homales, vous parliez de rapprochement avec d’autres syndicats. Ce n’est plus d’actualité ?
Marc Vilbenoît
– On sera d’autant plus fort pour discuter avec d’autres que l’on aura d’abord fait notre autocritique et élaboré des solutions de renouveau. Après les assises d’octobre, je pense que l’on pourra engager le dialogue avec l’Unsa et la CFTC.
Question
Vous ne citez pas la CFDT ?
Marc Vilbenoît
– Je cite ceux qui nous avaient sollicités. Quant à la CFDT, il n’y a pas de problème de fond. On fait d’ailleurs des choses ensemble, à l’Unedic entre autres. Mais c’est vrai que la CFDT vit sa vie de manière autonome et, disons-le, avec une tentation un peu hégémonique.