Texte intégral
CONCLUANT hier midi les travaux de l’université d'été du PCF, son secrétaire national est d'abord revenu sur le sens du vote en faveur de la gauche en juin 1997 :
« C’était un vote de rejet de la droite, de son ultralibéralisme, de ses projets d'austérité renforcée pour l'avenir, en même temps profondément marqué du souvenir de l'expérience des années quatre-vingt. Le « peuple de gauche » voulait se prémunir contre un retour aux dérives qui avaient conduit des gouvernements socialistes à faire la politique voulue par la droite, parfois même en alliance avec une partie de celle-ci. D'où la volonté de voir les communistes participer à la majorité nouvelle et au gouvernement.
« Cependant - et il serait dangereux de ne pas le voir -, cette volonté se doublait d'un doute sur la capacité du Parti communiste à être ce que les Françaises et les Français attendaient de lui : un parti constructif, responsable, utile pour faire prévaloir un changement réel de politique et une autre façon de faire la politique. C'est cela qu'on attendait de nous plutôt qu'une posture de censeur dogmatique, sourcilleux, prêt à claquer la porte à la première difficulté, ce qui était perçu comme une solution de facilité.
« En même temps, le vote de gauche n'était pas majoritaire. Il exprimait une réelle volonté de changement. Mais il n'affirmait pas pour autant des choix clairs sur la nature de ce changement. Les communistes ont débattu de tout cela et décidé très majoritairement de notre participation. Ils savaient qu'il s'agissait d'un gouvernement pluriel qui ne s'engageait pas sur la politique du Parti communiste. (...) La décision prise « impliquait nécessairement l'émergence d'une pratique politique nouvelle du Parti communiste, des communistes eux-mêmes, partout dans le pays. (...)
« Fallait-il renoncer aux propositions communistes pour nous aligner sur une politique reprenant les recettes du libéralisme, dont nom avions la conviction qu'elle conduirait à l’échec ? Ou bien fallait-il envisager de mettre un terme à notre participation au gouvernement si les désaccords subsistaient ? Nous refusons ce genre de faux dilemme. C’est l'un des traits de notre mutation. Nous avons donc fait le choix du débat constructif, dans la majorité et dans le pays, avec les Français eux-mêmes. Pas seulement pour les informer des problèmes, des enjeux dans la définition et la mise en œuvre de la politique nouvelle. Mais pour qu'ils se fassent entendre et qu'ils interviennent afin de faire prévaloir les solutions les plus ambitieuses possibles, à la hauteur de leurs attentes. En sachant que le résultat serait au niveau même de leur intervention et de notre capacité à avancer les propositions les mieux appropriées.
« Cette nouvelle façon d'envisager l'action politique s'est naturellement accompagnée de tâtonnements, d'hésitations, et parfois - disons-le -, d'insuffisances, notamment dans l'expression politique, dans l'information auprès des communistes afin qu'ils puissent s'y engager pleinement et jouer tout leur rôle. C’est « en marchant » que nous sommes conduits à modifier nos pratiques, afin que le Parti tout entier se saisisse « en amont » des problèmes posés à la majorité, au gouvernement, pour en débattre et solliciter l'intervention citoyenne (...)
« J'y insiste : le choix que nous avons fait est d'être le relais actif entre les citoyens, les mouvements sociaux et d'action gouvernementale. (…) C'est dans la voie d'une fonction communiste nouvelle, porteuse des protestations et des attentes populaires et, en même temps, constructive pour une politique élaborée, mise en œuvre dans une majorité plurielle que nous sommes engagés. (...)
* Nous maintenons nos propositions
« Ce choix des communistes a produit des résultats positifs, visibles dans un certain nombre des mesures prises par le gouvernement depuis juin 1997. Chacun constate que le travail des ministres communistes est, pour le gouvernement de la gauche plurielle, un apport original, positif, loyal. L'apport communiste, on le voit. (…) Et en ce moment même, alors que le gouvernement a fait connaître les grandes orientations du budget 1999, nous contribuons avec la pétition nationale, lancée à la fin de juin, à en éclairer les enjeux, à faire grandir un certain nombre d'exigences pour qu'il s 'agisse bien d'un budget répondant aux attentes populaires. (...) Pour ce qui nous concerne, nous maintenons nos propositions. Le débat budgétaire ne fait que débuter. (...) Les communistes n'ont pas l’intention d'en « rabattre » sur ce qui leur paraît indispensable pour agir effectivement en faveur d'un véritable changement. Ils sont là dans leur rôle. Personne ne peut s’en étonner.
« D'autant moins qu'en sens contraire des pressions considérables s’exercent sur le gouvernement pour tenter de limiter la portée des mesures nouvelles, pour en contrarier l'application jusqu'à en annuler les effets, Ainsi les efforts consentis - avec les emplois-jeunes, avec les 35 heures - pour faire reculer le chômage sont lourdement hypothéqués par une aggravation sensible de la précarité, dont témoigne notamment l'extension rapide du travail intérimaire.
« La question des salaires est loin d'être tranchée dans le sens de leur indispensable augmentation, et celle d'un relèvement significatif des retraites et des minima sociaux reste entière. C'est pourtant dans cette voie qu'il faudrait s'engager. Le léger mieux constaté en terme de croissance le permet, et c'est le plus sûr moyen de la conforter durablement. Mais force est de constater que ce n'est pas dans cette voie que s'oriente le gouvernement. On ne me convaincra pas qu'une politique de gauche pourrait s'accommoder d'une augmentation continue des grandes fortunes et des profits boursiers tandis que le pouvoir d'achat des salaires et des minima sociaux continuerait de stagner - voire pour certains de régresser. De même le gouvernement doit sortir de son immobilisme en matière de droits nouveaux pour les salariés. C'est une question essentielle de démocratie et d'efficacité économique.
« Quant à la nécessaire modernisation des services publics il n'y sera pas répondu par la marche forcée c’est la privatisation, comme c'est le cas aujourd'hui pour France Télécom. D'autres solutions existent pour répondre aux problèmes posés aujourd'hui aux entreprises publiques. (...)
« Nous apprécions donc ce qui a pu être obtenu depuis bientôt quinze mois. Les Français aussi, qui apprécient également le rôle que jouent les communistes, Mais nous ne limitons pas nos ambitions à ces premiers résultats, Et nous pensons que le changement doit avancer à un rythme plus soutenu, Pas par goût de la surenchère ni par dogmatisme idéologique, mais parce que nous avons la conviction que pour réussir la gauche doit être sensible aux attentes et y répondre. (…)
« Et j'ai, tout autant, la conviction que c'est possible, De nombreux indicateurs attestent de la radicalité des aspirations de millions de citoyens. Ils contestent de plus en plus la logique qui veut, sans cesse, leur imposer de différer la satisfaction de leurs aspirations, et qui persiste, pour « tenir les équilibres », à solliciter bien davantage le monde du travail que les marchés financiers. Cette situation confère à notre parti une responsabilité particulière, Il ne s'agit pas simplement d'être le porte-parole des impatiences et des mécontentements, mais bien plutôt le porteur dans la majorité plurielle et au gouvernement de la radicalité des exigences populaires. Et inséparablement, dans le mouvement social, dans la société, d'être capable de proposer des solutions à hauteur de cette radicalité : de travailler au rassemblement le plus large possible des citoyens pour qu'ils se fassent entendre.
« Nous sommes plus que jamais résolus, en cette rentrée, à aider à l'expression constructive de celle radicalité pour que naisse, se développe et gagne une dynamique majoritaire de changement. C'est d'elle que dépend la réussite ou l'échec de la gauche plurielle, du changement. (...)
« Les cotes de popularité, même bonnes, ne peuvent jamais être tenue, pour l'indice absolu du bien-fondé d'une politique. Quant au dogme d'une croissance retrouvée qui permettrait de faire mieux sans procéder à des réformes de structure, on voit bien qu'il a du « plomb dans l'aile ». Les effets de la crise asiatique sont là pour montrer combien est fragile toute construction qui ne s'affranchit pas de la domination des marchés financiers. Nous voulons du solide, du durable pour changer vraiment dans le sens souhaité par les Français. (...)
* Une évolution révolutionnaire
« Y aurait-il, d'une part, les attentes des Français, et, d’autre part, un projet communiste censé répondre à autre chose qu’à ces attentes ? Cette façon de voir renvoie de façon inconsciente évidemment – à une vision ancienne du projet communiste et de la stratégie politique communiste elle-même. Le projet serait alors un « modèle », élaboré indépendamment des problèmes concrets, qu’il suffirait de plaquer sur la réalité dès lors qu’on aurait le pouvoir.
« Or, et c’est tout le sens de la mutation que nous avons entreprise en nous efforçant de tirer les leçons de l’histoire, ce n’est pas ainsi que peut s’envisager l’action pour la transformation sociale et la libération humaine. Il n’est pas un domaine, aujourd’hui, où le capitalisme n’impose de terribles régressions et ne verrouille l’avenir. (…) Vouloir résoudre les problèmes de notre temps conduit à contester le capitalisme à tous les niveaux de la société, sut toutes les questions y compris, dans leurs dimensions européennes.
« Notre visée communiste ne consiste donc nullement à prédéfinir un modèle de société. Elle part du réel pour le transformer dans ce que Jaurès appelait une « évolution révolutionnaire ». Face aux problèmes que doivent affronter les hommes et la société, il faut engager de grandes réformes de structures. C’est la voie la plus sûre pour leur apporter des réponses efficaces et durables. (…)
« Il n’y a donc pas contradiction entre notre visée communiste et notre participation au gouvernement, mais nous ne limitons pas notre horizon à cette seule participation. Nous réaffirmons notre visée communiste et la nécessité, pour réussir le changement, d’un parti communiste actif, ouvert sur la société, entretenant des rapports nouveaux avec elle et avec le mouvement social. En parti communiste qui doit progresser en force et en influence pour que s’engage et réussisse la politique de transformation sociale nécessaire.
« Tout cela nous invite à pousser plus loin nos efforts pour redonner confiance dans l’action politique. Celle-ci est d’abord une action militante, c’est-à-dire ouverture aux autres, sur la société, écoute et dialogue, expérience concrète d’une citoyenneté en œuvre pour retisser des liens sociaux, pour permettre à des millions d’hommes et de femmes de reconquérir dignité et solidarité. C’est le sens de la mutation que les communistes ont décidé de mener à bien. (…)
« De façon péremptoire, comme s’il s’agissait d’une vérité d’évidence, on a assené à l’opinion publique que les communistes seraient incapables, du fait de leurs blocages internes, de pousser leur mutation, incapables de changer. Et les déclarations de quelques communistes, hostiles depuis le début aux choix accomplis par nos derniers congrès, ont été exploitées en ce sens et délibérément confondues avec le débat entre nous parfaitement légitime dans un parti que assume se diversité et s’en réjouit, pour trouver ensemble les réponses aux problèmes nouveaux que nous avons à résoudre.
« Je le dis nettement, les communistes ne prêteront pas le flanc à ces calculs politiciens. Les communistes sont parfaitement capables de conduire et d’accélérer la mutation de leur parti et de lui faire jouer ainsi son rôle constructif au service de la France, au service des changements radicaux qui s’imposent pour réussir le changement. J’ai la conviction qu’il y a besoin dans la société française, plus que jamais, d’un Parti communiste constructif parce que porteur d’une radicalité moderne. Un Parti communiste, une force communiste large, démocratique, dynamique, imaginative et rassembleuse. »