Texte intégral
Q - L'opposition reproche au Gouvernement de ne pas profiter de la croissance pour engager, dans le budget 1999, des réformes de fond. Après les cotisations salariales, Martine Aubry prépare une refonte des cotisations patronales. La soutiendrez-vous ?
- « Nous ne la soutiendrons que s'il s'agit d'une véritable baisse des charges sur les salaires. La volte-face du Gouvernement, qui semble reconnaître désormais que les charges sur les bas salaires sont trop lourdes, est à ce point de vue très intéressante. C'est, à mes yeux, l'aveu de l'échec des 35 heures, mais aussi des emplois-jeunes. Cette proposition vient après un certain nombre d'événements qui contredisent les espérances sur lesquelles le Gouvernement avait fondé ses choix. L'accord entre l'UIMM et certains syndicats montre que les salariés et le patronat ont accepté d'échanger la réduction du temps de travail contre une fluidité du marché du travail, alors que le Gouvernement a vendu sa réforme comme une mesure antichômage : de tels accords montrent que les 35 heures créeront peu d'emplois. Les emplois-jeunes ne pourront être multipliés à l'infini. Les résultats des entreprises françaises risquent de leur côté d'être obérés par la crise asiatique. et beaucoup d'experts estiment que la croissance va patiner. La chute actuelle des marchés boursiers témoigne d'une déstabilisation de l'économie mondiale. Dans ce contexte. Le rapport Malinvaud confirme ce que les socialistes ne voulaient pas admettre : les charges sur les salaires sont trop élevées en France et constituent un frein à l'emploi. Aujourd'hui, les charges payées par un employeur sur un salaire de 14 000 francs brut représentent 44,8 % en France contre 17,1 % aux Pays-Bas et 6,6 % au Royaume-Uni. »
Q - Martine Aubry réfléchit à l'introduction d'une certaine progressivité des cotisations. Êtes-vous hostile à toute idée de progressivité ?
- « Le Gouvernement semble effectivement se diriger non pas vers une baisse des charges, mais vers un basculement entre certaines catégories de Français, au détriment de ceux qui gagnent plus de 13 500 francs brut par mois. Ce n'est pas acceptable. Le déplacement de charges se ferait entre les salaires inférieurs et supérieurs à ce plafond, à hauteur, selon les pistes évoquées par l'ancien patron de l'Insee, de 90 milliards de francs. Je ne dis pas non à la progressivité à condition - qu'elle ne soit pas brutale, mais, à ce niveau c'est une augmentation déguisée des cotisations sans élargissement de la couverture sociale. Si une telle décision était adoptée, elle condamnerait, de plus, des millions de salariés au blocage de leurs salaires, et donc de leurs carrières. Les employeurs réfléchiraient avant d'accorder des augmentations au-delà de 11 500 francs net. Les régimes sociaux n'ont pas pour objet la redistribution des revenus. C'est à l'impôt sur le revenu d'assurer ce rôle. Le Gouvernement socialiste confond la logique de solidarité avec celle de la redistribution. »
Q - Comment financer les baisses des charges alors ?
- « La baisse des charges est nécessaire : elle favoriserait l'emploi et augmenterait le pouvoir d'achat des salariés en dopant la demande intérieure au moment où la demande extérieure se rétrécit en raison de la crise. Asiatique. L'UDF a demandé des baisses de charges sur les bas salaires dès que nous avons connu les grandes lignes du budget 1999. Le financement passe par des économies de gestion sur les dépenses publiques. Les deux Gouvernements précédents, et notamment Jacques Barrot, ont montré que l'on pouvait baisser les charges sur les bas salaires sans en faire payer le prix aux autres salariés. C'est à mon avis la voie à suivre. »