Interview de M. Charles Millon, président de la Région Rhône-Alpes et président de La Droite, à RTL le 19 août 1998, sur l'avenir de son mouvement, la restructuration de l'opposition, l'éventualité de son adhésion au groupe parlementaire Démocratie libérale et ses relations avec le FN et le PS au sein du conseil régional Rhône-Alpes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Agitations en ce mois d'août dans la droite libérale. Le président de la région Languedoc-Roussillon, J. Blanc, élu, comme vous, avec les voix du FN a adhéré, la semaine dernière, au groupe parlementaire Démocratie libérale, d'où des démissions et puis une demande de clarification sur les relations avec le FN. Évidemment vous êtes un peu extérieur mais que dites-vous de tout cela ?

- « Ce n'est plus la décomposition de l'opposition à laquelle on assiste, c'est de l'autodestruction. Si la démocratie française n'était pas concernée, ce serait simplement ridicule, on regarderait avec tristesse et gesticulations médiatiques ces clapotis politiques. Mais ce qui est le plus préoccupant c'est que c'est la démocratie française qui est en jeu car en face d'un parti socialiste qui gouverne, qui arrive à garder une certaine cohérence, il n'y a plus d'opposition. Or, on va peu à peu se diriger vers une situation tout à fait préoccupante, c'est-à-dire une confrontation périlleuse et dangereuse entre d'une part une gauche arrogante, et d'autre part une extrême droite conquérante. »

Q - Alors on va en parler. Mais quelle est la signification de l'adhésion de J. Blanc au groupe Démocratie libérale à l'Assemblée à votre avis ?

- « Il faut le demander à J. Blanc. Personnellement, je suis membre du groupe UDF et je reste membre du groupe UDF. Je crois que le problème aujourd'hui n'est pas … »

Q - Mais vous avez été exclu du parti.

- « Oui, mais le problème n'est pas de savoir si on fait partie de tel ou tel groupement ou de tel ou tel groupe parlementaire. Le problème est de savoir si on est décidé à reconstruire l'opposition. »

Q - Quand même une précision : vous-même, vous n'êtes pas tenté d'aller au groupe parlementaire Démocratie Libérale ?

- « Moi, je ne suis tenté que par une seule chose c'est de reconstruire la droite et non pas de faire une droite de réactions, non pas une droite de connivences mais faire une droite d'affirmation, c'est-à-dire qu'en face des forces de gauche il y ait une grande force d'alternance, une force de droite qui affirme ces convictions, qui adopte un nouveau comportement, qui essaye d'unir toutes celles et tous ceux qui n'acceptent pas la politique socialiste. »

Q - Alors tout cela ce n'est pas Démocratie libérale et A. Madelin qui vont dans ce sens, c'est plutôt vous avec votre mouvement que vous avez lancé, la Droite, à votre avis. C'est-à-dire, est-ce qu'A. Madelin est un rival ou un allier ?

- « Actuellement il y a la vie politique quotidienne. Je le constate, je fais partie, à titre personnel, de Démocratie libérale depuis longtemps. Je dis que tout cela est le passé. Pour l'avenir, il va falloir construire une grande formation unique de la droite où les gens n'ont pas peur d'être à droite, où les gens sont même fiers de leurs convictions et de leurs idées. Que l'on essaye de dépasser ces querelles de personnes ou ces courants minuscules et qu'on essaye de faire une grande force politique qui d'une part adopte un nouveau comportement - qu'on arrête avec cette arrogance, qu'on arrête avec cette politique non transparente, qu'on adopte une politique honnête, modeste, bienveillante - et que d'autre part on essaye de refonder une pensée de droite pour pouvoir faire face à la politique socialiste. »

Q - Tout cela est votre projet. Mais...

- « Non, mais c'est très important, parce qu'aujourd'hui on parle de l'adhésion éventuelle de J. Blanc à DL, on parle de la création d'un PRIL, d'un courant de Démocratie libérale. On oublie complètement de parler des problèmes des Français. Quels sont les problèmes des Français ? C'est le chômage - il y a encore trois millions de chômeurs -, c'est la précarité pour les chômeurs de longue durée, c'est le problème de la délinquance juvénile. »

Q - D'accord, mais prenons un exemple quand même politique précis. Il va y avoir des élections partielles, cet automne, notamment une législative à Toulon. Est-ce que dans ce cas-là il y aura un candidat « Droite » soutenu par C. Millon?

- « Non, parce que j'ai créé un mouvement national d'action politique qui a pour objectif de faire émerger une grande force politique, un grand parti politique unique de la droite. »

Q - Sans être présent dans des élections quand il s'en présente ?

- « Mais aujourd'hui, je ne suis pas animateur d'un parti politique. Je souhaite simplement qu'à l'occasion de cette élection, les forces politiques dites classiques comprennent que les querelles ne servent à rien, que la connivence avec la gauche est dangereuse et qu'il est sans doute souhaitable d'avoir un candidat qui soit honnête, qui soit droit et qui puisse représenter une droite toute entière et ainsi permettre à nos idées de gagner. »

Q - Sur le plan de la région Rhône-Alpes, cinq mois après votre réélection, où en sont vos relations avec le FN ? Comment vous les qualifiez ?

- « Le FN est dans l'opposition comme le PS, comme le Parti communiste. Il y a un exécutif qui est composé de personnes qui viennent de ce qu'on appelle la droite classique, c'est-à-dire du RPR, de l'UDF des non-inscrits qui fait des propositions. Ces propositions sont soumises à la commission permanente ou au conseil régional. Elles sont votées, pour la plupart d'ailleurs. Je rappelle que le conseil régional marche : il y a 97 % de nos propositions qui ont été votées lors de la dernière commission permanente. »

Q - Il y a quand même l'air d'avoir des problèmes de temps en temps en matière culturelle. Par exemple - le dernier en date -, le défilé de la biennale de la danse dans les rues de Lyon : les subventions ne sont pas votées !

- « Il faut remettre tous les problèmes à leur niveau. Premièrement : les subventions à la biennale de la danse ont été votée - un million de francs -, le conseil régional Rhône-Alpes finance la maison de la danse pour un million 500 000 francs chaque année. Et troisièmement à la date d'aujourd'hui il y a plus de 500 chèques culture qui ont été donnés à des jeunes Rhône-alpins pour pouvoir participer à la biennale de la danse. Alors c'est vrai que le défilé n'a pas obtenu les crédits nécessaires. Je rappelle pourquoi : parce que le FN a voté contre et que le PS a voté contre. Car le PS s'est engagé dans la politique du pire. Or, chacun sait que la politique du pire est la pire des politiques. Il s'est engagé dans une politique d'obstruction : il ne veut pas que le conseiller régional soit un conseiller régional adulte qui vote projet par projet Il veut faire de la politique systématique d'obstruction. »

Q - Tout cela parce que vous avez été élu par les voix du FN.

- « Non, j'ai été élu avec les voix de conseillers régionaux qui se sont mis d'accord sur mon programme. Je n'applique que mon programme, tout mon programme et rien que mon programme. De plus, je précise que je n'ai pas besoin du FN puisque je suis majoritaire et en voix et en siège. »

Q - Encore aujourd'hui ? Il y a pas mal d'élus du RPR et de l'UDF qui ont pris leur distance par rapport à vous ?

- « Oui, qui boudent actuellement. Mais je leur pose simplement la question par l'intermédiaire de votre antenne : est-ce qu'ils sont prêts à s'allier avec la gauche ? Est-ce qu'ils n'ont pas plutôt intérêt à essayer de se solidariser avec le président de la région Rhône-Alpes pour pouvoir permettre de faire passer des dossiers sans être obligé de négocier avec les uns et les autres comme on l'a  fait lors de la commission permanente. Ceci me paraîtrait plus conforme à l'intérêt général des Rhône-alpins. »

Q - Votre situation s'explique en partie par le mode de scrutin régional proportionnel. Ce mode de scrutin va être réformé. Il y aura une part de majoritaire dès que la loi sera votée c'est-à-dire...

- « Vous savez je serai le premier enchanté puisque j'ai demandé à M. Bérégovoy d'abord, à M. Balladur, à M. Juppé ensuite et à M. Jospin enfin de modifier le mode de scrutin. J'ai constaté que ces quatre Premiers ministres m'ont fait la même réponse : il y a pas de consensus. C'est-à-dire qu'en fait, ils n'ont pas eu le courage de modifier le mode de scrutin. »

Q - Alors là, si c'est fait.

- « Je le voterai. »

Q - Et que ferez-vous sur Rhône-Alpes à ce moment-là ? Est-ce que cela pourrait vous amener à retourner devant les électeurs d'une façon ou d'une autre ?

- « Ce n'est pas moi qui décide, c'est le Gouvernement qui organisera. Je ne peux rien décider, c'est le Gouvernement qui décidera éventuellement de dissoudre les conseils régionaux. Mais il me paraîtrait plus sage, en réalité, de continuer à gérer la région comme je l'ai fait depuis dix ans sans majorité, avec des majorités dossiers par dossiers, projets par projets. Cela me paraîtrait plus logique dans l'état actuel des choses. »