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Depuis trop longtemps l'on dit que l'Afrique s'enfonce dans le sous-développement, que ses difficultés politiques et économiques la vouent à l'exclusion. Aujourd'hui, les pays africains prennent leur destin en main. Sur le plan politique, la démocratie progresse : on l'a vu en Centrafrique, au Gabon et au Mali, où des élections se sont déroulées sous le regard des observateurs internationaux ; on l'a vu en Côte-d'Ivoire où la transition s'est opérée conformément à la Constitution.
Sur le plan économique, les Etats de la zone franc se donnent les moyens de rejoindre la communauté internationale. Leurs chefs d'État ont pris la décision de fixer de nouvelles parités. Cette mesure courageuse était nécessaire ; elle a été prise avec sérieux.
Le changement de parité du franc CFA et du franc comorien va mettre un terme aux anticipations lancinantes qui ont conduit à une fuite continue et croissante des capitaux. En diminuant les coûts de production, il doit permettre le retour dans ces pays de la croissance. La réduction des déficits publics réduira leurs arriérés, qui avaient atteint des sommets vertigineux. La conclusion, de nouveau possible, d'accords avec le FMI et la Banque mondiale, ouvrira la voie aux accords sur la dette avec le Club de Paris et le Club de Londres et permettra, enfin, la mise en place de financements multilatéraux importants.
La France est d'ailleurs intervenue auprès des institutions financières internationales pour avoir l'assurance de concours substantiels et pour que soient repris les financements jusqu'ici suspendus, Elle appelle les pays occidentaux à soutenir nos partenaires africains dans les institutions multilatérales ; et l'Union européenne à se mobiliser en faveur de pays qui viennent de prendre une décision courageuse.
Le plein effet des décisions survenues le 11 janvier ne s'exercera que si l'inflation est maîtrisée. On n'évitera guère la hausse mécanique du prix de certains produits importés, mais des dispositifs appropriés sont prévus pour y remédier. Mais il sera impératif de tenir bon sur les salaires et de renforcer une meilleure gestion interne des États concernés.
C'est un événement historique que quatorze États souverains prennent ensemble des décisions monétaires d'une telle ampleur. En appuyant ces décisions la France réaffirme sa volonté d'aider ses partenaires africains à renforcer la zone franc. Edouard Balladur a confirmé dans ces mêmes colonnes (le Monde du 23 septembre 1993) l'engagement sans faille mais exigeant de la France en Afrique. S'agissant des décisions monétaires, il a rappelé que de telles mesures ne pouvaient résulter que d'une volonté africaine.
Un effort considérable
La France soutient donc la décision de ses partenaires. Mais elle en mesure tous les risques. Pour que l'endettement public extérieur des États africains de la zone ne se trouve pas alourdi, la France annule l'intégralité des dettes liées aux concours d'aide publique accordés aux pays les moins avancés (PMA) et la moitié des dettes liées aux concours d'aide publique au développement accordés aux pays à revenu intermédiaire (PRI), soit un stock d'arriérés et des dettes de 25 milliards de francs dont 6,6 pour le PMA et 18,4 pour les PRI : il s'agit donc d'un effort considérable.
Pour remédier aux situations sociales les plus difficiles, la France créée aussi un fonds spécial de développement de 300 millions de francs pour financer des équipements locaux, des opérations à haute intensité de main-d'œuvre et des actions à caractère social, sanitaire et éducatif.
Les changements de parité ne modifient en rien les règles de fonctionnement de la zone franc, notamment la libre convertibilité et la libre transférabilité bancaire qui restent, avec la fixité des parités, les vrais piliers de la zone. L'intégration régionale doit plus que jamais s'y réaliser. La voie d'un retour à la croissance est ainsi à nouveau ouverte : il n'était plus acceptable que le développement reste un horizon toujours plus inaccessible. La coopération française peut désormais retrouver son vrai sens, qui est d'aider nos partenaires africains à accomplir eux aussi, leur œuvre de redressement. C'est bien d'un nouveau départ qu'il s'agit.