Articles de M. Jean-Claude Tricoche, délégué national de la FEN, et de Mme Françoise Bottin, dans "FEN Hebdo UNSA" des 27 mars et 10 avril 1998, sur la situation des GRETA en 1996, l'apprentissage (enquête du CEREQ), et les dispositions du projet de loi de lutte contre l'exclusion en matière d'emploi et de formation, notamment le programme TRACE en faveur des jeunes en difficulté.

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Média : FEN Hebdo

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FEN HEBDO UNSA - 27 mars 1998

* La situation des GRETA en 1996

Le ministère de l’Education nationale a réalisé une enquête sur l'activité des académies en formation des adultes, en 1996. Les situations sont diverses mais, globalement, des tendances se dégagent : perte de chiffre d'affaires de 5 % par rapport à 1995, 8 % de non-renouvellement de contrats de contractuels, par exemple. En 1997, la situation tendrait à se stabiliser, sous réserve de la pertinence des estimations.

Il faut au préalable préciser que 5 académies sur 30 ont répondu partiellement et qu’une n’a pas répondu.

On compte 286 groupements d’établissements GRETA dont 84 % sont territoriaux et 16 % sectoriels. La moitié des académies n’a que des GRETA territoriaux mais Créteil n’a que des GRETA sectoriels.

L’adhésion et la participation des établissements aux GRETA sont différentes suivant le type d’EPLE. Si seulement un collège sur 5 est réellement « actif », 6 lycées sur 10 et 3 LP sur 4 participent à la formation des adultes.

* Les personnels

Pour 28 académies, on compte 1 258 conseillers en formation continue, CFC, dont un sur quatre implanté à la DAFCO/CAFOC et 2 % « ailleurs » , au ministère ou affectés à d’autres missions.

Pour 29 académies, on compte 1 806 emplois gagés formateurs, dont un tiers est occupé par des maîtres auxiliaires, et administratifs.

Pour 27 académies, on compte 6 544 personnels contractuels (personnes), dont deux tiers de formateurs et un tiers d’administratifs. 510 contrats n’ont pas été renouvelés en 1996, 370 formateurs et 140 administratifs.

L’indicateur représenté par le ratio chiffre d’affaires/effectif de contractuels est révélateur des politiques très diverses des académies. Par exemple, pour un chiffre d’affaires quasiment équivalent, on compte 348 contractuels à Créteil et 503 à Lille.

* L’évolution des chiffres d’affaires

D’après les chiffres 1995 et 1996, qui s’appuient sur les comptes financiers, la perte de chiffre d’affaires serait donc encore d’un peu plus de 5 % en 1996 par rapport à 1995. La situation tendrait à se stabiliser en 1997, sous réserve de la pertinence des estimations fournies par 21 académies.

Sur 26 académies, on observe que le chiffre d’affaires des  DAFCO/CAFOC, en 1996, représente 3,85 % du chiffre d’affaires académique. D’où l’interrogation du ministère : les  DAFCO/CAFOC concurrencent-ils leurs propres GRETA ?

La cotisation concernant les fonds académiques mutualisés varie, en 1997, de 1,5 % à 10 % du chiffre d’affaires des GRETA, mais ces deux extrêmes ne sont pas représentatifs. La moyenne se situe, pour 28 académies, à 4,7 %.

* Les formations

Vingt académies seulement utilisent le logiciel STAGE de façon généralisée.

28 académies ont accueilli, en 1996, 504 590 stagiaires et réalisé 74 988 207 heures. 37 % de ces stagiaires ont bénéficié de formations individualisées.

Sur 24 académies, 18 préparent à des certificats de qualification professionnelle, 4 à des certificat de l’AFPA et 16 à d’autres titres homologués.

Les académies assurent aussi d’autres prestations : validation des acquis pour 26 académies, bilans de compétences pour 22 et conseil et ingénierie également pour 22 d’entre elles. Ces dernières prestations ont été réalisées par les DAFCO/CAFOC (232) et les GRETA (898).

Seulement 10 académies ont pu répondre à la question sur la part de marché occupée par les GRETA, il n’est donc pas possible d’en tirer des observations pertinentes.

Les résultats de cette enquête confortent les analyses et les propositions de la FEN. Il est urgent que le ministère ouvre la concertation sur des propositions concrètes pour renforcer la mission de formation continue de l’Éducation nationale afin de remobiliser l’ensemble du réseau et de ses acteurs.


FEN HEBDO UNSA - 10 avril 1998

Apprentissage : de nouveau parcours de formations

Le nombre de jeunes entrant en apprentissage a augmenté de 54 % entre 1992 et 1996. Si la majorité d'entre eux prépare encore un CAP, l'engouement pour l'apprentissage concerne avant tout les diplômes d'un niveau supérieur au baccalauréat. Cette diversification des voies d’accès à la qualification peut être bénéfique pour certains jeunes, à condition que les problèmes de tutorat, de qualité de la formation et d'insertion soient réellement traités.

Aujourd'hui, l'éventail des formations par apprentissage couvre la majorité des diplômes technologiques et professionnels de l’Éducation nationale, mais aussi la plupart des titres et diplômes délivrés par les ministères de 'Agriculture, de Jeunesse et Sports, de la Santé ainsi que par les chambres consulaires.

Depuis 1987, des dispositions législatives ont ouvert l'apprentissage à de nouveaux diplômes, alors qu'avant, ce mode de formation par alternance, sous contrat de travail, était surtout réservé à des jeunes préparant un CAP. Progressivement l'éventail des formations par apprentissage s'est élargi : baccalauréats professionnels et BTS, puis DUT et autres diplômes de l'enseignement supérieur.

Une récente publication du CEREQ (*) fait le point sur ces évolutions.

* Plus de diplômes, plus d’apprentis

L'apprentissage prend une nouvelle place dans le système de formation initiale. En quatre ans, le nombre d'apprentis a augmenté de 54 %. En 1996, plus de 170 000 jeunes débutaient un cycle de formation par apprentissage, d'autre part, la préparation d'un diplôme de niveau supérieur au CAP ou au BEP concerne maintenant plus d'un quart des apprentis. La préparation, par l'apprentissage, de certains types de diplômes, s'est développée de façon spectaculaire : BTS multipliés par cinq. Bac pro multipliés par trois.

La préparation, par l'apprentissage, d'un DUT ou d'un diplôme d'ingénieur attire un nombre croissant de jeunes. Si leur part, dans l'ensemble des apprentis, reste faible, l'ouverture de ces diplômes à l'apprentissage a contribué à rénover son image.

Le repositionnement de l'apprentissage dans le système éducatif s'accompagne également d'une élévation du niveau de formation des jeunes qui s'engagent dans cette voie.

* Transformation des filières de formations

Jusqu'au début des années 90, à l'issue d'un CAP, l'apprenti qui souhaitait poursuivre son cursus n'avait que trois possibilités : passer un autre CAP dans un métier connexe, suivre une spécialisation sous la forme d'une mention complémentaire, préparer un brevet professionnel ou un brevet de maîtrise.

L'ouverture de ce mode de formation à la plupart des diplômes technologiques et professionnels est venue bousculer ce modèle traditionnel. On distingue maintenant quatre types de filières.

Les filières soins personnels, santé, alimentation, n'ont pas, ou peu, utilisé la possibilité d'ouvrir de nouveaux diplômes à l'apprentissage et sont restées des « filières courtes ».

D'autres « filières courtes » sont en évolution : cuisine, travail du bois, construction métallique... bâtiment. Si les CAP y sont encore nettement majoritaires, elles ouvrent l'apprentissage à des BEP et mettent en place quelques cursus BEP-Bac pro.

Les filières commerce, mécanique, électricité, électro-technique, électronique, hôtellerie et agriculture sont devenues des « filières mixtes » dans lesquelles deux modèles coexistent. Outre le modèle traditionnel CAP  brevet professionnel, elles proposent des cursus CAP-Bac pro-BTS ouvrant l'accès à des emplois de techniciens. Ces filières ont vu leurs effectifs s'accroître fortement.

Enfin, de « nouvelles filières » se sont ouvertes à l’apprentissage : comptabilité-gestion, secrétariat-bureautique, plasturgie-matériaux composites, contrôle-qualité. En rupture totale avec l'image traditionnelle de l'apprentissage, ces filières proposent des diplômes commençant au niveau Bac pro ou BTS et pouvant aller au diplôme d'ingénieur.

* De nouveaux parcours de formations

Une enquête menée par le CEREQ, auprès de 5 000 jeunes en 1996, montre que la moitié des apprentis ont suivi un parcours composé au moins de deux cycles d’apprentissage.

Au-delà des cursus classiques (CAP-BEP ; CAP-mention complémentaire ; CAP-brevet professionnel), l'ouverture de l'apprentissage à tous les niveaux de diplômes et les évolutions que cela génère dans certaines filières, font apparaître de nouveaux parcours de formation.

Le diplôme qui illustre le mieux les transformations en cours, dans certaines filières, est le baccalauréat professionnel. Il est en effet à la charnière de deux types de parcours doubles. Un premier parcours permet aux apprentis d'obtenir un BEP, puis un Bac pro, dans les filières mécanique automobile, commerce ou hôtellerie, par exemple. Un second parcours peut commencer au Bac pro et se poursuivre par un BTS, surtout dans les filières mécanique générale, électronique ou bureautique.

Le baccalauréat professionnel se situe également au cœur d'un « parcours long » où se succèdent BEP-Bac pro et BTS, par exemple dans la filière bois, l'hôtellerie ou le secteur agricole.

En conclusion, l'étude du CEREQ souligne la mutation que traverse l'apprentissage, qui apparaît désormais comme un mode de formation à part entière, conjuguant poursuite d'études, premières expériences professionnelles et autonomie financière.

Néanmoins, ne sont pas évoqués dans cette étude les problèmes que rencontrent les apprentis : qualité insuffisante de certaines formations, ruptures de contrats, manque de liaison Centres de formation d'apprentis/entreprises, accidents du travail, difficultés d'insertion pour certaines filières…

Ce nouveau contexte renforce la pertinence de notre demande d'une réflexion globale sur la formation professionnelle et sur l'ensemble des financements des formations par alternance, qu'elles soient sous statut scolaire ou sous contrat de travail.

D'autre part, concernant l'apprentissage, nous demandons que des réponses soient apportées aux problèmes évoqués ci-dessus. L'augmentation massive du nombre d'apprentis ne doit pas se faire au détriment de la qualité, déjà insuffisante pour certaines formations. L'augmentation du niveau des formations par apprentissage ne doit pas se faire au détriment des jeunes les plus en difficulté.


(*) Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications – Bref n°139, février 98


FEN HEBDO UNSA - 10 avril 1998

Emploi et formation pour lutter contre les exclusions

Le projet de loi contre les exclusions comporte une série de dispositions pour garantir l'accès à l'emploi, Deux mesures sont réellement nouvelles : le programme TRACE pour les jeunes en difficulté et le contrat de qualification pour les chômeurs de 26 ans et plus.

Adopté par le conseil des ministres du 25 mars, le projet de loi d'orientation relatif à la prévention et à la lutte contre les exclusions comporte 3 titres et 82 articles.

L’article 1er du texte affirme de manière solennelle que « la lutte contre les exclusions est un impératif national et une priorité de l'ensemble des politiques de la Nation ».

Dans le titre 1, consacré à « l'accès aux droits fondamentaux », 14 articles portent sur l'accès à l'emploi et à la formation.

Trajet d'Accès à l'Emploi (TRACE)

L’article 2 du projet de loi met en place, à l'initiative de l’Etat, un programme d'accompagnement personnalisé et renforcé pour l'accès à l'emploi des jeunes de 16 à 25 ans en difficulté et confrontés à un risque d'exclusion professionnelle.

En application de la loi de décentralisation du 7 janvier 1983, une convention-cadre peut être conclue entre l’Etat et la région pour la mise en œuvre des « trajets d'accès à l'emploi » (programme TRACE).

Le public visé :
Sont concernés par TRACE les publics de l'ex-programme PAQUE, c’est-à-dire les jeunes de 16-25 ans de niveau scolaire VI ou V bis avec des handicaps sociaux, familiaux, culturels. En trois années, 60 000 jeunes devraient entrer dans les trajets d'accès à l'emploi (10 000 en 1998 et 40 000 en 1999).

Les opérateurs concernés :
La mise en œuvre du programme TRACE repose sur la conclusion de contrats ou conventions passés en priorité entre l’Etat et les missions locales et PAIO ou à défaut, avec les agences locales pour l'emploi. Éventuellement des « opérateurs externes » peuvent être conventionnés par le Préfet de région. Tous les opérateurs sont tenus à une obligation de résultats (insertion dans l'emploi).

Les modalités :
Les jeunes bénéficient d'un accompagnement intensif et personnalisé pouvant aller jusqu'à 18 mois, dans un parcours incluant des périodes de travail (CDD, intérim, contrat en alternance, CES ... ) et des périodes de formation. Ce parcours doit déboucher sur l'accès à un emploi durable.

Les jeunes bénéficient d'une rémunération en fonction des différentes phases de leur parcours (salarié, stagiaire de la formation professionnelle). Pendant les périodes non couvertes par un contrat ou une formation, ils peuvent percevoir une aide financée par un fonds d'urgence (FAJ). Pendant ces périodes interstitielles les jeunes bénéficient d'une affiliation au régime général de Sécurité sociale.

Face à la dégradation de la situation des jeunes en grande difficulté, l'UNSA accueille favorablement un retour de l'intervention de l’Etat, à condition que celle-ci s'articule avec les actions des régions menées dans le cadre de la loi de décembre 1993.

* Contrat de qualification pour adultes

A titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2000, le contrat de qualification (contrat de formation en alternance des jeunes de 16 à 25 ans) est ouvert aux demandeurs d'emplois de 26 ans et plus, rencontrant des « difficultés sociales et professionnelles » (Article 13 du projet de loi).

Cette expérimentation sera mise en œuvre et évaluée en concertation avec les partenaires sociaux. Ces derniers sont invités à négocier avant le 31 décembre 1999, au niveau national et interprofessionnel, les modalités d'une mise en place pérenne de ce dispositif.

Les adultes en contrat de qualification seraient rémunérés au SMIC, contrairement aux jeunes qui perçoivent une rémunération comprise entre 30 % et 75 % du SMIC, selon leur âge et leur ancienneté dans le contrat.

La prime à l'embauche versée par l’Etat aux employeurs signataires d'un contrat de qualification adulte serait modulée de 5 000 à 15 000 F. Pour les contrats jeunes 16-25 ans, elle varie de 5 000 à 7 000 F suivant la durée du contrat.

Si les entreprises jouent le jeu, le contrat de qualification peut permettre le retour à l'emploi de chômeurs de longue durée.

Mais pour l'UNSA, des dispositions devront être prises pour éviter la concurrence entre les publics jeunes et adultes. Sans maîtrise de l'effet de substitution, la file d’attente du chômage ne serait pas réduite mais seulement modifiée dans sa composition.

* Autres dispositions pour l'emploi

Certains articles du projet de loi modifient des dispositifs existant :

Les stages d’insertion et de formation à l'emploi (SIFE) seront ouverts à des personnes rencontrant des difficultés particulières notamment aux parents isolés et à certains détenus ou détenus libérés.

Les contrats emploi solidarité (CES) seront recentrés sur les publics les plus en difficulté : demandeurs d'emplois de longue durée, bénéficiaires du RMI, personnes handicapées, bénéficiaires de l'allocation de solidarité ou de parent isolé.

L'accès direct à un contrat d'emploi consolidé (CEC) sera possible pour les publics visés par le CES. En outre, le CEC pourrait être ouvert aux personnes qui ne peuvent trouver un emploi ou une formation à l'issue d'un CES, d'un contrat d'insertion par l'activité ou d'un contrat de travail conclu avec une entreprise d’insertion.

La lutte contre l'illettrisme est affirmée comme faisant partie de l’éducation permanente. Elle sera inscrite dans le livre IX du code du travail relatif à la formation professionnelle. Enfin, les bénéficiaires de certains minima sociaux pourront accéder aux mêmes avantages que les jeunes créateurs d'entreprises. Un véritable statut sera inscrit dans le code du travail pour les entreprises du secteur de l’insertion par l'économie. D'autre part, dans les DOM, les Rmistes bénéficiaires de contrat d'insertion par l'activité auront accès aux emplois-jeunes. L'ensemble de ces dispositions s' inscrit dans un plan triennal de lutte contre l'exclusion d'un coût de 51,4 milliards de francs (dont 38,3 milliards à la charge de l’Etat), sur lequel l'UNSA porte un jugement positif en demeurant vigilante sur la mise en œuvre.