Communiqué de M. Jean-Claude Tricoche, secrétaire national de la FEN, et déclaration de M. Guy Le Néouannic, secrétaire général de la FEN, sur les propositions de la FEN pour un meilleur service public de l'éducation, à Paris le 27 janvier 1994, publiés dans "FEN hebdo" du 28 janvier 1994.

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Circonstance : Table ronde sur l'avenir du système éducatif et l'amélioration de son fonctionnement organisée par le Premier ministre à Paris le 27 janvier 1994

Média : FEN Hebdo

Texte intégral

FEN hebdo : 28 janvier 1994

Table ronde à Matignon - Jean-Claude Tricoche

Annoncée par Premier ministre, la table ronde sur « l'avenir du système éducatif et l'amélioration de son fonctionnement » s'est tenue à Matignon le 27 janvier. Après l'intervention de la douzaine d'organisations représentées, Édouard Balladur, entouré de 6 ministres, a annoncé la mise en place de la table ronde et d'un groupe de travail sur la rentrée 1994-95.

Présidée par le Premier ministre, la table ronde du 27 janvier regroupait les représentants des personnels et usagers de l'école publique et les ministres de l'Éducation nationale (F. Bayrou), de la Fonction publique (A. Rossinot), du Budget (N. Sarkozy), du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (M. Giraud), de la Jeunesse et Sports (M. Alliot Marie) et de l'Aménagement du Territoire et Collectivités Locales (D. Hoeffel). La FEN a regretté l'absence du ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, et de celui de l'Agriculture et de la Pêche, tous deux responsables d'établissements de formation du Service public.

Les personnels de l'Éducation nationale étaient représentés par 8 Fédérations : FEN (Guy Le Néouannic, Jean-Claude Tricoche), FSU, FERC et UNSEN-CGT, SNALC-CSEN, SGEN-CFDT, FNEC-FP-FO, FAEN, SCENRAC-CFTC.

Les usagers de l'école étaient représentés par la FCPE et la PEEP pour les parents et pour les élèves par deux représentants lycéens du Conseil Supérieur de l'Éducation.

En introduction, le Premier ministre a souhaité que soit « donné un élan nouveau au système éducatif ». Après les interventions de chacune des organisations présentes, le ministre de l'Éducation nationale a regroupé en thème les « principales questions qui remontent » des entretiens bilatéraux qu'il a menés ces derniers jours : l'école et la Nation, l'école et la société, le besoin culturel, les relations entre l'école et les métiers, les élèves en difficulté, l'école et ceux qui la servent. Il a proposé de déboucher sur un « nouveau contrat pour l'école ».

En conclusion, le Premier ministre a annoncé 4 tables rondes pour « organiser le débat national et étudier les grandes questions ». Il en a fixé les thèmes :

1°) Missions et contenus du système éducatif : école, collège et lycée, formation professionnelle, aide aux élèves en difficulté, orientation, télévision et nouvelles technologies éducatives ;

2°) L'école et la société: villes et zones d'éducation prioritaires, aménagement du territoire, monde rural ;

3°) La vie dans les établissements scolaires : rythmes scolaires, rôle des parents, violence, médecine et santé scolaire, sécurité, organisation et fonctionnement des établissements ;

4°) Les métiers de l'éducation : définition, recrutement, formation, évaluation, administration.

Pour la rentrée 1994 le Premier ministre a demandé à François Bayrou de mettre en place un groupe de travail spécifique qui doit conclure, fin février, sur des mesures d'urgence envisageables. Le Premier ministre a précisé qu'il attendra la fin des travaux (en principe fin du mois de mai) des 4 tables rondes pour prendre des décisions et des engagements, il « n'exclut rien a priori ».


Intervention du Secrétaire général de la FEN -  Guy Le Néouannic

Agir pour la démocratisation

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,

Dans la dernière période, de très puissants mouvements d'opinion ont démontré, notamment le 16 janvier dernier, l'attachement de nos concitoyens au Service public en général, et au Service public d'éducation en particulier, aux valeurs que porte l'école laïque, fondement de la République et ciment de notre Nation.

Aujourd'hui s'ouvre à votre initiative une consultation nationale sur « l'avenir du système éducatif et l'amélioration de son fonctionnement », cela correspond à notre attente, car la FEN a toujours inscrit l'éducation et la formation des jeunes au cœur de ses réflexions et de ses revendications. Mais vous comprendrez, monsieur le Premier ministre, que pour nous, il s'agit bien de traiter ici du Service public d'éducation, le seul dont l'organisation à tous les niveaux est, pour l'État, une obligation constitutionnelle.

Dans ce débat, la FEN entend donc réaffirmer que son objectif est bien d'agir pour la démocratisation accrue, la promotion et la transformation qualitative du Service public d'éducation. C'est pourquoi nous avons souhaité que cette négociation s'inscrive dans une approche globale du système éducatif avec pour objectif de favoriser la continuité éducative entre divers paliers, école, collège, lycées, enseignement supérieur, permettant à chaque jeune d'aller au maximum de ses capacités et d'acquérir une formation qui participe pleinement à son insertion professionnelle et sociale. Aussi permettez-moi de regretter l'absence autour de cette table du ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, et de celui de l'Agriculture et de la Pêche qui sont pourtant partie prenante de la formation et de l'éducation des jeunes. Nous souhaitons vivement qu'ils soient directement associés aux étapes suivantes de nos discussions. Après avoir ainsi précisé ce qui guide notre approche, je voudrais vous présenter les dossiers que la FEN souhaite ouvrir pour permettre à l'École Publique et laïque, d'assurer toujours mieux toutes ses missions.

En premier lieu, l'égalité d'accès au Service public d'Éducation doit être assurée partout sur le territoire national. Pour cela, l'implantation des établissements, leur localisation, leur architecture, leurs équipements et leur sécurité sont des éléments déterminants. Tout autant que les budgets de fonctionnement, les crédits pédagogiques et les moyens documentaires dont ils disposent.

La répartition géographique équitable de la carte des formations, l'accueil et l'encadrement des élèves, les conditions d'enseignement, l'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés, l'accès à l'enseignement supérieur, doivent garantir à chacun le droit à l'éducation, à l'acquisition d'une culture générale et d'une qualification reconnue.

Le Service public d'Éducation doit pouvoir prendre en compte les spécificités et les besoins nouveaux, particulièrement dans les zones dites sensibles. Pour encourager les équipes éducatives dans leurs initiatives, il faut accorder aux établissements concernés des moyens propres.

D'une façon plus générale, la FEN demande l'ouverture d'une réflexion sur la réorganisation de la gestion administrative, matérielle et financière du système éducatif et sur la modernisation et l'évolution des méthodes de travail dans la filière ouvrière. Toutes les missions du Service Public d'Éducation doivent être assurées y compris celle de la formation professionnelle. Or nous constatons que la politique de votre gouvernement, dans ce domaine, tend à favoriser le développement concurrent de l'apprentissage. Les formations en alternance sous statut scolaire, dont nous avons été les artisans, sont négligées ou remises en cause autant par la loi quinquennale du 20 décembre 1993 que par les mesures complémentaires prises à ce jour. Pourtant tous les partenaires s'accordent à en reconnaître l'efficacité et la qualité des formations délivrées par le Service public. Dans ce domaine, l'Éducation nationale a démontré sa capacité à innover et à s'adapter à la demande économique. Son potentiel doit être renforcé à partir des lycées professionnels technologiques pour mieux articuler formation initiale et formation continue, élargir et diversifier l'offre.

Tous les personnels concourent à la mission éducative du Service public quel que soit leur métier. Le deuxième axe des demandes de la FEN concerne donc l'exercice de leurs missions. Pour chacune des catégories, enseignants, enseignants chercheurs, personnels d'accueil, d'entretien et de maintenance, de laboratoire, ingénieurs, techniciens, personnels d'administration, de gestion et de direction, personnels d'éducation, du service social et du service de santé, personnels responsables de l'évaluation, personnels de la recherche, des négociations doivent s'ouvrir pour améliorer leur formation et les conditions d'exercice de leurs métiers. Les personnels auxiliaires, contractuels ou vacataires doivent bénéficier de mesures favorisant leur titularisation. Nous considérons que ce dossier des missions des personnels est un facteur déterminant afin de rendre encore plus efficiente l'action du Service public. A contrario, les tentatives de privatisation ou de transfert de certaines missions remettent en cause la cohérence de son intervention.

Les travaux que notre Fédération mène sur le problème de la violence dans les établissements scolaires font apparaître nécessité de conforter l'Action des équipes éducatives et d'impulser des partenariats avec les autres Services publics et les acteurs de la cité. De même, ils mettent l'accent sur l'indispensable besoin de formation à l'exercice de la profession et de son suivi. L'absence aujourd'hui du ministre chargé de la formation des enseignants ne peut que renforcer notre inquiétude après une série de mesures qui dénaturent la mission des IUFM.

Sur toutes ces questions, la FEN, souhaite que le ministre de l'Éducation nationale invite les Recteurs et les Inspecteurs d'Académie à transmettre tous les éléments d'information utiles après avoir procédé, au plus près du terrain, dans un cadre institutionnel, aux consultations nécessaires.

Enfin, comme chacun sait bien qu'il n'est pas de rénovation possible sans moyens nouveaux, la FEN estime que la consultation nationale que vous engagez aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, devra nécessairement déboucher sur des décisions budgétaires et nous avons avancé l'idée d'une loi de programmation et d'investissement pour l'Éducation nationale. Nous souhaitons entendre de votre part un engagement clair sur ce point afin de démontrer que cette concertation sera utile.

Ceci n'écarte, bien évidemment pas, la nécessité de moyens supplémentaires pour la rentrée 1994. Ils doivent s'inscrire comme une première étape de l'amélioration du Service public d'Éducation et comme une première démonstration de la volonté de votre gouvernement de redonner la priorité à l'investissement éducatif et à l'École Publique Laïque.