Texte intégral
P. Lapousterle : Avez-vous ouvert une nouvelle étape commerciale avec la Chine ?
G. Longuet : Si j'ai pu aller en chine, c'est bien parce que le Premier ministre avait pris l'initiative courageuse de reprendre des relations normales avec la chine, en dépit des difficultés propres à ce pays. C'est parce que Balladur y est allé en avril que j'ai pu emmener une délégation de 150 chefs d'entreprise en juillet. On va vers des relations plus normales avec la Chine. Ça avance bien. Les chefs d'entreprise qui m'ont accompagné qui étaient en négociations depuis de nombreuses années avec l'administration chinoise ont eu le sentiment que les choses allaient beaucoup plus vite. Exemple : la Chine a décidé de reprendre ses livraisons de céréales en France. C'est une décision politique. C'est l'expression d'une bonne volonté. Ça ne veut pas dire qu'elle ne cherche pas à les avoir aux meilleurs prix.
P. Lapousterle : La Chine sera-t-elle la puissance que l'on dit, à l'avenir ?
G. Longuet : Je n'avais pas l'ambition au cours d'un déplacement de huit jours, même avec les contacts plus passionnants, du président de la République jusqu'à des chefs d'entreprise français implantés sur le terrain, de porter un jugement définitif sur la Chine. Il est évident qu'il s'y passe des choses. Il y a dans les grandes zones urbaines de formidables investissements immobiliers, qui correspondent aux besoins d'expansion démographique et de déplacement de population. Il y a une volonté de rattrapage. Il y a une volonté de libéralisation économique. Maintenant, c'est quand même un pays qui a beaucoup à faire et qui a peut-être devant lui le plus dure à faire : des infrastructures, la formation des hommes.
P. Lapousterle : 1,2 milliard de francs de crédit a été mis à la disposition de la chine. Mais on dit que les contrats ne sont pas encore là.
G. Longuet : C'est totalement inexact. Ces crédits de protocole sont des prêts préférentiels qui doivent être remboursés et que la Chine a toujours remboursés. Nous lui en avions faits par le passé. Une première tranche de 604 millions a été signée à Pékin en ma présence. Elle est entièrement consommée sur des projets d'équipements non-rentables. On n'a pas le droit de financer sur protocole des équipements rentables. Ce sont donc des infrastructures. La deuxième tranche de 600 millions, ça se bouscule au portillon : les entreprises françaises qui ont des projets qui peuvent être couverts par ce protocole sont très nombreuses et très désireuses que ces sommes soient consommées. Je n'ai aucune inquiétude sur cette consommation.
P. Lapousterle : Tant pis pour la démocratie en Chine ?
R. Les échanges des produits, des hommes et, inéluctablement, des idées font évoluer un pays. Nous n'avions jamais eu l'ambition, nous, Français, de donner, non des leçons, mais un mouvement qui fasse changer les choses. Je ne suis pas sûr que ce soit à notre portée.
P. Lapousterle : La France a marqué sa désapprobation à une époque.
G. Longuet : La France continue de souhaiter la démocratie dans le monde entier et partout où elle est menacée. Nous avons la juste proportion de nos moyens. Nous savons parfaitement et saurons que la meilleure façon de développer la démocratie, c'est d'échanger les informations, les hommes et les produits. Le commerce extérieur joue un petit rôle dans cette direction. Quoi de plus déstabilisant pour un système autoritaire que la comparaison des modes de vie ?
P. Lapousterle : Il faut nouer des relations commerciales avec toutes les dictatures du monde ?
G. Longuet : Avec les régimes les plus difficiles. Dans le cas de la Chine, ce que nous faisons, notre présence industrielle et économique, et je l'espère, culturelle est un facteur d'évolution de ce pays.
P. Lapousterle : Le plongeon du dollar n'est-il pas un grave inconvénient pour notre commerce extérieur ?
G. Longuet : Si, et pour tous les pays du monde, sauf les États-Unis et certains pays industriels d'Asie qui libellent leurs ventes en dollars. Pour l'Allemagne, l'Europe, l'Angleterre, le Japon cet effondrement du dollar est une vraie difficulté. À l'origine, il y a le fait que les États-Unis et le Japon n'arrivent pas à équilibrer leurs échanges. Le paradoxe, c'est que plus le dollar descend, plus l'excédent commercial du Japon sur les États-Unis augmente, ce qui est parfaitement incompréhensible. Je reçois cet après-midi le ministre japonais du MITI. On verra comment équilibrer ces relations. Un dollar faible, c'est un vrai problème pour l'économie mondiale.
P. Lapousterle : Que faire ?
G. Longuet : La responsabilité, elle est aux États-Unis et dans leur capacité à équilibrer leur commerce extérieur, en particulier avec la zone yen. S'ils y parviennent, ils font tout pour, on a des raisons d'espérer. S'ils n'y parviennent pas, nous aurons un commerce mondial durablement déstabilisé. Les points d'interrogation l'emporteront sur les certitudes.
P. Lapousterle : Vous appartenez à un gouvernement qui défend le franc fort…
G. Longuet : … le franc stable et convergence européenne.
P. Lapousterle : Le dollar baisse. C'est comme si on n'avait rien fait.
G. Longuet : Si nous avions abandonné cette convergence des monnaies européennes, nous ne serions pas en mesure d'envisager ce qui est l'objectif : une solidarité européenne autour d'un même projet monétaire commun. Le jour où l'Europe aura une monnaie suffisamment solidaire et commune pour constituer une valeur de rechange, d'appui, de protection, les variations du dollar auront un peu moins d'importance. Aujourd'hui, même quand il baisse, les créanciers continuent d'accepter le dollar. C'est pour cela que le dollar peut baisser impunément : le dollar baisse, mais les gens continuent de prendre du dollar. Les déficits américains, publics et commerciaux, sont couverts parce que le dollar reste une valeur-refuge. Établissons en Europe l'équivalent d'une valeur-refuge européenne. A ce moment-là, on sera libéré de ce type de contrainte.
P. Lapousterle : Six candidats se sont plus ou moins avancés pour la compétition présidentielle.
G. Longuet : Il y a également 55 millions de Français qui seront également présents dans la compétition présidentielle qui se joue avec les électeurs, principalement avec eux.
P. Lapousterle : Comment la majorité va-t-elle postuler parmi tous ces postulants ?
G. Longuet : Grâce aux électeurs. Je souhaite pouvoir mettre en place, avec C. Pasqua, le mécanisme des primaires. Si nous ne l'avions pas, ce sont les électeurs français, à travers leur sentiment exprimé dans toute cette phase de préparation qui décantera. Je n'imagine pas que ces hommes aussi raisonnables, puisqu'ils ont l'ambition légitime de diriger la France, ne puissent mesurer l'impact de leur démarche dans l'opinion et en tirer les conséquences le moment venu. Je concède à chacun des candidats le droit d'entretenir l'idée qu'il le sera jusqu'au bout. C'est le jeu de la politique. Mais lorsqu'on a l'ambition de présider la France, on a également la lucidité de mesurer son impact et ce que les Français attendent de vous.
P. Lapousterle : Avez-vous des signaux qui vous permettent de penser que certains auront la lucidité que vous demandez ?
G. Longuet : C'est mon optimisme confiant dans la qualité des hommes.
P. Lapousterle : Vous n'avez pas été déçu jusque-là ?
G. Longuet : Parfois. À tout péché miséricorde. C'est ceux qui se sont trompés qui peuvent retrouver le chemin de la raison. Je me suis également trompé.
P. Lapousterle : Pourquoi utiliser le mot « candidat unique de la majorité » quand tout le monde pense E. Balladur ?
G. Longuet : Ce qui compte, c'est la démarche : se rassembler sur un seul homme. Nous gouvernons ensemble. Nous avons été élus par les mêmes électeurs dans des circonscriptions qui ont été investies par des candidats uniques de la majorité. Nous avons à bâtir une cohérence Parlement-président pour les années à venir. Ce sera plus facile avec une candidature unique de la majorité. Les hommes, il y en a d'excellents. Mais la candidature unique correspond à l'immense majorité de nos électeurs. Le mien c'est le candidat unique. C'est l'expression d'une maturité, d'une réflexion. Cela veut dire que l'on dépasse nos querelles partisanes RPR-UDF. Cela veut dire que l'on dépasse nos querelles de générations. Cela veut dire que l'on est capable de dépasser nos querelles de personnes. Vis-à-vis de l'opinion, la droite présente un candidat unique, c'est une droite capable de gouverner et de maîtriser ses passions. Nous n'avons pas su le faire en 1981 et en 1988. Si nous le faisons en 1995, il y aura un déclic dans l'opinion qui permettra à ce président d'être bien élu et à cette majorité de bien gouverner. Il est évident qu'il n'y aura qu'un seul président. Mais il y a du travail pour tout le monde.
P. Lapousterle : Que ferez-vous s'il n'y a pas de primaires ?
G. Longuet : Je demanderai au PR de choisir un candidat.
P. Lapousterle : À l'intérieur du Parti ?
G. Longuet : On prendra sur le marché le bon produit.