Interviews de M. Claude Goasguen, vice-président de Démocratie libérale, à RTL le 21, et à France 2 le 22 juillet 1998, sur l'échec de l'initiative de M. Toubon au sein du Conseil de Paris et sur la préparation du budget de 1999.

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Média : Emission L'Invité de RTL - France 2 - RTL - Télévision

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RTL le mardi 21 juillet 1998

RTL : On va parler des évolutions de la droite, alors que vous-même, dans les derniers mois, vous avez montré un net désir de secouer les situations acquises. Par exemple, commençons par-là : à la mairie de Paris vous étiez aux côtés d’un Toubon, l’un de ceux que d’un Tiberi a qualifié « de putschistes. » Quel bilan faites-vous, aujourd’hui, de cette opération ?

Claude Goasguen : Un bilan très mitigé. Je crois que l’initiative de Jacques Toubon, qui portait sur des problèmes politiques graves de la capitale, n’a pas été très bien perçue par les Parisiens – et par les provinciaux d’ailleurs –. Et de ce point de vue, cette opération qui devait restabiliser la politique parisienne vers la modernité, n’est pas complètement réussie. J’en conviens. Aujourd’hui, il faut aller vers une stabilisation. Et il faut que tout le monde mette un peu du sien et que Paris trouve une normalisation. Et puis une modernité dans sa politique. Je crois que Jean Tiberi et Jacques Toubon sont prêts à le faire. Je crois que les Parisiens et moi-même, je m’en félicite.

RTL : S’il y a eu quasi-échec, comme vous dites, c’est parce que la contre-offensive d’un Tiberi a été plus coriace que prévu ?

Claude Goasguen : Non, parce que… D’abord ce n’est pas un quasi-échec, parce que Jacques Toubon a réussi à modifier une partie de la politique parisienne depuis quelques semaines, et c’est bien. Mais parce qu’on a personnalisé à l’excès ; et Jean Tiberi en parlant de putsch a assimilé à la tentative de Jacques Toubon une affaire personnelle. Et bien sûr, de ce point de vue, c’était habile et les Parisiens n’ont pas suivi, à juste titre. Mais en réalité, il va falloir maintenant gérer la ville de Paris d’une autre manière, car on voit bien que la pression de la gauche est forte. Et je crois qu’il est essentiel, pour la droite et la majorité municipales actuelles, de conserver Paris en faisant une politique moderne.

RTL : La modernité justement, ça veut dire que le groupe Paris… Que va-t-il faire ? Il se dissout ou… ?

Claude Goasguen : Je crois qu’il faut que ce groupe Paris demeure, car il a apporté, d’ores-et-déjà, au sein de la majorité municipale, une politique de proximité, de déconcentration, de modernité. Je crois qu’il est un atout, désormais, de la majorité municipale.

RTL : Jean Tiberi peut le comprendre ça ?

Claude Goasguen : Je souhaite qu’il le comprenne. Et en tout cas, nous faisons tout pour que les choses s’améliorent à Paris.

RTL : Jacques Toubon en tête ?

Claude Goasguen : Jacques Toubon en tête.

RTL : Je disais que vous ne vous êtes pas contenté des situations acquises ces derniers temps ; ça vaut aussi pour votre positionnement politique. On vous connaissait centriste et vous êtes devenu libéral. Vous avez quitté François Bayrou pour rejoindre Alain Madelin.

Claude Goasguen : Ne personnalisez pas encore une fois le débat. C’est pratique, mais enfin ce n’est pas toujours vrai. Non, je crois que nous sommes dans une phase où il ne faut pas se contenter de gérer les affaires courantes et de reproduire les schémas. Moi j’ai pensé qu’il fallait donner, quelquefois, quelques coups de pied dans une fourmilière qui dormait. Et je crois que beaucoup d’hommes politiques de l’opposition pensent la même chose que moi, et continuent de le penser. J’ai rejoint Alain Madelin, parce que j’ai senti du côté d’Alain Madelin, un vrai désir de renouvellement du discours politique. Et la volonté d’établir la future alternance sur un projet libéral, novateur. J’ai senti aussi sa volonté de ne pas céder aux sirènes d’une opposition ambiguë. Et je me suis donc retrouvé beaucoup mieux dans les nuances de la pensée libérale. Car vous savez, tout ça – les électeurs ne le savent pas –, mais tout ça, ce sont des nuances au fond, et il y a très peu de différences entre les centristes et les libéraux. Eh bien dans ces nuances, j’ai trouvé qu’Alain Madelin était un élément novateur indispensable pour la future majorité. Et c’est la raison pour laquelle je me suis joint à lui pour faire ce projet novateur.

RTL : Notamment parce qu’étant plus à droite, il peut amener certains électeurs du Front national à se rapprocher de l’opposition parlementaire ?

Claude Goasguen : Non, je ne crois pas. Je ne crois pas qu’Alain Madelin ait pour vocation d’amener des électeurs du Front national, comme on essaye souvent de le lui accrocher sur le dos. Je crois qu’Alain Madelin a un rôle très important à jouer, l’an prochain, lorsqu’on passera de l’opposition à la proposition, dans ce nouveau projet d’alternance qu’attendent les Français. Car au fond, pendant un an, nous avons assisté à des destructions dans l’opposition. Elles étaient sans doute indispensables – on aurait pu en éviter quelques-unes –. Je crois que l’année prochaine, ça doit être la phase de propositions. Les Français attendent que la droite se retrouve autour d’un projet d’alternance.

RTL : Qui va le rédiger ce projet ?

Claude Goasguen : Nous serons un certain nombre ; j’en serai certainement, parmi les rédacteurs, avec le RPR, avec des centristes, avec des libéraux. Mais il faut que ce projet montre une volonté de changement. Car les Français nous ont dit, en 1997, très nettement – et les électeurs continuent à nous le dire souvent –, que nous avions trop de ressemblance avec la politique social-démocrate menée par la gauche. Donc c’est probablement autour du libéralisme, sans excès doctrinal, que ce changement devra apparaître. Si nous voulons récupérer des électeurs de droite, encore faut-il être différents de la politique de gauche.

RTL : Un exemple : on voit que là où des présidents de région ont été élus avec le soutien du Front national, certaines subventions à des associations culturelles sont supprimées, sur critères politiques. Dans pareil cas vous êtes du côté des associations en question, même marquées à gauche ?

Claude Goasguen : Non, en réalité le problème c’est la présidence des conseils régionaux. J’ai toujours dit que Charles Milion, pour lequel j’ai de l’estime, se trompait. Qu’il était entre les mains du Front national, et que tant que le Front national n’aurait pas changé son discours, et n’aurait pas entamé son évolution, eh bien il ne pourrait pas y avoir de discussion avec les dirigeants du Front national. C’est vrai au niveau national, mais c’est hélas vrai au niveau régional. Et les présidents de région commencent à s’en apercevoir. Il y a des moments où on sent que le nœud coulant se rapproche du cou des présidents de conseils régionaux.

RTL : Que doivent-ils faire alors ? Démissionner ?

Claude Goasguen : Je crois qu’il faut leur demander à chacun de prendre une position qui soit plus conforme à la réalité démocratique ; en tout cas de ne rien céder au Front national.

RTL : Dans ceux qui ont fait bouger les situations acquises, il y a Charles Pasqua, récemment, à propos des sans-papiers. Vous avez réagi très vite et très vigoureusement. Parce que ce n’était pas son rôle de dire ça ?

Claude Goasguen : Je crois qu’il a complètement déstabilisé une partie de notre électorat d’ailleurs par cette position, qui est une position qui, de sa part, est assez iconoclaste. On n’a pas très bien compris ; je ne sais pas s’il a voulu faire un coup politique, mais il est raté.

RTL : Il a des arguments sur la difficulté de…

Claude Goasguen : Je voudrais dire en tout cas que la position de Charles Pasqua est une position individuelle, et que nous ne la partageons absolument pas, quel que soit le courant de l’opposition. Il a quelques arguments – il y a toujours de bons arguments –, mais qu’il laisse Monsieur Chevènement faire son travail. Et Monsieur Chevènement s’est embarqué dans une affaire dont il n’arrive pas à se dépêtrer. Monsieur Chevènement n’avait qu’à prendre ses responsabilités. Le gouvernement socialiste essaye de nous amener en réalité, à nous leurrer, sur la question des sans-papiers. Ce n’est pas à Monsieur Pasqua de leur donner un coup de main. On n’a pas bien compris. Vous savez, l’opposition ça ne signifie pas : aider systématiquement le gouvernement. Ça signifie aussi savoir montrer que nous sommes opposés.

RTL : Un mot pour finir : demain, en conseil des ministres, seront examinées les parties recettes du budget, la fiscalité. Dans le contexte économique actuel, quelle serait la meilleure mesure à prendre ?

Claude Goasguen : Diminuer les dépenses publiques et engager des réformes fondamentales, et notamment la réforme de l’État. Et diminuer, si possible, les obstacles en France à la création d’entreprises et au développement des entreprises. Faire de l’emploi, et non pas gêner la création d’emplois.

RTL : Et donc vous attendez le gouvernement au tournant ?

Claude Goasguen : Nous l’attendons fermement lors du débat sur la loi de finance.

France 2 le mercredi 22 juillet 1998

RTL : Le gouvernement présente ce matin une partie de son budget, avec, comme mesure principale annoncée, la baisse de la taxe professionnelle. Une bonne nouvelle pour les entreprises ?

Claude Goasguen : Un mot général : un budget, cela se fait en fonction de la situation économique. La situation économique, cette année, est bonne, puisque nous faisons de la croissance. Si elle est bonne, cela veut dire que, normalement, l’État va gagner de l’argent, probablement entre 50 et 60 milliards de francs supplémentaires. On aurait pu s’attendre cette année à ce que l’État envisage de grandes réformes et surtout diminue peut-être l’impôt. Par rapport aux 55 milliards ou 60 milliards qu’il va recevoir, l’État ne fait pas beaucoup d’efforts ; il fait un budget de facilité.

RTL : Mais il y a quand même cette baisse de la taxe professionnelle : c’est la première fois !

Claude Goasguen : Le problème, c’est de savoir qui va payer la taxe professionnelle. Est-ce que l’État va compenser la baisse de la taxe professionnelle ? Il est sûr que la taxe professionnelle va permettre, je pense, dans trois-quatre ans, l’emploi ; il est sûr qu’il faut réformer l’assiette de la taxe professionnelle. Mais encore faut-il que le gouvernement – il nous le dira peut-être tout à l’heure – nous dise qui compense. Est-ce l’État qui compense les collectivités locales ? Si on ne la compense pas, cela signifie que les collectivités locales vont être obligées d’augmenter les impôts locaux, ce qui, finalement, pour le contribuable sera une affaire plutôt négative, parce qu’ils auront le sentiment qu’on augmente leur impôt ; ils n’iront pas jusqu’à chercher qui ne paye plus d’impôts.

RTL : Ce budget contient également les déficits dans les 3 % du traité de Maastricht. Est-ce suffisant ?

Claude Goasguen : Non. Je crois qu’avec une situation de croissance, peut-être exceptionnelle – je ne le souhaite pas, mais il n’est pas sûr du tout que la croissance soit au rendez-vous l’année prochaine –, le gouvernement aurait dû aborder des réformes de profondeur. Notamment, il serait peut-être temps d’aborder la question de la réforme des déficits publics. La France est un pays qui dépense trop en matière publique par rapport à ses voisins européens. Là, on a de l’argent en plus, on aurait pu faire des économies sur le budget de l’État. Non seulement ce n’est pas le cas, mais les dépenses de l’État vont augmenter vraisemblablement, et le gouvernement va nous le dire dans quelques jours. Je trouve que ce n’est pas très raisonnable. On avait de l’argent, on avait des possibilités : le gouvernement choisit la facilité, choisit le court terme et ne choisit pas l’avenir et les réformes qui sont nécessaires pour la France. Je rappelle que si nous avons été dans les critères de Maastricht, la Cour des comptes vient de rappeler que c’est grâce à une avance en trésorerie de France Télécom de 37 milliards. Par conséquent, ce qui est présenté souvent comme un exploit par le ministre des finances, c’est quand même une opération de trésorerie !

RTL : C’est quand même la première fois depuis 1992 que les prélèvements obligatoires vont baisser, même si ce n’est que très légèrement.

Claude Goasguen : Je vous ai donné la réponse tout à l’heure : c’est la première fois que nous avons une croissance de 3 %. L’État gagne beaucoup d’argent : on aurait espéré que la politique se transforme, c’est-à-dire que non seulement les impôts soient stabilisés, mais qu’ils baissent et que l’État fasse des économies.

RTL : Vous êtes conseiller municipal de Paris ; avec Jacques Toubon, vous étiez à la pointe de la fronde contre le maire de Paris avec le groupe Paris. Qu’en est-il de ce groupe ?

Claude Goasguen : Je souhaite, comme tous les Parisiens, que cette affaire se stabilise, que Jean Tiberi et Jacques Toubon ne tombent pas dans les querelles personnelles, et que nous puissions, au sein de plusieurs groupes de la municipalité, donner à la ville de Paris un nouvel impact.

RTL : Vous pensez que c’était une querelle personnelle ?

Claude Goasguen : Non, mais la médiatisation a fait que d’une manière un peu arbitraire – et ce n’est pas la volonté de Jacques Toubon –, on a fait passer cette affaire comme une affaire personnelle. En réalité, c’était un problème politique grave. C’est toujours un problème grave. Je crois qu’il faut moderniser la politique parisienne. Il faut donner un nouvel élan à la ville de Paris. La constitution du groupe Paris a donné d’ores-et-déjà des résultats. Les concertations se font mieux ; les consultations préalables, budgétaires notamment, parce que la ville a un budget, se font. Je crois qu’on a apporté un peu de modernité, de proximité.

RTL : Lorsque vous parlez de nouvel élan, est-ce que cela veut dire qu’il faut que Jean Tiberi parte ?

Claude Goasguen : Pas du tout. D’ailleurs, il n’a jamais été question que Jean Tiberi parte. C’est une nouvelle politique qu’il faut.

RTL : Vous êtes vice-président de Démocratie libérale. On a l’impression d’entendre un peu moins l’opposition ces temps-ci ; le groupe Alliance n’a pas l’air de démarrer très fort.

Claude Goasguen : L’Alliance, vous voulez dire. Il faudra que l’année prochaine soit non plus l’année de l’opposition, mais l’année de la proposition d’un programme. Désormais, il faut préparer l’alternance ; elle sera dans quelques années, car la démocratie, c’est l’alternance. Actuellement, nous n’avons pas de projet. Ce projet, il faudra qu’il soit différent de ce que nous avons fait entre 1995 et 1997.

RTL : Cela veut dire que l’opposition est en panne d’idées ?

Claude Goasguen : Pas du tout. Cela veut dire que l’opposition doit se mettre d’accord pour proposer aux Français une alternance démocratique en faisant un projet. Ce projet, nous allons le commencer en septembre.

RTL : Que pensez-vous de la proposition de Patrick Devedjian – je résume – qui dit : « L’opposition, c’est tous derrière Chirac ! » ?

Claude Goasguen : Je crois que c’était une boutade de la part de Patrick Devedjian, mais il est bien clair que le président de la République est le premier d’entre nous. Mais il est en même temps le premier des Français. Quelquefois, cela pose quelques problèmes. Mais il est clair que l’opposition ne peut absolument pas entrer en conflit avec le président de la République.