Texte intégral
Chers amis, chers camarades,
Nous commençons tous à nous sentir mieux. La séquence précédente, celle qui avait commencé aux États généraux, s'était poursuivie au Congrès, puis aux Assises de la transformation sociale et à la Convention pour l'emploi, cette séquence, donc, nous avait donné des raisons d'espérer faire, dans le rassemblement, une partie du chemin. Mais aussi longtemps que les Français eux- mêmes n'étaient pas appelé à donner leur sentiment, nous ne pouvions pas savoir avec certitude si nos efforts étaient perçus et compris.
Désormais nous le savons, et quel encouragement à continuer ! Claude Bartolone a fait le bilan détaillé des cantonales, et il est très éclairant. Mais nous en connaissions tous au moins un enseignement principal :la défaite annoncée, jugée pratiquement inévitable, a laissé la place à des résultats beaucoup plus favorables qui, jugés à cette lumière, prennent des allures de victoire relative.
Je songe bien sûr aux quatre départements que nous avons conquis ou reconquis et, en votre nom à tous, je suis heureux de féliciter et de remercier nos camarades de la Dordogne, de la Gironde, de la Réunion et de la Guadeloupe.
Je songe aussi à ces départements qu'on disait menacés, et qui l'étaient effectivement sur le papier, mais le papier n'enregistre pas la combativité militante. Bravo, donc à nos amis des Côtes d'Armor, de la Nièvre, du Tarn et à bien d'autres encore.
Mais je songe aussi à ces dizaines de cantons gagnés ou conservés dans des conditions toujours difficiles. Et même si, en politique, seule la victoire est belle, il y a eu nombre de défaites à un cheveu, à un souffle, qui laissent bien augurer de combats futurs.
Ces résultats, que nul n'aurait osé pronostiquer voilà seulement dix jours, nous les devons à la fois au militantisme retrouvé, au poids personnel d'élus bien implantés, et au fait que le Parti, collectivement, a su donner de lui-même une image à nouveau rassemblée et ouverte. Et cela a contribué tant au score de nos candidats au premier tour qu'à la qualité des reports de voix au sein de la gauche au second.
Voilà donc autant de signes d'espérance, autant d'incitations à poursuivre nos efforts. Deux ombres subsistent néanmoins à ce tableau. La première est celle du chemin qui reste à parcourir. Il est important, nous le savons tous, et nous ne risquons certes pas de nous endormir sur quelque laurier que ce soit. La deuxième ombre que je relève, c'est pour dire que ces résultats ne doivent pas tout à notre seul mérite. Nous avons en effet bénéficié d'un puissant renfort qui ne nous est pas toujours acquis : je veux parler bien sûr des erreurs magistrales du gouvernement.
L'abrogation de la loi Falloux avait déjà provoqué un réveil. Le CIP a provoqué un ébranlement.
Le gouvernement, aujourd'hui, n'a pas d'autre choix que de l'abandonner. D'abord parce que personne n'en veut. Mais aussi parce que cette mesure était mauvaise dans son principe même, dévalorisant les diplômes des jeunes et évinçant de l'entreprise les salariés plus âgés. Le SMIC-jeune est mort-né. Dont acte. Reste à en obtenir le retrait formel.
Mais la gêne du gouvernement a été mauvaise conseillère. Plutôt que de bricoler des propositions comme celle de l'ANPE-jeunes totalement inacceptable, alors qu'il existe des programmes d'insertion qui fonctionnent, il aurait fallu être plus net et plus clair dès dimanche soir puis poser le problème dans ses termes réels.
Ne faisons pas semblant d'attendre des États Généraux de la jeunesse pour dresser un constat et inventer des solutions. Ce dialogue peut être précieux, il est toujours utile, mais que le gouvernement vienne avec des propositions, qu'il ose associer à ce débat les forces sociales représentatives et les partis d'opposition. La cause de l'emploi des jeunes, en effet, est suffisamment importante pour que toute la Nation prenne part au débat.
Ce sont les termes d'un véritable contrat social qu'il faut définir entre tous les Français.
Les origines du chômage des jeunes sont connues : une démographie plus nombreuse que dans les autres pays comparables ; une formation insuffisante dans l'entreprise et que le patronat favorise beaucoup plus dans des colloques que dans des décisions concrètes. Et, surtout, un comportement malthusien de la plupart des entreprises qui, désormais, ont quasiment peur d'embaucher et privilégient l'investissement en équipements plutôt qu'en emploi.
Alors, bien sûr, le résultat est ce chômage récurrent des jeunes. Et il durera aussi longtemps qu'une réponse satisfaisante n'aura pas été apportée à deux questions. Premièrement, comment les entreprises peuvent-elles embaucher plus de jeunes ? Deuxièmement, comment pallier le manque d'expérience professionnelle ? Évidemment, à cela nous avons réfléchi. A ces questions nous pouvons proposer des réponses.
Pour favoriser l'embauche des jeunes, nul ne peut songer à telle ou telle variante du CIP. Le problème doit être pris dans son ensemble. Retenons-en les perspectives essentielles sans reprendre ici le détail de nos travaux précédents. D'abord agir pour favoriser la croissance. Ensuite, engager la réduction du temps de travail. Enfin, freiner la précarité du travail proposé avec des « contrats-minute » et donner au contraire une durée réelle, trois à cinq ans, au jeune qui, à l'issue de ce temps, soit est maintenu dans l'entreprise, soit bénéficié d'un contrat d'adaptation et d'orientation. Sur de telles bases peut parfaitement s'organiser la solidarité entre les générations.
Quant à l'expérience professionnelle, rappelons qu'il y a deux manières de l'acquérir : soit avant l'embauche, soit après. Avant, il s'agit alors de la formation par alternance qui, aujourd'hui, me paraît sensiblement plus adapté que l'apprentissage. L'alternance a fait de réels progrès, mais ses insuffisances lui viennent des réticences des entreprises qu'il faudra bien réduire ou surmonter. Après l'embauche, avec un contrat de travail, il ne peut en aucun cas s'agir de pratiquer des discriminations salariales ; gardons le principe clef : à travail égal, salaire égal.
Mais dans les deux cas l'allègement des charges sociales doit être important, et donc incitatif, pour les entreprises qui acceptent la formation par alternance et la conclusion de réels contrats de travail.
Disons-le très clairement : la clef de l'embauche des jeunes, c'est l'inversion du rapport entre coût du travail et coût du capital. Ce rapport est aujourd'hui très défavorable au travail et cela ne peut plus durer. Je crois que nous devons envisager une fiscalisation complète des charges sociales pour les emplois non qualifiés, en échange de contreparties solides et durables en termes d'emploi. Tout cela s'inscrit évidemment dans un plan d'ensemble que nous présenterons dans le débat national.
Respecter la jeunesse, écouter son appel, construire un espoir, le mieux que les socialistes aient à faire est bien de prendre à bras le corps le problème de l'emploi qui conditionne tous les autres.
La campagne européenne qui s'ouvre va nous offrir bien des occasions de développer ces thèmes.
Parce que nos convictions européennes sont intactes, nous savons, et nous dirons, que beaucoup de nos difficultés trouveront des solutions d'autant plus efficaces qu'elles auront une dimension européenne.
Mais parce que les clivages qui existent, dans chaque pays, entre droite et gauche, ne disparaissent pas par miracle en s'élevant au niveau européen, nous dirons également qu'il y a Europe et Europe, et que celle que nous voulons, l'Europe solidaire, est bien différente de celle qu'ébauche la pensée strictement libérale.
L'Europe solidaire, c'est celle qui, choisissant ses priorités, et les choisissant sociales et protectrices, se donnera les moyens de favoriser le retour de la croissance.
C'est évidemment la proposition de nouvelle donne, de New deal, que nous devons mettre en avant. Qu'un vaste emprunt européen permette des investissements d'avenir, créateurs d'emplois immédiats et stimulants l'activité économique générale.
Mais c'est aussi l'émergence d'une véritable puissance publique européenne, capable d'exercer une volonté et non pas, simplement, de traquer et combattre toute initiative publique. La justice sociale n'est jamais naturelle. Elle est le fruit d'un combat. Elle est le produit de règles. Ce combat, toutes les forces sociales européennes sont prêtes à le livrer. Ces règles, c'est une puissance publique européenne ouverte aux idées de la gauche qui doit les édicter.
Enfin, l'Europe doit aussi offrir à sa jeunesse des perspectives plus exaltantes que celles d'un empilage de directives. Elle en a les moyens. Il suffit qu'elle en ait la volonté.
Je ne développerai pas plus aujourd'hui ce qui fera l'objet de notre prochaine convention. Mais l'Europe solidaire recouvre évidemment toutes les facettes nécessaires : solidaire à l'intérieur et à l'extérieur, solidaire entre générations, entre pays, entre régions. Cette Europe-là est à bâtir et l'enjeu en vaut la peine.
Pour défendre ces idées et pour les enrichir, nos candidats vont se battre, et j'en viens donc à la liste.
Vous le savez, je n'ai jamais été un très chaud partisan de la proportionnelle. Et ce ne sont pas les moments passés à mettre au point ma proposition qui m'auront fait changer d'avis !
Entre les souhaits légitimes des uns, les revendications formelles des autres, et la cordialité qui me lie à pratiquement tous, l'arbitrage est difficile. Il n'est jamais très simple de faire entrer un édredon dans une valise trop petite. Mais l'exercice devient cruel lorsqu'au lieu d'un édredon il s'agit de femmes et d'hommes, de camarades toujours et d'amis très souvent.
La liste que je vais vous soumettre est conforme aux engagements que j'avais pris devant vous au Congrès.
La liste est composée à parité et en stricte alternance de femmes et d'hommes. Ce n'est plus un slogan, c'est une réalité et je crois que nous pourrons être fiers d'avoir franchi cette étape nécessaire et décisive.
La liste est ouverte et montre la volonté des socialistes de travailler avec ceux qui, tout en étant différents, ont des valeurs qui enrichissent tous nos combats communs. Bernard Kouchner y sera donc présent, non pas sous la forme du ralliement d'une personnalité, mais bien sous celle d'une ouverture plus large à des candidats, assez nombreux pour marquer notre volonté, assez divers pour nous enrichir d'expérience différentes des nôtres, mais assez homogènes pour que soit claire la communauté de nos valeurs.
Alors, bien sûr, cette double contrainte choisie – la parité hommes/femmes et la volonté d'ouverture – a rendu plus difficile encore l'élaboration de la liste. Elle ne peut retenir tous ceux qui aspiraient à y figurer, ni même tous ceux qui le méritaient évidemment. Et ceux qui n'y figurent pas auront toutes les raisons de la trouver critiquable.